Dietsche Warande. Jaargang 6
(1864)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’.
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I. | Les fables de St Cyrille le Philosophe, en néerlandais des XIVe et XVIIe siècles. I. |
II. | Les églises de l'architecte Pierre-Joseph-Hubert Cuypers. I. |
III. | Du symbolisme liturgique des fleurs. |
IV. | Triptyque tumulaire de la première moitié du XVIe siècle. |
V. | Notes généalogiques, relatives à Daniel Heinsius et à Joost vanden Vondel. |
VI. | Pièces authentiques concernant le béguinage de Bois-le-duc. |
VII. | A propos des expositions de tableaux de la Haye et d'Utrecht, en 1861. |
VIII. | Vandalisme. XXVII. |
IX. | Bibliographie. |
X. | Mélanges. |
DEls sont les titres des articles et des séries de petites notices, dont se compose la seconde livraison du sixième volume de notre revue. Il doit être un travail bien fastidieux pour un amphitryon de dresser le ‘menu’ de sa propre table; du moins si en gastronomie se reproduisent les phénomènes que nous observons en littérature. Ajoutez à cela qu'à défaut de mains collaboratrices nous avons, pour les ‘grandes sauces’, ordinairement à payer de notre personne. Pardon, de la comparaison de mauvais goût! S'il y avait un autre qui pût ou voulût se charger de faire le petit catalogue en question - nous consentirions volontiers à faire preuve de plus d'activité encore dans l'élaboration des pierres dont se compose notre bâtisse périodique. Hélas! son caractère de périodicité lui-même tend à s'effacer - tellement nous sommes encombré de travaux qui entravent la marche de notre revue. Que nos amis ne nous en veuillent pas trop; nous ne mangeons pas notre pain dans l'oisiveté. Voici un petit brin d'apologie. M. Busken Huet, un de nos plus spirituels littérateurs, mais qui, lui aussi, représente un ensemble d'idées et d'aspirations, qui bien
souvent excitent notre verve antagoniste, a donné pendant l'hiver, et a continué jusque dans le printemps, une série de lectures sur l'histoire littéraire des derniers jours du XVIIIe siècle, que nous avons tenu à coeur de suivre et de critiquer. Voilà pour un volume de 108 pages. En attendant, cette grande et belle figure de Gaëte - cette reine, héroïne de tendresse conjugale et de conscience dynastique - nous est apparue et nous avons dû obéir à la voix de notre coeur, qui nous disait qu'il serait bon que la harpe néerlandaise associât ses modestes sons aux accents d'admiration de tous les coeurs honnêtes dans notre vieille et noble Europe. Voilà pour une brochure en vers néerlandais et, en partie, en prose française. Troisième événement: les inondations. D'autres que nous chanteraient les inondés, le sauvetage, le roi s'acquérant, par sa bonté, des sympathies là même où jusqu'ici on ne lui avait voué que le respect qu'on doit au souverain. Mais par un acte de haut devouement et d'amour de leur cause artistique (qui est la nôtre) les peintres anversois Guffens et Swerts avaient exposé leurs cartons dans notre capitale, au profit des infortunés frappés par la grande catastrophe: occasion unique de fixer l'attention de notre public sur ces remarquales travaux, sur le mouvement social qu'ils représentent dans le monde du beau: autre brochure de 24 pages. Puis est venu l'affaire du Vandalisme, s'attaquant à notre plus belle construction de l'architecture civile du XIIIe siècle: l'épée de Damocle suspendue au-dessus du palais du roi des Romains Guillaume II. Il y avait une douzaine de folles prétentions, d'allégations inexactes à combattre et, si s'était possible, à mettre à néant. Nous ne savons si nous avons réussi à établir la conviction publique, par rapport à cet intérêt d'histoire et d'esthétique, sur les seules véritables bases: mais si le palais sera entièrement mis à-bas et si l'on construira en place les trois nefs en fonte, projetées par M. Rose, ce ne sera pas faute de réclamations claires et positives. Voilà, mes amis, pourquoi il n'est paru qu'une seule et première livraison du VIe volume de la ‘Warande’ dans l'an de grâce 1861.
Nous vous devions cette explication; pour vous prouver que nous ne désertons pas la bannière commune.
Enfin, voici la seconde livraison. Vous y trouverez un excellent travail de M. James Weale, sur le Symbolisme liturgique des fleurs au moyen-âge. C'est un premier essai; mais c'est un coup de maître. Nous nous sommes servi de l'occasion où nous nous trouvâmes placé de traduire cet article en Néerlandais, pour y ajouter quelques consi-
dérations sur les noms sacrés des fleurs, particulièrement propres à notre patrie.
M. l'abbé Carnel, l'archéologue éclairé et plein de goût qui habite Lille - la ville qui possède actuellement l'éminent musicologue De Coussemaker, dont nous aurons à vous entretenir très prochainement - M. Carnel nous a fourni quelques précieux renseignements relativement à un triptyque extrêmement intéressant qui jadis existait dans la collégiale de St Pierre à Lille et dont nous avions eu la bonne fortune de découvrir une gravure, c'est à dire la planche de cuivre in natura, représentant un des travaux les plus importants du graveur Jacques Harrewijn, qui appartient à la fin du XVIIe siècle.
MM. Van Hasselt et Van Vloten nous communiquèrent des renseignements généalogiques sur les familles des poëtes Daniel Heins, qui s'intitulait le Theocrite gantois, et Joost Vanden Vondel qu'on a nommé le eygne de Cologne ou le cygne agrippin. M.J. de Busco nous apporta son contingent à une prochaine monographie du béguinage de Bois-le-duc. L'histoire des béguinages néerlandais - de tant d'autres choses essentiellement néerlandaises - reste à faire.
