Dietsche Warande. Jaargang 2
(1856)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
[pagina 79]
| |
Inauguration de la statue de maitre Laurent Coster,
| |
[pagina 80]
| |
historiques en faveur de Harlem et que c'est pour cela que nous avons eu recours à une exposition d'idées à laquelle il fait trop d'honneur en les saluant comme les fruits d'une dextérité ‘casuistique’, tout en insistant, d'un autre coté, sur notre manque de savoir-faire en cette occasion. Voici ce qui en est. Certains plaidoyers pour Gutemberg ne nous ont pas paru concluants; nous sommes de ceux qui, néanmoins, ne connaissent pas à fond la valeur des arguments en faveur de Coster, mais nous nous sommes rangé au nombre de ses croyants; nous nous en rapportons à l'autorité reconnue de MM. De Vries, Schinkel et Noordziek: après cela nous n'avons pas, cependant, pu passer sous silence qu'a priori nos notions d'histoire philosophique s'accordaient sur tous les points avec la légende acceptée. Or nous prétendons très sérieusement qu'il n'existe pas de tradition datant d'un grand nombre d'années, point de légende assez généralement répandue, qui n'ait sa très grande valeur historique, pour tous ceux qui admettent que les pensées et les croyances des hommes s'enchaînent dans un ordre tout aussi régulier, tout aussi providentiel, que les faits; et qu'il n'y ait pas de chose entièrement fausse qui jamais réussisse à passer à l'état de tradition. L'espace nous manque pour détailler plus amplement cette pensée qui a fait le thème d'un discours prononcé par nous au Musée littéraire à Utrecht; mais nous n'avons pas voulu garder le silence à ce sujet, pour prouver à M. Ruelens que nous faisons grand cas de son opinion touchant nos théories et que nous y tenons à ne pas être mal compris par un homme de son mérite. Si jamais son projet se réalise qu'un congrès s'assemble soit à Harlem, soit à Mayence, soit à Bruxelles, pour débattre la question, il nous verra parmi les auditeurs disposés à élargir l'horizon de leurs vues, mais croyant fermement que, de l'une ou de l'autre manière, la science, qui scrute, confirmera les thèses de la tradition, qui chante. Notre ami Foreestier s'est, en général, borné à décrire le côté pittoresque de la fête, et nos alliés à l'étranger qui connaissent la ville de Harlem, avec sa modestie et son lustre, son pavé propre comme la vaisselle d'un prince, ses maisons en briques rouges, à portes vertes bien vernies, ses jolis quais, sa grande place du XVIe siècle, le tout bien entretenu, comme le parement d'un yacht de plaisir, comprendront le charmant effet qui doit se produire, quand, pour une seule fois, cette jeune vierge, aux yeux bleus timidement baissés, se prête aux mouvements joyeux d'une danse rustique, le jour du saint du canton. La fête de Harlem, pour avoir une allure moins exercée que d'autres festivals à l'étranger, où l'on a l'habitude des réjouissances publiques, était d'un autre coté, riche en effets d'impromptu; il y avait dans la conduite des Harlemois un extrême bon vouloir, une grande naïveté, aucune arrière-pensée, la plus aimable bonhomie et une confiance aveugle dans l'excellence de leur cause. L'exquise propreté de la ville se produisait au grand jour, sans être en peine d'être un peu éclaboussée en l'honneur de sa chère fête. La réserve scrupuleuse et un peu raide quelquefois des jolies habitantes de la ville des fleurs, leur vertu un peu sauvage et qui semblait voilée à tout jamais par les petites draperies de mousseline qui protègent le bas des fenêtres contre les regards des passants, avaient pris courage ce jour-là, et tout le monde s'était donné le mot pour ouvrir fenêtres et portes, pour se mouvoir dans les rues, pour parer les façades les plus sévères, les plus modestes, de verdure, de bouquets, de médaillons, et, le soir, de guir | |
[pagina 81]
| |
landes illuminées. La routine, cette convive ennuyeuse de certaines fêtes publiques à l'étranger, restait bannie de la célébration de l'apothéose costérienne; il y avait, d'ici à là, toute la distance d'un bal de famille, préparé con amore, à quelque bal public qui se renouvelle tous les soirs à la lumière rougeatre des mêmes becs de gaz, au raclement journalier des mêmes violonistes asthmatiques et à la même nuée de poussière impure. Bref, quelques légères déceptions à-part, le comité de direction des fêtes à lieu d'être content de son ouvrage. Il n'y a que M. le ministre de l'intérieur qui a commis une faute sérieuse, en proposant M. Noordziek, le plus courageux et le plus persévérant des défenseurs de la cause costérienne, secrétaire infatigable de la commission pour l'érection de la statue, à la nomination de chevalier de l'ordre de la couronne de chêne, distinction que le roi accorde, en sa qualité de Grand-duc du Luxembourg; c'est l'ordre royal du lion néerlandais auquel M. Noordziek semble avoir des droits imprescriptibles. Ce qui est curieux, c'est l'inégalité bizarre de l'échelle qui règle les récompenses honorifiques en Hollande: cette inégalité échappe à toute tentative d'explication systématique; le fil d'Ariadne ne se retrouve pas dans ce labyrinthe. A Harlem, par exemple, le gouvernement a trouvé moyen d'ignorer l'auteur de la statue et de son piédestal harmonieux; on a récompensé d'une façon irrégulière les membres de la commission, mais ceux-là du moins ont été reconnus. A Amsterdam, quand le monument de la Société de la ‘croix métallique’Ga naar voetnoot1) a été inauguré - monument composé de deux parties distinctes, mais encore dignes l'une de l'autre - on a décerné la croix luxembourgeoise à l'auteur de la partie architectonique et on n'a pas songé à l'auteur de la statue qui la surmonte. On est d'avis que, pourvu qu'une ou deux fois un cheval ait remporté à la course le ‘fouet d'argent’, la ‘montre d'or’, ou le ‘cabaret de crystal’, à la lutte prochaine il ne sera plus couronné, bien que l'opinion publique lui adjuge un prix. Il n'est pas que M. Royer ne puisse se passer de nouvelles distinctions; mais l'indulgence du créancier n'est pas un ‘pour acquit’ satisfaisant, aux yeux d'un débiteur consciencieux. Du reste - à nous autres, Hollandais, les mains sont toujours encore un peu