Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genootschap. Deel 13
(1892)– [tijdschrift] Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genootschap– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Journal concernant les évènements politiques de notre patrie depuis 1798-1807 redigé par Daniel Delprat.
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taal van gouvernementswege werden gewisseld en uitgevaardigd. Van het jaar 1799 aan was zijne pen ijverig bezig ten dienste van onze betrekkingen met het buitenland. Van zijne bereidwilligheid om elkeen in dit opzicht ten dienst te staan maakte ook de handelsstand van de hoofdstad dikwijls gebruik, bij de onderhandelingen met het Weenerhof over de Oostenrijksche schuld en bij andere belangrijke aangelegenheden, waarin hij op geheel belangelooze wijze zijn hulp verleende niet slechts tot inkleeding in het Fransch, maar tot scherpzinnige ontwikkeling van bewijsgronden of voor te leggen grieven. Na het verbreken van den vrede van Amiens was ons land in gedurige wrijving met het Fransche bewind. Vele diplomatieke nota's werden gewisseld over ontstane geschillen wegens te verleenen subsidiën, wegens wederrechtelijke handelingen van kaapvaarders, wegens onderhoud van tijdelijk hier verblijvende troepen, enz. enz. Er heerschte bij het Departement van Buitenlandsche Zaken destijds eene werkzaamheid, waarvan de uitgebreidheid zich moeilijk laat schatten, en waarin de toenmalige Secretaris-Generaal Johannes Bosscha van de onvermoeide hulpvaardigheid van zijn' vriend Delprat grooten dienst ontving. De komst van koning Lodewijk tot den troon verschafte aan Delprat nieuwe gelegenheid om gewichtige diensten te bewijzen. De vorst schonk hem spoedig eene groote mate van vertrouwen. Dikwerf moest hij zijne hulp verleenen tot het opstellen van vertoogen, hetzij aan Talleyrand, hetzij aan den keizer. Hij werd in de meest geheime bedoelingen en ontwerpen des konings ingewijd en met een groot vertrouwen behandeld. Na het overlijden van den Secretaris-Generaal J. Bosscha zocht Lodewijk Napoleon Delprat te bewegen | |||||||||||||
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om zijne kerkelijke ambtsbediening tegen die van den opengevallen post bij het Ministerie van Buitenlandsche Zaken te verwisselen. Den voorslag daartoe wees deze volstandig van de hand. Toch kon hij niet voorkomen, dat hem de provisioneele waarneming van den post van Secretaris-Generaal werd opgedrongen, en hij bleef de voornaamste werkzaamheden aan dien post verbonden waarnemen tot op het tijdstip onzer inlijving bij het Fransche keizerrijk. Op aanbeveling van den Prins van Plaisance, toen Gouverneur-Generaal der Hollandsche Departementen, werd Delprat dadelijk aangezocht in het overzetten in de fransche taal van een aantal officieele diplomatieke stukken behulpzaam te zijn. De omwenteling van 1813 vond hem daarmede bezig, maar tevens gezind om zijne vroeger verworvene bekendheid met de buitenlandsche aangelegenheden ten dienste van het herboren vaderland te stellen. Op het uitdrukkelijk verlangen van den nieuw benoemden Minister van Buitenlandsche Zaken G.K. van Hogendorp werd Delprat hem toegevoegd als geheim-secretaris bij dat Departement. In die betrekking tot aan zijn overlijden in 1843 werkzaam gebleven, is hij zoowel door koning Willem I als door de opeenvolgende hoofden van het Departement belast gebleven met de redactie in de fransche taal van de geheime diplomatieke bescheiden. De Hoogleeraar J. Bosscha in zijne geschiedenis van koning Willem II noemde Delprat ‘een man van fijnen geest en uitgebreide kennis.’
Mr. D.H. DELPRAT.
Rotterdam, Juli 1891. | |||||||||||||
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Étant à même de voir bien des choses, j'ai résolu de recueillir journellement les faits les plus intéressants, comme autant de matériaux, qui pourront servir dans la suite à l'histoire du temps. L'état de ma santé m'ayant obligé à me retirer à la campagne, vers le milieu d'août 1798, Mr. S.N. vint un jour m'y proposer de la part de Mr. Maarten van der Goes, désigné ministre des relations extérieures de la République Batave, de remplir à son bureau un poste de confiance. Sans rejetter entièrement la proposition, je demandai du temps pour y penser. Mon ami A. Tinne à qui j'en fis part, fut du même avis que moi, celui d'offrir mes services, dans les occasions importantes, mais sans accepter de poste fixe, ni même de rétribution, et encore moins de renoncer, comme on me le proposait, à ma place de Pasteur de l'église Wallonne. Indépendamment de l'instabilité de l'état des affaires politiques à cette époque, j'aimais trop mes fonctions ecclésiastiques et mon troupeau. A mon retour en ville, en Septembre, je n'entendis plus parler de rien, lorsqu'un beau jour Mr. van der Goes me fit demander un mot d'entretien. La façon dont il me parla, et l'estime que j'en conçus pour lui, me déterminèrent à accepter sa proposition, et je n'en ai pas eu un instant de regret. Il s'agissait d'être son Rédacteur; je n'avais besoin de prêter aucune déclaration, et l'arrangement resterait secret entre lui, son secrétaire et le président du Directoire. Je fus assez heureux que de gagner sa confiance, et si l'attachement le plus sincère et le plus entier dévoûment y formèrent des titres, j'ai la conscience de l'avoir meritée. | |||||||||||||
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C'est le journal de ce que j'ai été à même de voir, dans ce poste, que j'ai dessein de consigner ici.
La révolution du 12 Juin 1798 avait mis à la tête de la république Batave un gouvernement provisoire, qui se conformant à la constitution adoptée depuis peu (constitution qui, faite à la hâte, n'était qu'un ramas hétérogène, compilé tant bien que mal, calqué sur la constitution française et dont on prétend qu'un nommé Du CangeGa naar voetnoot1), confident du ministre de France la CroixGa naar voetnoot2), revoyait les feuilles) - avait établi un Directoire et des Agens ou ministres dont j'esquisserai le caractère. Les cinq Directeurs étaient Mr. van Haersolte, homme honnête, à principes, mais faible et pusillanime. Van Hooff, brave homme, mais tête exaltée, et qui n'avait des qualités de sa place qu'un patriotisme plus chaud que celui de ses collègues. Ermerins, bon jurisconsulte, bon travailleur, mais voilà tout. Hoeth, honnête homme, quoiqué affichant le deïsme, mais nul comme Directeur. Bésiers, le plus fin et le plus entendu de tous, mais manquant d'énergie. Hultman, le secrétaire, était bon pour sa place, mais passait pour faux, et décrié pour sa morale. Les ministres étaient pour les relations exté- | |||||||||||||
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rieures: Mr. M. van der GoesGa naar voetnoot1) qui avait rempli avec honneur diverses carrières diplomatiques à Coppenhague, à Madrid et même à Paris, où il avait sauvé deux millions à la Rép. Batave, qui lui avait donné cette somme pour faciliter les négociations, et dans lesquelles il avait réussi sans ce secours. C'était bien le plus honnête homme que j'aie jamais connu, réligieux, désinteressé, aimant sincèrement son pays, et sans être un aigle, ayant le génie de sa place et la routine des affaires, et le seul alors capable de remplir un poste, qui exige des formes et un ton qu'on n'aurait pas aisément trouvé dans d'autres. On lui reprochait d'être inconstant et habituellement mécontent. Je puis affirmer que je l'ai vu constamment animé du même but et fidèle à son système, celui de maintenir autant qu'il était possible l'indépendance de son pays. Dès lors également anti-français qu'anti-anglais, et s'opposant aux vexations et aux usurpations de la République française comme il s'était opposé aux vexations auglaises, dans les missions en Danemarc et en Espagne. Il se piquait de ne servir ni parti, ni personnes, mais son pays, et je lui dois le témoignage de l'avoir toujours vu agir en conséquence. Il m'a assuré plus d'une fois, qu'il avait conservé la correspondance avec Mr. v.d. Spiegel, qui après avoir dressé les instructions, y joignit l'instruction secrète de ne jamais rien faire sans l'aveu du ministre d'Angleterre. Son bureau était, généralement parlant, le mieux | |||||||||||||
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composé de toutes les agences. Son premier secrétaire Bosscha était un garçon d'un vrai mérite, excellent rédacteur, même en français. Tête froide, tout fin, patriote éclairé et modéré, quoiqu'au fond antagoniste ardent de la maison d'Orange, et qui sous un autre chef que M.v.d. Goes aurait été chaud partisan de la France. - M.v.d.G., qui connaissait cette disposition, lui a caché plus d'une fois des secrets délicats, ou certaines transactions, dont j'étais le seul dépositaire ou l'agent. Ce qui distinguait le bureau des affaires étrangères, c'est qu'on n'y exigeait aucune de ces redevances, qui faisaient le principal revenant bon des autres. Le bureau de la guerre en avait eu pour 18000. - florins. Celui des Finances exigeait quelques florins pour chaque requête qu'on y déposait pour solliciter un emploi. Le ministre de la marine était Spoors, bon avocat, mais nullement qualifié pour son poste, qu'on l'avait forcé d'accepter. Il ne passait pas pour sincère, et entretenait des relations avec les Orangistes, en particulier avec Mr. de Byland, qui le ménageait pour recouvrer l'argent que la marine lui devait. Spoors avait été le seul ministre favori de Brune, qui avait fini par le traiter comme un chien, lors de la reddition de notre flotte aux Anglais. Le ministre des finances était Gogel dont je n'ai jamais entendu dire que du bien dans son poste si difficile vu les circonstances. Sa physionomie n'était pas agréable, et rien n'annonçait à l'extérieur les talents réels qu'il possedait. M.v.d.G. était fort bien avec lui. Il jouissait de la confiance des négociants d'Amsterdam, à qui on devra le témoignage d'avoir fait marcher la machine délabrée des finances dans des moments très difficiles. Le ministre de la Police était La Pierre. Homme nul; vilain poste. | |||||||||||||
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Celui de la Justice était.... que je ne connaissais point. Celui d'oeconomie Goldberg, homme intriguant, et qui avait bien voulu à tout prix être quelque chose. Il avait des connaissances et du talent. Celui d'éducation nationale était van der Palm, bon redacteur et qui a composé plusieurs proclamations du Directoire, en particulier celles avant, pendant et après l'invasion Anglo-Russe. Le général Hollandais Daendels qui avait, à l'aide de Joubert, fait la révolution du 12 Juin, était un intriguant ou plutot un brouillon du premier ordre, qui a gâté bien des affaires, et que le Directoire aurait dû emprisonner ou envoyer en mission étrangère bien loin de chez nous. Il était brave, mais ignorant, et propre tout au plus à commander un corps de Hussards. Après que la révolution du 12 Juin eut entraîné le rappel de La Croix, plusieurs ministres de France se succédèrent rapidement. Celui qui y était en 1799 se nommait Lombard de Langres. C'était un honnête homme, de bonne société, nullement fait pour son poste, et qui après avoir débuté par une note, en stile d'énergumène, finit par être doux comme un mouton. M.v.d.G. le conduisait absolument. Aussi fut-il rappelé, et il eut pour successeurs Fouché de Nantes et Florent Guyot, qui restèrent trop peu de temps pour mériter prèsque d'être cités. Le dernier fut cependant regretté. Après lui vint Desforgues, autrefois médecin à Paris. C'était un vilain monsieur, qui nous a donné bien du fil à retordre, surtout dans les derniers temps, que vendu au parti anarchiste il demandait insolemment le renvoi de Mr. v.d.G. qui eut avec lui diverses prises très violentes. Après la révolution du 18 Brumaire il fut rappelé et remplacé par Sémonville, ci-devant marquis. Le | |||||||||||||
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même qui fut fait prisonnier par l'Autriche et changé contre madame RoyaleGa naar voetnoot1). C'était un homme fin, poli, fait pour sa place, mais aimant l'argent par dessus tout, et disposé à tout faire pour en gagner.
Après ces préliminaires je passe à mon journal que je commencerai par l'Invasion Anglo-Russe en 1799. J'ai sur cette époque si remarquable des anecdotes curieuses, et qui probablement seront nouvelles pour ceux qui pourront un jour les lire. Depuis longtemps l'orage menaçait ce pays. Nous avions au bureau des renseignements sûrs et exacts du nombre des troupes et des vaisseaux destinés à l'expédition des Anglais, mais on n'avait point d'idée que ce fut proprement contre la Hollande qu'elle se préparait, et les Français, tout comme nous, craignaient plus pour la ZélandeGa naar voetnoot2) ou la Belgique. Enfin les Anglais débarquèrent au Schulpen-gat, ou tout près de là dans la Nord-Hollande près de Petten. Ils perdirent peu de monde, quelques bateaux se renversèrent, mais la côte balayée par le feu de leurs frégattes n'offrit aucune difficulté pour l'abordage. Nos troupes se conduisirent en général assez bien, mais leurs attaques furent mal dirigées, et la perte fut assez considérable de notre côté. | |||||||||||||
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Toute notre armée en Nord-Hollande consistait en 7000 hommes de toute arme; et il n'y avait pas un nombre égal de Français disponibles, dans toute la république Batave. Comme on avait craint pour Delfzijl et pour la Zélande, la division du brave Dumonceau était encore dans la province de Groningue et de Frise, et la plus grande partie des Français aux environs de Flessingue, ville qui était à peine à l'abri du coup de main, comme je m'en suis convaincu par un mémoire fort curieux de C. Bontems, mon neveu, capitaine du génie français. Comme j'ai dessein de joindre un commentaire détaillé à l'ouvrage de Krayenhoff, je ne m'étendrai pas beaucoup sur les différents combats, qui eurent lieu. Aussitôt qu'on fut assuré, que par une école(?) incompréhensible les Anglais débarquaient toutes leurs forces au Helder, il ne fut question que de transporter sur cette langue de terre tout ce que nous avions d'armée. J'eus la curiosité de m'informer à Bosscha si le ministre de la guerre avait des renseignements précis du nombre des troupes françaises, en marche pour nous secourir, et je lui fournis quelques idées sur les moyens de le découvrir. Il sentit comme moi la nécessité d'éclaircir ce point capital et nous convinmes qu'il en parlerait à Pyman. Nous découvrîmes que celui-ci n'avait la dessus que des données confuses on quelques assurances incertaines. J'allai alors trouver Mr. van Hooff, le Directeur du génie, et je lui découvris notre projet d'écrire à un nommé Lonhienne, notre agent à Liège, pour qu'il nous envoyât une liste exacte du nombre des troupes françaises en marche pour la Hollande, du temps qu'elles devraient employer avant que d'être rendues sur nos frontières etc., et demandai à van Hooff quelles étaient les questions à faire de préférence. - Je n'oublierai jamais l'étonnement avec lequel il me | |||||||||||||
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regarda. Je crois qu'au premier moment il me supposa l'envie de l'espionner. Mais enfin quand à force de détails il eut compris que je lui parlais au nom du ministre des relations extérieures (ce qui cependant n'était pas trop exact, puisque Bosscha et moi menions cette affaire sans sa connaissance), qu'il déborda. Il me dit que la France nous envoyait force officiers généraux, qui tous commençaient par demander de l'argent, mais point de soldats. Que lui même avait demandé à Kellerman, inspecteur général, s'il y avait un nombre de troupes en marche suffisant pour garnir les postes inexpugnables que Kellerman administrait dans la Nord-Hollande, mais que ce général n'avait donné que des réponses évasives. Que cependant lui, van Hooff, s'était toujours flatté que le Gouvernement savait à quoi s'en tenir là dessus, et prenait ses arrangements en conséquence. Il me suggéra alors quelques questions pour Lonhienne, par ex.: y avait-il sur les frontières quelque parc d'artillerie, ou quelques magasins? Les troupes étaientelles vieux soldats on conscrits, cavallerie, artillerie ou infanterie etc., et il me promit d'engager Pyman à envoyer un officier expert sur les lieux. J'écrivis en conséquence à Lonhienne et par surcroît Bosscha engagea Janssens à envoyer un homme de confiance sur le même objet. Celui-ci qui connaissait toutes les astuces françaises, assura qu'il oserait parier d'avance, qu'il n'y avait que quelques centaines d'hommes en marche, et entrant dans notre plan, il fit partir un de ses agents, qui sous prétexte d'aller acheter des fusils à Liège, devait parcourir la frontière. Le résultat fut, que nous nous convainquîmesGa naar voetnoot1), | |||||||||||||
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qu'il n'y avait ni parc d'artillerie, ni magasins etc., et que tout se réduisait à une demi-Brigade d'infanterie, très mal en ordre, quelques centaines de conscrits, et un ou deux escadrons de mauvaise cavalerie. Voilà tout ce qu'il y avait à ce moment de troupes dans la Belgique et le pays de Liège. On peut juger combien ces nouvelles étaient rassurantes pour le Gouvernement, aussi tous, à l'exception de van Hooff, ne demandèrent qu'à accorder sous main une capitulation. Je n'ai jamais mieux appris le peu de fond qu'il y a à faire sur les sentiments réels d'un gouvernement, d'après les pièces officielles. A l'extérieur le Directoire et le Corps Législatif semblaient résolus de se défendre jusqu'à la dernière extrémité; dans le fait ils étaient bien résolus de n'en pas venir-làGa naar voetnoot1). Les proclamations étaient vigoureuses et empêchèrent les Orangistes de remuer. S'ils avaient organisé quelque soulèvement, ils auraient causé bien de l'embarras. Ils se bornèrent à quelques tentatives très faibles et des plus mal combinées. Et la proclamation du prince héréditaire, composée par Yvoi, chef d'oeuvre de maladresse et dictée dans la confiance d'un succès certain, rallia autour du gouver- | |||||||||||||
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nement les catholiques Romains, les autorités constituées et les militaires. Mad. Haersolte, femme du Directeur, effrayée par son frère, partit avec ses enfants. Les membres du gouvernement mettaient leurs meilleurs effets à l'abri. M.v.d. Goes seul n'en fit rien, et comme il était fort espionné, je sais que des Orangistes en furent informés, et qu'ils en tirèrent un mauvais présage. Mme Muysson questionnait sans cesse à ce sujet une nettoyeuse qui travaillait chez lui. Haersolte, que je vis un soir dans le plus fort de la crise, me fit pitié. Le comte de Rhoon fit par deux fois proposer au Directeur Haersolte, d'entamer secrètement quelque plan d'arrangement ou de capitulation. Celui-ci s'y refusa constamment en honnête homme, quoiqu'il tînt pour assuré que la révolution était immanquable. D'ailleurs je crois qu'il l'aurait tenté en vain. Brune, le général français, y aurait mis bon ordre. Celui-ci dans toutes ou pour mieux dire dans le petit nombre de lettres dont il honora le Directoire, ne parlait que de transporter le gouvernement et les archives dans quelque place forte. Et quoique M.v.d.G. eût engagé le DirectoireGa naar voetnoot1) à n'en rien faire, et même supposé que les Anglais avançassent, de rester à leur poste, je suis sûr que la frayeur les aurait pris ou qu'ils auraient vû une contrerévolution révolutionnaire qui aurait combattu jusqu'à la dernière extrémité. Voici la copie d'une lettre que Brune écrivit dans le temps:
au quartier général d'Alkcmaar, 25 Fructidor an VII de la R.F. (1799)
Brune général en chef à l'adjoint général Dardenne. | |||||||||||||
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Le général Dardenne se rendra près le Directoire Batave pour obtenir 1o que toutes les nominations que j'ai faites ou je ferai d'officiers soient confirmées par les brevets que le ministre de la guerre sera chargé d'expédier pour qu'ils puissent prêter serment aux drapeaux; 2o que tous les officiers que je ferai renvoyer ne soient plus employés; 3o que 3000 gardes nationales me soient envoyés pour être organisés par moi, et que les autres retourneront protéger la tranquilité publique dans les villes autres que les leurs; 4o exposer au Directoire que la proposition de détruire les Gardes Nationales est une proposition du Comité Orangiste, et que les notes de mon espionnage portent que le Comité a tout fait pour les dissoudre, dans le double but de dégouter les volontaires, et de faire croire que le peuple revenait de la haine pour le Stadhouder et l'appellait en déposant les armes; 5o que les Orangistes connus soient arrêtés et mis en ôtage à Bois-le-Duc; 6o qu'il me soit donné un état de l'approvisionnement des places fortes; 7o que les régiments de Waldeck et Saxe-Gotha soient assimilés aux autres troupes nationales, et que leur recrutement ne souffre aucun délai; 8o une déclaration que je défendrai ce pays jusqu'à la dernière extrémité, mais qu'il faut que le gouvernement de son côté fasse quelque grand exemple sur les Orangistes, pour témoigner qu'il approuve la conduite rigoureuse, que je me propose de tenir, et qui j'espère sauvera la liberté Batave.