Enfin nous nous sommes occupé, dans la même livraison de la revue, d'une petite étude sur les apologues moraux de St Cyrille et sur trois éditions néerlandaises de ces fables pleines de sel et de couleur, dues au savant Balthasar Corder (édition latine), au P. Oliverius à S. Anastasio, carme déchaussé qui, dans le monde, s'appelait De Crocq, et à un excellent anonyme de l'an 1400. Ces deux dernières éditions sont des traductions néerlandaises.
Dans un autre article nous avons dit deux mots touchant les expositions de tableaux de La Haye et d'Utrecht et surtout relativement à certain renvoi de médailles au gouvernement de la part du jury dans la dernière de ces villes.
Enfin nous avons commencé un travail de quelque étendue sur les églises en voie de construction d'après les plans et modèles et sous
la présidence de notre beau-frère M.P. Cuypers de Ruremonde. Nous avons la ferme conviction qu'avec le plus simple effet architectonique, provenant de sa sévère application des seuls véritables principes, avec le moindre fragment de ses créations, moitié matière, moitié souffle du St Esprit, il fera plus de bien à l'appréciation de nos vérités et nous gagnera plus d'adhérents, que nous, simples théoriciens, par un millier de pages. Que sera-t-il donc, si, sur notre indication, ou voudra bien vouer quelques heures d'étude aux nombreuses églises, dont notre architecte, quoique jeune encore, a entrepris la construction? On apprendra par lui que rien n'est plus faux que l'accusation de monotonie, dont on aime à frapper le style gothique; on comprendra combien ce style est viable, susceptible de toute espèce de développement, et combien à cet art doit s'appliquer l'heureuse qualification par laquelle notre ami M. Reichensperger traduit un des principes fondamentaux de notre esthétique très chrétienne, mais avant tout rationnelle: nata non facta. L'église, dont nous avons commencé la description, est située dans le Nord-Brabant, au doyenné de Vechel. En voici le plan et la coupe, dressés sur une échelle de 2 millimètres.
Pour l'art monumental il commence à s'ouvrir une nouvelle perspective bien consolante. C'est un des excellents résultats des solennités artistiques d'Anvers, de nous avoir dévoilé cet avenir. Nous en avons dit un mot dans nos Mélanges. Nous regrettons de n'avoir pu le faire sans mentionner quelques-unes des irrégularités qui se sont présentées dans la forme des débats au congrès. Le congrès, dans son ensemble, il faut bien le dire, a été une disparate dans les harmonies splendides des fêtes de la noble ville d'Anvers. Ce qui n'empêche pas - hâtons-nous de le dire - que la bonne cause soit redevable de plus d'un triomphe à ce même congrès, mal conçu et mal conduit.
Qu'on se figure une assemblée composée, pour les deux tiers, pour la moitié au moins, d'artistes allemands qui, à de rares exceptions près, ne parlent pas le français et qui, la plupart, n'ont aucune habitude de suivre des débats, ouverts dans cette langue. Qu'on ajoute à cette réunion bon nombre de Flamands et de Hollandais, et qu'on la complète par une quarantaine de Français et d'Anglais, qui ne savent pas un mot d'Allemand et qui, pourtant, sont condamnés à écouter des objections qu'on leur fait dans l'idiome de Munich et de BerlinGa naar voetnoot1. Comme il va sans dire, ç'a été le langage parisien
(quoique bien mal parlé par quelques-uns des orateurs) qui a eu le dessus. Il est vrai qu'au moyen de traducteurs-improvisateurs et de rapporteurs, quelquefois improvisateurs aussi, on a tâché de remédier à ce grave inconvénient. Mais tantôt il s'est vu que le traducteur n'a pas trouvé en allemand le vrai mot correspondant au texte français - pas même pour les conclusions à voter; tantôt la difficulté de l'assimilation des formes qu'avaient revêtues les opinions les plus contraires a rendu les rapports des sections presqu'aussi difficiles que la quadrature du cercle. Ce jugement ne saurait s'appliquer au travail du rapporteur de la seconde section, M. le professeur Wagener de Gand, qui s'est acquitté de sa tâche avec une logique, un complet et une lucidité vraiment surprenante - quoique, mais cela ne tient pas aux divergences des langues, les ‘moyen-âgistes’ se soient plaints, non sans droit, que par la séparation en sections on leur ait privé de l'occasion de se prononcer personnellement face à face avec le congrès et le nombreux auditoire accouru de la ville.
Du reste, il nous coûte de le dire, la marche irrégulière des débats ne saurait être imputée uniquement au caractère polyglotte de l'assemblée, ni à un manque de savoir-faire du bureau. Voici ce qui mérite d'être relevé et ce qui pourra faire juger de l'esprit qui a présidé à cette libre réunion d'artistes et de gens de lettres.
Dans les termes les plus loyaux le programme avait décrété, pour chaque doctrine, pour toute opinion, pour toute pensée artistique, une entière liberté de se produire dans la forme qu'elle choisirait à sa guise; sans privilége pour aucun système ou tendance de religion ou de philosophie.
Trois membres du congrès demandent, dès l'ouverture de la séance publique, que l'ordre des matières à discuter soit interverti, de manière que l'on commence tout d'abord par les questions philosophiques, avant de procéder aux questions matérielles. Après quelques récalcitrations de la part du bureau, un des membres (M. Hügelmann) retire sa proposition, mais les propositions des deux autres membres (MM. Madier-Montjau et Alberdingk Thijm) ne sont pas retirées. Je ne sais comment, en cas pareil, on aurait fait en France - mais en Hollande le président aurait demandé si ces membres désiraient qu'on consultât l'assemblée par rapport à leur motion. A Anvers on n'a pas songé un instant à la convenance de cette mesure et le bureau a décrété que le règlement, tel qu'il était rédigé, serait mis en exécution.