de travers, à l'endroit des hommages nationaux. La gazette d'hier, pour ne mentionner qu'un seul fait, apporte la nouvelle que la commission de Coster a fait cadeau du modèle colossal de la statue aux fondeurs MM. Enthoven & Co. De cette manière le quai de la Haye, où ces excellents industriels tiennent leur fabrique, se peuple aux yeux du passant des originaux des statues, dont, sur la même échelle, on a inauguré les exemplaires en bronze ou en fonte sur les lieux choisis et désignés pour cet effet. La statue de Coster fait pendant à celle de Rembrandt devant la maison de MM. Enthoven. Ce sont deux sentinelles excellentes sans doute: mais ce n'en est pas moins une dérision aux yeux du bon sens qui aime à voir les choses à leur place. Quand une fois les statues sont coulées en bronze - l'oeuvre est consommée et on n'a que faire des instruments et des préparatives. Quand la médaille est frappée, le coin est brisé. Quand l'assaillant a planté le drapeau sur la brèche, quand il est maître de la place, il pousse du pied l'échelle à feu, pour que l'étendard paraisse dans toute sa gloire. | |
[pagina 82]
| |
Si l'on y tenait à garder les modèles en plâtre de nos statues colossales - on pourrait les rassembler dans la grande salle d'armes de l'ancien palais du roi des romains à La Haye. Ce palais est le plus beau monument du treizième siècle, d'architecture civile, que nous ayons; il est presque le seul. La structure du toît, executée en bois de cèdre, est des plus admirables. Malheureusement on l'a mal entretenu. Il n'y a que les hirondelles et les moinaux qui l'apprécient et s'y abritent. L'homme - c'est-à-dire le ministère - voit d'un oeil indifférent les fentes qu'a faites le vent et l'orage dans ce bâtiment vénérable, qui porte l'empreinte des époques les plus glorieuses de notre histoire; il hausse les épaules et laisse faire à la pluie qui jette ses mares sur le pavé de l'illustre enceinte et qui loge la pourriture dans les reins de cette belle création gothique. A grands frais de quêtes et d'enthousiasme artificiel nous nous plaisons à fabriquer de nouveaux Monuments; mais les Monuments existants et dont la signification sublime est connue de tout le monde nous les laissons en proie à une ruine certaine. | |
La fleur de l'histoire.A La clôture de la présente année, M. Oudemans met aussi la dernière main au poëme légendaire du XIVe siècle, copié sur le seul manuscrit existant, annoté et publié par lui dans notre ‘Warande’. Le numéro pour Novembre et Décembre contient la fin de la légende de S. Jacques mineur et les légendes des SS. Simon et Jude et de S. Matthias. Le poëte avait annoncé, dans l'exorde de son récit, qu'il écrirait la vie des principaux saints, mais il ne réussit à renfermer dans ses 4282 vers que les seules vies des Apôtres: S. Pierre et S. Paul, S. Jean, S. Jacques majeur, S. André, S. Barthélémy, S. Philippe, S. Thomas, S. Matthieu, S. Jacques mineur, S. Simon et S. Jude, et S. Matthias. Nous donnons leurs noms dans l'ordre observé par le poëte: parce que nous n'ignorons pas qu'il y a dans ce classement un intérêt archéologique. L'auteur, faisant le dénombrement de ces ‘pierres précieuses’, de ces ‘piliers de l'Église’, avant d'entrer dans leurs biographies, les range dans le même ordre, sauf qu'il omet de nommer S. Paul et qu'il constate le remplacement de Judas, le ‘douzième’, qui ‘trahit Dieu’, par S. Matthias. M. Oudemans, qui avait déjà bien mérité de la littérature nationale, par de nombreux travaux philologiques antérieurs à la présente publication, a rendu par celle-ci, croyons-nous, un nouveau service à la science qui ne peut manquer de lui valoir la reconnaissance des gens de lettres. Non-seulement que, par son édition de la ‘Fleur de l'histoire’, l'intéressant in-folio du moyen-âge de la Société littéraire de Leyde, dont ces légendes sont partie, se trouve publié au complet: mais la lecture de ces récits hagiographiques donne la certitude que leur publication est une acquisition très réelle pour notre littérature connue et reconnue. Quoique la majeure partie de ces ‘Fleurs de l'histoire’ se retrouve dans la ‘Légende Dorée’ de Jacques de Voragine, les sources où notre poëte a puisé ces récits n'ont pas été précisées. On y reconnaît, du reste, l'haleine vivifiante de la tradition, et pourvu qu'on n'ait pas l'oreille | |
[pagina 83]
| |
trop étourdie par la musique tapageuse de la mode d'aujourd'hui, on entendra soupirer et chanter, sous la cadence irrégulière de la narration hagiographique, l'esprit d'une philosophie saine et vraie et le sentiment d'un sublime ascétisme: partout se révèle, sous la forme naïve et même quelquefois grossière, un symbolisme plein de sens. Voici la fin de la légende des SS. Simon et Jude. La légende oppose aux deux apôtres, deux sorciers payens, ‘Jaron et Arfaxat’. Si le pouvoir reste toujours du côté des saints, qui confondent les idoles et leurs prêtres devant le roi de Babylone Erexes et devant son drossart Waradag, par la parole de la foi, - ce sont néanmoins ces mêmes saints qui font preuve d'humilité et d'une charité inépuisable vis-à-vis de leurs détracteurs. Après qu'à différentes reprises ils ont refusé de se venger des sorciers et des prêtres idolâtres, ils sont encore en butte à leurs persécutions. Leur vie entière ils auraient pu rester en sureté dans la ville du roi Erexes, mais ils aimaient mieux remplir leur mission. Le peuple les pria ‘à grandes larmes’ d'y fixer leur séjour. Effectivement ils y restèrent à-peu-près ‘trois mois et un an’. Ils y baptisèrent le roi et toute sa cour; ainsi qu'environ ‘XI mille hommes’, sans compter les femmes et les enfants. Le nombre de 11.000 est il significatif? Jacques de Voragine ne le donne pas. Après cela ils ont quitté la ville, pour prêcher la foi partout où les sorciers avaient ‘éconduit’ le peuple. ‘Les apôtres, comme dit l'histoire, vinrent ensemble dans une ville. Il y avait céans soixante-dix évêques des idoles. Quand, cette fois-ci, les apôtres y descendirent, il y avait un saint homme, appelé Sannen qui les logea. Quand ceci vint à l'oreille des prêtres des idoles, ils se rendirent chez Sannen et lui commandèrent de produire ceux qui étaient dans