Brune. | |||||||||||||
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P.S. Qu'il me soit donné connaissance des moyens du ministre de la Marine pour défendre le Z. Zée. On lui a proposé de brûler la flotte anglaise. Qu'a-t-il fait, ou que fera-t-il? Je demande la compagnie des Pontonniers, Brune.
Ce fut dans ces circonstances que M.v.d.G. me fit confident des tentatives qu'il avait déjà souvent fait faire à Berlin, à Paris et à Londres pour nous procurer une neutralité qui, dans ce moment de crise, paraissait le non plus ultra de nos désirs. A Paris on n'en voulait pas entendre parler, comprenant très bien, que l'Angleterre et nous serions les seuls qui en profiterions et que les relations de commerce, qui en résulteraient, nous rapprocheraient de l'Angleterre. A Berlin Haugwitz promettait monts et merveilles à Bourdeaux, notre agent; mais fidèle à son système circonspect, ne se mettait pas en avant, quoiqu'il assurât quc Sandoz-Rollin, ministre de Prusse à Paris, avait ordre d'appuyer nos sollicitations. Je crois que les Anglais s'y seraient volontiers prêtés. TinneGa naar voetnoot1) avait déjà conçu un projet de démarcation, et une ligne de neutralité que ni les Anglais ni les Français ne pourraient outrepasser jusqu'à la paix, ou du moins sans l'avertir au préalable. Ce plan avait été fort goûté du gouvernement, mais la France et dans ce moment l'Angleterre elle même, presque sûre du succès de la descente, ne voulait pas en entendre parler. Et le projet resta dans le portefeuille, quoique Tinne se fût donné la peine de l'étendre. Un Samedi, que les affaires étaient prèsque déserperées, Mr. v.d. Goes se rendit chez moi, et voyant combien j'entrais de coeur et d'âme dans un plan, | |||||||||||||
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qui seul pouvait - à ce qui semblait alors - sauver l'Etat, il me fit confidence pleine et entière. Il me découvrit que MollerusGa naar voetnoot1), était de son aveu à Lingen auprès du Grand-PensionnaireGa naar voetnoot2), et peutêtre même à Berlin, pour y traiter cette affaire, et prouver soit cette neutralité tant désirée, soit une capitulation tolérable. Il me chargea même d'abord de porter moi-même à la poste pour Lingen une lettre pour le grand Pensionnaire qui se trouvait en cet endroit. L'adresse portait à Mr. Winterwijk, qui était le nom de guerre qu'avait pris Mollerus En suite ce fut moi, qui écrivis d'après le cannevas qu'il me fournissait. J'avais soin de déguiser ma main, et je ne manquais pas de relever l'impossibilité de faire aucune de ces démarches que le parti Orangiste aurait souhaité de voir faire au gouvernement, impossibilité motivée par le caractère du général Brune, qui gouvernait despotiquement; et le danger des mesures extrêmes que provoquaient à chaque instant les révolutionaires. Cette correspondance assez inutile se soutint pendant quelques tems. Mollerus ne donnait aucun signe de vie, et cela ne laissait pas que d'être inquiétant: interceptait-on les lettres et où était-il? Mr. v.d. Goes désirait extrêmement d'envoyer quelqu'un de confiance à Berlin presser l'affaire de la neutralité, sur laquelle nous recevions sans cesse les plus belles promesses sans aucun effet. TinneGa naar voetnoot3) à qui j'en parlai, m'indiqua deux ou trois | |||||||||||||
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personnes; Roest ancien commis, van Goens et Mollerus, dont il ignorait le voyage et qu'il me citait comme l'homme qu'il fallait proprement. De l'aveu d'un ou deux Directeurs (Haersolte et Besiers), car van Hooff ne parlait que de se défendre jusqu'à la dernière extrémité, et certainement quoique le moins habile, le plus ferme de tous - Mr. v.d. Goes avait envoyé à Berlin de Vos van SteenwijkGa naar voetnoot1) avec la mission secretissime, de voir s'il n'y aurait pas moyen d'engager la Prusse à nous aider. Il avait in mandatis, d'observer le plus stricte incognito, de ne faire aucune démarche officielle. Après un silence obstiné enfin nous reçûmes de ses nouvelles. Elles nous apprirent qu'il avait débuté par un pas de clerc, et contre les instructions présenté à Mr. de Haugwitz une note, et un projet de réunion ou de constitution (qui se trouveront dans le portef. de Mr. v.d. Goes) qui fût, contre la foi donnée par Haugwitz, envoyé par celui-ci en Angleterre au Prince d'Orange, et peut-être parvint à la connaissance des Français. Il est étonnant que cette pièce n'ait pas entraîné par la suite un éclat, qui aurait dû faire regarder Mr. v.d. Goes et consorts comme des traîtres. Dans le temps que de Vos ne donnait aucun signe de vie, Mr. v.d. Goes eut dessein de m'envoyer; je suis fâché de n'avoir pas eu cette commission. Je ne me flatte pas que j'aurais réussi dans le grand but, mais j'aurais peut-être été utile à d'autres égards, surtout quant à un plan de rapprochement, instruit comme je l'étais, des intentions de Mr. v.d. Goes. La défaite des Autrichiens et des Russes en Suisse par Masséna ayant fait manquer le plan des Puissances Coalisées, et la diversion projettée sur le bas- | |||||||||||||
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Rhin, l'armée Anglaise en N. Hollande n'agit plus que faiblement. Mais avant que l'on ne fût instruit de son intention de se rembarquer, et peu après la bataille de Bergen, je fus chargé par Mr. v.d.G. d'une nouvelle commission. Je ne puis m'empêcher de relever ici deux bagatelles. L'armée Gallo-Batave avait pris cinq ou six drapeaux aux Russes, à Bergen. Ces drapeaux appartenaient de droit à la République Batave, mais Brune jugea à propos de les envoyer présenter au Directoire à Paris. Nos Directeurs irrités firent faire de fortes réclamations par Schimmelpenninck, dont le résultat fut qu'on envoya en poste, deux ou trois de ces drapeaux en Hollande. Les Directeurs ayant fixé un jour pour se les faire présenter, au lieu de les recevoir avec une indifférence marquée, chargèrent Mr. v.d. Goes de faire composer une harangue en réponse à celle de l'officier français. Harangue qui devait faire sentir que, charmé de la victoire de Bergen, on ne se souciait pas du tout de ces trophées tronqués. Bosscha et moi fîmes avec bien de la peine et toute l'éloquence patriotique ce bel ouvrage, et une pensée heureuse nous fournit moyen d'y glisser une finesse, une épigramme polie, mais qui portait coup. Les Directeurs qui ne parlaient qu'assez mal français eurent le bon esprit, de gâter notre belle phrase par une tirade qui disait précisément ce qu'ils voulurent taire: et la harangue qui n'avait plus le sens commun, vint briller dans les papiers publicsGa naar voetnoot1). Le jour de la présentation | |||||||||||||
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de ces fameux drapeaux, Mr. v.d. Goes me rencontra, fit un tour de promenade avec moi, exhala toute la mauvaise humeur dont cette sotte fête le pénétrait à juste titre, et me chargea d'aller trouver de sa part Mr. le comte A. de Rechteren, à qui il avait promis d'envoyer quelqu'un de confiance, pour traiter des intérêts des deux partis. Pour accréditer ma mission je commençai par informer ce seigneur que ce jour là même, le Directoire avait reçu la nouvelle certaine que les Anglais capitulaient. Cette nouvelle en ôtant tout espoir au parti Orangiste, était de nature à favoriser le projet de réunion, qui tenait si fort à coeur à Mr. v.d. Goes, et dont la première base devait être de joindre de bonne foi ses efforts pour obtenir l'intervention de la Prusse pour obtenir pour nous de l'Angleterre et de la France cette neutralité si ardemment désirée. Il s'agissait d'engager le Roi à exiger des Français et des Anglais qu'ils retirassent leurs troupes, chacun jusqu'à la ligne indiquée dans le projet de Tinne ou tel autre; et de faire occuper par les troupes Prussiennes, les postes abandonnés. En un mot de nous faire comprendre dans la ligne de démarcation et de neutralité, jusqu'à la paix. Je remarquai au changement qui se fit dans la physionomie de Mr. de Rechteren, combien la nouvelle de la capitulation, le terrassait. Du reste il me reçut très bien, me montra beaucoup d'estime pour Mr. v.d. Goes. Et nous eûmes une conversation fort intime au sujet des mesures à prendre. Dans la suite j'en eus plusieurs avec lui du même genre; elles n'abontirent à rien. Je l'avais prévu. Le parti Orange n'avait ni chef ni plan. Divisé le moins autant que les Patriotes: les nobles, les aristocrates et les Orangistes enragés formaient les trois classes principales. | |||||||||||||
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Mr. van der Spiegel ne voulait pas entendre parler d'une médiation dirigée par le Roi de Prusse. Mr. de Rhoon faisait des démarches inconsidérées, à son ordinaire; se bornait à intriguer au lieu de chercher à jouer un grand rôle, digne de son nom et de la réputation de ses ancêtres. Mr. de Zuideras se consumait en fausses nouvelles, qui égarèrent quelques têtes chaudes et conduisit la Baronne de Dorth au suppliceGa naar voetnoot1). Mr. d'Aylva, si propre par son rang et ses richesses à être à la tête du parti, se bornait à partager l'animosité et les plates calomnies, de la populace. Mollerus - le seul cru propre à traiter les affaires avec finesse - resta beaucoup au dessous de l'idée qu'on avait de lui. Au lieu d'aller à Berlin, comme il en était convenu avec Mr. v.d.G., nous apprîmes que dans le temps qu'on l'y croyait, il avait jugé à propos d'aller au Helder, et de là en Angleterre! Fasciné par les flatteries du Prince et de la Princesse, il était revenu avec les projets les plus impraticables. Son voyage n'aboutit qu'à le mettre lui même fort en peine, parceque son passeport ne lui avait accordé qu'une permission de s'absenter quinze jours, et que son absence avait duré plusieurs semaines. La Pierre parvint a être informé qu'il avait été au Helder, et en instruisit le Directoire. Heureusement qu'il ignora l'équipée en Angleterre. La découverte de l'agent de police, mit Mr. v.d. Goes dans un furieux embarras, il fut reconnu que c'était lui, qui avait procuré le passeport à Mollerus; les Directeurs qui n'étaient point du secret, tels que van Hooff et van Hasselt, eurent une violente querelle avec lui à cet égard; les autres le laissèrent dans la bagarre. | |||||||||||||
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Mr. v.d. Goes donna sa démission, elle ne fut heureusement point acceptée et l'affaire s'assoupit peu-à-peu. Je ne puis m'empêcher de dire ici quelle a été constamment mon opinion au sujet d'un rapprochement avec les Orangistes. Ce plan concerté avec une partie du Directoire m'a toujours paru inexécutable. Par une petitesse également ridicule, les deux partis s'arrêtaient aux plus futiles bagatelles. L'idée de devoir reporter la cocarde Orange, si le prince triomphait, inquiétait plus les Directeurs, que les dangers plus réels que le retour du stadhouder aurait amêné. Dans le temps qu'il était question de s'accommoder avec les Anglais, c'était de ce point qu'Ermerins et d'autres s'occupèrent sérieusement. Aussi peu raisonnable et à coup sûr moins généreux, le parti Orange insistait sur ces bêtises et ne parlait que de vengeance et de pillage. Rien ne lui paraissait acceptable que l'ancien ordre de choses. Il lui fallait, comme aux Emigrés, l'oeil de boeuf de Versailles. Cent fois j'ai eu occasion de m'en convaincre dans les conversations intimes que j'ai eues avec quelques Orangistes de la haute volée. Je n'ai trouvé chez aucun d'eux cette générosité vraiment patriotique, capable d'étouffer tout ressentiment, n'ayant pour but que de sauver la Patrie, et oubliant avec magnanimité ou rejettant sur les circonstances inséparables d'une révolution les vexations dont ils pouvaient avoir à se plaindre. Etranger à cette révolution et fidèle à l'impartialité la plus scrupuleuse, je dois rendre ici le témoignage le plus honorable à quelques patriotes, tels que Mr. v.d. Goes et plusieurs autres. Je suis témoin et | |||||||||||||
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de ce qu'ils ont fait pour prévenir et pour faire cesser les injustices; je suis témoin de ce qu'ils ont fait pour prévenir la ruine totale d'une infinité d'Orangistes imprudents ou intraitables, et si j'ai entendu les mots de réconciliation et d'oubli du passé se prononcer avec sincérité et le prouver par les effets, ce n'est que par eux. Au reste cela n'est pas surprenant. Les plus grands Orangistes se trouvaient chez les nobles, les riches et la populace; c'est à-dire l'écume et la lie de la nation. Les vrais patriotes - je ne dis pas les Bataves et les révolutionnaires - se trouvaient dans la bonne bourgeoisie, et le tiers état, c'est-à-dire dans le milieu du tonneau. Je rougirais de rapporter les discours et les projets populaciers, que j'ai entendus chez des grands Seigneurs, dans des moments d'effusion de coeur. Jeudi 20 février 1800. Mr. v.d. Goes m'a communiqué une note de Bielfeld, par laquelle le roi de Prusse réclame contre la transaction, qui vient d'être sanctionnée, entre les républiques Françaises et Bataves moyennant laquelle, la France cède pour 3 millions, des biens du Prince d'Orange et des terres qui appartiennent à la Prusse. Bielfeld se fonde sur ce que ces terres n'ont été occupées par les Français, que comme positions militaires. Quoiqu'on s'attendît à cette démarche, la Note ne fera pas grand plaisir. Mr. v.d. Goes a entre les mains des preuves que Sémonville est en correspondance avec la Prusse pour un arrangement relatif à la famille du Prince d'Orange. Schimmelpenninck a déjà confidentiellement averti, qu'il est informé que Bonaparte, qui veut la paix à tout prix avec l'Angleterre, négocie avec elle un accommodementGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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Sémonville disait hier au soir à Mr. van der G. il est bien égal à Bonaparte, que ce soit un Consul, un Chef, un Président, un Stadhouder qui soit admis par le peuple Batave, à la tête de cette république. Le roi de Prusse travaille à neutraliser notre pays. C'est un fait. A Paris les révolutions ne sont pas finies, et Bonaparte marche vers le terrorisme. Schimmelpenninck le marque confidentiellement. L'argent et la corruption y font tout. Il a été résolu d'envoyer à Valckenaer, Ministre en Espagne, les pleins pouvoirs nécessaires pour négocier avec cette cour rélativement à l'offre qu'elle a faite, d'envoyer au plutôt 300 soldats Espagnols à Batavia. NB. pour le compte de la Comp. des Indes. La femme de Nieuwerkerke, consul à Madrid, est arrivée ici pour intriguer, de l'aveu de Talleyrand Périgord, avec Sémonville, le rappel de Valckenaer, qui déplaît à la France, et que la Rép. Bat. maintient. On lui donnera le conseil de quitter au plutôt la Haye. Valckenaer a déjà depuis longtemps envoyé sa démission éventuelle, que Mr. v.d. Goes doit produire au cas qu'il soit question de rappeler ce ministre: il en veut avoir l'honneur. Vendredi le 21 Février. Par une suite de la querelle susmentionnée Mr. v.d. Goes a donné ce matin sa démission. Bosscha avait eu un entretien avec Hoeth, il parait fort piqué; mais s'il avait prévu les suites de sa motion, il n'aurait jamais entamé l'affaire. Spoors tâche d'attirer v.d. Goes à son parti. Tous les | |||||||||||||
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agents sont contre le Directoire, et il se prépare quelque explosion. Il ne tiendrait qu'à Mr. v.d.G. de jouer un grand rôle, mais il est trop honnête homme pour tripoter. Samedi 22. Bosscha m'a parlé d'un plan de Valckenaer: ce serait d'employer la flotte réunie de Brest, pour aller chercher l'armée d'Egypte, faire la paix avec la Porte, et attaquer les possessions Anglaises dans l'Inde. Les détails du plan sont curieux et il paraît d'après les démarches, que les Français ont fait à Madrid, qu'il leur plaisait fort. v.d. Goes traine en longueur la réponse à la note de Sémonville ou plutôt à la lettre de Talleyrand, touchant le rachat de Flessingue pour 25 millions florins, pour voir ce que l'on pourra faire avec la Prusse, et acheter plutôt pour cet argent la neutralité. Sémonville a donné assez clairement à entendre que pour de l'argent, il ferait tout ce qu'on voudrait. Il disait il n'y a pas longtemps à Besiers: ‘je suis mécontent de vous. Savez-vous bien qu'on me ‘soupçonne à Paris, d'avoir reçu 100000 florins pour écrire comme je le fais’ - à bon entendeur salut. Lundi 24 février. Bielfeld a communiqué une lettre signée contre la coutume par le Roi en personne pour insister sur l'indulgence en faveur des Orangistes. Elle est dans les termes les plus forts, mais je soupçonne un peu Mr. v.d.G. de l'avoir provoquéeGa naar voetnoot1). Il est apparent que le commandement sera remis à Augereau. Mr. v. Goes a eu une scène très vive avec Marivaux, secrétaire de Sémonville, sur les détails des réponses à ses notes. Ce Marivaux est un homme atrabilaire et assez insolent. | |||||||||||||