Par suite de cette sentence, les dames et le reste de l'auditoire ont été de suite renvoyés, après avoir assisté à l'intéressante nomination des membres du bureau! Pour le coup - ceci n'aurait pas eu lieu en France.
Le congrès, à peine assemblé, s'est donc provisoirement dissout en trois sections: une section pour les intérêts matériels; une autre section pour les intérêts (par excellence) artistiques; une troisième pour les intérêts qu'on a nommés, plus particulièrement, philosophiques. Ces sections, naturellement, se sont assemblées en différentes localités. Le règlement portait que tel membre, qui s'était fait inscrire pour une section spéciale, néanmoins avait le droit d'assister aux travaux des autres sections: une permission libérale qui, au jugement de quelques-uns, n'aurait eu du prix qu'à condition que le moyen eût été découvert de se trouver à la fois en deux ou trois endroits différents. Maintenant - grâce à une nature humaine, hélas, fort incomplète, qui possède aussi peu l'ubiquité des esprits purs que le don apostolique des langues, - chaque membre a dû suivre les travaux de la section à laquelle il appartenait.
Pourtant, quand la première section a fait connaître les traits principaux du rapport qui résumerait les opinions émises relativement à la question de la propriété artistique et littéraire, il s'est trouvé des membres de la seconde section qui n'ont pas pu se rallier aux conclusions, auxquelles la première en voulait venir. Ces membres (MM. Reichensperger et Alberdingk Thijm) ont à cet effet demandé la parole. Au premier elle a été promise expressément et à deux reprises; mais voilà qu'au milieu du débat le ministre M. Rogier se rend à la tribune, quand c'était le tour à l'orateur allemand de parler, et que M. Rogier entretient l'assemblée, pendant une demie-heure, de matières très intéressantes certainement, mais tout-à-fait étrangères à la question: et la moitié du congrès d'applaudir et le président en fonction tout le premier, quoique le président d'honneur, M. Rogier, eût eu, lui-même, la bonté de constater que son collègue aurait dû le rappeler à l'ordre! Alors, d'après l'opinion du bureau, il était temps de clore la séance. La plus simple politesse aurait enjoint au président de consulter l'assemblée, pour savoir si elle voulait voir se continuer, ou plutôt se reprendre, les discussions, - si elle voulait entendre M. Aug. Reichensperger. A Berlin, quand M. Reichensperger prend la parole on a l'habitude d'écouter, et on s'en félicite toujours; car il possède à un degré éminent le tact d'intéresser même ses plus francs adversaires. A Anvers, peut-
être, l'assemblée aurait fait preuve d'un égal degré de bon sens; mais le président ne l'a pas consultée.
Quand la première section avait formulé nettement ses conclusions, le second des membres nommés ci-dessus a pris la parole et a fait connaître son intention de traiter le principe de la question. Le premier article des conclusions de la première section était rédigée comme suit:
1. ‘L'artiste qui a créé une oeuvre d'art quelconque a seul le droit d'en autoriser la réproduction, soit par des procédés semblables à ceux qu'il a employés, soit par des procédés différents.
‘A moins de stipulation contraire, il conserve ce droit même après la vente de son oeuvre.’
Cette question, avons-nous dit, est dans un rapport immédiat avec la théorie de la liberté. Il est vraiment curieux qu'à une époque où le libre échange est à l'ordre du jour et perce de plus en plus comme principe dans les législations (ce qui ne préjudicie aucunément à de sages exceptions), on semble vouloir toujours alourdir davantage les chaînes que les libéraux forgent à la pensée. Il n'y a certainement rien qui échappe plus naturellement à la quarantaine qu'on veut lui imposer que l'idée - l'idée reveêtue de telle ou telle forme qui lui est propre. Si vous voulez done que l'idée marche, si vous voulez le progrès, au moyen de la communication et de la procréation des idées, il ne faut pas en entraver le mouvement. C'est un attentat contre la liberté.
Or, la liberté c'est la condition du progrès de nos jours; puisque le progrès n'est que dans le combat, et que le combat loyal doit avoir la liberté pour champ de bataille.
Cette liberté je l'aime tant, que j'en respecte même, jusqu'à un certain point, les excès, et que je n'ai pas protesté, quand, devant les hôtes de la ville d'Anvers, on en a proclamé Guillaume le Taciturne et Marnix les apôtresGa naar voetnoot1....
Voilà à-peu-près où nous en étions quand le président du congrès a trouvé bon de nous rappeler à l'ordre. Il paraît que le président, et ceux qui étaient avec lui, n'aiment pas à entendre prononcer le nom de Guillaume d'Orange et de Marnix, du moment qu'il s'agit de mettre des conditions à leur apothéose.
Pourtant, traitant de la liberté (méconnue par la conclusion de la première section) nous avions bien raison de distinguer la bonne, la
véritable liberté de celle pour laquelle on louait Guillaume le Taciturne; puisque cet excellent diplomate signa, le 20 Décembre 1581, le placard de proscription de bon nombre de nos ancêtres, à nous personnellement, et d'un million d'autres bons et fidèles néerlandaisGa naar voetnoot1. Nous aurions bien eu raison de décliner, dans une réunion d'artistes, la responsabilité de louer l'ami intime de Guillaume, le Sire Marnix, le type de l'iconoclasme incarné, celui qui, dans sa ‘Ruche d'abeilles’ (que, malheureusement, on se contente de réimprimer, mais qu'on ne relit guères), foule aux pieds l'iconographie, l'hagiographie, la liturgie, oui, tout le système d'art catholique, que de nos jours on rebâtit à grand' peine et à grands frais (question matérielle - chapeau bas!).
