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Nederlandse rekeningen in de tolregisters van Koningsbergen
P. Jeannin
P.H. Winkelman, ed., Nederlandse rekeningen in de tolregisters van Koningsbergen 1588-1602. Bronnen voor de geschiedenis van de Nederlandse Oostzeehandel in de zeventiende eeuw, I (RGP, Grote Serie 133, 's-Gravenhage: Martinus Nijhoff, 1971, xvii + 822 blz. in 4o).
La nouvelle série dont nous avons ici le premier volume doit rassembler des documents, tirés de diverses archives néerlandaises et étrangères, relatifs à l'histoire du commerce néerlandais de la Baltique au XVIIème siècle. Rendre accessibles des données chiffrées est la préoccupation qui a dicté le choix du matériel présenté en premier lieu: des comptes du Pfundzoll perçu à Königsberg. Mis à part les comptes du Sund, ces registres où est inscrit, navire par navire, le détail des taxes payées pour tout ce qui entrait dans le port prussien et en sortait, constituent la plus riche série documentaire conservée dans la région, pour qui s'intéresse au commerce hollandais. Elle n'a pas la continuité des comptes douaniers suédois, mais la Suède n'était pas à cette époque pour les Hollandais un marché aussi important que la Prusse. Dantzig certes était un bien plus gros centre que Königsberg, mais les comptes de la Pfahlkammer n'y ont été conservés que pour la seule année 1583 dans la période couverte par le présent volume avec ses sept années de Pfundzollregister 1588, 1589, 1593, 1596, 1597, 1600 et 1602. La priorité accordée à ceux-ci se justifie donc, mais il faut regretter que, pour s'en tenir strictement à la date initiale de 1585 fixée par la sous-commission qui a mis le projet en chantier, la publication ait laissé de côté les registres des années 1581 et 1582, tout à fait semblables à ceux de 1588-1589. Encadrant l'année 1585 dans le panorama de la décennie, la solution consistant à commencer en 1581 correspondait à une coupure de forme et de fond: les registres
précédents (1573 et 1574) ne sont pas tenus de la même façon, et les plus anciens, échelonnés de 1549 à 1563, sont d'un temps où le commerce hollandais à Königsberg n'avait pas encore atteint une très grande ampleur. Pour les années choisies, regrettons à nouveau que la publication ne groupe pas avec les comptes de Königsberg ceux d'Elbing, que conservent les archives de Gdansk. Assez souvent, un navire chargeait ou déchargeait au cours du même voyage dans les deux ports. Les sources parallèles contiennent de fréquents renvois de l'une à l'autre. Il eût été très profitable de les rapprocher dans le même volume quand elles existent simultanément (1596, 1597, 1600).
Les comptes du Pfundzoll sont subdivisés en trois rubriques: ‘Konigspergische schipper’, ‘Hansestettische’, ‘Hollendische’. Sous cette dernière rubrique figurent en réalité, avec une écrasante majorité de néerlandais, les navires ost-frisons, anglais, écossais, français, et même quelques navires de ports allemands et danois rangés là par erreur, ou du moins contrairement à la norme appliquée aux autres navires de ces ports. La décision de publier néanmoins tout le contenu de cette rubrique se justifie malgré l'optique néerlandaise de l'ouvrage. Même si l'on s'en tient strictement à cette optique, des adjonctions auraient été utiles, voire nécessaires. Avant de discuter ce point qui touche à la nature exacte des informations et à leur pertinence pour ce qui concerne l'histoire commerciale des Pays-Bas, il faut examiner le travail d'édition en lui- même.