sa maison; ils les obligeraient de sacrifier aux idoles, ou bien on les brûlerait, sur-le-champ, dans le feu. Sannen dit qu'il ne le ferait pas. Alors les prêtres se décidèrent à faire enlever les apôtres de vive force, et on les conduisit au temple du soleil. Dans la loi de beaucoup de payens on accepte le soleil comme un dieu et on lui fait des offrandes. Quand on venait dans cet endroit, les démons commencèrent à crier avec une grande douleur: ‘Ayez pitié de nous, bon Dieu, car votre présence nous brûle et nous fait mal’. En même temps un ange est descendu d'en haut qui dit aux apôtres que Dieu leur enjoignait de choisir entre la mort des sorciers, suivie de la descente aux enfers, et leur ‘passion’ immédiate (c'est à dire, la ‘passion’ ou le martyr des apôtres). Alors ceux-ci choisirent leur propre mort, parce qu'ils pensaient que les autres pourraient encore se corriger. Et ils commandèrent aux démons de quitter les parois des images, dans lesquelles ils logeaient. Et il s'en envolèrent deux démons plus noirs que des ‘moriens’. Quand les évêques eurent appris que les apôtres leur avaient fait cette honte, ils ordonnèrent brusquement qu'on les mit à mort. Au même instant on a pris et garrotté les apôtres et conduits hors de la ville. Simon fut crucifié et Judas décollé, comme j'ai lu. Quand ils étaient dans leurs tourments, il y vint un coup de tonnerre si formidable qu'il fit crouler le temple, et puis il y vint encore un coup de foudre qui fit brûler les sorciers Jaron et Arfaxat: car ils étaient dans la ville et contribuèrent à la mort des apôtres. Quand le roi Erexes apprit cela, il vint avec une grande volonté et vengea la mort des apôtres. Il emporta en pompe leurs cadavres dans une ville qui était sienne et il les enterra avec douleur bien grande. Et le roi Erexes fit bâtir en leur honneur une belle église, où Dieu, dans son oeuvre de sanctification, fit plus d'un beau miracle. | |
[pagina 84]
| |
Fête de Bilderdijk.Au mois d'Octobre dernier il y avait cent ans que notre premier poëte moderne, Guillaume Bilderdijk, était né. Quoique l'étude des oeuvres du grand homme semble jusqu'ici demander trop de fatigue pour que notre public lettré s'en occupe sérieusement - l'opinion instinctive que Bilderdijk est un génie hors ligne se trouve assez généralement répandue parmi nos classes civilisées. Dans l'ère des commémorations de Goethe, de Beethoven, de Mozart, de Rembrandt, on n'a pas voulu passer sous silence la première fête séculaire de Bilderdijk, et une société de jeunes gens qui s'occupent de l'art de la déclamation, dite ‘Chambre de rhétorique’, a pris la généreuse initiative pour célébrer le centième anniversaire de notre poëte. Dans notre livre ‘De la littérature néerlandaise’ nous avons essayé d'établir une comparaison entre Bilderdijk et Vondel; à la fête du héros littéraire de nos jours, M. Da Costa, qui mieux que personne connaît tous les secrets de la grande apparition littéraire désignée sous ce nom sonore de Willem Bilderdijk, a tenu un brillant discours, où il a fait connaître à son auditoire les traits principaux de la vie de son cher maître et les rapports et les contrastes qu'il observe entre lui et Goethe, entre lui et Shakespeare, entre lui et notre Vondel. C'est le dernier de ces parallèles que M. Da Costa a bien voulu nous permettre d'insérer dans notre ‘Warande’. L'espace nous manque pour donner, au moyen d'une traduction, une faible idée de la beauté de ce morceau. Nous voulons pourtant emprunter un couple de périodes à un autre passage du discours de M. Da Costa. Rien n'est plus difficile sans doute que de faire apprécier par une traduction, dont nous regrettons l'infériorité évidente, le talent harmonieux du grand orateur: mais du moins on sentira palpiter sous ces quelques lignes l'âme d'un poëte-guerrier: et c'est là le titre auquel M. Da Costa a plein droit: il y a autant de vaillance chevaleresque que de valeur littéraire dans l'action sociale de M. Da Costa. Nous ne partageons pas toutes ses idées; il s'en faut de beaucoup: mais nous sommes heureux de partager ses principes fondamentaux, et sa poésie sait éveiller en nous une sympathie respectueuse. Dans l'application des principes, il est vrai, nous allons beaucoup plus loin: l'autorité de notre église chrétienne remonte, en premier lieu, au concile de Trente, celle de l'église chrétienne de M. Da Costa ne remonte qu'au synode de Dordrecht; nous condamnons (en politique) le principe révolutionnaire absolument, M. Da Costa le condamne aussi - mais il fera une exception en faveur des deux célèbres Orange, Guillaume le Taciturne et Guillaume III, le roi d'Angleterre; je ne sais encore comment il juge le coup d'état luxembourgeois du 27 nov. Ses opinions politiques, du reste, n'ont point de rapport direct avec le beau passage de son discours littéraire, que voici (il parle de Bilderdijk): ‘Etudiez-le bien, et à fond, ce César commandant les armées de votre langue et poésie nationales! Comment il compose et complète ses légions avec la moëlle et l'élite de votre population grammaticale - les races anciennes de vos mots avec les nouvelles! Comment il les organise, comment il les discipline, comment il manoeuvre avec cette “vieille garde” de ses alexandrins, avec cette cavalerie brillante de toute espèce de rhythme et de cadence chantants et sautillants: - comment, à la tête de ces troupes poétiques, il exécute de grands projets avec | |
[pagina 85]
| |
des moyens bornés. C'est comme s'il leur fait passer des fleuves à la nage, forcer des passages étroits, traverser des ravins et des montagnes. Et puis, le jour de la bataille, rempli d'un courage intrépide et réfléchi à la fois, voyez comme il les dévéloppe en larges rangs et les fait avancer en colonnes menaçantes, pour subjuguer finalement toute résistance, avec les tonnerres de ses odes, de ses dithyrambes, de ses épopées et de ses hymnes, pour consommer son triomphe, en couvrant le terrain de ses multitudes, en occupant toutes les positions débattues, et plantant sur les éminences glorieusement conquises les bannières réunies de la vérité chrétienne et de l'art néerlandais!’ | |
Le vitrail de Nassau a la Notre-Dame d'anvers.