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La France nous envoie 12000 hommes en apparence pour compléter notre armée, mais dans le fait pour habiller les soldats. Suivant les dépêches de van Haeften, les différents entre la Russie et l'Autriche pourraient bien encore s'accommoder. Un des grands griefs de Paul I c'est que l'Autriche refuse de rendre l'Italie à ses Souverains légitimes. On a appris à Vienne que la Rép. Bat. ferait marcher des troupes au Rhin. Comme nous sommes en bonne intelligence avec l'Autriche, on aura soin de lui communiquer les refus réitérés que nous avons déjà faits, à la France sur ce point. L'archiduc Charles et tout son Etat major vont, dit-on, quitter l'armée. Kray sera Général sous le nom d'un jeune archiduc, qui remplacera son frère. Il a encore son Gouverneur. L'armée est excessivement mécontente. Le corps de Condé va passer à la solde de l'Angleterre. Mardi 25 février. J'ai eu la visite du comte de Rechteren, qui est venu m'apporter une liste des Victimes Orangistes, persécutées pour leur conduite durant l'invasion Anglo-Russe. Je la remettrai à Mr. v.d.G.; il paraît que l'on a écrit d'ici à Berlin, pour provoquer l'intercession du roi de Prusse, et que l'on n'a pas fait les éloges de Bielfeld. J'ai crû devoir lui rendre bon témoignage. Mr. v.d.G. m'a dit en confidence le grand secret du jour, le secret des secrets; c'est l'intention où l'on est, de l'aveu du Directoire d'envoyer à Londres Mr. Spaan (mon ancien élève) pour obtenir, de concert avec la France et la Prusse, la neutralité de notre pays. - Si les Français veulent s'y prêter, on leur donnera quelques millions. - L'affaire de Mr. v.d.G. s'arrange et j'espère que la dispute avec le Directoire s'arrangera à l'amiable. | |||||||||||||
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Mercredi 26 février. Spaan a été hier au soir chez Mr. v.d.G. Ce dernier en a été fort satisfait, et lui a surtout recommandé le secret. Il est revenu ce matin, et partira incessament avec un passeport NB. du Directoire. Samedi 8 mars. Rien de nouveau. Les bruits de paix diminuent. L'archiduc Charles quitte décidemment le commandement. Kray lui succèdera, et commandera pro forma ad interim, pour ne pas faire murmurer l'armée. - Le roi de Prusse, à ce que marque Bourdeaux, n'est pas content des français, ils paraissent ne vouloir pas expliquer sur quelle base ils veulent traiter. Bonaparte n'a pas de confident, mais Volney est dans son intimité, peut-être pour être son historien. Lundi 10 mars. J'ai eu une longue conversation avec Mr. de Rechteren. Il était mécontent de ce que le Directoire ne discontinuait pas de poursuivre les Orangistes, qui s'étaient imprudemment exposés lors de l'invasion Anglo-Russe, et de ce que l'on mettait si peu d'activité à un plan quelconque de réunion. Cette conversation n'a fait que me fortifier dans l'idée, que c'est en vain qu'on tentera un rapprochement. - Les événements décideront, mais, je suis fâché de le dire, les Orangistes veulent tout ou rien, et ne mettent pas dans leurs efforts la cordialité et la générosité nécessaires. Ils veulent finasser et finiront par en être la dupe. Mardi 11 mars. Mr. v.d. Goes m'a fait confidence, qu'il vient de faire écrire à Bourdeaux de Berlin, et par Bielfeld à Haugwitz, pour essayer de faire rompre le silence à la cour de Berlin. Et pour remettre l'affaire de la neutralité sur le tapis. Bourdeaux et Bielfeld ont tous deux la même charge, savoir de demander cathégoriquement à la cour de Prusse, quelles seraient les conditions qu'elle y mettrait: en | |||||||||||||
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d'autres termes ce qu'elle veut faire pour la maison D'ORANGE. Tous les Directeurs sont convaincus que le plus utile, serait de s'arranger à temps, et convaincus que le seul moyen de prévenir la ruine totale de la République est de se réunir avec le parti Orangiste. On veut donc obtenir de la Prusse qu'elle seconde nos efforts à Londres et à Paris, pour obtenir la neutralité, sous sa garantie, et en laissant les choses in statu quo jusqu'à la paix. L'Angleterre s'y prêtera sûrement. BonaparteGa naar voetnoot1) n'en veut pas entendre parler, mais Mr. v.d. Goes a chargé Schimmelpenninck de lui promettre 40 millions de livres de France, à payer en très courts termes, s'il y consentait. Le commerce d'Amsterdam en fournirait immédiatement la moitié. C'est le seul moyen d'y porter la France, vû son extrême pénurie. Car sans contre-dit, son consentement ne serait pas politique et l'Angleterre y gagnerait beaucoup trop. Au reste le Directoire ne sait rien de l'offre de Mr. v.d.G., il a pris cette affaire délicate sur soi. La semaine prochaine nous saurons si la Prusse envoie ici quelqu'un pour négocier directement avec le gouvernement Batave. A Paris tout est toujours dans le même état. Corruption et séduction. Le général Brune ne s'est rendu maître de Trotté que par trahison. Ce dernier avait demandé un sauf-conduit, et Brune l'a fait | |||||||||||||
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arrêter par sa sauvegarde: et l'a fait fusiller par un conseil de guerre, auquel Louis Bonaparte, frère du Consul, a refusé d'assister, en disant qu'il était chef de soldats et non de bourreaux. Bonaparte a été furieux de la chose et la désavoue hautement. Comme 2000 hommes montent fraternellement la garde aux Thuileries, le Consul a fait couper tous les arbres, à l'exception des deux arbres de la liberté, qu'on illumine tous les soirs. On dit que rien ne lui fait plus ombrage que les arbres de la liberté. Dans l'entretien que j'ai eu avec Mr. v.G. il m'a dit que les Orangistes arrêtés, pour leur conduite durant la dernière invasion, ne recevront pas leur sentence: mais qu'il n'ose pas trop toucher à cette corde. Sémonville et Augereau, qui suivant les lettres du Roi de Prusse devaient appuyer ses sollicitations, n'en font rien. Il a écrit aux administrations provinciales pour les y engager. Le Directoire ne sait comment y porter le corps législatif, qui a reçu avec indignation le rapport de Mr. v.d.G. au sujet d'Eykenbrock. Heureusement que le tour qu'il y a donné, et les notes du Roi de Prusse en faveur des Orangistes les embarassent. Les représentants comprennent qu'ils doivent faire grâce à tout le monde ou à personne. Spaen est déjà parti pour Londres; il a carte blanche pour la neutralité et traitera pour cet objet avec le P. d'Orange. Mardi 18 mars. Le général Marmont conseiller d'Etat est venu ici de Paris, pour négocier à Amsterdam 12 millions. Il offre de la, part du gouvernement français, une bague de la Reine, des coupes de Bois etc. pour caution. Ses tentatives ont échoué, et il s'est adressé au gouvernement Batave, pour en obtenir appui et recommandation. Probablement il n'obtiendra que de belles paroles. | |||||||||||||
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Sémonville n'est nullement édifié qu'on emploie quelqu'autre que lui même, pour cette négociation. Le général Augereau a demandé 3 millions, pour approvisionner les places fortes. On les lui a refusés. Mercredi 19 mars. D'après une conférence avec le ministre Sémonville, le Directoire a résolu d'écrire à la municipalité d'Amsterdam pour seconder les tentatives de Marmont. Le Directoire vient également de prendre la résolution d'approvisionner les places. Mr. Ducrêt vient d'offrir au ministre de la Marine, ses talents pour la construction des vaisseaux en planches. On l'a éconduit. Spoors, d'après le rapport d'Aenae, a vu que ce n'était qu'un escroc. Schimmelpenninck écrit confidentiellement de Paris, que Bonaparte se flatte de faire la paix avec l'Empereur. C'est une nouvelle positive. J'ai parlé à Mr. v.d.G. au sujet du jeune Voûte qui craint d'étre pris dans la VI réquisition. Il m'a donné sa parole, que supposé qu'on l'inquiétât, ils le tireront d'affaire. Le commerce ayant trop d'obligations à sa famille, pour ne pas devoir faire une exception en sa faveur. Jeudi 20 mars. Écrit une note pour Sémonville pour lui démontrer l'impossibilité, de satisfaire au désir de Bonaparte d'envoyer des troupes au Rhin, vû qu'il n'y a que 15000 hommes de troupes françaises dans notre pays. Vendredi 21 mars. Marmont est à Amsterdam. Le commerce s'est assemblé et lui a fait quelques propositions, en particulier celle d'avancer la somme, moyennant la libre importation des grains, la restitution des vaisseaux neutres, celle des diamants du Roi de Sardaigne etc. Il réussira probablement à se faire avancer quelques centaines de milliers de florins. | |||||||||||||
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L'ultimatum dit-on de l'Empereur c'est que la France renonce à la ligne du Rhin et cède la Belgique à l'archiduc Charles. Mardi 25 mars. Schimmelpenninck écrit que Bonaparte se flatte encore de faire la paix avec l'empereur. Le roi de Prusse est très fâché qu'on ne défère pas à ses instances en faveur des Orangistes. Un jeune Willinck est revenu d'Angleterre avec des contes bleus qu'il a redit en confidence à Mr. v.G. entr'autres qu'on avait mis lors de la le expédition, dans un livre rouge les noms de toutes les personnes dans le gouvernement pour les pendre etc. Il est à craindre qu'il n'y aura pas moyen de se procurer la neutralité. Le roi de Prusse paraît irrité contre la France, et reconcilié plus au moins avec le P. d'Orange. Jeudi 27 mars. Mr. v.G. m'a dit que le roi de Prusse avait résolu de ne plus se mêler de l'affaire des Orangistes, poursuivis pour avoir pêché contre la publication, lors de l'invasion Anglo-Russe. Vendredi 28 mars. Bosscha sait d'un des Secrétaires de Gogel que l'anticipation n'a rapporté jusqu'ici qu'une couple de 100000 florins. La requête de Leide (que j'ai traduite) fait beaucoup de mal. Extrait d'un bulletin écrit à la main, dont l'auteur est un nommé la Garde, l'ancien Secrétaire: ‘Détails sur le corps diplomatique à Paris. Le plus ridicule diplomate est Serbelloni. Deux ministres républicains seulement ont marqué parmi les autres Schimmelp. Homme d'une grande capacité, d'une grande fortune, estimé dans son pays, avant et depuis la Révolution, ayant assez d'esprit pour cesser d'être trop soumis, au moment où il a vu, qu'il y avait de la dignité sans trop de péril à reprendre une sorte d'indépendance. Il sait à mer- | |||||||||||||
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veille, et il dit très bien à son gouvernement, qu'on peut résister aujourd'hui au G. français, sans craindre d'être révolutionné par lui: aussi parait-il refuser avec beaucoup de suite et de fermeté les demandes d'argent quand elles lui paraissent exorbitantes. C'est là à ce qui parait ce qui a déterminé l'envoi de Marmont pour traiter directement d'un emprunt. Il y avait aussi dans le choix du dernier une convenance.’ Lundi 31 mars. Bosscha m'a dit que l'on craint à Paris quelque mouvement. L'indiscrétion de quelques émigrés rentrés en serait cause. Les armées sont mécontentes et raisonnablement Jacobines. Mr. de Haaften notre ambassadeur à Vienne vient de mourir. Dans les circonstances actuelles c'est une perte. On ne le remplacera point, mais Silliman son secrétaire - dont par parenthèse on avait exigé le renvoi de Mr. de H. l'année dernière - fera tant bien que mal ses affaires. J'ai lu un mémoire du Chev. de Poulu qui commandait les troupes Wallonnes auxiliaires à Suriname, par lequel il est démontré que cette colonie s'est rendue volontairement aux Anglais. Le Gouverneur du fort d'Amsterdam et colonel général des troupes se trouvait à cet effet en Europe avec permission. Après que la colonie fût au pouvoir des ennemis, ils dirent eux-mêmes, que d'accord avec le général en chef des Anglais et le Gouverneur de la colonie, il avait demeuré 4 mois à Londres, traitant de la reddition. Lundi 7 Avril. D'après les dépèches confidentielles de Coppenhague, Mr. de Bernstof est informé positivement, que la Russie retire ses troupes de l'armée Autrichienne et probablement même du service de l'Angleterre. Popham n'a rien gagné sur | |||||||||||||
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l'esprit de Paul IGa naar voetnoot1) à cet égard, il n'en a pas même été reçu avec cette faveur, qu'il lui témoignait d'ordinaire. Il n'est pas non plus question d'un rassemblement de troupes Russes dans la Baltique. Paul I a même fait faire des avances au Dannemark, loin de continuer à lui tenir le langage impérieux qu'il avait employé jusqu'ici. Si Bonaparte avait attendu à faire faire des propositions à l'Angleterre peut-être - s'il s'était moins pressé aurait-il été mieux accueilli. Peut-être même s'il les renouvellait, seraient elles mieux écoutées. L'Angleterre voudrait la guerre, mais sent qu'elle ne peut pas la continuer seule. Bourdeaux marque que le Roi de Prusse veut la neutralité de ce pays et garantir sa constitution actuelle jusqu'à la paix. Si la France veut céder la rive gauche du Rhin, il s'engage à forcer l'Empereur, à rétablir la Rep. Cisalpine; c'est un appas grossier. Et il veut bien se prêter à la demande de la France de permettre aux vaisseaux Français qui iront à l'île de France de porter pavillon Prussien, si Bonaparte veut consentir à la neutralité de notre République. Valckenaer a eu l'adresse de se procurer les instructions secrètes du nouveau Ministre de France à Madrid Alquier. Je sais par Mr. v.d. γοες que le γρεϕιερ ϕαγελ a vendu à l'Angleterre tous les papiers d'état de son grand-père pour L. 1000 st. par an. Ce ministre avait autrefois dans sa Bibliothèque un nombre considérable de volumes de lettres interceptées. En particulier de la Vauguion, que Lyonnet | |||||||||||||
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avait l'art de déchiffrer, quoique la Vauguion variait sans cesse ses chiffres et prit les précautions les plus minutieuses pour empêcher que l'on n'ouvrît les dépêches. Nous avions un homme à Anvers, attaché à notre Poste aux lettres, qui les ouvrait avec une adresse inconcevable. Si le Prince avait été un autre homme, on aurait pu bien facilement déjouer des plans, qui étaient connus de lui et d'Yorke, longtemps avant qu'ils ne fussent exécutés. Leurs détails, leurs organes, et le tout était aussi bien connu de Guillaume V etc. que de la Vauguion même. Je tiens ce fait d'un homme digne de foi, qui copiait les lettres pour le greffier. Vendredi 11 Avril. L'état de Paris n'est pas rassurant. Il y a une fermentation violente. La nomination de Carnot au ministère de la guerre fait beaucoup de mécontents. Augereau et Brune doivent en être irrités. Fouché ne pourra pas se soutenir. Gare le terrorisme et gare pour nous le contre coup. L'Autriche a déclaré ne pas vouloir faire la paix particulière et sans l'Angleterre; celle-ci exige la cession de la Belgique. La guerre parait donc immanquable. Mardi 15 Avril. Le jeune de Spaen est revenu d'Angleterre. Le cabinet de St. James est très porté à la neutralité de ce pays et même à la garantie de son gouvernement actuel jusqu'à la paix. Spaen doit partir incessamment pour la Prusse, et tâcher de porter le Roi à pousser cette affaire auprès de la France. - Ce sera là le point difficile. Schimmelpenninck offrira à Bonaparte l'appât de quelques millions pour le rachat de Flessingue. C'est le seul moyen de l'y engager. - Il parait que les nuages se dissipent à Paris. Hier les lettres de Schimmelpenninck n'otaient pas même tout espoir de paix. | |||||||||||||
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Il fandra voir si les Directeurs donneront à Mr. v.G. par un arrêté plein pouvoir d'envoyer à Berlin une personne de confiance. Ce soir ils doivent avoir à ce sujet une conférence. Le premier article de la neutralité serait que les Français retireraient leurs troupes de ce pays. J'ai peine à croire qu'ils y consentent. Les Prussiens devraient aussi en cas avoir sur la frontière un corps d'armée. Jeudi 17 Avril. Bonaparte d'après les dépêches de Schimmelpenninck est mécontent du gouvernement actuel Batave; et peut-être que pour mieux réussir dans ses demandes, il ne serait pas éloigné de faire ici une révolution. Le Directoire a donné à Mr. v.G. un arrêté par lequel il est autorisé ‘à employer les moyens les plus convenables pour obtenir de l'Angleterre, par la Prusse, la neutralité de cette Republique.’ Cet arrêté dit trop et trop peu. Trop, en ce qu'il y est fait mention d'obtenir de l'Angleterre la neutralité désirée, ce qu'il ne fallait pas exprimer. Trop peu, en ce qu'on n'autorise pas Mr. v.G. à envoyer une personne de confiance à son gré. Il a eu à ce sujet une scène assez vive hier avec les Directeurs. Van Hooff craint d'offenser les Français par cette démarche, et ne veut pas donner à l'Agent des Relations extérieures un pouvoir trop illimité. J'ai mauvaise opinion de toute la négociation. 1o. Le négociateur même, qui n'est pas fait pour inspirer grande confiance. Jeune homme éventé, qui tranchera de l'importance et qui me parait ne pas avoir déjà trop gardé le secret. 2o. Ses conseillers Mollerus, Ailva etc. tous gens cauteleux, qui ne cherchent qu'à enlacer Mr. v.G. et qui mettent de l'astuce, où il ne faudrait que de | |||||||||||||