L'introduction donne en quelques pages les renseignements nécessaires sur les modalités pratiques de déclaration et d'enregistrement des navires et des marchandises. Pour une
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étude plus approfondie de ce sujet, il convient de se reporter au livre, non cité ici, de Horst Kempas, Seeverkehr und Pfundzoll im Herzogtum Preussen. Ein Beitrag zur Geschichte des Seehandels im 16. und 17. Jahrhundert (Bonn, 1964). Dans l'exposé satisfaisant de Winkelman, une erreur est à rectifier à propos de la ‘Kinderführung’, définie ‘een zeker kwantum, dat de bemanning voor eigen rekening mocht verhandelen’. Tel était sans doute à l'origine le portage, mais ici le terme désigne simplement un dégrèvement accordé au maître de navire ‘weil er durch den Sund schiffet’: indication expresse fréquemment donnée dans des comptes non publiés ici. Ce dégrèvement n'intervenait jamais sur des marchandises importées, ni sur celles qui étaient expédiées vers un port de la Baltique. Il n'avait rien à voir avec la propriété commerciale de l'article sortant en franchise. Quand le maître de navire déclarait des marchandises pour son propre compte, c'était souvent une fraction de celles-ci qui était dégrevée, mais pas toujours. La remise pouvait tout aussi bien porter sur une fraction des marchandises déclarées pour un affréteur, le bénéficiaire restant le maître de navire; plusieurs passages du texte le prouvent clairement: 1589, nr. 153, Peter Riesenkirch; 1589, nr. 291, Georg Schlicht; 1596, nr. 200, ‘Kinderführung von Wilhelm Fleck gut’; 1597, nr. 85, 373, 469.
Malgré l'état du manuscrit, généralement bien écrit, la transcription a soulevé plus d'une difficulté, notamment pour le déchiffrement des noms propres. L'établissement du texte a demandé un travail dont portent témoignage les listes imposantes d'ouvrages consultés pour l'identification des marchandises et des noms de lieux.
La présentation surprend au premier abord. Au lieu de suivre l'ordre du manuscrit, qui est en gros l'ordre chronologique des déclarations d'arrivée, l'éditeur a reclassé les navires selon la date de déclaration de départ. Aucun avantage visible ne justifie cette disposition, qui présente en revanche l'inconvénient d'une inconséquence certaine pour la numérotation des navires ne repartant pas dans l'année de leur arrivée - particulièrement nombreux à la fin de 1600 -, et aussi pour le classement de quelques navires dont le document fournit seulement la date de déclaration à l'arrivée. Une évidente erreur de datation de l'original est bien signalée (1600, nr. 49), une autre a échappé à l'attention: 1597, nr. 183, où il faut lire ‘Den 1 Julij vorpfundett’ au lieu de ‘Den 1 Junij’. Ayant eu l'occasion de dépouiller moi-même tous ces registres à l'exception de l'année 1602, j'ai constaté dans la publication diverses inexactitudes. La liste relativement longue de ces erreurs n'implique en aucune façon un jugement défavorable sur le travail de l'éditeur et de ses collaborateurs, car leur version m'a souvent permis de corriger des défectuosités de ma propre lecture. C'est pour les utilisateurs qu'il faut rectifier:
1588, nr. 67, |
Vors schif: au lieu de ‘- - -’, lire ‘1 - -’ |
1588, nr. 100, |
Vors schif: au lieu de ‘4 - -’, lire ‘3 - -’ |
1588, nr. 168: |
dans les marchandises exportées d'Allert Jansen, c'est le wagenschos (1.5 gr. h.) qui constitue la Führung, et les ‘3 schock eichen plancken’ paient 1 30 - |
1589, nr. 159, |
‘1 gr. h. stuck kablau’: au lieu de ‘uf 5 fl.’, lire ‘uf 15 fl.’ |
1593, nr. 17: |
au lieu de ‘Ausgeladen: ballast’, lire ‘Ballast’ (avec les marchandises apportées), puis ‘Ausgeladen’ |
1593, nr. 33, |
summa: au lieu de ‘30 7 3’, lire ‘20 7 3’ |
1593, nr. 90, |
summa: au lieu de ‘24 9 -’, lire ‘22 9 -’ |
1593, nr. 130: |
au lieu de ‘1 48 -’ et ‘2 48 -’, |
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lire ‘1 28 -’ et ‘2 28 -’, |
1593, nr. 412, |
‘Georg Schlicht: 3 last flachs 3 36 -’: cette mention figure en réalité dans les marchandises exportées, non dans les importées |
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1593, nr. 418: |