| |
[pagina 86]
| |
de Louvain pour l'envoyer en Espagne, comme otage dans les troubles. Tout cela est très amusant; mais la science n'y profite pas beaucoup. M. Génard a fait mieux: il a suivi tout bonnement le conseil du baron de Reiffenberg; il a ‘interrogé’ les quartiers du chevalier, et, en présence d'un regard scrutateur comme celui de M. Génard, les énigmes historiques n'ont que rarement la hardiesse de garder le silence; elles s'animent à la ‘question’ qui leur est appliquée d'une main sûre et avec un impitoyable désir de connaître. Les quartiers n'ont pas tardé à répondre à l'appel de M. Génard, et ils ont dit: ‘C'est comme vous voyez: nous avons nom, à dextre, Nassau, Vander Marcke, Vianden, Clèves, Polanen, Salm, Hornes, Valkenberg, et, à senestre, Heinsberg, Juliers, Voerne, Angleterre, Solms, Münzenberg, Lippe, Falckenstein’. M. Génard a reconnu que ces quartiers étaient disposés à la manière hollandaise; puis il les a rangés en triangle, et il a trouvé à la pointe du triangle le nom d'Engelbrecht II, comte de Nassau et de Vianden, seigneur de Grimbergues, Bréda, Diest, Sichem, burgrave d'Anvers, décédé à Bruxelles, le 31 mai, 1504. Cette opération, par laquelle M. Génard a réussi à résoudre une question longtemps débattue, nous la recommandons avec confiance à tous nos académiciens et dilettantes archéologues. M. Génard a ajouté au vitrail une courte biographie du héros, ainsi que sa généalogie; en outre il a pu certifier que l'auteur de ce tableau transparent s'appelait Me Nicolas Rombauts, célèbre peintre-verrier, qui a travaillé à Bruxelles et à Louvain et dont la Notre-Dame d'Anvers a possédé ou possède encore une autre oeuvre. Comme monument nous faisons grand cas de ce vitrail; mais il va sans dire que nous ne pouvons le recommander comme modèle à consulter pour des vitraux de nos jours. Ce ne sont pas les Crabeth, ce n'est pas Rombauts, qui puissent être chargés de l'éducation de nos jeunes peintres verriers. Ils ont fait des tableaux, des effets de perspective, des profondeurs ombrées etc. et tout le monde sait, quoiqu'on semble l'ignorer à Munich, qu'un vitrail c'est un tapis, une broderie transparente, oû le principe d'ornementation doit prédominer et s'assujéttir entièrement les formes matérielles. Le vitrail tient plus de la vision, que de la représentation naturelle, et on ne produira qu'un effet trivial en y prenant la nature pour point de départ. | |
Expositions de tableaux à Amsterdam.NOs deux corporations - celle de l'art officiel et de l'art libre - l'Académie royale et la Société des artistes - ont ouvert, à la même époque, leurs expositions respectives. On se tromperait pourtant, si l'on pensait pouvoir juger ici les fruits d'après les arbres. Au salon de la ville, à l'exposition académique, on ne peut pas dire qu'aucune des oeuvres d'art se ressentît de la ‘férule’; comme aussi il serait assez difficile d'indiquer au salon d'‘Arti’, un seul tableau qui prouvât que l'émancipation de la peinture échappée à la sollicitude et aux cares- | |
[pagina 87]
| |
ses maternelles de l'école, ou bien, si l'on veut, libérée de ses étreintes bienveillantes, eût tourné à l'avantage de l'art, et qui motivât l'opposition oiseuse, dans laquelle la ‘société’ semble persister contre l'Académie. Notre vieil ami Foreestier a écrit une introduction à une série de visites aux expositions, dont il rendra compte dans notre revue. Dans cette introduction, il hasarde la supposition que les tableaux qui ‘se peignent’ d'année en année dans notre petit pays (sans qu'on puisse dire que le choix de l'huile ou de la pommadeGa naar voetnoot1) contribue le moins du monde à l'excellence des travaux), sont trop nombreux, et il demande quel serait le résultat d'une protection gouvernementale que la société ‘Arti’ aimerait à voir accorder aux artistes. Il pense que cela stimulerait la production, et il ne connait pas de parois de ‘zij- en binnenkamers’Ga naar voetnoot2), qui pourraient loger toutes ces pages nouvelles, pages qui, du reste, ne proclameraient pas la gloire de leurs ‘signataires’ surexcités. C'est avec une émotion vraie quoiqu'énoncée sur un ton de plaisanterie, que notre correspondant voit passer devant ses yeux les travaux de toutes ces forces jeunes ou exercées, qui n'ont qu'un avenir précaire, qui n'ont, ordinairement, qu'un passé ineolore ou assombri par des soucis de toute espèce. Plus de huit-cents nouveaux tableaux ont été mis à l'exposition et soumis à la censure des amateurs hollandais de 1856. C'est une vérité très sérieuse, qu'il y en a parmi nos meilleurs artistes dont le pinceau ne peut plus pourvoir à l'existence de leur famille..... Il nous semble que c'est un malheur assez important pour songer à un moyen de redressement. Notre ami sait par expérience, et tout le monde le sait, qu'il y a chez nous une disette sensible de bons ouvriers. Les maçons et les charpentiers travaillent proprement; mais ils mettent trop de temps à leur ouvrage: c'est ce qui rend leurs journées trop chères. Les menuisiers et les tapissiers, sont, en général, très incapables, et ne connaissent rien aux procédés qui, sortis de quelques écoles d'industrie artistique de l'Allemagne et de l'AngleterreGa naar voetnoot3), influent si heureusement sur le style des meubles et des ustensiles, et mettent les bons morceaux sous la portée même des pères de famille les plus économes. Les serruriers n'ont guère appris que la partie matérielle de leur état, et s'il y en a qui excellent, ce n'est pas dans l'art généreux de Quinten Massijs, mais dans l'art sordide de la confection des coffre-forts et des armoires de fer, peintes en orangé ondoyant, dit couleur de chêne. Il n'y a que les peintres au gros pinceau, qui s'entendent bien à leur métier: mais ce métier est circonscrit en des bornes trop étroites. Nos peintres en bâtiments ne s'occupent qu'à enduire les murailles, les portes, etc. de certaines couleurs de convention broyées à l'huile. Ils peignent les poteaux des portes, les chambranles des croisées, et tous les ornements de la façade en paille très claire, ils peignent et vernissent les portes extérieures en vert ou en noir (quelques innovateurs toutefois viennent de faire un essai avec l'ocre brune). Pour la boiserie des chambres, ils vous donnent le choix entre le gris et la couleur de chair, et si le ‘stucatore’ (le fléau de l'architecture domestique) a épargné quelque recoin de vos vestibules et | |
[pagina 88]
| |