Et cependant nous n'avons pas insisté sur tout cela; ce n'était pas le moment! Mon Dieu, nous le savions mieux que les autres; mais nous ignorions qu'à la tribune du congrès tout ornement, toute comparaison, tout exemple pour élucider une matière, étaient absolument interdits; sur-
tout après le beau discours de M. Rogier, qui n'était pour trois quarts, qu'un tissu de broderies philosophico- et politico-sociales.
Quand nous avons connu le point sensible du président, nous avons repris le fil de notre raisonnement - avec promesse de nous sevrer d'exemples historiques; mais à peine remuions-nous encore un peu le côté des principes (purement philosophiques cette fois) que le président paraissait de nouveau mécontent de notre méthode et insista sur son attestation que nous n'étions pas dans la question. La question, à ce qu'il paraît, était donc purement et simplement de savoir comment beaucoup de peintres réussiraient à gagner beaucoup d'argent, sans qu'il fût question pour cela de beaucoup de talent! Il paraît que c'est à cet intérêt de cuisine qu'on a voulu ravaler la proposition philosophique, sociale et judiciaire touchant le droit d'auteur. Quoi qu'il en soit - le bureau, au lieu de demander à l'assemblée si réellement elle croyait que nous n'étions pas dans la question, a permis que nous quittions la tribune, marqué au front d'une réprobation présidiale, à laquelle, pour notre consolation, manquait la ratification régulière de l'assemblée, qui seule, au dire de certaines bonnes têtes, pût en garantir la validité et eût pu sauver du ridicule la génitrice de cette exécution anti-parlementaire, la peur de la libre parole.
Notre ami, M. De Laet, tout en se ralliant au principe de la propriété artistique, a entrevu les conséquences étranges qui seraient nécessairement déduites du premier article de la conclusion, que nous avons transcrite plus haut. D'après la formule proposée, voici un des résultats pratiques: Un monument, un temple, un palais, est sans aucun doute une oeuvre d'art. Or ‘l'artiste qui l'a créé à seul le droit d'en autoriser la réproduction’. Ce monument, dit M. De Laet, s'élève sur une place, dans une rue. Supposons qu'un peintre de vues de ville veuille reproduire cette place ou cette rue, - il sera obligé de demander à l'architecte l'autorisation de faire figurer son oeuvre dans le tableau.
Après cela, quelles limites assignera-t-on à ce terme ‘oeuvre d'art’? Un meuble de luxe, un meuble sculpté est-ce une oeuvre d'art? Si oui, - et je le crois, continue l'orateur - le peintre qui aura fait l'acquisition d'un tel meuble aura besoin d'une autorisation spéciale de l'ébéniste-artiste s'il veut en faire usage comme modèle pour étoffer son tableauGa naar voetnoot1.
Sur ces considérations vraiment très sensées et d'une simplicité qui devrait leur assurer bon accueil dans les esprits les moins préparés, M. De Laet a fondé un amendement pour le premier article des conclusions de la première section; amendement qui avait évidemment pour but de circonscrire la prohibition de la reproduction dans les limites de la gravure et d'autres procédés de multiplication semblables.
En Hollande on a l'habitude de mettre les amendements aux voix, quand ils sont présentés par des personnes ayant le radical de membre de l'assemblée, et dans la forme requise; au congrès d'Anvers on n'avait pas cette habitude: on entendait les amendements - et on passait outre. C'est du moins ce qui est arrivé à M. De Laet, et c'est entr'autres par suite de l'application de cette manière facile de faire main-basse des opinions de personae ingratae que le congrès en est venu à adopter les conclusions que voici:
1e. L'artiste qui a créé une oeuvre d'art quelconque a seul le droit d'en autoriser la réproduction, soit par des procédés semblables à ceux qu'il a employés, soit par des procédés différents.
A moins de stipulation contraire, il conserve ce droit même après la vente de son oeuvre.
(Le congrès ne se déclare pas sur ce qu'il advient de ce soi-disant droit après la mort de l'artiste. Lui seul en dispose - cela suppose qu'il est en vie. Peut-être pourtant a-t-il, avec le droit, la faculté de substitution sur la tête de ses héritiers? Cela doit être; - car sans cela les scènes déchirantes de veuves et d'orphelins d'artistes sans fortune, qu'on nous a dépeintes au congrès, perdraient leur sens. Mais si cela n'est pas - ou que l'artiste néglige de pourvoir à la substitution, le droit meurt avec lui et à tout jamais il nous reste défendu de copier, de graver, de photographier ses tableaux!)
2e. La loi doit déclarer la reproduction frauduleuse d'une oeuvre d'art un délit.
Ce délit ne peut être poursuivi que sur la plainte de la partie lésée.
(D'après la le conclusion toute reproduction, qui aura été faite sans le consentement de l'artiste, devra donc être regardée comme frauduleuse. Si cela n'est pas le sens, la proposition n'est pas claire - ne donnant pas de définition des termes dont elle est revêtue.)
3e L'apposition d'une fausse signature doit être assimilée au faux en écriture privée.
(A la bonne heure! mais c'est une tout autre matière. Du moment
qu'on veut tromper.... Il parait qu'on a confondu le plagiat et la contrefaçon - et l'un est justement le contraire de l'autre.)
4e Les lois répressives de violation de la propriété artistique doivent être appliquées aux emprunts que l'industrie ferait à l'art.