au lieu de ‘14 ohm reinisch wein’, lire ‘24 ohm’ |
1596, nr. 183: |
un article exporté a été oublié: ‘10 lest henf 6 - -’ |
1596, nr. 339, Georg Peis: |
au lieu de ‘38 1/2 lest roggen’,
lire ‘37 1/2 lest’ |
1596, nr. 356: |
au lieu de ‘41 lest flamisch hering’, lire ‘14 lest’ |
1597, nr. 153, Hieronimus Jetzsch: |
2 lest flachs; au lieu de ‘2 44 -’
lire ‘2 24 -’ |
1597, nr. 219: |
‘20 uxhovet frantzsch wein - 30 -’; la lecture est juste, mais vu le tarif il doit s'agir d'une erreur du manuscrit qu'il serait bon de signaler |
1597, nr. 382: |
au lieu de ‘2 gr. h. klapholz 7 48 -
3 gr. h. wagenschos 7 6 -’,
lire ‘2 48 -’ et ‘2 6 -’, ce qui ramène le total à ‘20 13 4’ au lieu de ‘30 13 4’ (total erroné bien qu'il figure dans le manuscrit) |
1597, nr. 404: |
‘Jan Potten der Junger: 5 lest hering 7 30 -’ ;d'après le tarif appliqué aux autres chargeurs du même navire, il faut probablement lire ‘10 lest’ |
1597, nr. 405: |
les cinq articles de Timme Jansen, Simon Cornelissen Evert, Nicles den Otter et Adrian Mertensen, placés ici dans les importations, sont en réalité des exportations |
1597, nr. 462, Dirck Stotman: |
au lieu de ‘1 last 1/2 schifpfund flax’, lire ‘1 last 5 schifpfund’ |
1600, nr. 46, Schipper: |
au lieu de ‘5 last rogken’, lire ‘15 last’ |
1600, nr. 48, Hans von Duhren: |
au lieu de ‘5 last leinsat’, lire ‘3 last’ |
1600, nr. 80, Jacob Clausen Klock: |
‘3 schipfpfund flachs 3 36 -’; schipfpfund est certainement une erreur du manuscrit pour ‘last’ |
1600, nr. 80, Jasper Wilmsen: |
‘17 thonnen leinsat - 38 -’; 17 doit être une erreur du manuscrit pour 19 |
1600, nr. 141: |
au lieu de ‘45000 dachstein’, lire ‘4500’ |
1600, nr. 180: |
oubli de la taxe payée par Dirck Jacobsen pour 1 1/2 gr. h. klapholz, soit 2 6 - |
1600, nr. 278: |
au lieu de ‘october 4’, lire ‘october 14’ |
1600, nr. 318: |
au lieu de ‘218 last 15 thonnen broasi salz’,
lire ‘128 last...’ |
Dans bien des cas sans doute, il s'agit seulement de fautes d'impression. L'éditeur a pris soin de vérifier le compte de chaque navire, car il signale en note les erreurs d'addition, qui parfois d'ailleurs ne sont que des apparences. Par exemple dans 1589, nr. 7: le total indiqué de la taxe (19 58 3) dépasse de 36 schilling la somme des articles, mais en réalité les 24 1/2 last de seigle exporté devaient payer non pas 9 12 -, comme indiqué, mais bien 9 48 -, de sorte qu'en définitive 19 58 3 est bien le total exact. La différence observée sur 1593, nr. 45, s'explique de la même façon, les 29 1/2 last de seigle devant payer 8 51 -, et non 8 52 -. De même pour 1600, nr. 264: le total est en réalité exact, parce que 2 gr. h. 2 ring de Klapholz doivent payer 3 2 -, et non 3 21 -.
La nomenclature des marchandises est beaucoup plus variée pour les importations, en raison de postes insignifiants de denrées peu communes à propos desquelles subsistent quelques points douteux ou obscurs. Les erreurs semblent ici rarissimes. 1597, nr. 477: ‘60 pfund Thonius zucker’ (il faut plutôt lire ‘Thomes zucker’, sucre de Sao Tome); la lecture ‘almant’ (1589, nr. 42 et 1602, nr. 113) paraît très contestable: bien plutôt que de grandades, dont ce serait les deux seules mentions, il doit s'agir de vin d'Alicante, étant donné l'unité de mesure et la présence d'autres vins dans ces deux cargaisons. Ajou- | |
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tons un complèment et une rectification sur deux détails de métrologie. Pour la laine, 1 stein = 32 pfund (cf. 1593, nr. 198, où il convient de lire ‘110 stein 16 (mark)pfund wolle’, et non ‘110 stein 16 schifpfund’). Pour les graines de lin et de chanvre, les comptes connaissent deux unités: la last, et la grosslast, double de la première d'après le tarif qui lui est appliqué. Le texte oublie parfois de préciser; par exemple 1596, nr. 86:
‘Hans von Duhren: 8 last gros henfsaedt |
6 24 - |
Ahrendt Jansen Fienk: 7 last henfsaedt |
5 36 -’ |
Il s'agit évidemment dans les deux cas de grosslast, et c'est celle-ci qui se subdivisait en 24 thonnen ou 60 scheffel (cf. 1600, nr. 5, où il faut lire ‘Otto Dautsenn: 4 last leinsat, 60 scheffel vor die last’, et non ‘60 fl. vor die last’).