corridors, le peintre vous enduira la charpente et sa ferrure en telle couleur de chêne rougeatre ou en telle teinte de safran que vous lui indiquerez. Il ne vous fera pas grâce de vos clés, si malheureusement vous les avez laissées à la serrure. Sa brosse à la ‘couleur-de-bois’ n'épargne rien: la sculpture de votre rampe d'escalier, les marches elles-mêmes, le réverbère en fer-blanc et le lavoir dans votre corridor, les gonds et les verrous, la chaîne et le boulon de votre grande porte, il vous emplira tout de son épaix liquide, qu'il y étend en diverses nuances, à quatre ou cinq reprises, de manière à bien lisser toutes les surfaces qu'il a pu atteindre, à rendre méconnaissables toutes les moulures, toutes les concavités fortuites ou creusées à dessein, dans les ornements de votre maison; vos croisées et vos portes ne se ferment plus, vos serrures, vos verrous, vos charnières ne peuvent plus s'ouvrir - tant il vous a pourvu de sa matière gluante et reluisante. Cependant je persiste à dire que, des ouvriers, les peintres sont ceux qui s'entendent le mieux à leur ouvrage: leur faute ne se trouve que dans une ambition démésurée, qui veut tout convertir en couches de peinture: non seulement qu'ils savent imiter supérieurement bien le marbre et même, s'ils le veulent, toute espèce de bois - mais ils vous peignent la pierre couleur-de-pierre, le bois d'acajou (dans les panneaux des portes) couleur de bois de chêne ou de citron, le métal couleur de bois ou de sable..... Et néanmoins je dois persister à dire que le cercle de leur action est trop étroit. Ils devraient étudier la peinture en détrempe. Ils pourraient, avec bon succès, égayer d'ornements en couleur la matte blancheur de ces éternelles couches de plâtre, dans les corridors de nos maisons, et surtout dans nos églises..... On sent où nous en voulons venir. Tous les ouvriers en fer, en bois, en pierre, en peinture, et, s'il faut en parler, en mastics de toute espèce - tous les bons tapissiers, les relieurs, les cartonniers, les imprimeurs - les fabricants d'ustensiles de toute espèce - tous les bons orfèvres, les dinandiers, les fabricants d'étoffes, les tailleurs, les coiffeurs - tout ce qui se mêle d'Arrêter des formes, de décrire des lignes qui relèvent de l'esthétique - tout cela a besoin d'éducation, de direction, de surveillance: eh bien! vous, Messieurs, qui vous sentez battre au coeur quelque chose comme le sentiment exquis des convenances esthétiques, l'instinct et l'amour des belles formes, - ayez pitié de ces pauvres ouvriers désoeuvrés ou mal-appris; donnez une tendance pratique à votre force créatrice, appliquez-la aux objets qui en ont grandement besoin, mettez-vous à la tête d'une phalange de jeunes artisans, et, après que vous aurez sondé toutes les profondeurs de la Science des formes, exploitez les moyens de vos ouvriers et faites les servir au profit de la société et au bien-être de votre famille. Vous, paysagistes et peintres de marine, n'ayez pas honte de suivre l'exemple des excellents maîtres des XVIIe et XVIIIe siècles qui ont décoré nos tapisseries de leurs vues charmantes; vous, peintres d'intérieurs qui avez voué un culte plus assidu aux exigences de la forme, faites-vous tectonicien dans quelque matière moins dépréciée que les toiles à cadre d'or.... Pourquoi, en Hollande, cette immense importation d'objets de luxe, de confort, d'usage journalier - dont la première matière n'est pas plus chère ici qu'ailleurs? - Pourquoi s'il y a, au numéro 1, un monsieur qui écrit des lettres pressantes, accompagnées de grosses remises, pour faire venir de France ou d'Angleterre de jolies boîtes à ouvrage, sculptées, peintes, garnies d'ornements en acier ou en cuivre, | |
[pagina 89]
| |
ornées en dedans d'un beau miroir, d'une belle photographie, ou doublé de satin moiré, et s'il y a, au numéro 2, un autre monsieur qui, du matin au soir, court la ville, un tableau sous le bras, sur lequel, au milieu de quelques fleurs, d'un verre à vin et d'un citron découpé, figure, sur un morceau de tapis de smyrne, une petite boîte exactement semblable à celles que le monsieur du numéro 1 attend depuis une quinzaine de Londres ou de Paris.... pourquoi alors le monsieur du numéro 2, au lieu de passer des jours à faire des copies de ces jolies boîtes, ne s'essaie-t-il pas à la fabrication des modèles? - Tout le monde se plaint qu'il y a disette de bons, de nobles ouvriers, gens d'intelligence et de civilisation: tous les artistes se plaignent qu'il y a, en proportion du petit nombre d'amateurs, surabondance d'artistes; et les amateurs disent que la plupart des artistes ne font pas assez bien: pourquoi ces artistes médiocres et superflus n'aspirent-ils pas à l'honneur et aux profits d'une position honorable, quoique subalterne à leurs yeux, - celle d'un bon ouvrier? C'est là l'idée développée par notre confrère de Buiksloot, en présence des 825 tableaux des salons d'Amsterdam en 1856. | |
Un village Hollandais,
| |
[pagina 90]
| |
mune réciproquement. Une deuxième tendance qui se fait voir dans l'histoire que nous écrit M. van Berkel, c'est la tendance à la centralisation du savoir et du pouvoir. L'autonomie et la conscience des droits comme des devoirs, tant chez les individus qu'auprès des communes, sont allées en rétrogradant, et il faut avouer qu'il n'y a pas là de quoi nous glorifier. Le sentiment de ce qu'on doit et de ce qu'on peut, l'esprit de corps et de confraternité, unis à une appréciation juste du caractère sacré de l'autorité, - voilà bien ce que M. van Berkel a trouvé inscrit en tête de bien des pages poudreuses, dépouillées et expliquées par lui au profit des lecteurs de la ‘Warande’. Aussi sous chaque phrase de l'auteur, bien que son style soit d'une douce placidité, l'on sent battre l'artère germanique qui se chauffe au souvenir et au récit des solides attributs et des nobles vertus de nos ancêtres: c'est surtout le vif sentiment de ce qui constitue une nationalité, le sentiment de parentage nous unissant à ceux qui parlent notre langue, qui partagent nos moeurs, nos labeurs, nos peines et nos plaisirs, la piété dévouée du fils de la patrie, qui se fait jour chez notre ami dans sa narration comme dans ses raisonnements. Plaise à Dieu qu'un jour cette Charité nationale, si bonne, si généreuse, si fertile en grandes actions et en paroles sublimes remplisse de nouveau le coeur de la majeure partie de nos compatriotes, et que la divergence des convictions religieuses ne reste pas un obstacle permanent à l'entente cordiale des gens de bien en Hollande, ni une source d'inimitiés sociales. Du reste, M. van Berkel constate autour de nous du progrès; il nous prédit encore des jours prospères, et viennent la vieillesse, la décrépitude pour la nation, s'écrie-t-il,’ l'esprit germanique saura triompher même de son déclin; avec son impétuosité ancienne il traversera les flots et les bruyères, il ira puiser de nouvelles forces au sein de cette même nature qui était sa nourrice et son soutien dans les forêts immémoriales du nord, et dans des régions inconnues il établira de puissants royaumes, des villes et des villages florissants: alors les noms et les institutions revivront qui ne lui ont été pour ainsi dire que des jouets et des tréteaux dans son enfance, et de mille bouches retentira, à la rive lointaine de l'Orient et de l'Occident, le cri de la pieuse gratitude: ‘Vive Christ qui aime les FrancsGa naar voetnoot1)!’ | |
Vandalisme.A La page 63 de notre ‘Partie française’ nous avons parlé de la manie du nivellement, qui depuis longues années occupe la case principale des cerveaux de nos administrations et d'un nombre indéfini de nos riches particuliers; nous avons dit ce qui suit: ‘On raffole du plaisir d'abattre des édifices, afin de gagner des espaces pavés. Le conseil communal d'Amsterdam a décrété la démolition d'un joli bâtiment de 1620, un des rares spécimens de notre architecture en brique rouge et en pierre peinte que MM. Reichensperger, Didron | |