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la générosité et de la confiance, et faire cause commune pour sauver la patrie. 3o. Enfin le peu de concert dans le Directoire même, qui ne se départira jamais de son Anti-Orangisme, ou sera culbuté par la France. Samedi 19 Avril. Spaen part demain pour Berlin, muni de 150 Louis d'or et de deux lettres, une pour Mr. de Haugwitz et une autre pour BourdeauxGa naar voetnoot1). Gare que Mr. de Haugwitz n'en fasse comme du mémoire de Vos de Steenwijk et ne le fasse voir, non seulement aux Anglais, mais à la France. Alors malheur au Gouvernement et à Mr. v.G. D'après les dernières lettres de Schimmelp. et un entretien que Mr. v.G. vient d'avoir avec Sémonville, Bonaparte à dessein de révolutionner. M. Schimmelp. et v.d.G. ont tous les deux encouru sa disgrâce. Il s'en prend à eux de n'avoir pas réussi à se procurer de l'argent. Schimmelp. a eu à ce sujet les scènes les plus vives. Il regarde Bonaparte comme l'homme le plus dangereux pour cette république. Il s'entoure de Jacobins et de Terroristes, et s'il opère chez nous un changement, un orage terrible gronde sur les Orangistes. Sémonville a loyalement prévenu qu'il allait dans peu présenter une note vigoureuse. S'il dit vrai, ses dernières dépêches ont peint en noir les finances de la République et il a démontré le danger d'un nouveau choc. Bonaparte ne veut pas entendre parler de neutralité. Talleyrand n'en est pas si éloigné. Il voudrait que l'on tâchât de faire une convention secrète avec l'Angleterre, par rapport aux pêcheurs. | |||||||||||||
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Ce serait, à son avis, un acheminement à la neutralité et un commencement de négociations. Ennemi personnel de Valckenaer Talleyrand insiste sur son rappel. Mr. v.G. lui en fera la confidence; nous savons qu'aussitôt Valkenaer prendra les devant et remerciera. C'est un ennemi de plus que les Français et les Terroristes d'ici vont acquérir. Vendredi 25 Avril. Mr. v.G. m'a communiqué qu'il avait reçu une lettre très amicale de Mr. de Rheede, notre ancien ministre à Berlin, qui après des compliments flatteurs de la part d'une personne qui a pour lui une haute estime (apparemment Mr. de Haugwitz ou le Prince Héréditaire) cherche à renouer connaissance avec lui; apparemment dans les circonstances actuelles pour entrer en correspondance plus intime. Mr. v.d.G. lui a répondu politiquement, j'ai mis l'adresse à la lettre. 29 Avril. Sémonville a prévenu Bosscha que les Révolutionnaires sont occupés à dresser un mémoire pour Bonaparte, dans lequel ils dénoncent quelques Directeurs, quelques agents. Sémonville et Augereau redemandent Brune et probablement offriront de l'argent pour obtenir un changement. Schimmelpenninck a ordre de les déjouer. Sémonville conseillait de les contreminer. On s'est adressé à la Pierre pour savoir s'il a des espions parmi eux. Il en a bien, mais ils ne sont pas propres à ce que voulait Sémonville: qui était d'accuser dans le mémoire Sémonville et Augereau de Royalisme en les représentant environnés des nobles etc., mais les espions de la Pierre n'ont aucune part à la rédaction du mémoire. Quoiqu'on ne connaisse point le canal par où les révolutionnaires correspondent, on sait seulement que leur correspondance est fort active. On soupçonne Chaudon et Ebersteen d'être les agents. | |||||||||||||
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30 Avril. Sémonville est furieux de ce que le ministre de la guerre dans une réponse à Augereau au sujet d'un navire Anglais qu'il réclame, a dit que Sémonville était de son avis et croyait qu'Augereau n'avait aucun droit sur le bâtiment. Il a reclamé formellement le vaisseau au nom de Bonaparte et a dit dans sa note qu'il interromprait toute communication officielle jusqu' à ce qu'il eut obtenu satisfaction. 1 Mai. Cette affaire s'est arrangée à l'amiable, comme je m'en doutais bien. Grasveld est revenu de Paris; il a fait à Mr. v.G. un tableau horrible du Gouvernement français. Schimmelp. qui l'en avait chargé lui a dit d'y ajouter, qu'il ne s'agissait pas en ce moment de travailler à la neutralité, mais de rompre l'alliance avec la France. C'est un beau moment, si l'on en sait profiter. Samedi 8 Mai. Suivant la dernière dépêche confidentielle de Schimmelp. Talleyrand et Bonaparte feignent de prendre à coeur notre neutralité. Il croit que les millions promis les allèchent. Talleyrand qui espère d'en tirer pied ou aile, la verrait peutêtre avec plaisir, mais Schimmelp. est bien assuré que Bonaparte n'y pense pas. Mr. v.d.G. disait à ce sujet une chose qui me paraît juste. Si Bonaparte a quelque espérance de faire la paix, il y consentira pour avoir de l'argent, mais alors il faudra jouer au plus fin. Dans le fait, Bonaparte se jettera du côté des Jacobins, et il n'y a pas moyen de faire aller les choses comme il veut. Schimmelp. ne cesse de le repeter comme d'une chose dont il est assuré. Il a eu une conversation avec lui au sujet d'un changement dans le gouvernement Batave. Schimmelp. lui en a montré le danger, il paraît en être revenu, et Mr. v.d.G. est convaincu que de ce côté là il n'y a aucun risque. | |||||||||||||
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Daendels, van Leyden, Cuperus et Augereau sont les principaux conspirateurs. Schimmelp. exhorte dans sa dépêche Mr. v.G. à persister dans la marche franche et loyale qu'il tient et à la longue, elle obtiendra sa récompense. Schimmelp. s'est procuré à prix d'argent quelques pièces officielles, qui prouvent que le Roi de Prusse se défie du gouvernement français. Bonaparte fait négocier à Hambourg, pour quelques millions. Si j'ai bien compris, le roi de Prusse entrave cette affaire, dn moins pour autant qu'elle est traitée par Bourgoing. Lundi 12 Mai. Point de nouvelles encore de Spaen. Je crois qu'il mange ses ducats en route. Mr. v.G. a une occasion de faire parvenir une lettre à Mr. de Rheede, dans laquelle il détaille l'état actuel des choses. Il me la fera voir demain. Brantsen ira probablement à Paris, tâcher d'obtenir la neutralité, en gagnant à force d'argent Talleyrand et mad. Bonaparte. Mr. v.d.G. l'a dit en badinant à Sémonville, en ajoutant si ceux-ci nous procurent la neutralité, leur fortune est faite ainsi qu'à vous. - Il ne compte pas parler à un sourd. Les revenus de notre Républ. sont 33 millions, la dépense actuelle 50 millions, dont la partie militaire absorbe 30. Vendredi et Samedi: 23 et 24 mai. J'ai été fort occupé à une note par Sémonville, qui en avait présenté deux très instantes pour réclamer f 600.000. - qu'il prétendait être dû à l'armée franç. dans la rèpubl. Bat. Le Directoire tout en protestant formellement contre l'invalidité de la prétention a cru cependant devoir accorder à titre d'avance f 200.000. -. Par les dépêches de Schimmelp. on voit que Talleyrand accuse Sémonville de noircir le gouvern. Bat. dans ses lettres; tout comme Sémonville en accuse | |||||||||||||
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Talleyrand. Tous les deux probablement pour faire le bon valet. Mr. v.G. travaille à faire donner par l'Angleterre un million à partager entre Talleyrand, mad. Bonaparte et Sémonville pour obtenir la neutralité désirée. L'Angleterre s'y prêtera volontiers. Bonaparte doit avoir déclaré que son intention était de remettre le Roi de Sardaigne sur le trône, dès qu'il aura reconquis son pays. Il est enfin venu des lettres de Spaan, il a parlé à Haugwitz, celui-ci conseilla d'offrir une vingtaine de millions à la France pour obtenir la neutralité. Et on l'a intormé que Sandoz-Rollin à Paris ne serait pas insensible aux ducats. Mais avec tout cela cette affaire n'avance point. Le Roi de Prusse se mettra moins que jamais en avant. Les victoires enorgueillissent les Français. S'ils étaient battus, ils auraient besoin d'hommes et d'argent. La Prusse et la Russie paraissent vouloir s'unir, du moins commencent à tripoter ensemble. Il parait qu'il y a eu quelque plan entre la Prusse et la France d'établir ici un prince de Prusse Stadhouder. Sémonville en a souvent parlé à Mr. v.G. Spaan est chargé d'approfondir ce qui en est. Lundi 16 juin. Grande besogne! Sémonville est parti pour le camp d'Eyndhoven, et en partant a remis une note violente, pour exiger 7000 hommes de troupes Bataves pour agir sur le Rhin, avec l'armée française. Il a fait voir à Besiers une lettre peut-être ostensible de Talleyrand, dans la quelle se trouve cette phrase, il faut qu'ils s'accordent, en tout cas nous avons la force en main. On a résolu d'accorder 3 à 4000 hommes. J'ai écrit une note à ce sujet, mais on sait que Sémonville exigera les 7000. Mercredi 18 juin. Ce que nous avions prévu est arrivé. Hier Sémonville a fait présenter par son | |||||||||||||
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secrétaire une seconde note encore plus pressante que la première. On m'y a fait répondre par une autre, vigoureuse, et telle qu'il convenait, mais en même temps on a cédé, et l'on augmentera le nombre des troupes accordées: quoique l'on ne donne pas tout a fait 7000 hommes. On a tort. Il fallait refuser le tout et tenir ferme, ou accorder tout de bonne grâce. Vendredi 20 juin. Mr. v.G. a fait un rapport en présence du nouveau Directeur Mr. v. Swinden. Brave homme, mais Gallomane, et qui au dire de Mr. v.G. parait ne pas vouloir être un zéro en chiffre. L'affaire de la neutralité reste toujours en croc. Sandoz-Rollin à Paris en a parlé à Talleyrand, qui feint d'y vouloir consentir, mais dans le fait le joue. Bonaparte a proposé la paix à l'Empereur à condition qu'il reconnaitrait les Républ. Italiennes; la démocratie de la Suisse, et qu'il cèderait la Belgique. L'empereur n'en veut pas entendre parler. Mr. v.G. a fait entendre à Spaan qu'il pouvait revenir de Berlin. Il n'y a rien à faire en ce moment: il faut attendre. Mollerus a eu diverses conférences avec Mr. v.G. à ce sujet. Mais il est loin de mettre dans cette affaire la loyauté et la franchise de Mr. v.G. Le parti Orangiste veut enlacer celui-ci dans des négociations directes avec le Prince Héréditaire, ou le Stadhouder. Mollerus est un homme cauteleux qui met de l'astuce là où il ne faudrait que générosité et que franchise. Il se cassera le né. Mardi 24 juin. Grande nouvelle..... est venu de Paris, comme courier pour porter la nouvelle d'une bataille sanglante gagnée par Bonaparte en Italie; à la suite de la quelle de Mélas a demandé et obtenu une trève. Supposé même que l'Empereur | |||||||||||||
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ne la ratifiât point, les hostilités ne peuvent recommencer que dix jours après s'être averti. Avant le 24 Turin, Coni........ Alexandrie et Tortone doivent être remises aux Français. Et Gênes le 25. Onze fois la cavalerie a chargé. Ce n'est que le soir que Desaix à la tête de la dernière charge a enfoncé le centre et décidé une victoire complète. Mais il y a été tué. Dans sa confidentielle Schimmelpenninck marque avoir parlé a Sandoz de la neutralité. Celui-ci dit avoir ordre d'en parler directement à Bonaparte. Mais Schimmelp. regarde Sandoz comme trop faible pour cette besogne. Le secret de l'Etat est actuellement que l'amiral Winter ira à Paris, tracer à Bonaparte le triste état de notre pays et lui montrer la nécessité d'une prompte neutralité. Le Directoire espère beaucoup de cette mission, Schimmelp. même l'a ignoré. Il n'y avait que Mr. v.d.G. et Sémonville qui fussent du secret; le dernier l'a communiqué à Talleyrand, qui en a parlé à Schimmelp. comme à un homme instruit et a découvert à sa grande surprise, qu'il ne l'était pas. Il sera peu édifié du mystère qu'on lui en a fait. On va probablement conclure la paix pour nous et sans nous. Mr. v.G. craint un partage semblable à celui de la Pologne. Je n'ai pas cette appréhension. Vendredi 27 juin. Bourdeaux a écrit à Mr. v.G. pour le prévenir d'un voyage qu'il se propose de faire ici. Il a vu Spaan et il espère que Sandoz et l'offre des millions amèneront la neutralité. Si la paix se fait, nous n'en aurons pas besoin. La Russie voudrait bien s'unir à la Prusse, pour engager les Français à se désister de la rive gauche du Rhin. Mais la Prusse craint trop d'être entraîné dans la guerre, pour mettre aucune énergie dans ses mesures. Et les derniers évènements en Italie la | |||||||||||||
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rendront encore plus circonspecte. - Il est prèsque avéré qu'au mois de mai dernier Moreau et l'Empereur François ont été en pourparlers au sujet de la paix. Les Français offraient la cession de la Belgique. L'Empereur exigeait celle de la rive gauche du Rhin, et par là les négociations échouèrent. 15 Juillet. Grande note à Sémonville, en réponse à deux des siennes, pour obtenir du Dir. Exécutif une somme à la disposition d'Augereau pour les fraix de campagne. C'est une nouvelle coquinerie de ce général pour avoir de l'argent. Sémonville a demandé f 200.000 par mois. On lui a accordé 25000. Et l'on continuera à solder 6000 Français, employés au Rhin, quoiqu'ils soient hors de notre territoire. Pourvu que cela ne dure pas plus de 3 mois et qu'il n'y ait pas ici au delà de 12000 hommes. Sémonville a promis que la demande qu'il vient de faire, sera la dernière de ce genre. Je n'en crois rien! 22 Juillet. AugereauGa naar voetnoot1) a refusé avec indignation de recevoir les f 25000 (Nota bené) et Sémonville a écrit une grande note pour se plaindre de la défiance, qu'on lui témoigna dans notre dernier office etc. 23 juillet. Un courier a apporté la nouvelle d'un armistice sur le Rhin, comme en Italie. Cela met notre ministre de la Guerre fort à son aise; il n'avait pas dormi de deux nuits. Il y a des nouvelles que les Anglais approchent de nos côtes, et il n'y a pas 6000 hommes de troupes disponibles - vû les détachements au Rhin. | |||||||||||||
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Bourdeaux de Berlin est ici. Mr. de Rheede a écrit à Mr. v.d. Goes. Il voudrait faire un plan de neutralité, et mettre le prince héréditaire à la tête du gouvernement provisoire; c'est la chose impossible. Schimmelp. écrit que Bonaparte lui a dit qu'il ne souffrirait jamais deux choses; le rétablissement de la royauté en France et du Stadhoudérat chez nous. Cela surpasse encore à toute rigueur l'idée de faire quelque chose pour la maison de Nassau. L'Angleterre consent à la cession de la Belgique!! Les Orangistes ne sont pas plus d'accord d'entreux que les Patriotes. Autant de têtes autant de sens. Ce n'est pas le moyen de faire quelque bon arrangement. J'ai idée que Bonaparte a quelque projet de faire ici un Consul comme en France. Vendredi 25 juillet. J'ai lu la lettre confidentielle de Mr. de Rheede à Mr. v.G. Elle n'est pas digne de la franchise que ce dernier met dans cette affaire. Mr. de Rheede bavarde, tourne autour du Pot, le prince héréditaire devrait être mis à la tête du gouvernement actuel et alors ce dernier pourrait être reconnu provisoirement jusqu'à la paix, sous la garantie de la Prusse!!! Comme si la France consentirait jamais à un pareil arrangement! Mr. de Spaen est revenu, il a eu une conférence avec Mr. v.d.G. dans laquelle ce dernier lui a parlé vertement. Il demande de l'argent, et on tâchera de lui donner f 2500. - Il s'est tiré de cette négotiation, comme je l'avais prévu. Mr. v.d.G. m'a chargé d'écrire une lettre à Mr. de Krudener, envoyé de Petersbourg à Berlin, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de renouer avec la Russie et de l'éngager à recevoir un agent public ou privé. 27 juillet. Schimmelp. a décidément écrit que Bonaparte a déclaré à la Prusse que la loyauté, la | |||||||||||||
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politique, des raisons locales, physiques et morales ne permettraient pas que la France consentît à la rentrée de la famille de Nassau dans ce Pays. Les lettres de Berlin marquent que le Roi de Prusse n'est pas d'intention de se mettre en avant pour épouser la cause de cette famille. La Prusse et les Puissances du nord ont résolu de mettre un frein au Despotisme maritime de l'Angleterre, et la Prusse, du moins Mr. de Haugwitz a dit que la Prusse ne consentirait pas à une paix partielle, qui exposerait l'Empire à un démembrement. On est persuadé à Paris que la Prusse fera toujours plus de bruit que de besogne. Les succès ennivrent les Français. Gare un second Tome de la Paix de Campo Formio. Hier j'ai écrit une note pour annoncer à S.M. Cath. que le Directoire garderait un nommé Tierce en arrêt civil, jusqu'à ce que la cour d'Espagne eût envoyé les preuves des accusations faites contre cet individu. - Cette histoire est assez curieuse. Tierce est un Français habitué depuis plusieurs années à Curaçao, où il avait été établi consul de France, par le régime Révolutionnaire. Jamais nous ne l'avions voulu reconnaitre en cette qualité. Sa mission secrète était de révolutionner les colonies Espagnoles et Hollandaises pour que l'incendie gagnât les colonies Anglaises. Ce plan a été déjoué par la prudence du gouverneur de Curaçao, qui sur les plaintes du gouverneur Espagnol de Caracas le bannit de Curaçao. A son arrivée en Hollande on l'arrêta pour l'empêcher de tripotter avec les Français et les Enragés. Sémonville le réclama comme citoyen français. De notre côté on refusa de le rendre en soutenant qu'il ne pouvait à aucun titre être considéré comme tel. Par une instigation secrète on engagea le ministre | |||||||||||||