Le nom des domiciles déclarés par les maîtres de navire était fréquemment déformé. Quelques difficultés ont été mal résolues. Ainsi 1588, nr. 68: il faut lire non pas ‘Kiel’ mais ‘Krel’ (Crail en Ecosse). Abro et Albro ne sont pas vraisemblablement Arbroath en Ecosse; Aldborough en Angleterre me semble une interprétation préférable, car dans deux cas les chargeurs des navires en cause sont anglais, et les cargaisons des autres ont un profil anglais. Une raison analogue fait douter de l'identification proposée pour Mayen (1589, nr. 262: île écossaise??): parmi tous les navires écossais de cette année, aucun n'a tonnage aussi important ni une cargaison de ce type. Toujours en Ecosse, Königsfor (1597, nr. 146) pourrait bien être Kingsferry. Très douteuse est encore l'identification pour 1596, nr. 301 et 1600, nr. 171, bien qu'on lise en effet ‘von Pommerell’ dans le premier cas et ‘von Wannsenn’ dans le second. Au lieu de Der (1597, nr. 164) - port français non identifié, il faut sûrement comprendre Dieppe, le chargeur étant Abraham Duquesne; et Dieppe encore dans 1602, nr. 138. Le navire de ‘Bellert’ (1597, nr. 229) était-il français? je chercherais plutôt comme solution une localité néerlandaise. Si ‘Perdeis’ (1602, nr. 166) désigne un port français, la traduction Perdeix laisse sceptique. ‘Davidt Flatten von Maras’ (1600, nr. 217) est plutôt un Ecossais de Montrose qu'un Français de Marans. Quant à ‘Rozel’ (1600, nr. 110), pas de doute: il s'agit de la Rochelle, non d'une localité de la région de Cherbourg. Tout cela ne touche pas l'identification de l'immense majorité des domiciles.
‘Gijst’ (1597, nr. 190) est donné comme signifiant vraisemblablement Gaast en Frise; Jisp en Hollande semble aussi plausible. Keten (197, nr. 291) est une erreur de lecture pour Ripen (Ribe, au Danemark): le même maître de navire apparaît une autre fois dans le registre, deux mois plus tard, mais sous la rubrique ‘Hansestettische’. Les employés de la douane avaient quelque tendance à confondre ce port danois avec de Rijp en Hollande; il n'est pas commode de démêler le domicile des navires ‘von Ripen’. L'éditeur a tranché au mieux. Le navire qu'il classe trois fois sous Ribe en 1589 (nr. 110, 180 et 214) avait fait un premier voyage au début de l'année, pour lequel le registre le range parmi les ‘hanséates’; de même pour 1597, nr. 106 (second voyage deux mois plus tard, avec les mêmes chargeurs). Les comptes de ces deux voyages ‘hanséates’ auraient donc leur place parmi les adjonctions que la publication ajoute au contenu de la rubrique ‘Hollendische schipper’, et sur lesquelles on reviendra plus loin.