[pagina 91]
| |
et Beresford Hope ont tant admiré, quand ils nous ont fait le plaisir de visiter notre bonne ville d'Amsterdam. On n'aime pas les vieilleries. Un homme d'esprit (d'un esprit supérieur) vient de féliciter l'administration (dans le ‘Handelsblad’) du courage avec lequel elle abat tous les anciens édifices, qui, à ce qu'assure ce monsieur, sur la soi d'un français (voyageur en nouveautés?), sont ‘abominables’. ‘Voilà ce que nous avons dû dire dans notre numéro de Septembre-Octobre; mais pour lors nous avons pu y ajouter la remarque: ‘que tout espoir n'était pas perdu que le collège municipal ne revînt de sa résolution.’ Depuis, cette lueur d'espoir s'est éteinte et la note doit être rangée au nombre des errata les plus bêtes, les plus affligeants, les plus confondants qui soient jamais échappés à notre plume. Non, le collége municipal n'est pas revenu de sa résolution. Nous fondions notre espoir sur une pièce qui nous semblait mériter quelque égard de la part du conseil. C'était une requête présentée en faveur de la conservation de l'édifice par MM. Büchler, président de la Société pour les progrès de l'architecture, ancien-président de l'Académie royale des beaux-arts, secrétaire de la 4me classe de l'ancien-Institut, Van Lennep, président actuel de l'Académie des beaux-arts, membre de la section pour l'histoire et la philosophie de celle des sciences, Tétar van Elven, directeur de l'école de l'architecture à l'académie royale, ancien-conseiller à la Société pour l'architecture, membre de l'ancienne 4me classe, Potgieter, Hofdijk, Schimmel, trois de nos littérateurs du premier rang, qui tous ont fait une étude spéciale de la nationalité néerlandaise et qui, pour avoir des tendances différentes dans les lettres, n'apprécient pas moins d'un zèle commun le style architectonique que l'esprit hollandais de 1580-1630 a engendré, - enfin par le directeur de la ‘Dietsche Warande’, qui se doit la justice que, quelques soient ses prédilections gothiques, il n'a jamais laissé passer une occasion pour fixer l'attention de ses compatriotes sur la beauté originale des façades de 1600, et que, saute de défenseurs dont la religion devrait les rapprocher du style en question, c'est lui, l'adhérent du culte des archiducs belges, qui, depuis une douzaine d'années, est seul dans la presse néerlandaise pour plaider la cause de l'époque de Hendrick de Keyser. Les signataires de la pétition étaient soutenus dans leurs efforts par M. le doct. Bosscha, professeur d'histoire de l'athénée d'Amsterdam, membre de la seconde chambre des états-généraux, savant dont l'influence égale les hauts talents, ainsi que par M. le doct. Scheltema, archiviste de la ville et de la province, conservateur et fondateur, pour ainsi dire, d'un petit musée d'antiquités à l'hôtel de ville. Les signataires ont développé dans leur pétition la signification historique et esthétique de l'édifice menacé. C'est un bâtiment à quatre façades de deux étages, percées de croisées à l'étage supérieur, de doubles fenêtres à arcs bombés à l'étage d'en bas. Il est surmonté d'un toit, jadis couvert en ardoises. Deux grandes lucarnes, bien composées, couronnent le milieu des façades principales. D'autres lucarnes plus petites décorent les quatre pentes du toit. Celui-ci ainsi que les pignons des lucarnes sont ornés d'élégants sinials. Entre les fenêtres, des pilastres, à simples chapiteaux doriques, sont engagés dans le mur. Le bâtiment est en brique rouge, mais le soubassement, les baies des fenêtres cintrées, la corniche qui règne autour du toit, le milieu et les extrémités des pilastres, les ornements des lucarnes et surtout l'entrée | |
[pagina 92]
| |
principale, dans la façade de l'est, sont garnis et renforcés de pierre de taille. Cette entrée est des plus curieuses. Au premier étage, qui est construit à une hauteur suffisante pour que le rez-de-chaussée forme une halle à la viande assez spacieuse, elle consiste en une baie pleincintre de bonne proportion, s'accordant parfaitement avec la grande lucarne en haut et la porte en dessous. Cette porte, celle de la halle, est percée dans un immense perron, à double escalier, de vingt-trois marches, par lesquels on monte à l'étage supérienr. Cette disposition avait son excellente raison d'être. L'étage supérieur était un corps de garde de la bourgeoisie armée. Cela désilait, cela montait et descendait ce double perron, s'y rangeait aux occasions solemnelles, au passage des princes qui ont visité notre ville, etc.; et comme le bâtiment est situé sur le point de section de deux immenses quais qui forment ensemble un angle obtus à la place que notre corps de garde domine, l'arrangement du perron peut avoir servi en même temps pour découvrir le mouvement de l'émeute dans quelque' insurrection, pour faire feu, et pour se mettre à couvert contre la populace. Nous comprenons parfaitement comment la pensée à pu sourire à nos ancêtres de mettre la halle avec ses provisions et les marchés qui se tenaient hebdomadairement sous les auvents fixés aux façades latérales et occidentales du bâtiment, - de mettre, disons-nous, l'industrie et les moyens de subsistance des bourgeois sous la protection immédiate de la main armée. Ajoutez à cela que le bâtiment occupe une place dont on n'a aucunément besoin pour quelqu'autre usage. Derrière lui, à une bonne distance, s'élève la grande église réformée bâtie par Hendrick de Keyser, et comme c'est sous les auspices de cet architecte que notre halle aussi est bâtie, il a eu ses intentions bien décidées, en traitant l'église dans un tout autre style que l'édifice civil. Dans l'église l'influence des ‘ordres’ domine visiblement, et quoique le bâtiment ait son originalité néerlandaise, on voit que l'architecte a voulu faire du grand style. Le groupe des deux édifices entourés des maisons de la ‘Westermarkt’Ga naar voetnoot1) et de la ‘Keizersgracht’Ga naar voetnoot2) n'en est que plus riche et plus intéressant. C'est ce qui a frappé le célèbre peintre de cités Vander Heyden (du XVIIe siècle), et à différentes reprises notre halle lui a servi de modèle. L'artiste anglais Cooke n'a pas hésité non plus à lui accorder une place dans ses ‘Vues’ de l'Europe. Et quel accueil pense-t-on que le conseil municipal a préparé à la pétition qui demandait la conservation de cette intéressante maison du temps de Maurice de Nassau? Le bourgmestre a rappelé au conseil qu'il avait voté la démolition; il lui a rappelé que, comme le bureau de l'étalonneur de la ville était placé ailleurs, on n'avait plus directement besoin du bâtiment, Que le bâtiment déparait un des plus beaux quartiers de la ville et que la réparation et l'entretien entraineraient de grands frais. Notez que ces réparations ne sont que des travaux ordinaires, comme tout édifice, qu'on veut conserver, en demande de temps en temps. ‘Un moment pourtant,’ a dit M. le bourgmestre, ‘j'ai été sur le point de vous proposer de mettre le bâtiment à l'enchère sans la clause “pour démolition” - afin de profiter de la disposition de quelques amateurs d'oeuvres d'architecture; mais admettant la possibilité | |