La 5e proposition n'a pas été mise aux voix. Sur la proposition de M. Vervoort on a adopté les conclusions suivantes:
1e | Le Congrès estime que le principe de la reconnaissance internationale des oeuvres artistiques en faveur de leurs auteurs doit prendre place dans la législation de tous les peuples civilisés; |
2e | Ce principe doit être admis de pays à pays, même en l'absence de réciprocité. |
3e | L'assimilation des artistes étrangers aux artistes nationaux doit être absolue et complète. |
D'après le rapport de M. Waelbroeck, dans les discussions de la 1re section on a distingué le fond des oeuvres d'art, leur idée-mère, de l'oeuvre revêtue de sa forme. Les idées, une fois mises au jour, a-t-on dit, appartiennent à tout le monde; mais l'auteur est propriétaire de la forme: la manière dont il exprime son idée, voilà ce qui lui appartient. Cette distinction, effectivement, a un air de vraisemblance: pourtant au fond, et dans la pratique, elle n'a aucune valeur. Du moment que vous séparez l'idée de sa forme - vous ne pouvez rien en faire. Si, aux visiteurs du Sydenham-palace, vous voulez faire éprouver une sensation à-peu-près semblable à celle du voyageur qui visite les merveilles d'Elora - force vous sera de reproduire, exactement dans les mêmes proportions, les formes intérieures d'un de ces temples indiens. Personne qui a visité les temples de Pesto ne retrouvera les mêmes impressions examinant une copie de ces temples, sculptée en liége ou moulée en papier-mâché. Et notez bien que les défenseurs de la propriété artistique ne permettent même pas la réproduction à une échelle reduite.
Si vous voudrez rendre l'impression produite par la belle méditation de Lamartine, intitulée ‘Bonaparte’, vous aurez beau raconter en prose ce qu'il vous semble que le poëte a voulu dire - vous n'atteindrez pas l'effet du poëme. Vous aurez beau caractériser dans une forme qui soit à vous la différence entre cette pièce et celle d'Auguste Barbier, chantant le même demi-Dieu - l'auditeur ou le lecteur n'y comprendra rien, ne sentira rien des émotions que les deux poëtes ont voulu faire naître, à moins que vous ne mettiez de notables passages des deux poëmes en regard; que vous ne fassiez une notable infraction au droit d'auteur.
Chaque oeuvre d'art se compose de son idée et de sa forme, et si l'oeuvre est bonne, il n'y a qu'une seule forme qui puisse lui aller. Mon Dieu! est-on artiste pour ne pas savoir que l'idée et la forme naissent simultanément et qu'on ne peut pas les détacher l'une de l'autre? Si donc l'artiste veut contribuer à la marche régulière du genre humain, s'il veut coöpérer à ce progrès, dont on nous promet tant de bonheur, - il doit désirer que son oeuvre parle à tous les esprits capables d'en subir l'influence; il doit désirer que sa lumière pénètre partout, et il doit comprendre que son oeuvre une fois publiée est propriété publique. Cette oeuvre doit faire son chemin, et son influence ne doit pas être entravée par la mesure souvent irréalisable de demander à l'artiste la permission de la reproduire. Quand j'ai été à Vienne et que j'ai entendu un opéra et que, me retrouvant au milieu de mes compatriotes, je sens un besoin irrésistible de rendre par les moyens que j'ai à ma disposition les mélodies et les effets d'harmonie, qui à l'étranger, m'ont si vivement impressionné, il ne faut pas que je doive premièrement demander la permission, au magicien qui m'a enchanté, de redire, de copier, de multiplier à la plume, ou à la lettre typographique les chants dont il a comblé, dont il a surchargé mon âme.
Si j'ai admiré la Rebecca de M. Portaels, et qu'une forte envie me prend de rendre au crayon les lignes principales de ce type de rêverie orientale dans sa niche de fleurs et de verdure, - je devrai, premièrement, peut-être, faire une tournée en Syrie ou dans les environs du Caire, pour aller demander à l'artiste-voyageur, s'il sera permis de redire les secrets de sa science de la beauté, de proclamer les vérités qui lui sont si chères!
L'ancien dicton était honos alit artes; on veut la remplacer, à ce qu'il parait, par le pecunia alit artes de nos jours. On a dit, au congrès, que les artistes étaient mineurs, et que pour cela les gouvernements devaients pourvoir à leurs moyens d'existence. Il est vrai, que les véritables artistes ont toute la candeur, toute la franchise, tout le spontané des enfants, et qu'ils sèment leur âme au vent, sans trop savoir si le vent leur rapportera de quoi se soutenir. Mais que voulezvous? C'est le lot de la beauté, de ne pas être l'utile. Ce ne serait pas juste, du reste, qu'un artiste eût ses extases, ses triomphes, son bonheur à nul autre comparable, et que par dessus cela il serait payé matériellement en proportion du bien qu'il fait à l'humanité. Hélas! il y périrait. Honos alit artes; mais la bonne chère, à la longue,
c'est la mort de l'âme. Un artiste c'est un feu, c'est une lumière, cela chauffe, cela éclaire, mais cela se consume. Le beau rôle que vous voulez faire jouer aux artistes que de leur interdire la gloire de se savoir les amants désintéressés de l'éternelle beauté, et, au besoin, les martyrs de la vérité divine! Si c'est un malheur de se consumer pour les autres - cela ne peut aucunément entrainer pour ceux-ci, pour nous, la défense de respirer l'air que parfume l'individualité de l'artiste et de répandre à notre tour le souffle de vie que nous lui empruntons. Ce n'est par pour rien, qu'un artiste a l'avantage, la faculté, le droit de se produire au grand jour et de faire fléchir devant son oeuvre les genoux des puissants de la terre. Comment, on pourrait s'imposer à l'admiration publique, et on aurait le droit, on aurait le pouvoir, de fixer des limites à cette admiration! On pourrait permettre que cette admiration allât jusqu'à l'exclamation, jusqu'au panégyrique, mais non pas jusqu'à la réproduction, jusqu'à la copie. Ah, qu'ils connaissent peu l'impression que fait la divine Beauté, ceux qui pensent que ce n'est pas un besoin impérieux, irrésistible, celui de redire à l'humanité ce que tel ou tel artiste ou poëte a dit dans sa langue à lui; le besoin de copier et de recopier ce que nous aimons à l'excès!