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d'Espagne à prier au nom de sa cour, que le prévenu ne fût point relâché avant qu'on eût tiré de lui des lumières sur la révolte de Caracas; Mr. D'Anduaga a eu la faiblesse de se laisser tirer les vers du né à ce sujet par l'adroit Sémonville. En sorte qu'il faudra finir par remettre en pleine liberté le Citoyen Tierce. La cour de justice n'a trouvé contre lui que des présomptions. - On peut juger des services que ce brouillon va nous rendre. Hier (1 Août) est arrivé un courier avec la nouvelle de la signature des préliminaires de paix entre l'Empereur et la France: Mantoue et Vénise restent à l'Autriche, qui cède la Belgique à la France. Les deux Puissances se garantissent mutuellement ces possessions. Le Piémont reste à la France. Le roi de Sardaigne aura le Milanais et le tout se fait sans l'intervention de la Prusse. La rép. Cisalpine est donc à vau-l'eau. Samedi 2 août. Sémonville est furieuxGa naar voetnoot1) de ce que le Dir. a publié officiellement aux Chambres la signature des préliminaires. C'était un secret d'état que Schimmelp. avait su découvrir. Mardi 12 août. Schimmelp. marque dans sa confidentielle, qu'il a eu une longue conférence avec Bonaparte. Celui-ci lui a dit que le Gouv. Batave ne pouvait trop être sur ses gardes contre Pitt. Il a chargé Schimmelp. d'assurer que jamais il ne souf- | |||||||||||||
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frirait que quelqu'un de la maison de Nassau eût part au gouvernement de notre Républ. Il paraissait piqué contre le roi de Prusse de ce que celui-ci avait intercédé auprès du Dir. pour les Orangistes. Comme si les Français n'avaient pas intercédé pour les révolutionnaires! L'Empereur à ce qu'on écrit à Paris veut la paix. L'Angleterre remue ciel et terre pour l'engager à continuer la guerre. On espère d'engager l'Espagne, on bien à conclure un traité de paix avec le Portugal, ou à lui déclarer la guerre. Bonaparte s'extermine à force de travail. Sehimmelp. lui a fait des réprésentations à ce sujet. Il a toujours l'air pensif et concentré. 29 août. Augereau a écrit qu'il a ordre de recommencer les hostilités le 7 Sept. parceque l'empereur a refusé d'admettre les préliminaires. 2 sept. Dumonceau l'a confirmé et a envoyé copie de la notification qui en a été donnée aux armées. Hier j'ai trouvé Mr. v.G. occupé à procurer à deux personnes bien contrastantes des passeports: un fils de Mr. van der Spiegel et a Eykenbroek. Schimmelp. est ici. Il a eu une longue conversation avec le Dir. dans laquelle il a fait un tableau fidelle, c'est à dire très noir du Gouvern. français. Mais c'est prêcher à des sourds. Brune va en Italie. C'est pour qu'il ne commande pas en Suisse. Bonaparte parait avoir cédé aux instances qu'on lui a faites à ce sujet, ce qui est toujours de bon augure. Au reste Brune est malade, et a pris avec lui le premier chirurgien de l'armée. 9 sept. L'affaire entre le Danemare et l'Angleterre est accommodée. Les Danois visiteront les vaisseaux anglais dans la Baltique, et les Anglais les Danois dans la Manche etc. Strick de Linschooten a demandé qu'au cas que les | |||||||||||||
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hostilités recommençassent et tournassent comme il le craint au désavantage des Français, il lui fût permis de prévenir les desagréments auxquels il serait exposé, en s'absentant. On le lui a accordé. Mr. de Rheede a écrit récemment à Mr. v.G. pour renouer l'affaire de la neutralité, c'est-à-dire, pour ménager les intérêts de la maison d'Orange. Sa lettre est assez insignifiante. Il n'y a d'ailleurs rien à faire. Voyez Vendredi 25 Juillet. Krudener a répondu à Mr. v.d.G. une lettre fort honnête, dans laquelle il demande si Mr. v.G. a parlé en son privé nom ou de la part de son gouvernement, 2e si la personne que l'on envoyerait à Petersbourg y viendrait sous quelque titre; en ce cas elle ne pourrait pas y être reçue. Mr. v.d.G. a répondu qu'il avait parlé de la part de son gouvernement, et que l'on n'enverrait quelqu'un qu'à titre de simple voyageur. A présent l'embarras sera, qui envoyer. Le Dir. aura quelque mince protégé. Ce serait au commerce d'Amsterdam, qui a provoqué la démarche, à nommer quelque négociant distingué. Par ex. Mr. de Smeth. La France veut tenter une nouvelle négociation pécuniaire ici, au moyen du général Victor. J'ai cru comprendre que Schimmelp. doit avoir dit que Talleyrand n'est pas toujours du secret de Bonaparte. Jeudi 18 sept. Sémonville m'a fait inviter par... à venir mardi prochain à son thé. Il veut apparremment faire connaissance avec moi, parce qu'il sait mes relations avec Mr. v.d.G. Bourdeaux a écrit que l'Angleterre a chargé Mylord Cairysford à Berlin de dire à S.M. Pr. qu'elle voulait bien sous sa médiation négocier la paix avec la France, moyennant que Bonaparte cédât la Belgique rétablît le | |||||||||||||
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Stadhouder, et que Vénise fût remise en liberté. Alors de son côté elle rendrait toutes les conquêtes aux Indes. C'est le statu quo ante bellum! autant vaut ne rien dire. 22 sept. Les Français nous vexent plus que jamais. Bonaparte approuve que l'on ne nourisse et n'entretienne point les 7000 hommes Gallo-Bataves au Rhin, mais il veut que l'on n'en paie pas moins les 25000 hommes. Le Direct. avait arrêté qu'il ne laisserait point marcher de nouvelles troupes. Les Français ont ordonné à deux régiments de partir pour le Rhin; pendant que le ministre de la guerre Batave à ordre de faire les protestations, Sémonville fait provisionellement partir les troupes. Un vaisseau Danois (le Cunningholm) chargé pour compte de notre Compagnie des Indes, du sçu de la France, et capturé par un corsaire français, il y a quelques mois, vient d'être condamné comme bonne prise, malgré les assurances du contraire. Parceque le corsaire a corrompu les Juges et le Ministre de la Marine. J'ai vu les dépêches confidentielles de WinterGa naar voetnoot1), il fait un tableau horrible du gouvernement français: insolence, corruption, dilapidation. Nul plan, nulle tenue: il avait joint à sa dépêche une copie du plan de la nouvelle constitution que Bonaparte aurait introduite si la paix s'était faite. Il y avait eu un Président perpétuel, qui aurait été Bonaparte, c'est le plus important. N.B. Malgré la source d'où vient ce plan, j'ai peine à le croire authentique. Dans un moment de dépit et malgré les réprésen- | |||||||||||||
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tations de ses amis, Bonaparte a publié les articles des préliminaires. Il n'a supprimé que quelques articles secrets, qui regardent Rome, la Cisalpine et la Suisse. L'Angleterre veut la continuation de la guerre; l'Empereur voudrait bien la paix, mais il n'est pas le maître, quoiq'il paraisse qu'il a quelque changement à cet égard dans les volontés de ceux, qui l'entourent. La France, éblouie par ses succès, fait des prétentions excessives, et se fonde sur le découragement de l'armée impériale, qui est à son comble, ainsi que la désertion. Winter, ayant vu de près le gouvernement français est dégoûté de la France et de la révolution. Il presse son rappel. Van Swinden seul est incorrigible de sa gallomanie. Il a sans cesse des conférences avec Sémonville, qui est un archifourbe, qui le mènera loin. Encore un trait français; les digues de .... ont besoin d'une inspection sévère: le gouvern. Bat. ayant été troublé dans celle qu'il voulait faire, s'était plaint à Paris. Le Min. Talleyrand assure que cela n'arrivera plus. Et voilà qu'an moment qu'on veut recommencer l'inspection qu'un gendarme français, dépêché par la municipalité de Cléves, s'y oppose brutalement. Spoors qui avait d'abord préconisé v. Swinden et travaillé pour l'élever au Directoriat, en est aux regrets. Mr. v.G. qui voulait de Mist, l'en avait bien prévenu, mais cela n'a servi de rien. D'après ce qui a échappé sur ce sujet à Mr. v.G. je m'imagine qu'il se trame quelque contra-révolution. L'alliance de la Prusse et de la Russie n'est pas encore bien redoutable. En France on ne la craint pas. Mollerus, Spaan cum suis proposent á Mr. v.G. d'envoyer Brantsen en Angleterre pour y négocier un | |||||||||||||
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arrangement. Cést la vieille chanson. Ils ne veulent que le rétablissement de l'ancien ordre de choses. Lord Cairysford a présenté à Berlin une longue note, dans laquelle il cherche à justifier la conduite que l'Angleterre a tenue devant la guerre, et montre le cabinet de St. James disposé à accepter la médiation de la Prusse, pourvu que l'on en revienne au statu quo. En ce cas il offre de rendre toutes les conquêtes. Jeudi 7 oct. Strick de Linschooten a annoncé positièrement le renvoi de Mr. de Thugut du ministère des affaires étrangères Le comte de Lehrbach a été nommé à sa place et le comte de Cobentzl ira au congrès. Les lettres de Vienne confirment la nouvelle, et disent que Thugut avait demandé sa démission, irrité des conditions de la Trève, signée par l'Empereur. Les Français ont de nouveau fait un tour de leur métier. Ils ont essayé de s'emparer de Curaçao, apparemment pour révolutionner la colonie et électriser les nègres des colonies anglaises. La fermeté du Gouverneur Lauffer a fait échouer le projet. Les Anglais viennent de nous prendre par surprise deux frégates dans le port de Barcelonne par surprise, ou plutot par une trahison concertée à ce que croit Mr. v.G. avec Cabary consul Batave, et peut être même Valckenaer. Mr. Bielfeld a communiqué à Mr. v.d.G. une lettre très polie de Mr. de Haugwitz et qui se charge de demander qu'il soit permis au Min. de Prusse à Paris, de profiter des Couriers Bataves pour expédier les paquets à Berlin. Accordé avec plaisir, comme une preuve réciproque de bonne intelligence. J'ai engagé Mr. v.d.G. a empêcher que l'on ne donnât Samedi prochain à l'occasion de l'anniversaire de la capitulation Anglo-Prusse, une pièce intitulée les Russes en Nort-Hollande trouvant que vû les tentatives | |||||||||||||
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faites pour s'approcher de la Russie une pareille pièce était peu politique. Sémonville de son côté a prié de la part du Pr. Consul, que l'on évitât dans les harangues etc. de ne rien dire qui pût choquer Paul I. Tout était déja prêt pourla réprésentation, l'auteur de la pièce (Pasteur) est furibond. Le Min. d'Education a veillé toute la nuit d'hièr avec son bureau, pour faire une nouvelle pièce. Je crois que Paul I me doit, sans vanité, la politesse du Gouv. Batave. Il a été résolu de laisser échapper Tierce. Carnot a pris ou a reçu sa démission. On croit que c'est pour avoir eu querelle avec Bonaparte au sujet de la paix que Carnot voulait faire, même sans recevoir les villes accordeés. Berthier qui lui succède, est une bête, qui n'a pas même l'esprit d'écrire une lettre passable. Les négociations avec l'Angleterre vont leur train, quoique l'armistice maritime n'aura pas lieu. Bonaparte avait écrit au roi de Suède en personne, pour se rapprocher; mais cela n'a pas mieux réussi qu'avec le roi d'Angleterre. A présent on dit qu'il envoyera Masséna. Le Comte de CobentzlGa naar voetnoot1), quoique três bon négoeiateur du reste, à la manie du Théâtre: à 50 aus il a appris à chanter et la fureur de jouer la comédie et de donner des bals est telle, qu'il en a quelquefois donné pour se consoler de quelque mauvaise nouvelle. Ce qui faisait dire à l'Impératrice ‘vous verrez qu'il garde sa meilleure pièce pour l'entreé des Français à Vienne.’ Il en été question d'envoyer l'amiral de Winter avec 7 vaisseaux de ligue, faire une expédition, soit | |||||||||||||
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sur Suriname, soit sur quelque possession anglaise. Spoors d'après les raisons de Mr. v.d.G. y a renoncé. Mercredi 5 novembre. Le secret de l'état d'aujourd'hui c'est que Schimmelpenninck est nommé ambassadeur à Luneville. On lui a envoyé le créditif nécessaire. D'après sa confidentielle, La France veut la paix et même la veut avec l'Angleterre, mais les conditions de Londres et de Paris diffèrent toto coelo. La Prusse et la Russie peut-être même l'Autriche insistent sur le rétablissement d'un Stadhouder de la famille de Nassau. Nous ferons le plus grand obstacle et à coup sûr serons la victime de la paix. Si elle ne se fait point, Schimmelpenninck s'imagine que l'Angleterre et peut-être la Prusse et la Russie nous viendront tomber sur le corps. Les Directeurs ne veulent pas entendre parler du retour du Prince; particulièrement van Swinden. Mr. v.d.G. est convaincu du rétablissement du Stadhoudérat. Je ne le suis pas autant que lui, mais il n'en est pas moins vrai, que ceci serait une belle occasion de sauver la patrie. Il faudrait envoyer un homme sûr à Londres traiter avec le Prince et l'Angleterre, et en attendant travailler ici à une réunion avec le parti Stadhoudérien. Les honnêtes gens j'entend, et dissoudre le corps législatif. Mais l'esprit de parti aveuglera des deux côtés; et tout ou rien étant leur devise, la république est infailliblement perdue. Les départements des finances et de la guerre sont dans le plus grand désordre. Gogel dit hautement: s'il vient une révolution Orange, je fais seller mon cheval et plante là le tout. Cela n'est pas trop honnête. Mr. v.d.G. veut le bien et voit le bien, mais il est mal secondé par l'un et l'autre parti. Schimmelp. est parvenu à se procurer par corruption la corres- | |||||||||||||
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pondance entre l'Angleterre et la France. La lettre du ministère Anglais est très forte et très claire, annonce des dispositions pacifiques, et met la paix entre les mains de Bonaparte en lui demandant de s'expliquer clairement sur ses conditions. L'Angleterre veut la paix pourvû que la France renonce à dominer sous le nom d'alliés les nouvelles Républiques, et nous en particulier, mais leur laisse la liberté de consulter dans leur gouvernement le génie et le voeu de la nation etc. c'est-à-dire: la paix dépend avec l'Angleterre du rétablissement du Stadhoudérat etc. Samedi 8 Novembre. Il n'y a pas en ce moment 3 brigades de troupes dans la république. Schimmelp. écrit que d'après plusieurs données, telles que le séjour de Moreau à Paris etc, il croit à la paix. Mais jusques ici Bonaparte ne veut pas entendre parler de la cession de la Belgique, ou du Stadhouder. 10 Novembre. Cobentzl est parti pour Luneville, mais les affaires vont mal. Bonaparte ne veut point traiter avec l'Angleterre, que la paix ne soit d'abord conclue avec l'Empereur. Sur cela Cobentzl est parti, ainsi je crains la guerre. 25 Novembre. Un fait assez singulier c'est que ce sont les Anglais qui par leur invasion ont fourni des ressources à ce sujet. Je sais par Mr. v.d. Goes, que les intérêts que la république paye en ce moment, ce sont en grande partie par l'argent que l'on a tiré de la frégate la Lutine, échouée l'an dernier au Texel. 28 et 29 Novembre. J'ai été fort occupé. Sémonville a écrit secretissime une note pour avoir 100.000 fl. en emprunt sur la solde des troupes françaises. Il ne pouvait pas en dire le but, c'était le secret des secrets, connu du Pr. Consul et de lui seulement. | |||||||||||||
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A présent il a obtenu l'exportation de 600.000 l. de fromage, pour la Marine à Brest. Et il insiste sur un décret qui prohibe l'exportation du bled. Le Directoire ne veut pas l'accorder; le corps législatif veut le faire. Sémonville travaille la dedans; je crains les suites. Vendredi 6 Déc. J'ai lu une note du Ministre de Prusse à Petersbourg à l'Empereur. Elle est fort curieuse. Le roi de Prusse déclare ne pas vouloir ni pouvoir s'écarter de son système de neutralité, et par conséquent refuse poliment de concerter avec Paul des mesures efficaces, pour procurer la paix à l'Europe. Il a communiqué à la France les conditions aux-quelles Paul voudrait traiter avec elle, et le Roi se flatte que la France y accédera surtout dans le moment actuel. Mr. v.d. Goes m'a dit secretissime qu'une de ces conditions était le rétablissement d'un prince de la maison de Nassau chez nous: et Bonaparte doit avoir dit: Je n'en veux pas entendre parler, mais si Paul insiste absolument, il faudra bien s'arranger. V.d. Goes croit donc que la paix ne se fera jamais, sans que le Prince héréditaire ou quelqu' autre Prince allemand soit établi sur nous. Le Stadhouder même, est trop Anglais, pour qu'il soit question de lui. D'autre part Bourdeaux, qui est très au fait, assure positivement que la Prusse n'insistera pas sur cet objet, et que la France est décidée à ne pas permettre cet arrangement. Mr. de Haugwitz a fait assurer Mr. v.d.G. de son attachement et qu'il espérait avoir dans peu la satisfaction de lui en donner des preuves.