L'indexation des noms de personnes en deux listes - noms des maîtres de navire et noms des chargeurs - fournira une aide appréciable à divers types de recherches: monographies, études sur la concentration des transactions, sur la rotation des navires, etc. La fantaisie des orthographes a fait de ce travail ingrat une tâche délicate. Limitons nous à quelques exemples. Le marchand à qui l'index donne le nom de Jacob Reinnerts apparaît plus de 170 fois dans les comptes, soit une trentaine de fois par an, comme importateur ou exportateur; les quelque vingt variantes de graphie se groupent autour de deux types: Reinerts et Remmerts; l'éditeur à raison, je crois, de considérer qu'il s'agit en fait d'un seul per- | |
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sonnage. Ne fallait-il pas faire de même pour Rem Egbersen (32 mentions en 1596, 1597 et 1600), Rem Egbertsen Biscgop (89 mentions en 1596-1597) en Rehm Bischeff (110 mentions en 1600 et 1602)? S'il s'agit bien comme je le pense du même homme, cette division fictive masque un des plus gros opérateurs du secteur. Le même problème se posant en mainte autre occasion, il faut souligner combien reste approximatif le nombre total des chargeurs cités dans le document, que l'introduction (page xi) évalue à 853. Ce dénombrement, et par conséquent toute étude sur l'importance respective des entreprises en cause, sont soumis aux aléas du déchiffrement des noms de personne. L'éditeur trouve une seule fois un Marten Firsen (1597, nr. 295); je lis là Marten Korsen, ce qui serait la vingt-huitième mention du marchand identifié vingt-sept fois à l'index. L'identité est certaine dans le cas de Hans Roten et Hans Roden, distingués à l'index: il s'agit d'un seul marchand d'Amsterdam. La difficulté, sur laquelle on ne saurait trop
insister pour mettre en garde contre la tentation de conclusions trop assurées sur la répartition du chiffre d'affaires entre les intéressés, est naturellement aussi sérieuse en ce qui concerne les maîtres de navire. L'index distingue un Peter Jansen Bordinck, de Medemblik, et un Peter Jannsen, également de Medemblik, qui apparaît en particulier en 1600 (nr. 206, ‘verpfundet’ le 18 septembre); or les comptes d'Elbing signalent le 21 septembre 1600 un Peter Bording, de Medemblik, chargeant à Elbing après Königsberg. La présence ou l'absence du surnom Bordinck ne suffit donc aucunement à prouver l'existence de deux Peter Jansen, mais en 1602 ils sont effectivement deux (nr. 285, verpfundet le 9 septembre, et nr. 334, arrivé le 10 septembre). L'embarras résulte du fait que la source ne donne jamais le nom du navire. Pour trancher entre identification et distinction, il faut examiner non seulement les noms des capitaines, mais aussi le Schiffsgeld payé (à somme égale, la présomption est renforcée qu'il s'agit du même navire), et aussi le domicile déclaré. Encore ce dernier critère peut-il n'être pas décisif. L'éditeur a cru devoir distinguer à l'index un Dawe Atzen d'Amsterdam (7 mentions) et un Daue Utzen de Terschelling (2 mentions). Il doit s'agir à mon sens du même homme, faisant régulièrement trois voyages par an avec le même navire (le Schiffsgeld est toujours 3 mark); la conclusion semble s'imposer si l'on se reporte au texte:
1593. |
nr. 42 Dawe Utzen von Amsterdam |
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nr. 350 Dawe Atzen von Amsterdam |
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nr. 454 Dawe Utzen von der Schelling |
1596, |
nr. 86 Dawe Utzen von Amsterdam |
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nr. 210 Dawe Utzen von Amsterdam |
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nr. 393 Dawe Utzen von Amsterdam |
1597, |
nr. 91 Dawe Utzen von Amsterdam |
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nr. 306 David Utzen von Amsterdam |
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nr. 422 Daue Utzen von der Schelling |
Il serait fastidieux d'accumuler des cas semblables. Le nombre total des maîtres de navire avancé dans l'introduction (1444) est lui aussi forcément très approximatif. Sans reprocher à l'éditeur des imperfections que le matériel rend inévitables, il est permis de souhaiter un discernement plus vigilant. Le document, malheuresement, n'indique que très exceptionnellement le domicile (la nationalité) des chargeurs. Redisons ici l'intérêt qu'aurait présenté l'exploitation des comptes d'Elbing, plus riches en renseignements à cet égard. Il eût été possible en tout cas de reprendre dans l'index tous les maigres traits épars, par exemple la qualité de Friedrich Klei, ‘zolner im Sunde’ (1589, nr. 2) et commerçant actif. Beaucoup de marchands anglais sont aisément repérables, et aussi ceux de Königsberg - plusieurs comptaient parmi les plus gros opérateurs -, dont la citoyenneté est prouvée par leur titre ou par quelque mention d'ordre administratif: Jakob Bock, le Baumschliesser,
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et surtout des membres des Conseils comme Berndt Fahrenheide, Hieronymus Ietszch, Hans Michel, Friedrich Muntfort, etc. Le rôle des négociants locaux dans l'importation et l'exportation intéresse d'abord l'histoire de Königsberg et de son économie; mais il concerne également, et à un double titre, l'éclairage que projettent les comptes sur le commerce hollandais.