Le poëte, l'artiste, s'il ne consent pas que son oeuvre ressorte du domaine public, ne pourra jamais croire à son apostolat. L'artiste s'il est l'arbre qui à larges branches répand autour de lui les semences, n'aura pas le droit de se plaindre, si en peu d'années il y a tout un bois, toute une végétation, semblable à la sienne.
Mais, me dira-t-on, l'artiste doit vivre. L'artiste n'a-t-il pas le droit de demander à la société qu'elle le paie? Je demande - l'artiste, a-t-il consulté la société, avant de s'emparer d'une si large partie du domaine public? avant d'empiéter sur tant d'intelligences et d'y imprimer la marque de son individualité? Evidemment non! Or, l'artiste n'a aucun droit à faire valoir, - puisque le contrat avec la société n'existe pas. Il faut bien distinguer la relation de l'artiste vis-à-vis de l'acheteur de sa relation vis-à-vis de la société. Il peut se faire payer son oeuvre à tel prix qui bon lui semblera; c'est un accord à faire, mais il ne peut rien stipuler vis-à-vis de la société. En d'autres termes, il ne peut pas empêcher, que son oeuvre ne devienne chose très publique, n'engendre d'autres oeuvres pareille à la sienne, parce qu'avec le public, avec la société, il n'a fait nul accord, et ne pourrait pas le faire - les accords ne se faisant qu'entre des individualités qui ont la conscience d'elles-mêmes; et cela, la société ne l'a pas.
Pourtant je veux que les gouvernements fassent quelque chose pour les artistes et pour les inventeurs, quoiqu'ils ne le fassent pour aucune autre catégorie d'humains: je veux qu'on accorde un droit d'auteur en forme de privilége. Ce n'est pas très raisonnable; mais c'est pratique, et j'y consens. Mais il ne faut pas s'en prévaloir comme d'un droit naturel; il ne faut pas accéder aux conclusions extravagantes du congrès d'Anvers.
Cependant, comme nous avons commencé par le dire: la cause des vrais principes dans l'art a remporté d'insignes triomphes, au milieu des solennités d'Anvers, et par le concours même du congrès. Dans la 3me section ‘aucun membre de la section n'a fait consister l'art dans l'imitation pure et simple de la nature physique. Tous ont été d'accord pour reconnaître une relation intime entre les données philosophiques et les manifestations de l'artGa naar voetnoot1. Il est vrai qu'on a ajouté que la pensée doit, suivant l'opinion de la majorité, n'être pas dictée par une école ou une croyance, et que comme telle on a nommé le Judaïsme et le Christianisme. La majorité a dit que le domaine de l'art serait par trop rétréci s'il n'y aurait que des Juifs ou des Chrétiens pouvant puiser à la source de la pensée. La pensée doit être libre et spontanée.’
Nous ne disconvenons pas que la restriction, établie par la majorité, amoindrit considèrablement l'importance des concessions faites à la tendance spiritualiste. Mais, s'il est vrai qu'un deïste, comme le dit un philosophe catholique, est un homme qui, dans sa courte existence, n'a pas eu le temps de devenir athée, il est tout aussi vrai qu'une école réaliste, qui reprend la tradition spiritualiste, est en voie de se convertir au christianisme. Le réalisme a un peu peur de la Ste Église, et néglige, pour cela, de l'étudier. Au lieu de voir dans l'ensemble des dogmes chrétiens la solution des plus hautes questions relativement à notre passé et à notre avenir, et dans la pratique rien que cette doctrine même, prenant chair et os dans une société, dans un monde moitié esprit, moitié matière, - le réalisme, la philosophie positive, considère les dogmes chrétiens quelque peu comme un luxe, dont on peut s'arranger, ou qu'on peut rejeter, sans que la vie s'en trouve le moins du monde compromise. Cela doit changer. Si ‘l'art est plus que l'imitation simple et pure de la nature physique,’ elle doit exprimer ou représenter quelque chose en dehors de cette nature - nous voilà en plein et excellent spiritualisme: car il faudra que cette
chose surnaturelle jouisse d'une personnalité à elle, ait la conscience de soi. Sans cela, en faisant le portrait de la nature physique, l'art atteindrait son but; ce qui, au dire de la section, n'est pas. Or, si l'esprit existe personnellement en dehors de la nature physique - cet esprit doit s'être manifesté. D'un côté un esprit, indépendant de la matière, d'un autre côté la création matérielle, et celle-ci en soi, comme dans les productions des hommes, l'expression, l'image, l'écho de l'esprit: ce rapport est inadmissible, quand on n'adopte pas le fait d'une révélation directe de cet esprit dans cette matière. Le christianisme, catholique n'est rien que l'histoire de cette révélation et le code des lois qui en sont la conséquence.
Du reste, si nous hésitions à dire que le monothéisme, le christianisme l'ait emporté au congrès d'Anvers, l'immense succès obtenu par le discours de notre honorable ami, M. le professeur Brouwers de Ruremonde, suffirait à placer la majorité du congrès à ce sujet au dessus de tout soupçon désobligeant.