Samedi 31 Janvier 1801. Bosscha et moi avons dressé le créditifGa naar voetnoot1) de Buys (ministre à Stockholm) | |||||||||||||
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pour l'empereur Paul. Grâces aux soins de Mr. v.d.G. la réconciliation avec la Russie s'est effectué. Les ministres Russes à Berlin, à Stockholm et à Coppenhague avaient pris ad referendum toutes nos tentatives. Mais le Duc de Wurtemberg a engagé Paul à recevoir un ministre Batave. Paul a du moins envoyé un passeport. Mais le duc de Wurtemberg y a mis la condition, que nous rappellerions Strick de Linschooten, patriote révolutionnaire dont il a à se plaindre. En conséquence celui-ci recevra un ordre du Directoire de se rendre à la Haye pour s'aboucher avec le gouvernement, ce qui est une façon honnête de le rappeller. - Reste à savoir si Buijs voudra accepter la nouvelle mission. 9 février. Une anecdote assez curieuse, c'est que Murray le ministre d'Amérique a reçu des lettres de Grenville, par les quelles il le prie de lui envoyer 300 ℔ de farine, pour son usage particulier. La plaisanterie de ne servir que des tranches de pommes de terre au repas diplomatique qu'il a donné, était dictée par la nécessité; il marque qu' à la lettre on ne peut plus se procurer du pain blanc à Londres. Spoors voulait lui faire le cadeau demandé, et laisser sortir en contrabande la farine, sans consulter le Directoire, mais Mr. v.d.G. quoique d'avis de l'envoyer, veut être autorisé sous main. Bonaparte est flottant entre deux partis. Il ne sait s'il se livrera aux royalistes ou aux Jacobius. La disgrâce de Mr. de Rosencrantz et le renvoi de la légation Danoise de Petersbourg tient bien en partie à une lettre en chiffre, interceptée, dans la- | |||||||||||||
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quelle Mr. de Rosencrantz insinue que Paul I est fou, mais sa grande cause c'est la mollesse que la cour de Danemarc met à entrer dans la neutralité armée. Je conjecture que l'on arrange avec la France une nouvelle constitution pour nous. Mr. v.d.G. qui craint qu'on ne nous la donne, avant d'avoir pu réaliser la réunion qu'il projette entre les honnêtes gens de ce pays, n'importe quel ait été, ou soit encore leur parti, (Réunion qui seule peut nous sauver, mais qui me parait plus désirable que possible) fait contrecarrer les projets de la France par la cour de Berlin et retient par là leur exécution intempestive. Mollerus a de fréquentes conversations avec lui; c'est le moment de se concerter mais hoc opus, hic labor est! Lundi 16 février. Grande nouvelle un courier de Schimmelp. a porté la signature du traité entre la France et l'Autriche. Ce traité porte l'article remarquable que les Rép. Batave, Helvétique, Cisalpine et Ligurienne ont la faculté d'adopter telle forme de gouvernement qu'elles jugeront convenablesGa naar voetnoot1). Il faut savoir que toutes ces républiques vont changer leurs constitutions. Celle de l'Helvétie est déjà prête, mais on la dit compliquée. Par rapport à nous on est fort divisé. Hier Mr. v.d.G. Pyman et un autre ont eu une conférence à ce sujet; il s'agissait de réduire à une vingtaine de membres le corps législatif, d'établir un conseil d'état de 16 personnes, et un Président avec 2 accessoires, en d'autres termes un premier Consul et deux hommes de bois. Ce dernier article me parait ridicule. Nous n'avons personne pour être premier, et les deux pen- | |||||||||||||
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deloques peuvent avec le temps vouloir être quelque chose. Du reste les provinces reviendraient sous le nom de département; il y aurait une cour de justice supérieure en cas d'appel et des cours de Justice particulières dans chaque province etc. mais je suis curieux de savoir comment on se tirera des finances! Bonaparte a fait un concordat avec le pape pour le rétablissement du culte catholique en France. Par contrecoup le culte réformé dans notre République sera de nouveau entretenu par l'Etat, provisoirement pour un an. Le roi de Naples et le Pape font la paix avec la France, par la médiation de Paul I, à condition qu'ils fermeront leurs ports aux Anglais. De même le Portugal. Le roi de Prusse, pressé par les circonstances, commence à se conformer davantage aux vues de la coalition maritime. Bonaparte a fait présenter une note par Sémonville, pour insister sur une amnistie et l'abolition des déclarations civiques. Le Directoire a fait des difficultés. Sémonville voyant qu'il n'y avait pas moyen de lui faire entendre raison, va lâcher sa note. Il sera piquant pour la Prusse, que la France obtienne ce qu'on a refusé à son intercession. Je suppose que c'est Mr. v.d.G. qui a provoqué cette démarche. Elle est digne de sa générosité et conforme au plan qui semble prévaloir, d'attirer dans le parti les Orangistes de mérite. Bonaparte n'aime pas beaucoup Sémonville, à ce que marque Schimmelp. mais il (loue?) Mr. v.d. Goes. (sic.) Votre ministre des relations extérieures, a-t-il dit à Schimmelp., est un homme de mérite. Samedi 28 Février. Il est décidé que l'on va proposer au Corps législatif de la part du Directoire de ne pas attendre le terme prescrit de 5 ans pour faire | |||||||||||||
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la révision de la constitution. Queysen et autres pareils, tels que v.d.G. (et Gogel si je ne me trompe) sont occupés à rédiger un nouveau plan, dont les traits principaux seront la réduction du Corps législatif à un petit nombre de membres, une assemblée qui sera le Conseil d'état, et des Comittés au lieu d'Agents. Le Directoire proposera au Corps législatif les nombreux défauts de la constitution actuelle, et demandera de convoquer le peuple pour décider si l'on ne devrait pas la réformer immédiatement. On n'exigera dans les assemblées aucune déclaration ni serment quelconque. Van Swinden qui sent bien que son règne est fini, est furieux, mais il a promis de ne pas protester contre la démarche. Bonaparte a désiré qu'on lui fît voir en gros le nouveau plan. J'espère d'en avoir une copie. 13 Mars Vendredi. Bourdeaux vient d'envoyer un courier avec l'importante nouvelle, que le Roi de Prusse acceptera un envoyé de la Rép. Bat. à la vérité sans le reconnaître encore publiquement pour tel, mais pour rompre la glace. Une note de Bielfeld l'a confirmé en y joignant confidentiellement l'assurance que le roi de Prusse abandonnera la cause du Stadhoudérat. Hultman ou Hogendorp iront probablement à Berlin. Le premier a plus d'apparence. 3 Mars. Hultman ira à Berlin. Bourdeaux devient secrétaire de légation. 2 Avril. Une estafette a porté hier au soir la nouvelle que 6000 Danois, avaient occupé la ville de Strasbourg du consentement du roi de Prusse. Hier un courier parti d'ici pour Paris porte au Pr. Consul une lettre du Directoire pour le prier de ne pas envoyer Augereau, qui est brouillé avec le min. de la guerre Batave. Schimmelpenninck avait | |||||||||||||
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un ordre de présenter déjà à ce sujet une note, qu'il a gardée par devers lui, je ne sais trop pourquoi. Probablement que le parti orangiste chargera Brantsen de ses intérêts auprès de Sémonville. Mr. v.d.G. en a prévenu ce dernier, qui le recevra à bras ouverts. 10 Avril. Mr. van Willigen, ministre de l'Electeur Palatin, qui résidait ici depuis la révolution, mais sans la...Ga naar voetnoot1) s'est présenté aujourd'hui chez Mr. v.d.G. et de but en blanc lui a dit qu'il avait ordre de son Maitre d'assurer la Rép. Bat. de son estime et de reprendre ses anciennes fonctions. M.v.G. après lui en avoir témoigné sa joye, lui a demandé s'il avait reçu le créditif nécessaire. Comme ce préalable a été négligé, - peut-être à dessein - Mr. v. Willigen s'est retiré un peu capot. Bonaparte n'est pas content de ce que nous recherchons si fort l'amitié de la Russie et de la Prusse; il sent que nous cherchons un appui contre le despotisme françaisGa naar voetnoot2). Mr. v.d. Goes n'en a pas fait la | |||||||||||||
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petite bouche à Sémonville. Il se trouve que nous avons déjà un envoyé en Russie, tandisque la France n'en a pas encore. Aujourdhui un courier a porté la nouvelle de la mort subite de Paul I, il est mort d'apoplexie à 46 ansGa naar voetnoot1). Il est à espérer, et il est apparent que Buys avait déjà délivré ses lettres de créance. 21 Avril. Buys se loue extrêmement du ministre Russe; le premier ministre lui a dit que dans deux ou trois jours on nommerait un ministre pour la république Batave. La Russie est mécontente de la France. Dans un entretien que Buys a eu avec le premier ministre Russe, celui-ci s'est plaint de la mauvaise foi des Français, relativement au Royaume de Naples. Ils avaient promis une paix honorable et au lieu de cela ils exigèrent la cession de quelques places. Peut-être que tout cela a eu lieu avant l'arrivée de Kalischef à Paris. Buys pourrait profiter de ces dispositions, mais il est fort Gallo-mane. Cependant Mr. v.d.G. lui fera la leçon sur ce sujet. Demain Brantsen doit partir pour Berlin, ambassadeur secret des Orangistes. Il a deja eu deux conférences avec Sémonville, qui peut être le joue. Augereau est en route pour revenir ici. Bonaparte a répondu à la lettre du Direct. qui l'avait prié de rappeler ce général, qu'il ne pouvait pas lui faire cet affront, mais qu'il ne ferait qu'une courte apparition. | |||||||||||||
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24 Avril. Il est presque démontré que Paul I à été ou étranglé on poignardé. On nomme le prince Soubof comme l'assassin. La lettre écrite par l'Impératrice regnante (femme d'Alexandre) à ses parents, est des plus touchantes. Elle marque qu'elle fut réveillée au milieu de la nuit avec son époux par une troupe de gardes, en tumulte, qui venaient d'étrangler Paul I. Et qui forcèrent le fils d'accepter immédiatement l'Empire. Tout était encore en confusion. 12 Mai. Mr. v.d.G. m'a dit, qu'il regardait l'affaire de la révision de la Constitution manquée. Il a donc un autre plan. Schimmelp. engagera Bonaparte à faire connaître sans détour son voeu de voir s'opérer une amélioration, et que le Directoire Exécutif soit chargé d'offrir à la Nation un plan Républico-Orangiste dont l'acceptation ne sera pas laissée aux Assemblées Primaires, mais qui aura lieu, comme dernièrement en France, par des listes, où chacun marquera simplement qu'il la reçoit ou la rejette. Il est question de changer l'arrangement par rapport au logement des ambassadeurs français, soit en donnant à Sémonville une somme d'argent, soit par quelque autre moyen. Mr. v.G. voudrait acheter la maison d'Amsterdam, et la payer par termes, et la donner en propriété à la France, qui par contre donnerait le local de l'ancien Hôtel de France; tout cela est encore fort vague, l'injustice est de changer l'arrangement actuel, qui est des plus onéreux pour nous. - Il est assez surprenant que les Français ne se prévalent pas du don que l'ancien Direct. leur a fait de la vieille Cour. 2 Juin. Pijman sera élu Directeur. Augereau le protège, parcequ'il espère d'en obtenir l'argent, qu'il sollicite. Pijman a consulté Mr. v.d.G. sur la conduite qu'il aurait à tenir vis à vis de son | |||||||||||||
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protecteur; celui-ci lui a conseillé de cultiver son amitié, comme ci-devantGa naar voetnoot1). Augereau est sans cesse environné de van Hooff, d'Aubert, et de Galdé; ce sont eux qui le portent à la plupart des démarches qu'il fait. Il dit qu'il a sur sa table une lettre de Bonaparte, qui lui ordonne de faire échouer le plan de révision - le plan échouera, mais l'ordre de Bonaparte n'existe point. Probablement que le plan de révision tel qu'il est sera rejetté, et que l'on chargera la commission qui l'a composé d'en fournir un autre. Mr. v.G. a donné l'idée de faire nommer, non par les assemblées primaires, mais par la pluralité des suffrages un collège de quelques personnes, hors du Direct. et du Corps législatif pour en composer un nouveau. Il y a grand refroidissement entre la France et la Prusse. A l'audience que Bonaparte a donnée dernièrement au Corps Dipl. on a remarqué qu'il n'a pas adressé la parole au min. de Prusse. 10 Juin. Sémonville voyant que le plan de constitution serait rejetté, et voulant prévenir l'impression que pourrait faire sur le parti révolutionnaire l'idée qu'il l'avait favorisé, a fait venir Aubert chez lui et lui a dit que la France ne voulait point d'un plan pareil, et lui en a montré un exemplaire apostillé - à ce que prétend Aubert - de la main même de Bonaparte, rejettant plussieurs articles, en particulier celui du collège des Electeurs, en disant, Je ne veux pas qu'on me singe. Dans le fait, Bonaparte n'a rien écrit de pareil, mais Talleyrand doit avoir dit à Schimmelpenninck et mandé à Sémonville, que Bona- | |||||||||||||
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parte verrait avec plaisir qu'on consultât dans un nouveau plan de constitution le goût, les usages etc. de la nation, c.a.d. qu'on ramenât beaucoup de l'ancien ordre de choses. - Au reste tout cela sent, à l'exception de l'anecdote d'Aubert, de simples on dits, ou des propos vagues. L'anecdote d'Aubert est précieuse en ce qu'elle montre les finasseries, pour ne pas dire plus, de Sémonville. Hier Haersolte vint chez Mr. v.G. lui communiquer tout éperdu, que la Pierre était venu dire au Dir. qu'il se tenait chez mr. de Rechteren des conférences Orangistes; que Six et d'autres allaient souvent chez Sémonville; bref que van Swinden avait conseillé de transmettre immédiatement ces menées à Schimmelp. pour en informer Bonaparte - Risum teneatis amici! D'après le Times no 5115 22 Mai 1801.