L'intention de publier, en même temps que le document, une ‘analyse statistique détaillée’ (page xiv), a été abandonnée. Je ne partage pas le regret que cette renonciation inspire à P.H. Winkelman. De quelle statistique pourrait-il être question? Certainement pas du mouvement général des importations et exportations à Königsberg, puisqu'une partie des entrées et des sorties n'est pas prise en considération. Mais pas davantage du commerce néerlandais sur ou avec la place de Königsberg. Le commerce néerlandais, en l'occurrence, pourrait signifier deux choses: le volume des échanges entre Königsberg et les Pays-Bas; le volume des transactions effectuées par ou pour le compte de marchands néerlandais. Or les Pfundzollbücher ne permettent de mesurer vraiment ni l'un ni l'autre. Ils sont muets sur la provenance et la destination des navires, et nous ignorons dans la plupart des cas si les propriétaires de cargaisons mentionnés dans les comptes étaient ou non néerlandais (la mention des chargeurs manque d'ailleurs parfois). Il est vrai que le commerce hollandais dans l'aire baltique ne se limitait pas à des échanges directs entre cette région et les Pays-Bas. A Königsberg comme à Dantzig, des négociants hollandais importaient de France ou du Portugal aussi bien que de Hollande, et exportaient en droiture vers divers pays étrangers. Si les comptes ici publiés donnent une idée de la position dominante du commerce hollandais à Königsberg, ils n'offrent pas le moyen d'en donner une formule chiffrée. Assimiler volume du commerce hollandais et volume des biens transportés sur navires hollandais serait une erreur, que le titre, et certains aspects de la publication risquent d'accréditer.
Dans l'index des marchandises importées et exportées, chaque article est subdivisé en rubriques: néerlandais, anglais, écossais, etc.; le classement se rapporte à la nationalité non pas de la marchandise transportée, mais du navire transporteur. Un lecteur pressé peut s'y tromper d'autant plus aisément que rien ne l'avertit du sens de cette disposition. Pour écarter toute équivoque, soulignons que le navire hollandais était assez souvent le véhicule d'un commerce hanséate (problème soulevé plus haut du rôle des marchands de Königsberg, et à une moindre échelle d'autres marchands allemands) ou d'un commerce anglais. Dans la seule année 1597, un pointage sûrement incomplet, tenant compte des provenances et destinations indiquées par le registre de douane d'Elbing, quand le navire a eu affaire dans les deux ports, et de la nationalité des chargeurs anglais que j'ai reconnus, révèle une vingtaine de navires hollandais utilisés par le commerce anglais. Pour Arndt Brandt, de Kampen (1597, nr. 4), la preuve est dans un certificat inséré à la fin du registre (et que la publication ne reproduit pas), déclarant que le marchand anglais Thomas Stiel expédie à Londres cette cargaison de seigle. Autre exemple: la cargaison apportée par Jacob Petersen (1600, nr. 99) se trouve enregistrée également dans les comptes d'Elbing: 16 pipes de vin français et 47,5 last de sel de Brouage qualifiés ‘Elbingsch Gut’, 3,5 last de sel seulement ‘Hollandsch Gut’; ce navire repart pour Londres, entièrement chargé par le marchand de Königsberg Sigmund Scharf. Ce sont les défauts de la source qui empêchent de déceler précisément tout l'écart
entre le volume du shipping néerlandais et celui du commerce. Mais dans tout le travail de semiélaboration présenté avec le document, l'éditeur donne l'impression de ne pas bien voir ce problème, ou d'attacher une importance exagérée au critère du pavillon, ou plutôt à ce qui peut approximativement en tenir lieu: le domicile des maîtres de navire.