Les résultats les plus positifs ont cependant été réservés pour la seconde section. Là personne n'a songé à contester ‘les beautés de l'architecture ogivaleGa naar voetnoot1’, et c'est en harmonie avec les principes esthétiques et constructives du XIIIe siècle que les conclusions suivantes ont été adoptées par la section et, après, par le congrès en séance publique:
1e | L'alliance de l'architecture, de la sculpture et de la peinture est indispensable à la perfection de l'art monumental. |
2e | L'enseignement des beaux-arts devra être dirigé désormais dans le sens de l'alliance de l'architecture, de la peinture et de la sculpture. |
3e | L'une des réformes à apporter dans l'enseignement des beauxarts doit tendre à faire compléter l'instruction académique par l'instruction magistrale et d'atelierGa naar voetnoot2. |
Nous n'attachons pas la dernière importance à ce que ‘l'illustre assemblée’, dans la salle du Cité à Anvers, se soit ralliée à la profession de foi et aux voeux prononcés dans la section aux travaux de laquelle nous avons eu l'honneur de prendre part. Cette illustre assemblée, en votant l'irréfragable droit de l'artiste de couper les ailes à ses propres idées après leur publication, pourrait bien, à propos de
la ratification de nos thèses, être retombée une seconde fois dans une de ces petites léthargies auxquelles proverbialement on attache le nom du vieil Homère: quandoque bonus dormitat Homerus. Et si tous les membres du congrès, comme orateurs, ne furent pas des Demosthènes, nous ne répondrions pas que la majorité n'eût eu, après tous ces interminables discours, quelque affinité avec le père des poètes grecs.
Nous ne savons s'il tient à cela qu' avec de grandes acclamations on a demandé, au congrès, la lecture de la lettre d'un poëte, tandis que la lettre d'un orateur avait été reléguée au bureau d'une des sections. M. Victor Hugo a bien voulu entretenir notre ‘illustre assemblée’ d'un ‘petit voyage’ qu'il venait de faire, et d'une ‘altération chronique des organes de la voix, contractée, il y a dix ans, dans les débats parlementaires auxquels il avait pris partGa naar voetnoot1). Cette affection,’ continue l'illustre écrivain, ‘un peu aggravée l'hiver dernier par certaines influences atmosphériques, m'interdit en ce moment tout effort de la voix.’ M. Victor Hugo, après avoir dit encore que ‘la propriété des oeuvres littéraires et des oeuvres d'art est plus qu'une propriété; que c'est une création’, et que, pour cela, ‘les législations sont en flagrant délit public et permanent de spoliation’, si elles ignorent ou méconnaissent ‘ces évidences’, prie la commission du congrès d'Anvers ‘d'expliquer au congrès son absence en lui donnant lecture de la présente lettre’.
Tel esprit un peu suranné, un peu imbu des préjugés de feu S.M. Louis XIV relativement au bon goût, aurait pu trouver dans cette lettre et dans cette prière comme une preuve qu'on puisse être un homme de génie (et certes, nous n'entendons pas contester à la poésie de Victor Hugo une très grande supériorité), et pourtant manquer de ce sentiment exquis des convenances, qui n'a pas fait défaut à la lettre du Pe Dechamps, malgré les éloges immérités qu'il donne à l'architecture de S. Pierre au vatican.
Voilà bien un peu le bureau du congrès: Dans les communications épistolaires on fait choix de la lettre de M. Victor Hugo, pour être lue et applaudie en pleine séance; la très belle lettre du Pe Dechamps - qui était un beau morceau d'art oratoire et de théorie d'esthétique est ignorée, ou du moins renvoyée à la section spéciale.
Voilà la tribune, voilà le bureau de ce congrès convoqué de toutes parts, au nom de la liberté, ‘in eene vranke vlaemsche gemeente’.
Nous avons dû faire justice des irrégularités, des injustices, qui ont caractérisé la présidence du congrès d'Anvers; mais nous nous réjouissons des phénomènes consolants qu'il nous a présentés. En général nous pouvons puiser de l'encouragement, de nouvelles forces pour la cause qui a nos sympathies, dans la physionomie de l'assemblée, considérée dans ses expressions définitives. De nobles instincts se sont révélés dans tous les rangs. Nous n'avons garde de méconnaître ce qu'il y a de noble et de courageux, la somme de bonne foi et de bon sens que nous avons trouvé dans l'esprit même de nos plus francs adversaires. Aussi ce n'est pas contre les faicts et gestes de ceux-là que nous avons voulu protester.
Ce ne sont pas non plus, le ciel nous en préserve, les nobles esprits qui ont pris l'initiative de ces fêtes grandioses, sur les généreux efforts desquels nous voudrions en rien jeter un jour défavorable; leur dévouement illimité mérite mieux que cela. Si les circonstances ont amené le ‘premier magistrat de la ville’ à se charger de la conduite des débats du congrès et si, par là, il se trouve responsable des irrégularités dont nous nous sommes plaints, c'est une particularité qui ne doit rien ôter aux éloges et à la reconnaissance qui lui reviennent comme bourgmestre, de la part de ceux qu'il a accueillis dans sa ville avec une urbanité sans exemple.
Les fêtes d'Anvers laisseront de bien profonds, de bien doux souvenirs dans le coeur de tous ceux qui ont pu y prendre part. Que de bonheur, d'accourir de toutes parts dans cette ville, toujours chrétienne, toujours flamande, pour y serrer la main aux anciens et aux nouveaux amis - tous épris de cette grande et bienfaisante manifestation de Dieu, que nous appelons la beauté! Occasion rare, unique, de voir face à face toutes ces individualités d'élite, dont on n'a connu jusqu'ici que le pinceau ou la plume et qu'on voit bien n'avoir jamais sondé, n'avoir jamais aimé comme aujourd'hui, que le son de cette voix, l'éclair de cet oeil interprête les expressions, toujours muettes à certains égards, de la page de peinture ou de composition littéraire.
