Dietsche Warande. Jaargang 4

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Bulletin bimestriel
de la ‘Dietsche Warande’.
1858. N^o 2.

LA Renaissance chrétienne de l'art néerlandais se prépare et commence à se manifester sous de favorables auspices, dans la contrée même qui depuis des siècles semblait être prédestinée à l'honneur de pareil évènement. Notre patrie a été arrosée de différents cotés par les saintes eaux du baptême. S^t Willibrord nous est venu d'Angleterre, S^t Eloi de France, le grand apôtre des Germains S^t Boniface, après que les plages de la mer du Nord avaient été consacrées par le sang royal de S^t Adelbert, est venu d'Allemagne, pour imbiber du sien et de celui d'une multitude d'âmes vierges le terrain revêche de la nationalité frisonne. Mais toutes ces anciennes scènes hagiographiques forment des histoires récentes, comparées à la légende sacrée de l'introduction du christianisme dans cette partie de la Néerlande qu'on appelle le Limbourg. Le christianisme est tellement ancien dans nos contrées du sud-est qu'on accorde, dans un élan de poésie, le titre de disciple de S^t Pierre au vénérable apôtre des Tongres. Voici la légende: ‘Or S^t Pierre envoya S^t Materne, avec ses compagnons S^t Eucher et S^t Valère, en Allemagne et vers les “bas pays proche de la mer, pour prêcher l'Évangile. Mais l'homme de Dieu, chemin faisant, fut attaqué d'une forte fièvre, et il mourut en Alsace dans un château nommé Élégie, où on l'inhuma. Ses frères et compagnons ont alors suspendu leur mission et s'en sont retournés, pleins de tristesse, à Rome, pour avertir le S^t Apôtre de ce décès. L'apôtre, apprenant cette nouvelle, les a consolés avec de douces paroles, et leur ordonna de retourner avec confiance à l'oeuvre interrompue et de propager l'Évangile par l'Allemagne et par les

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Pays-bas. Il leur a donné sa crosse papale et les a exhortés de la poser sur le corps mort de Materne, lui commandant de se lever avec ardeur, de parachever son voyage et de desservir l'office d'un évangéliste. Les frères firent ce qui leur avait été enjoint, et la mort et la résurrection de Materne a été cause que plusieurs sont ressuscités de la mort du péché à la vie de grâce, et des ténèbres du paganisme à la lumière évangélique.”’

L'histoire nous apprend en effet, et dernièrement par l'organe de M^gr v. Hontheim et de l'abbé Grandidier, que déjà vers la fin du troisième siècle Materne, Eucher et Valère ont entrepris leurs travaux apostoliques. L'on prétend que S^t Materne après avoir renversé les idoles a bâti une église à Tongres en l'honneur de Notre Dame, et on le nomme premier évêque de cette contrée. C'est à S^t Servais qu'on attribue la translation du siége tongrois à Maastricht en l'an 382, afin de le prémunir contre une invasion d'Attila qu'il avait prédite.

N'est-ce pas que le territoire des Tongres, dont notre province de Limbourg fait partie, méritait, avant les autres provinces néerlandaises, l'honneur de voir surgir l'art chrétien renouvelé et rajeuni? Pour nous, il nous semble qu'une seconde fois S^t Pierre a envoyé sa crosse miraculeuse, pour faire revivre non pas un homme-apôtre, mais tout un système de vérités chrétiennes.

Quand, au XVI^e siècle, les nouveaux évêchés ont été créés - l'évêché de Ruremonde reçut aussi sa constitution, quoique comme église suffragane de Malines et non pas d'Utrecht. Cette dépendance était le symbole de sa sauve-garde contre la révolution qui a dévasté les diocèses d'Utrecht. Ruremonde a donc pu garder en dépôt ce qu'il fallait de grâces pour être le berceau de l'art chrétien renouvelé - et Ruremonde s'en montre digne.

A plusieurs reprises nous avons eu l'occasion d'entretenir les lecteurs de la ‘Dietsche Warande’ des notables travaux entrepris par nos architectes, sculpteurs en bois, brodeurs et fournisseurs de ce pays intéressant. De magnifiques monuments d'architecture romane tiennent en éveil, au fond du coeur des artistes et des savants de Maastricht, de Ruremonde, de Rolduc, l'amour d'un art qui depuis sept siècles y déploie ses merveilles. La première grande église gothique conçue dans un style XIII^e siècle excellent, se bâtit en ce moment à Wijk-Maastricht. Le Limbourg, avec ses sociétés littéraires et archéologiques, ses savants, ses auteurs, ses bibliothèques, marche

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de pair avec les autres provinces dans la science historique. L'autre jour l'on a découvert dans l'église de S^t Servais à Maastricht une image de son saint patron du XIII^e siècle: statue délicieuse et dont une main artiste s'occupe à restaurer les formes primitives, la polychromie remarquable, qui vient de sortir d'un gros linceul de chaux, et les ornements en crystal colorié. Cette ‘restitution’ de la sainte image semble inaugurer une fois de plus ce grand XIII^e siècle et semble inoculer de nouveau le système gothique sur le tronc roman. Aujourd'hui c'est un savant professeur de Rolduc qui publie dans notre ‘Warande’ deux sceaux remarquables de l'ancienne abbaye et qui fait connaître le fragment existant d'une dalle tumulaire qui se rattache à l'histoire de la sépulture du Duc Waleram III, dont nous avons parlé dans la partie française de notre revue, à la page 73 de la publication pour 1857. Nous ajoutons le dessin de ces objets à la présente feuille.

Le Limbourg, tout duché qu'il est, nous est lié par des engagements non-seulement politiques et constitutionnels, dans sa qualité de 11^me province du royaume, non-seulement par sa capitale et sa ville épiscopale, dont la première depuis des siècles est une des fortifications les plus importantes de l'état - mais encore par les liens du sang qui rattachent la tige des Nassau à la maison des anciens Seigneurs du Limbourg. D'après les perquisitions généalogiques de MM. les professeurs Everts et Verzijl, le duc Waleram III était aïeul au 10^me ou 11^me degré du comte de Nassau Jean le Vieux, dont notre roi Guillaume III descend en ligne droite, et qui était le frère de Guillaume d'Orange dit le Taciturne.

Nous ne doutons pas que, comme le dogme de la religion s'est propagé dans les provinces septentrionales, après que l'exemple de l'adoption en eût été donné dans le Limbourg, de même aussi les saines doctrines de l'art chrétien se répandront de plus en plus dans les autres parties du pays, après que le Limbourg a prouvé qu'il n'y a aucun danger à se rendre aux exigences de la véritable esthétique.

A.Th.