[pagina 93]
| |
que ces messieurs ne se décidassent pas à y faire les réparations nécessaires, je suis revenu de cette idée, et je vous soumets l'adresse de MM. Büchler, c.s. en vous offrant la parole relativement à son objet.’ La parole, c'est M. Koenen qui l'a prise, - pour motiver son vote destructif émis à la délibération précédente. M. Koenen a donné un démenti à ses bons antécédentsGa naar voetnoot1); il a dit que la pétition était bien rédigée, etc. etc. que les signataires étaient etc. etc. - mais que la ‘science de l'architecture (bouwkunde)’ ne devait pas être considérée seulement comme un des ‘beaux-arts’; qu'elle devait être mise en rapport avec l'utilité pratique et la destination des édifices, et que l'entretien, ‘Quelquefois coûteux’ d'anciens bâtiments ne méritait pas de ‘recommandation Illimitée’. C'est pour cela que etc. Le bourgmestre, la pétition à la main, a déclaré encore qu'un examen récent ne lui avait pas prouvé qu'il y eût quelque ‘fait historique’ se rattachant au monument etc. et il a conclu à la ratification du décret destructeur. - Les 28 membres présents du conseil n'ont eu rien de plus empressé à faire que de s'unir avec cette conclusion: pas une seule élucidation de demandée, pas une seule excuse de proférée. Le bourgmestre, comme président de l'administration ordinaire de la ville, et M. Koenen, l'ancien-échevin, ont seuls motivé l'opinion vandale défendue par eux. Le conseil a tout approuvé. Le conseil n'a pas proposé la moindre mitigation de la sentence Le conseil n'a pas cru que les signataires de la pétition méritassent le moindre égard. Il n'a pas proposé de délibération ultérieure. Il l'a trouvé plus commode de jeter bas ce qui est debout, ce qui est debout avec honneur depuis 236 ans, de se draper de son plus beau manteau et de répondre sèchement aux signataires: ‘Le conseil n'a pas trouvé de fondements suffisants pour satisfaire à votre désir.’Ga naar voetnoot2) Dans la ‘Partie néerlandaise,’ pag. 544, nous avons consigné les noms de quelques-uns des membres du conseil qui ont coöpéré à cette oeuvre de destruction. Nous savons qu'il y a parmi eux plus d'un qui doit partager notre opinion par rapport à cet indigne traitement des monuments de nos ancêtres et de leurs défenseurs d'aujourd'hui: mais, s'ils ne voyaient pas moyen d'arrêter le stupide marteau qui va briser l'édifice, ils n'auraient fait que leur devoir en protestant hautement contre la démolition décrétée et contre l'accueil inconvenant qu'on a fait à la pétition de MM. Büchler c.s. Nous invitons nos amis à l'étranger, les directeurs des revues archéologiques et littéraires, nos confédérés, à donner la publicité nécessaire à ce nouvel acte de vandalisme dans notre temps de ‘progrès’. | |
Bibliographie.‘Projets originaux de bâtiments modernes’, par M. Hacault. Ce M. Hacault n'est rien moins ‘qu'un enfant qu'on doit mener à la lisière’. | |
[pagina 94]
| |
M. Hacault s'est chargé de résoudre le problème de l'architecture pour le XIXe siècle. Il n'est rien moins qu'un éclectique.... S'il faut l'en croire, et, parole d'honneur, nous l'en croyons - il ne prend pas dans les différents styles de quoi composer un type commun (‘Gesammt-typus’), il a en horreur ‘l'imitation servile des modèles existants’. M. Hacault s'avoue un homme du temps moderne, un partisan du ‘principe de l'utilité’. Et comment M. Hacault s'annonce-t-il, non pas oralement, mais plastiquement? - Par une superbe ‘maison gothique’. Non, non, M. Hacault n'est pas de l'école de M. Cousin; il ne poursuit pas le Vrai, le Bien, et le Beau, dans tous les systèmes, même dans les systèmes les plus radicalement opposés. Si M. Hacault scrait convaincu d'avoir pris quelque chose dans différentes écoles - l'on verra, que, très modestement, il s'est contenté du Faux, du Mal et du Laid. On ne doit pas médire de M. Hacault, comme s'il avait des prétentions éclectiques. Il prend, timidement, son gothique dans les aberrations publiées par Pugin et mises en regard des bons modèles anciens. Les ‘imitateurs serviles’ sont battus à ne s'en plus relever: du moins nous ne saurions mieux faire que de cacher notre visage dans l'herbe, quand nous serions condamnés, en nous relevant, de jouir de l'aspect d'une maison gothique de M. Hacault.
‘Projets de maisons de ville et de Campagne’, par M. Ungewitter. - ‘Plans, élévations, coupes et détails de meubles du moyen âge’, par le même. La condamnation de M. Hacault implique l'adhésion aux principes de M. Ungewitter. Surtout ses ‘maisons’ sont d'un effet charmant, et nous ne doutons aucunement que la physionomie ne soit une fidèle traduction de la distribution judicieuse de l'intérieur. Pour les meubles nous aurions bien aimé que M. Ungewitter se fût pénétré davantage encore des monuments dans ce genre publié par M. Viollet-le-duc.
Une troisième notice bibliographique, dans notre ‘Partie néerlandaise’, est vouée à un poëme romantico-historique - un poëme à tendance - par le ministre protestant M.W.B.J. van Eyck. C'est l'agitation de 1853, à l'occasion de l'installation des évêques, qui a poussé l'auteur à traiter l'histoire de Hendrik Voes, que l'auteur appelle un martyr de la liberté évangélique. Nous regrettons que la pièce n'ait pas de beautés qui fassent oublier le manque d'à-propos de la publication. | |
Mélanges.CErtaines petites notices, que nous ajoutons à nos livraisons néerlandaises sous le titre de ‘mélanges’, sont presque toujours intraduisibles: c'est pour cela que nous aimons mieux placer ici les communications qui nous viennent de l'étranger. Avec la nouvelle année nous comptons donner quelqu'extension à cette rubrique. Dans le numéro pour Janv. Févr. nous aurons le plaisir de communiquer à nos lecteurs néerlandais le discours remarquable, par lequel Son Éminence le cardinal-archevêque de Cologne a précisé l'action des sociétés diocé- | |
[pagina 95]
| |
saines pour l'art chrétien et l'archéologie du moyen âge, qui se sont assemblées à la grande ombre de la St Pierre du nord au mois de septembre dernier. Mais avant de procéder à la copie de cette pièce éloquente, par laquelle le vénérable cardinal de Geissel prête l'appui de son rang et de son caractère sacré au mouvement de l'art chrétien, tel qu'il s'est manifesté dans les dernières années sous l'inspiration puissante de ces esprits d'élite dont nous nous avouons le très faible disciple, - avant d'en venir là, nous avons, pour aujourd'hui, trois autres petites notices à soumettre à nos lecteurs. Voici la première. | |