20 Juin. Le grand plan et le grand secret du jour est d'engager Bonaparte à retirer les troupes françaises à notre solde à l'exception d'une légion de 6000 hommes commandés par Augereau, qui passeraient au service de notre Républ. jusqu'a la paix. | |||||||||||||
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Ces mêmes Directeurs qui ont écrit il y a six semaines à Bonaparte une lettre fulminante contre Augereau - qui refusaient de se trouver en même lieu avec ce général - ont conçu ce beau projet, auquel Bonaparte accédera volontiers, si la paix est proche, parcequ'on l'achettera à coup sûr très cher, et si la guerre recommence, il ne tiendra pas plus cette convention, que jusques ici on n'a tenu les autres. Le tout aboutira à enrichir un Général, qui tripotte avec tout ce qu'il y a de Revolutionnaires. Talleyrand avait raison de dire que pour faire faire à notre gouvernement ce qu'on voulait, il n'y avait qu'à l'intimider et parler haut. Schimmelpenninck a ordre de favoriser le projet, et Sémonville doit l'ignorer. 29 Juin. Dans sa dernière dépèche Buys marque que malgré la bonne réception qu'on lui fait en Russie, il n'avance pas beaucoup quant à l'essentiel. Ce qu'il attribue aux intrigues de l'Angleterre. Il est certain, que malgré l'accueil fait à DurocGa naar voetnoot1) il a été grondé pour la conduite de Bonaparte envers Naples et le Piémont. Du reste Buys est très bien vû par l'Empereur, qui ne le rencontre jamais sans lui adresser quelques mots honnêtes, mais il n'a pas encore pu obtenir qu'on envoyât ici un agent accrédité, quoiqu'il ait fait sentir combien sa présence pourrait hâter bien des décisions favorables. Dans le fait, jusqu'ici la Russie n'a encore donné que des promesses. Jamais rien par écrit. Elle n'a pas même encore communiqué à ses Ministres dans l'Etranger le rétablissement de la bonne harmonie entre les deux Puissances. | |||||||||||||
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Buys espère que dèsque les Ministres Russes auront fixé des jours d'audiences, il pourra donner plus de suite à sa mission. Il ne perd aucune occasion de relever combien la Rép. Bat. est interessée à la conservation des Puissances du 2d rang, et entre par conséquent dans les vues de la Russie. Schimmelp. marque qu'Yvoi a été présenté à Bonaparte, qui ne lui a adressé que quelques paroles insignifiantes. Du reste, excepté lui, il n'y a à Paris aucun agent ou intriguant Orangiste. Yvoi a eu une longue conversation avec Schimmelp.: il voulait le convaincre de la nécessité de faire entrer un peu d'Orange dans la constitution Batave. Schimmelp. lui a parlé clair. Lui a dit, que la chose était pour le moment aussi peu possible que peu désirable. Que la véritable politique de la maison d'Orange était de diriger les choses de manière que les Propriétaires et les Aristocrates eussent voix en chapitre et que l'on se réunît autant que possible. Alors il fallait attendre les événements et voir ce que le temps pourrait amener de favorable. Mais que du reste tout autre effort était à pure perte, et échouerait infailliblement. Yvoi ouvrit de grands yeux, de ce qu'on lui parlait ferme et net. Il a témoigné vouloir avoir une nouvelle conférence avec Schimmelp. Tout ce qui résulte de ceci, c'est que le prince héréditaire n'a pas encore envie de renoncer à pur et à plein à ses prétentions. 17 Juillet. Schimmelp. marque confidentiellement de Paris que jusqu'ici l'on n'a encore rien fait, ni de la part de France, ni de la part de l'Empereur pour les indemnisations en Allemagne. A peine les ministres en ont ils quelque fois parlé entre eux. Mesry négociateur Anglais est arrivé à Paris, c'est un homme dont les formes sont faciles et honnêtes, très accommodants, mais qui ne passe pour un génie. | |||||||||||||
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Hier nous avons répondu à une note très frappante de Sémonville, destinée à engager la Rep. Bat. à faire quelque démarche marquante pour reconnaître le nouveau roi d'Etrurie.Ga naar voetnoot1) Notre réponse a été en substance que le Dir. jaloux de manifester les sentiments qui l'animent envers la France et l'Espagne, s'empressera dês que son A.R. le prince de Parme aura pris possession de la Toscane avec le titre de Roi, de resserrer par un juste hommage les rélations qui doivent nous lier avec luiGa naar voetnoot2). | |||||||||||||
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Lundi le 10 Juillet. Schimmelp. dans sa confidentielle marque qu'à Paris le mécontentement contre Bonaparte augmente journellement. L'embarras des finances est extrême. L'Egypte probablement perdue, un Général fr. dépêché par Ménou est arrivé, selon toute apparance par la permission des Anglais pour concerter l'Evacuation. Schimmelp. s'imagine que l'on pense sérieusement à faire la paix avec l'Angleterre, mais que celle-ci ne sera pas facile. - Il ne serait pas surpris qu'il arrivât à Paris quelque événement inopiné, l'avenir en un mot lui parait très noir. 22 Juilet. J'ai lu une confidentielle de Hultman, TolliusGa naar voetnoot1) a eu avec lui une conférence amicale au sujet de l'indemnité à accorder au Prince. Il a prétendu ne pas avoir reçu encore ses pleins pouvoirs et ses lettres de créance. Par parenthèse le Roi de Prusse n'est pas trop content de ce délai; aussi ces lettres viennent-elles d'arriverGa naar voetnoot2). | |||||||||||||
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Dans cette conférence Tollius a parlé sur deux points principaux. Le 1e, s'il n'y avait pas moyen de ramener le Prince (Stadhouder) ou quelqu'un des siens dans notre République. Hultman lui en a fait sentir franchement l'impossibilité, et a parlé à Tollius le langage de la franchise. Il lui a fait sentir entr'autres combien la conduite que le Prince Héréditaire s'était permise en Nord-Hollande lors de la descente, lui avait aliéné les esprits les mieux intentionnés. Tollius a voulu en rejetter la faute sur les Anglais, n'est pas disconvenu que le Roi de Prusse en avait été souverainement mécontent, et a fini par laisser entrevoir que la grande faute en devait peut-être être attribué à la Princesse. Le 2e point était les indemnités à accorder au Prince. Tollius prétendait que les premières offres devaient se faire de notre part. Que le Prince n'avait nulle envie de se défaire de ses possessions dans la Républ., mais que c'était nous qui en qualité d'acquéreurs devions proposer notre marché. Hultman a réduit la question à son véritable objet. Il lui a dit que les Français ayant déclaré la guerre au Stadhouder ont pris ses biens. Ensuite les ayant donnés à la Rép. Bat., en rigueur nous n'avions aucune offre à faire, et que si le Prince avait des réclamations à élever, c'était contre la France. Mais que désirant déterminer cette affaire à l'amiable, nous voulions bien entendre les demandes du Prince. Dans le courant de la conversation Tollius a laissé échapper, qu'il nous serait bien plus avantageux de ne pas nous hâter à conclure des arrangements, par ce qu'il était instruit que les Français voulaient indemniser le Prince en Allemagne et nous demander 5 millions pour ce beau dédommagement. Comme cette conférence était purement amicale | |||||||||||||
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et non officielle, Hultman n'a pas pu approffondir ce point important. Jusqu' ici il n'a pu en rien savoir ni de Haugwitz, ni de Bournonville, qui tous les deux le comblent d'honnêtetés. Ce dernier l'a pressé d'insister fortement sur la reconnaissance de la République par le roi de Prusse; mais comme après l'arrivée des créditifs de Tollius, les conférences sur l'indemnisation ont commencé, Hultman a cru ne pas devoir trop presser cet objet. Au reste il parait que la Prusse et la France sont de nouveau réconciliées. Schimmelp. ne marque rien d'important, malgré tout ce que les gazettes disent de la paix, rien de particulier à cet égard. Valckenaer est parti de Madrid. Les Français avaient d'abord refusé de ratifier le traité avec le Portugal. Bonaparte y a ajouté quelques conditions, qui sont des plus onéreuses, mais auquel le Portugal a dû accéder. Malgré cette pacification les troupes françaises augmentent en Portugal. Je m'imagine pour quelque expédition aux Indes, le Brésil, ou l'Egypte ou Gibraltar. Spoors va à Paris, pour le plan de constitution. Je crains bien qu'il n'en soit comme du plan précédent. Tot capita tot sensus. Vendredi 25 Août. Schimmelp. va venir ici. Mr. v.d.G. l'en a prié. Il pourra peut-être faire comprendre aux meneurs, que toute innovation, par rapport à la constitution, est prématurée avant la paix; à moins d'amener une réconciliation des deux partis et une diminution conséquente dans nos dépenses, ce qui n'est guère à espérer. Hultman n'avance pas à Berlin. On en est encore à disputer sur les premières bases. La Prusse a demandé que l'on s'occupât de trois objets: le rétablissement du Stadhoudérat, un dédommagement en argent, un dédommagement en Allemagne. On a répondu que, | |||||||||||||
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quant au premier point, il n'y avait pas même lieu à la discussion, aussi bien que la Prusse ne le demandant que pour la forme. Que quant au dédommagement de la maison d'Orange, en argent, c'était le point sur lequel on voulait bien traiter, pourvu que l'initiative s'en fît de la part de cette maison, et que pour le dédommagement en Allemagne c'était l'affaire des partis contractants au traité de Luneville. Les Français de leur côté désireraient que nous leur remissions en argent le dédommagement éventuel, et ils se chargeraient de le remettre à qui il appartient!! Cette affaire trainera jusqu'a la paix générale et alors elle s'arrangera peut-être d'un trait de plume. Au reste Mr. v.d.G. a des renseignements sûrs que ni la Prusse, ni l'Angleterre, ne tiendront au retour de la maison d'Orange parmi nous. Hultman pouvait donc revenir, si le roi de Prusse n'avait fait témoigner à diverses reprises, qu'il ne verrait pas son départ avec plaisir. La cour de Berlin veut avoir l'air vis-à-vis de la France, de poursuivre l'accommodement, et de se rapprocher de la Rep. Batave. Il parait que l'Angleterre veut sérieusement la paix, et qu'elle n'impose pour condition à la France, que de renoncer au despotisme qu'elle exerce sur nous, sur l'Helvétie, Naples, Sardaigne etc. Une circonstance qui me fait croire surtout à la proximité de la paix générale, c'est que Bonaparte consent, comme Mr. v.G. me l'a dit aujourd'hui en grand secret, à une réduction considérable de l'armée fr. en Batavie. C'était le but de la mission d'Augereau à Paris; et il a réussi. Nous serons débarassé par là du joug d'un général français. Nieuwerkerke marque d'Espagne, que l'opinion générale dans ce pays est que les Français vont chercher à s'emparer d'Alger. | |||||||||||||
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Ils y trouveraient 30 millions de séquins, et ce serait un rude coup pour les Anglais. D'autres parlent du siège de Gibraltar; ce qui n'est guère croyable. Mr. v.G. Se refuse à concourir à aucun tripotage pour changer la constitution actuelle. Quatre personnes sont occupées en ce moment à rédiger un nouveau plan. Tout cela n'est que de l'onguent pour la brûlure. Autre circonstance qui semble fortifier les apparences de Paix, c'est que l'adjudant Duroc, qui avait déjà quitté Petersbourg, a reçu contreordre par un courier, et il y est retourné. 2 Sept. Le Directoire a conclu avec Bonaparte une convention par laquelle il ne restera plus que dix mille français à notre solde, sans général et sans état major, et à la paix ces dix mille hommes nous quitteront. Pour cet effet on payera à la France 5 millions, un million directement et les 4 autres avant 6 Janvier 1803Ga naar voetnoot1). | |||||||||||||
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De plus on reglera NB. avec Augereau la liquidation de l'arriéré de la solde, et autres articles, jusqu'à la concurrence d'un million. Les faiseurs de projet de notre nouvelle constitution ont offert à M.v.G. de lui en montrer le plan, mais comme ils lui ont refusé la permission de le communiquer à Mollérus et consors, il les a remerciés. Ce qu'il y a de curieux, c'est que ces messieurs n'ont pas encore de certitude qu'ils réussiront mieux que l'autre fois, à le faire accepter. Vendredi 4 Sept. Haugwitz et Hultman ont eu une conférence fort vive au sujet des frères Dähne. Le roi de Prusse les réclame comme il a coutume | |||||||||||||
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de faire tous les officiers de son armée, et promet de les châtier exemplairement. Le Dir. avait fait écrire à Hultman par Mr. v.G. qu'il devait insister sur une demande par écrit de S.M.R., et Mr. v.d.G. quoique contre son gré avait été obligé de le faire. Mais depuis la réception de la lettre où Hultman rend compte de la conversation avec Haugwitz qui a été fort vive, au point que ce dernier a dit que le Roi était résolu de ravoir ces officiers, quand il devrait faire marcher des troupes etc. Le Dir. a résolu de consentir à leur extradition. En conséquence il proposera au Corps législatif de les remettre au Roi de Prusse, qui les réclame pour les punir, et offre éventuellement la réciprocité. Aubert secrétaire du Corps législatif a été dénoncer auprès du Général français les membres actuels du Directoire, comme Anglomanes etc. Si le Corps législatif avait quelque énergie, il lui aurait dû donner sa démission pour cette belle démarche. 19 Sept. 1801. Le chapelain et secrétaire d'Andagua, Rainal, seconde les Catholiques Romains, et en particulier les prêtres, qui s'opposent par esprit de religion, à la révision de la constitution. Mr. v.d. Goes en a déjà parlé à Andagua. Bisdom a accepté par avance le poste de grand officier de Leyde(?) Il y a eu hier au soir une prise violente entre les Directeurs. Van Swinden s'est emporté de la manière la plus virulente.
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On enverra des commissaires dans les Départements, s'ils refusaient de publier la proclamation du Directoire. 21 Sept. Si l'on savait les anecdotes secrètes des résolutions, elles perdraient beaucoup de cette gravité et de cette importance qu'on leur prête d'après l'histoire. Pour le montrer voici un fidèle détail de la séance orageuse du Directoire vendredi passé. Les trois membres qui font en ce moment la majorité, Besier, Haersolte et Pyman - (Ermerins et van Swinden ayant protesté contre la démarche de leurs collègues) - instruits que la première chambre avait décrété, qu'il serait ordonné au Dir. de différer avec sa proclamation au peuple, et que ce décret, qui serait infailliblement sanctionné par la seconde chambre, lierait les mains à tous les départements, et amènerait l'accusation des trois Directeurs prénommés, les trois membres, résolurent de prévénir ce croc en jambe, par un coup d'état. Malheureusement la présidence de Besier venait d'expirer, et Ermerins était en tour. Leur règlement d'ordre défend à tout autre qu'au président de convoquer l'assemblée du Directoire; si quelqu'autre que lui la désire, il doit exprimer par écrit le motif et le sujet de la congrégation. Besier s'était bien gardé de marquer ceux-ci en priant Ermerins d'assembler les collègues; aussi Ermerins en ouvrant la séance prévint que c'était purement complaisance, qu'il s'était départi de l'étiquette, et à condition que l'informalité ne tirerait pas en conséquence. Alors Besier dit qu'il venait d'apprendre ce Décret pris par la première chambreGa naar voetnoot1) | |||||||||||||
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et qu'il croyait urgent de faire quelques démarches en conséquence. Ermerins lui demanda si c'était là l'unique but de cette conférence. Besier dit qu'oui. ‘En ce cas, dit le premier, je lève la séance’ et il donna le coup de marteau. Une violente dispute s'éleva à ce coups fatal, entre les Directeurs. Van Swinden était furieux; Haersolte et Besier ne lâchèrent pas prise, et comme il s'agissait de se saisir des insignia de la Présidence, le fauteuil et le marteau, par une contremarche adroite Haersolte s'élança dans la chaise curule, mais Ermerins ne lâcha pas son martinet et défendit à Dassevael, le greffier, de fonctionner. Celui-ci obéït en hésitant, et sortit avec les deux opposants. Il sortit alors avec Van Swinden. Besier fut fait président, Mazel quoique créature d'Ermerins, signa comme secrétaire, et on fit la publication par laquelle on donna connaissance au peuple du scellé qu'on venait de faire mettre sur le lieu d'assemblée du Corps législatif. Un trait plus sérieux, c'est que Van Swinden a fait demander, comme Directeur à Mr. v.d. Goes, de lui envoyer les dépêches. Mr. v.G. s'en est excusé, et a fait voir ce billet de v. Swinden aux autres Directeurs, qui lui ont défendu d'y obtempérer. Il parait que Dassevael n'a pas persisté dans ses refus, car samedi il a repris les fonctions. 24 Sept. Mr. v.d.G. avait une excellente idée. Il aurait voulu, qu'au lieu d'inviter le peuple Batave à se décider par oui et par non, on eût dit que ceux qui seraient pour la négative devraient signer non et que tous ceux qui ne le feraient point, seraient considérés comme consentant. | |||||||||||||
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Il parait qu'il est question d'un rapprochement. Gogel veut entretenir Mr. v.d.G.; Abbema et Reyer van den Bosch ont refusé le ministère des finances. Sémonville a envoyé un courrier à Bonaparte. Hier encore il a assuré Mr. v.d.G. que celui-ci, Augereau et lui soutiendraient la résolution. Augereau a donné hier un diner, dans une conversation avec Anduaga il a dit, que pour lui il était Athée. Il est à craindre que vû la faiblesse des trois Directeurs, cette nouvelle révolution ne fera que pallier le mal. On ne prendra encore que des demimesures pour ménager beaucoup d'individus. 29 Sept. La dépêche du chargé d'affaires à Paris, en l'absence de Schimmelp. renferme une singulière anecdote. Se présentant à l'audience de Bonaparte, il lui dit: Général j'ai l'honneur de vous présenter un plan de la nouvelle constitution présentée au peuple Batave. - Vous avez donc fait une nouvelle révolution? Dit le Pr. Consul; l'autre lui présenta en réponse le nouveau plan, et ajouta quelques mots sur l'approbation qu'on espérait d'obtenir de lui. - Il l'interrompit en disant - s'ils ont une constitution qu'ils s'y tiennent! Je suppose que notre homme aura mal entendu. Si Bonaparte était contre cette révolution, Sémonville en aurait des nouvelles. Il me tarde de savoir ce qui en est. Par malheur au lieu d'attendre le retour de Schimmelp. à Paris, on a pris pour révolutionner le moment de son absence, parce qu'on se défiait de lui. Il serait bien à désirer qu'il y fût dans un instant comme celui-ci, où il s'agit de conduire à leur fin deux transactions de la plus haute importance: la Révolution et l'indemnisation de la maison d'Orange. | |||||||||||||
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Ce matin nous avous écrit une confidentielle pour communiquer à Sémonville la note que l'on vient de recevoir à Berlin, par rapport à ce dernier l'article. Haugwitz l'a remise à Hultman à la fin d'une conversation tris intéressante. Elle marque, que le Roi de Prusse pour terminer l'affaire de l'indemnisation veut bien prendre sur lui l'initiative et propose au lieu d'évaluer article par article, d'indemniser en masse la famille Stadhoudérenne en lui payant par ex. 22 millions. Or il faut savoir qu'au mois de Mai dernier Talleyrand écrivit à Sémonville de communiquer au Directoire que Bonaparte avait chargé Bourneville de déclarer au cabinet Prussien qu'il verrait à regret la Rep. Batave faire quelque nouveau sacrifice pour indemniser la maison d'Orange. Qu'aux termes (non du traité de Luneville) mais de la convention de Berlin, cette indemnité devait se trouver au sein même de l'Allemagne en Souveraineté et Domaines. Et que sous aucun rapport la Rep. Bat. n'en devait supporter les frais. Nous avous donc hier communiqué l'ouverture du Cab. Prussien par une confidentielle que j'ai rédigé pour Sémonville. Le priant d'en instruire au plutot Bonaparte pour que le Directoire puisse dresser les instructions à Hultman, en conséquence. Il est probable que le Cabinet Prussien ne propose la somme exorbitante de 22 million que pour engager la France à augmenter l'indemnité de la maison d'Orange en Allemagne, ou du moins à en donner une considérable. La dépêche de Hultman était fort intéressante. Il y rendit un compte détaillé de sa conférence avec Haugwitz. Celui-ci lui avait dit que le Roi ne demandait pas mieux que de resserrer davantage les | |||||||||||||