Honneur, à cette centaine de têtes aux larges et bonnes pensées, à ce millier de bras qui ont concouru à préparer les habits de fête pour la chère ville, où Quinten Massys, l'Albert Dürer du sentiment, a travaillé; où le roi Rubens a remué son sceptre d'or, dont l'attouchement faisait ruisseler la lumière à flots; qui vit naître Van Dijck, malgré sa naissance roturière le gentilhomme de haute race dans la peinture, génie énergique et délicat, qui à lui seul ferait la gloire du
XVIIe siècle, dût-elle périr (ce qui n'est pas) sous la pression de ses modernes détracteurs; la ville enfin de l'imprimeur Plantin.
Oui, oui, nous apprécions la signification de ces solennités. Malgré le cosmopolisme prêché par les programmes - nous comprenons parfaitement que ce n'est pas pour rien, que ce ne sera pas sans résultat, que des centaines de représentants de l'art d'Albert Dürer, d'Alfred Rethel et d'Overbeck ont mis le pied dans cette enceinte flamande. Il est superflu de dire combien nous nous en réjouissons, combien le poëte Dautzenberg a traduit notre pensée dans ses vers allemands-thiois:
Breng bonte dietsche verwenpracht | Bring bunte dietsche Farbenpracht |
Op diepen duitschen moedergrond, | Auf tiefen deutschen Muttergrund, |
Dan is hier op den aarderond | Dann ist hier auf dem Erdenrund |
Het Schoonste schoon tot stand gebracht. | Das Schönste Schön zu Stand gebracht. |
Et que dire de ces familles, qui, à l'envi, ont fait asseoir l'étranger à leur table néerlandaise? La Belgique a prouvé une fois de plus qu'elle est un des rares pays, le seul peut-être, où la vie publique n'à pas emporté les vertus patriarchales, où le coin du feu, foyer de moeurs et de sentiments purs et intimes, n'a pas étouffé l'esprit public et l'énergie nationale. Que l'ange de la paix étende ses ailes sur ces habitations, où l'on a pratiqué avec tant de générosité et de bonne grâce l'oeuvre de l'hospitalité, et que Dieu se révèle toujours de plus près à la bonne et pieuse population d'Anvers.
Septembre.
Jos.-A. Alberdingk Thijm.
- voetnoot1
- Le rapporteur de la 3e section ne s'est pas plaint à tort de cette confusion des langues.
- voetnoot1
- Voir le ‘Nedl. Spectator’, 31 Août, p. 277.
- voetnoot1
- Huit mois plus tard, le 14 Août 1582, le prince assuma le titre et l'autorité de comte de Hollande et de Zélande:
‘Wilhelm, by der Gratie Gods Prince van Orangiën enz. Also de Staten van Holland en Zeland.... ons hebben voorgedragen gehad d'oorsaken en redenen, waer door sylieden bewogen, genoodsaekt en eintelijk besloten waren hen, met allen ondersaten en ingesetenen van den selven, te houden quijte, ontlast en ontslagen van den eed en plicht, daer mede sy voormaels aen den jegenwoordigen Coninck van Hispanien, inder qualité als Grave van Holland, Zeland en Vriesland.... verplicht of verbonden waren geweest.... ons mitsdien ernstelijk versoekende de Graeflijkheid, Hoogheid en Heerlijkheid der voorsz. Landen metten aenkleven te willen aennemen, regeren en administreren, in der qualité naem en eigentlijke tiltre als Grave en Heere der selver Landen.... So ist, dat wy 't voorsz der Staten ernstig versoek in danke nemende, en daer in believende, dien volgens de Landen en Graeffelijkheid enz. aengenomen hebben en aennemen mits desen.
Bor, ‘Nedl. Historien’, T. II, p. 186 (200).
Le 20 Déc. de l'année précédente la haute autorité pourtant lui était déja dévolue (de par la Révolution):
‘Den 20 December 1581 is op den naem van den Prince van Orangien, als hem gedefereert sijnde de hoge Overigheid van Holland, een placcaet geëxpedieert, daer by verboden werd.... eenige Pausselijke exercitie te gebruiken, noch secrete conventiculen of vergaderingen te houden.’
Bor, T. II, p. 293, (L.XVIe p. 47).
‘Ook quam ten selven daege, op den naeme des Prinsen van Oranje, als wien de hooge Overheit was opgedragen, een plakkaet uit, niet alleen verbiedende het drukken en verkopen van alle schandaleuse, ergerlijke, oproerige(!) boekskens nieuwe maeren en gedichten, desgelijks het drukken [in 't algemeen] sonder bewilliging des Magistraets.... maar ook het oeffenen der Pausselijke Religie.... enz.’
Le ministre protestant G. Brandt, ‘Hist. der Reformatie’, T. I, p. 677.
- voetnoot1
- ‘Précurseur’, 23 Août, p. 2, col. 1.
- voetnoot1
- Rapport de M. Adr. Huard, ‘Précurseur,’ 22 Août.
- voetnoot1
- ‘Précurseur’, 23 Août, rapport de M. Wagener.
- voetnoot2
- Le ‘Précurseur,’ en disant que la section avait été d'avis qu'il n'y avait pas lieu d'émettre un vote sur cette troisième question, a voulu parler de la 3me question du programme, mais non pas de la 3me conclusion de la 2me section.
- voetnoot1)
- ‘Précurseur’, 21 Août.