La Belgique flamingante.Les efforts littéraires que depuis quelques années nous avons voulu mettre en oeuvre, tendaient vers un double but. Nous l'avons poursuivi jusqu'ici avec le concours de quelques rares amis, soutenu quelquefois par des encouragements estimés, mais ordinairement à la faveur des huées et des ricanements de nos nombreux adversaires, qui, par parenthèse, ne sont pas tous également redoutables. Ce double but, c'est le rétablissement du Principe chrétien dans l'étude et dans l'application des arts; c'est le raffermissement de La nationalité néerlandaise sur sa base véritable, - la science certaine et généralement répandue, que les limites de notre patrie s'étendent jusqu'aux extrêmes frontières des pays-bas hollandais et flamingants. Pour ne parler ici que de la matière nommée en dernier lieu - c'est notre conviction inébranlable, que l'élément brabançon et flamand, l'élément hollandais et transisulanien, mis ensemble, ne peuvent manquer de se corriger, de s'épurer, de s'enricher; et d'un autre côté l'unité de la langue et l'analogie des moeurs nous est une garantie suffisante que ce mélange ne saurait nous affaiblir vis-à-vis des influences étrangères et ne saurait émousser les qualités essentielles du caractère belge et du caractère hollandais. Ethnographiquement parlant, - dans l'essentiel il y a identité; mais à cela nous devons ajouter ce que, des deux côtés, nous pouvons apporter ‘en ménage’. Nous persistons à dire que la séparation politique n'est qu'une question très subalterne; car même dans les théories et instincts politiques il y a encore analogie: nous avons un grand besoin d'un peu d'air libre, et, en général, il y a peu de peuples qui en abusent moins. Les insurrections chez nous sont ordinairement le fruit d'un système de gouvernement trop sévère, rarement d'un ordre de choses trop relâché. Mettez la morale chrétienne à couvert, et puis laissez toute liberté aux néerlandais: ils vous n'en obéiront que plus facilement. Nons avons vu et admiré avec un bonheur indicible la persévérance de nos frères flamands pour préserver d'une ruine menaçante leur langue et leur littérature, ce qui veut dire, en d'autres termes, les deux tiers de leur vie comme nation. La nouvelle a donc dû nous remplir de joie, que le gouvernement avait enfin cédé aux justes réclamations des flamands et qu'une commission avait été nommée pour examiner leurs griefs et pour subvenir aux nobles besoins de leur nationalité. Car même si l'institution de ce comité n'aurait eu lieu que pour mieux préparer les coeurs et les esprits à la célébration du vingt-cinquième anniversaire de l'avénement du roi Léopold, elle n'en rendait pas moins un témoignage éclatant que le roi et son ministère connaissaient les plaintes des flamands et en reconnaissaient l'importance. | |
[pagina 96]
| |
Mais aujourd'hui il y a plus. Non-seulement que la commission, judicieucement et impartialement composée, est entrée en fonction; mais déjà elle a posé ses principes et formulé un certain nombre de termes d'un projet de réforme administrative dans le sens flamand, et, si nous sommes bien informé, ces résolutions ont été prises à l'unanimité des voix. M. le chan. David a voté avec M. l'avocat Jottrand, M. le docteur Snellaert et M. Rens, de Gand, avec MM. Michiel van der Voort et Stroobant, MM. Hendrik Conscience et Mertens avec M. De Corswarem. | |
Déviation du plan primitif dans l'achèvement de la Cathédrale de Cologne.Le second objet qui nous préoccupait et dont nous voulions dire un mot à nos lecteurs, c'est le débat qui s'est levé entre M. Zwirner, l'architecte de la métropolitaine de Cologne, et l'archéologue M. Aug. Reichensperger. Il faut savoir que M. Zwirner, dans le cours de ses travaux, a été obligé d'abattre la tour septentrionale, qui ne pouvait guère être restaurée. Pour abriter l'escalier, l'ancien architecte avait affixé à cette tour une bâtisse à part; environ telle qu'elle existe à la tour méridionale. Maintenant M. Zwirner pense pouvoir mieux faire que cet ancien architecte, et abandonnant le modèle qu'il a eu sous les yeux, il introduit son escalier dans un des piliers de la tour; ce qui semble ne pas pouvoir s'accorder avec les lois de la solidité ni de l'esthétique, suivies jusqu'ici dans l'achèvement du beau monument germanique, et ce qui très certainement est en opposition directe avec le mandat sacré confié aux mains de M. Zwirner. M. Reichensperger a fait un appel aux statuts de la réunion dite ‘Dombau-verein’, dépositaire des aumônes modestes et magnifiques consacrées exclusivement à l'exécution de l'ancien plan, à la consommation des anciens travaux. Mais le ‘Dombau-verein’ s'est, inconcevablement, déclaré incompétent dans la question, et s'en rapporte à la décision ‘du gouvernement’! L'excellent ‘Organ für christliche Kunst’ et l'‘Ecclesiologist’, la revue anglaise qui se distingue tant par la profondeur de ses études, ont, tous les deux, protesté contre l'innovation de M. Zwirner. M. Reichensperger est placé sur un avant-poste où il a de rudes combats à soutenir. Il s'est prononcé fortement contre le gaz, comme moyen d'éclairage du sanctuaire, et il condamne absolument, et avec raison, la toiture en fer dont on couvre la cathédrale. Si son opposition courageuse et sensée ne porte pas toujours des fruits directs, elle aide partout à la propagation des vrais principes.
Maintenant nous avons encore à revenir un moment sur une question agitée dans la présente année de notre ‘Warande’; nous ne voulons pas terminer le volume avant d'en avoir dit encore un mot. | |
Pourpre blanc ou blancheGa naar voetnoot1).Deux collaborateurs du ‘Konst- en Letterbode’, MM. Δ et D., ont fourni de nouveaux détails sur l'emploi du mot purpura chez les anciens. | |
[pagina 97]
| |
Ils prouvent que le mot pourpre, tout en se rapportant, au moyen âge, à la finesse du drap, s'appliquait chez les Grecs et les Romains surtout sur le brillant des couleurs, tout comme on se servait aussi du mot blanc: c'est ainsi qu'on parle de neige de pourpre, et qu'il est question (chez Horace) de cygnes de pourpre. M. Δ cite les ‘Plinianae exercitationes’ de Salmase, M.D. recommande l'ouvrage d'Amati: ‘De restitutione purpurarum,’ Cesena, 1784. Ce dernier auteur distingue neuf couleurs pourprées simples, depuis le blanc jusqu'au noir, et cinq couleurs pourprées nuancées. Nous faisons remarquer qu'en Hollandais et Français le mot pourpre n'a jamais été employé adjectivement, comme les noms des autres couleurs. C'est pour cela qu'on dit un ‘manteau De pourpre’ et au contraire, tout simplement, ‘un manteau rouge’. On considère toujours le ou la pourpre comme une matière, et on la traite comme les autres couleurs (émaux) dans la science héraldique; au lieu de champ rouge, on dit un champ De gueules (‘kelen veld’, ou ‘veld van keel’); au lieu d'un lambel bleu, on dit un lambel D'azur (lazuren barensteel’); au lieu de lion noir, on dit lion De sable, terrasse De sinople, tout comme on dit barre D'or (gouden riem, riem Van goud), croissant D'argent (zilveren wassenaar), etc. C'est que les couleurs des armoiries étaient censées être de véritables couches d'émail ou pans de drap, dont on chargeait les écus. Il est assez curieux que pour peindre on dise en hollandais ‘écussonneler’ (schilderen; schild = écuGa naar voetnoot2). C'est comme si l'on voulait donner à entendre qu'on imite artificiellement la superposition, trait caractéristique de l'arrangement d'un écu héraldique. Nous appelons un ‘peintre’ un écussonneleur; cependant nous employons aussi le mot consacré par l'usage allemand mahler (maler - anciennement mieler; autrefois on disait aussi scriven, pour peindre - scriven, ‘écrire’). |
|