C'est pour cette raison sans doute qu'il incorpore dans la publication quelques unités
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figurant sous les deux rubriques laissées de côté en principe, par exemple 1589, nr. 297 (un navire entré sous la conduite d'un capitaine de Rostock, et acheté par le capitaine de Hoorn qui le conduit à la sortie). D'autres adjonctions (1596, nr. 4 et 22) sont moins compréhensibles; est-ce parce que ces deux maîtres de navire de Königsberg emportent des marchandises précédemment déclarées comme devant partir sur des navires néerlandais, et que ceux-ci n'avaient pu charger? Dans cette hypothèse, il aurait fallu ajouter d'autres cas semblables. Voici par exemple les 50 last de cendres enregistrées le 28 octobre 1588 par Henninck Pagenton (1588, nr. 252); on retrouve 7 de ces 50 last le 7 mai 1589, partant sur la navire de Lorentz Friese, de Hambourg, absent de la publication parce que classé hanséate dans le registre. Pareillement une fraction des cendres de Lorenz Girle (1589, nr. 82, le 12 juin) ne part que le 19 juin sur un navire conduit par un maître anglais, navire ‘hanséate’ à l'entrée, sous un capitaine de Gotland.
Ces observations sur des cas individuels conduisent à l'idée qu'une solution meilleure eût consisté à incorporer dans la publication tous les navires qui ont pu participer aux liaisons entre Königsberg et les Pays-Bas, sans être inscrits sous la rubrique ‘Hollendische schipper’. La présence sous celle-ci de cas aberrants (domicile à Copenhague, Elseneur, Flensbourg, etc) montre que le système de classement de l'administration n'était pas sans défaillances. Le domicile déclaré constitue lui-méme un critère de valeur parfois douteuse. Une note portée sur le registre (1589, nr. 173, Simon Sivertsen, de Hoorn) nous en avertit: ‘Nota, ist von Hamborch’. Reprenons l'exemple déjà rencontré de Sivert Petersen (1596, nr. 22); ce personnage fait la même année deux autres voyages à destination de l'Ouest, toujours classé dans les ‘Konigsbergische schipper’; au troisième voyage (6 septembre), il part à vide pour Elbing où il charge pour Londres; le compte d'Elbing lui assigne comme domicile Enkhuizen. En 1597, il est encore ‘Konigsbergischer schipper’ à Königsberg, mais passe à Elbing pour être de Venhuizen, au point qu'on peut se demander si ce n'est pas le même homme et le même navire qui se trouvent enregistrés plus tard à Königsberg comme hollandais (1597, nr. 295). Peu importe cet individu, mais le fait est que les parts d'un navire pouvaient appartenir à des propriétaires de nationalité différente, et il arrivait que les armateurs engagent un capitaine étranger. Il était facile, en préparant la publication, de prendre dans les deux rubriques écartées en principe les navires de Königsberg et
‘hanséates’ bénéficiant à la sortie d'une Kinderführung parce qu'ils allaient plus loin que le Sund. Le volume ne s'en trouverait pas gravement alourdi (21 navires de plus en 1596). Assurément ces navires dont je regrette la mise à l'écart n' avaient pas tous comme provenance ou comme destination les Pays-Bas, mais cette observation s'applique tout autant, on l'a vu, aux navires catalogués ‘hollandais’. On reconnaîtrait d'ailleurs, sur ces navires qui manquent dans la publication, plus d'un chargeur hollandais ou non qui utilisait conjointement les services de navires hollandais.
Les comptes édités par Winkelman ne concernent pas uniquement les relations commerciales des Pays-Bas ou des marchands néerlandais avec Königsberg. En sens contraire, le volume ne donne pas tous les éléments d'information que les Pfundzollbücher étudiés contiennent pour l'histoire du commerce hollandais. La publication in extenso de tels comptes de douane est un luxe que certains historiens pourraient estimer superflu. Une partie de la matière, il est vrai, pourrait être condensée en tableuax. Mais si l'histoire du commerce a besoin de s'appuyer sur des séries de données quantitatives, elle doit aussi travailler au niveau des entreprises. L'analyse des registres de douane, si elle ne néglige pas leur richesse de détails, contribue à favoriser la coordination des points de vue macroéconomique et microéconomique. Le volume, comme l'éditeur le dit avec raison, facilitera des confrontations fructueuses avec d'autres sources. Ses imperfections mineures, et même le défaut qui tient à un choix trop restrictif des comptes retenus, pèsent peu en face d'un apport positif considérable. L'éditeur et ses collaborateurs méritent la reconnaissance des historiens à qui ils offrent un instrument de travail très important.
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