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relations avec nous, dèsque l'arrangement de l'indemnité le lui permettrait. Qu'à la vérité il aurait bien désiré que la Maison d'Orange eût pu retourner en Hollande, mais que puisque la France s'y opposait, le voeu de la pluralité chez nous ne le voulait pas, et que la Politique actuelle exigeait que le Roi de Prusse renonçât à toute idée à cet égard, il ne ferait aucun effort pour l'y ramener. Sept. 1801. HultmanGa naar voetnoot1) lui dit qu'une déclaration | |||||||||||||
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aussi franche et aussi politique ferait un grand plaisir à son gouvernement. Qu'il prenait la liberté en cette occasion de représenter combien le Roi y ajouterait de poids, s'il voulait reconnaître ouvertement la Rep. Batave. Haugwitz insista comme préalable sur l'indemnisation. Hultman représenta que les Orangistes prenaient occasion de ces délais pour nourrir les espérances de leur parti, en sêmant des nouvelles allarmantes. Haugwitz répliqua qu'il ne croyait pas qu'il y eût un seul Orangiste instruit on marquant, qui pût le faire. Hultman lui nomma Stamfort et quelques autres, qui tous promettaient aux Orangistes l'appui de S.M. Eh bien, dit Haugwitz, ils ont dit une grande sottise! Haugwitz assura que la meilleure harmonie possible règnait actuellement entre la Prusse et la France. Que la dernière se conduisait loyalement. Que le Roi de son côté était résolu de soutenir le traité de Luneville et la convention de Berlin. Qu'il était décidé à s'opposer à l'élection de Munster etc. qu'il avoit fait protester contre celle qui venait de se faire, et qu'il ne lâcherait pas prise. Qu'il était informé que sous main on avait donné à entendre au Gout Batave qu'il serait avantageux à la République d'avoir pour voisin un Prince de la Maison d'Autriche; mais qu'il était persuadé que nous sentirions, qu'il nous serait infiniment plus avantageux de voir ces pays entre les mains d'une Puissance interessée à resserrer les relations avec nous (c.a. dire le Roi de Prusse). 2 Oct. 1801. Malgré toutes les peines du Dir. et de M.v. Goes Schimmelpennick a refusé de se rendre ici pour 24 heures, et s'obstine à ne retourner à Paris que le 26. Quand on rapproche cela de sa venue ici, lors de l'invasion des Anglais, son refus de concourir au rappel d'une partie de l'armée fran- | |||||||||||||
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çaise et à présent son départ de Paris précisément au moment critique, on ne peut s'empêcher d'y voir beaucoup de prudence. Au reste il faut que notre chargé d'affaires ait mal compris Bonaparte, car les dépêches de Talleyrand à Sémonville, annoncent qu'il approuve la révolution. J'ai vû hier Haersolte un des triumvirs actuels, il paraissait accablé sous le poids de la besogne, et cela m'a d'autant plus frappé, qu'il affectait plus de gaîté et de courage. Mercredi 7 Oct. Mr. Bentinck a diné chez v.d. Goes, et lui a dit que la paix qui vient de se conclure entre l'Angleterre et la France, rendait sa mission nulle. Qu'il avait, dans le temps, désiré de voir M.v.G. pour lui dire que nous pouvions être sûrs que l'Angleterre ne ferait aucune entreprise contre nos ports ou nos côtes, que même Nelson en avait reçu l'ordre positif. M.v.G. l'a remercié de son information, mais lui a fait comprendre, qu' outre que nos appréhensions de ce côté-là étaient peu considérables; nous comprenions trop bien que l'intérêt même de l'Angleterre était de protéger notre commerce, nous avions prévu ces dispositions. Du reste l'entrevue a été assez insignifiante, toujours la même ritournelle: aucun plan de réunion, aucun projet vraiment patriotique; ressentiment, injures, déclamations contre le parti dominant, voilà a peu près tout ce que Bentinck a articulé dans cette entrevue si désirée. Au dernier diner que M.v.G. vient de donner à Augereau, ce Général a été contre sa coutume très honnête. En prenant congé de M.v.G. il lui dit qu'il espérait emporter son estime, à laquelle il attachait un haut prix. Celui-ci lui répondit, qu'a- | |||||||||||||
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près avoir été l'homme qui avait le plus entravé ses désirs, lorsqu'il voulut le généralat, et celui qui y avait le plus longtemps mis obstacle, parce qu'il cherchait à épargner au Gouv. Bat. l'humiliation et les désagrémens d'être sous la férule d'un Général français, il se faisait un devoir d'assurer Augereau, que la manière dont à présent il venait de se conduire, lui avait donné droit à la reconnaissance et qu'il sentait un vrai plaisir d'avoir l'occasion de la lui manifester. Sur cela ils se sont donné fraternellement la main. 19 Oct. Mr. v.G. a ce matin été établi par le nouveau Gouvernement secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères, il a fait à cette occasion une petite harangue, simple et bonne. Pour moi, je suis fâché de voir Brantsen au nombre des 12. Je m'en défie. C'est un homme habile, mais sur lequel il n'y a pas moyen de faire fonds. Mr. v.G. en paraît enchanté. J'espère être faux prophète, mais je crois qu'on se repentira de l'avoir élu. Il veut nommer commissaire du provintiaal Departement en Gueldre deux fameux Orangistes: van Heeckeren et un......Ga naar voetnoot1). Cela me déplait. Car ou c'est une affectation de sa part, d'entrer dans le système de réconciliation ou bien il y va bon feu bon argent, et ne protégera que des Orangistes exagérés. Ce qui est également mauvais. Parmi les 12 Spoors est celui qui l'année prochaine ou sera culbuté ou culbutera ses collègues! On a fait une grosse de ceux que l'on veut nommer dans le Corps législatif. Mr. v.G. a effacé le nom du vieux van der Hoop son oncle, qu'on avait mit à la tête. Mollerus s'y trouve. | |||||||||||||
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On offrira la marine à Kinsbergen à son défaut à Byland. Il paraît que la cession de la Belgique comme article secret de la paix entre la France et l'Angleterre s'accrédite. Toutes les lettres s'accordent à faire regarder comme certaine la fermeture de l'Escant. Ce qui en serait une preuve. SémonvilleGa naar voetnoot1) le croit et la fonde sur une anecdote, qui si elle est vraie, le ferait présumer. C'est que les Evêques Belges n'ont pas été invités à cèder leurs places, comme l'ont été les Evêques français. On dit que Bonaparte forcé de faire un choix entre la cession de la Belgique ou de celle du Piémont a préféré comme de raison la Belgique, où il sera toujours facile aux Français de rentrer. On prétend même qu'ayant fait délibérer le Sénat Conservateur sur cette cession, il l'a fait opiner unanimement pour l'affirmative, et lui seul a opiné par la négative. Ce qui le mettra toujours à couvert. Quelque chose de plus sûr: Haugwitz et Hultman doivent s'être abouché jeudi passé pour terminer l'affaire des indemnités de la maison d'Orange. Haugwitz a dit qu'aussitôt que la France aurait fait connaître officiellement qu'elle s'engageait à faire dédommager la maison de Nassau en argent ou en terres en Allemagne, le Roi ne ferait pas difficulté de reconnaître la Rep. Bat. Or comme, suivant les lettres de Paris, Talleyrand ait écrit à Bournonville de faire cette déclaration, il n'y a plus lieu de douter que la Prusse ne nous reconnaisse. Elle le fera d'autant plus facilement que dans ee | |||||||||||||
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moment elle est mal avec l'Angleterre, et l'Angleterre mal avec elle. Bielfeld a demandé a Mr. v.G. s'il lui conseillait d'aller ainsi que le reste du Corps diplomatique faire visite au nouveau Conseil de Régence. Vous remarquerez que le dit Bielfeld n'avait pas hésité lorsque Vreede et Fijnje devinrent Directeurs. Le changement actuel n'est pas de son goût. Mr. v.G. lui a cité sa visite chez Vreede, et du reste s'est excusé de lui donner aucun avis. 30 Oct. 1801. Mr. v.G. me paraît avoir mauvaise opinion du nouveau Gouvernement. Je n'en ai pas une meilleure. Ils n'ont pris jusqu'ici que des demi mesures. Le peu d'Orangistes qu'ils ont nommés est mécontent, et de ce petit nombre d'élus et de la manière dont on les ce nommés sans les avoir prévenus, sondés et engagés à se concerter. Si au lieu de leur adresser individuellement ces nominations, ont eut convoqué les plus marquants, et que l'ont eût tâché de porter quelques uns d'entr'e eux à se prêter à ses offres; on a la certitude que prèsque tous auraient accepté. Mais personne ne veut rompre la glace. Meerman est un de ceux qui à coup sûr aurait accepté son poste. Avant hier Mr. v.G. a eu une conversation de 3 heures avec Mollerus pour l'engager à devenir trésorier-géneral, il lui a nommé les associés. Abbema, Vos v. Steenwijk et Appelius, tous trois excellents. Mr. Bodt, le fameux Bodt, il faut le consigner à sa gloire, avait tâché de s'y porter peu auparavant, si l'on bátissait, a dit cet estimable Orangiste, un temple à la Concorde. je serais le premier à y aller pour la première pierre! Mollérus est resté inflexible, il se retranche à dire qu'il ne veut pas perdre l'estime | |||||||||||||
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de son parti; mais dans le fait il prévoit le peu de solidité du nouvel ordre de choses. Et il ne serait pas surprenant que Brantsen et Rengers prissent leur démission sous peu. Le premier a prévenu que s'il voyait que l'on ne suivit pas une marche grande et franche dans les nominations aux premiers emplois, il ne resterait pas. Rengers n'a pas encore fait venir sa femme, ni pris maison. Les commissaires nommés pour les Départements sont en général peu approuvés, excepté ceux pour la Frise. A l'exception, de van de Wall ceux pour la Hollande sont mauvais, car van de Spijk n'acceptera point. On destine la marine à Kingsbergen qui refusera. J'aimerais mieux Bisdom ou Melville. Queyssen a dû faire un nouvel effort pour gagner Mollerus. Mr. v.G. a été un peu piqué, comme de raison, qu'on lui en ait laissé ignorer le résultat. Il n'y a pas jusqu'au titre que l'on a choisi, qui ne me déplait. Brantsen a insisté sur celui de Gouvernement, dénomination vague, et qui ne rend pas le Hollandais Staats-bewind; Marivaux l'a traduit Régence d'Etat, ce qui donne une idée de minorité. J'aurais préféré ou Ministère d'Etat ou Conseil d'Etat, ou du moins Gouvernement d'Etat. On a résolu de prendre le titre de Haut et Puissant Gouvernement d'Etat de la Rép. Bat., et dès que le corps législatif sera organisé les 12 enverront des circulaires à toutes les Puissances, où elles prendront ce titre, pour les engager à les qualifier ou de H.H. Puissances comme autre fois, ou de Hauts et Puissants amis comme l'a fait jusques ici le Roi d'Espagne. Les Orangistes restent inflexibles. J'ai eu hier (10 Nov.) une longue visite de Mr. de Rechteren. Je crois l'avoir convaincu combien le simple bon | |||||||||||||
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sens dictait au parti d'autoriser quelques uns d'entr'eux, d'accéder à ces propositions; mais le véritable noeud, c'est qu'ils se flattent toujours de quelque Article secretGa naar voetnoot1), ou surtout qu'ils n'augurent pas favorablement de la solidité du Gouvernement actuel. Ils veulent encore une proclamation en réparation d'honneur. Je leur accorderais volontiers cette simagrée pourvu qu'ils s'engageassent au préalable à accepter à cette condition les charges qu'on leur décerne. Si Kingsbergen que l'on voulait mettre à la tête de la Marine, s'y prêtait alors, pour éviter que Winter ne fût au dessus de lui, ce dernier serait revêtu d'un commandement dans l'Inde. Mr. Charles Hogendorp vient de faire une singulière levée de bouclier. Il a présenté à Mr. de Beveren, président des 12 un mémoire dans lequel il déclare, qu'il regarde le présent Gouvernement comme illégal, que le traité de Luneville, nous autorisant à choisir le Gouvt qu'il nous plaira, la Nation veut un Stadhouder, avec une instruction etc. Il en a été remettre une traduction française à Sémonville, qui l'a bien reçu, jusqu'au moment où il lui a voulu donner une protestation formelle, et se mettre sons sa protection. Sémonville l'a prié d'interrompre la conversation: que tant qu'il ne lui avait parlé que comme particulier, il avait pu l'écouter, mais que dèsqu'il s'adressait à lui comme Ministre, il ne pouvait plus l'entendreGa naar voetnoot2). Je tiens ces détails de Mme de Hogendorp, la mère. | |||||||||||||
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La famille est fort fâchée de cette démarche, surtout le frère, qui ambitionnant d'être envoyé en Prusse, se prononce avec virulence pour le Parti actuel. Lundi 15 Nov. Bielfeld est venu trouver M.v.d.G. il faut savoir que C. Hogendorp le jour qu'il envoya son fameux Mémoire à de Beveren, fit demander un moment d'entretien a Bielfeld, que occupé à son courier ne put le recevoir. Hogendorp le fit prier d'envoyer à Mr. de Haugwitz à Berlin, la lettre cachetée qui accompagnait son billet, mais ne l'informa en rien de son contenu - voilà ce que Bielfeld a déclaré à Mr. v.d.G. en présence du frère Hogendorp. Cette lettre n'était autre que le mémoire, et quelques phrases pour engager la Cour de Berlin, à protéger l'auteur et sa protestation, Haugwitz a écrit à Bielfeld pour savoir ce que c'etait que cette algarade; celui-ci craignant d'être réprimandé de son imprudence, est venu hier en conférer avec Mr. v.d.G.Ga naar voetnoot1) précisément au moment que celui-ci sortait d'une conférence fort vive, avec les 12, dont quelques uns étaient d'avis de faire arrêter l'écrivain de la lettre. L'avis le plus modéré a prévalu; et Mr. v.d.G. doit avoir prévenu le frère, que Hogendorp ferait bien de s'absenter pour quelque tems. Mercredi 9 Dec. 1801. Les nouvelles de Paris ne sont pas favorables. Il ne sera question à Amiens que | |||||||||||||
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du traité définitif avec l'Angleterre. Tous les points qui regardent notre République en particulier, l'évacuation de Flessingue ne seront traités qu'ici. Schimmelp. croit à cet égard avoir bien approfondi l'intention de Bonaparte. Joseph son frère, le grand faiseur de négociations, est une très pauvre espèce. Tout ce qui se fait de bon, ne vient pas de lui. Sémonville parle beaucoup de son intimité avec Bonaparte, mais il se vante plus que de raison. Le négociateur Anglais Jackson est ausi un mince Diplomate. Bavard et rien de plus. - La grande raison qui a engagé l'Angleterre à presser la signature des préliminaires était la crainte qu'elle avait de l'expédition française, destinée non pour une invasion en Angleterre, mais pour Hambourg et Hanovre. Le roi a été celui qui a le plus contribué à cette signature. J'ai écrit une belle lettre pour Mr. v.d. Goes à Mr. George, ministre du Duc de Wurtembourg, pour que S.A.S. engage l'Empereur de Russie à nous envoyer un Ministre plénipotentiaire. C'était une formalité arrangée, l'impératrice douairière lira la missive, et l'affaire ira coulamment. Lundi 14 Déc. Je crois intéressant de consigner ici les instructions et la marche que Schimmelp. aura à suivre à AmiensGa naar voetnoot1). - Avant que de souscrire à pur et à plein aux Préliminaires, il devra s'informer de la France, quels sont les dédommagemens sur lesquels en vertu du traité de 1795 on peut compter, en équivalent de Ceylon. Cette demarche n'à d'autre but que de parvenir à sonder les intentions du Gouv. français. | |||||||||||||
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Si celui-ci désire de connaître nos demandes, Schimmelp. les a consignées dans une excellente note. Restitution de la Flandre Hollandaise. Evacuation de Flessingue, arrondissement de notre territoire du côté de l'Est en obtenant Sevenaar, dit les Limmers Rheinen etc. Et surtout stipulation formelle de neutralité en cas d'une guerre éventuelle. De notre part. Rénonciation formelle de l'Angleterre et de la Prusse à la garantie de 1787. Quant aux Anglais, on demandera avant d'acquiescer aux Préliminaires, quel est le dédommagement qu'ils compteront donner pour Ceylon, pour nos vaisseaux des Indes et autres confisqués avant la déclaration de guerre, - pour notre flotte etc. On insistera sur un Tarif de droits d'entrée et de sortie au Cap, etc. On tâchera encore de les engager à demander eux mêmes aux Français, comme condition de paix, l'évacuation de Flessingue, sous le prétexte que notre indépendance n'est qu'une chimère tant que les Français y seront; mais il faudra traiter cela délicatement. La cession de Flessingue en un mot est l'article essentiel, dont Schimmelp. ne doit point se relacher; mais je prévois que les Français en feront un point étranger au Traité, et purement à règler entre la France et la Rép. bat. C'est à dire en bon Français, que nous ne l'aurons qu'en payant. Il m'a semblé curieux de montrer le but que nous nous proposons dans ces négociations, et de voir à présent toutes les finasseries qui vont être mises en usage de part et d'autre. J'ai marqué en peu de mots le Secret de l'Etat, ou plutôt le Secret de la Comédie. Car qui trompera-t'on? Mr. HogendorpGa naar voetnoot1), frère de celui qui vient de faire | |||||||||||||
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cette ridicule levée de bouclier à Amsterdam, avait engagé Mr. Meermans à lui conseiller de s'absenter pour quelque temps, mais il veut absolument être martyr et il le sera. Le fiscal van Maanen a ordre de l'engager par des voyes de persuasion, à faire un petit voyage; s'il s'obstine à rester, on le fera enfermer comme insensé. Il est sûr qu'il provoque le Gouvernement actuel à un point, qu'il n'est pas possible de ne le pas punir.
4 Janvier 1802. Le gouvernement de l'Etat est composé de membres fort hétérogènes, et parmi lesquels immanquablement se formera une scission. Rengers est un homme adroit, posé, ferme, qui ne lâchera pas prise. Il est très entendu dans la partie des finances. Brantsen est moins aigle que le précédent, d'ailleurs il a 67 ans. Il est mécontent de la tournure que prennent les choses, et veut se retirer, dès qu'il aura pu mettre à sa place quelqu'un qui ait la même influence en Gueldre que lui. Spoors est un intriguant dangereux et non un véritable homme d'Etat. Il a déjà fait trois révolutions, et si on ne le prévient il n'en restera pas là. On remarquera que ces trois révolutions ont été toutes d'un genre différent, n'importe, mon homme a été dans l'occasion violent ou modéré. Haersolte est un homme des plus faibles. de Leeuw est très médiocre, et plus prononcé contre l'ancien parti, qu'il ne conviendrait pour le bien général. Verheyen que l'on a choisi pour faire nombre, se distingue avantageusement. Il est intègre et ferme, a un grand sens et tient tête à Spoors. Pyman un nul. de Beveren assez bon et ancien routinier. | |||||||||||||
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Besier fin, entendu, mais souple. Hoogstraten, vaniteux et zero. Il y a eu une vive altercation. Sémonville, soit par précaution, soit par quelque vue, a présenté une note, dans laquelle il laissait entrevoir quelque inquiétude sur la régularité des payements, que suivant la conventionGa naar voetnoot1) entre Spoors et Augereau il faut faire par trimestre à la France. Comme s'il craignait que les nouveaux Gouvernants n'homologeassent pas à cet égard les stipulations des anciens. Spoors était d'avis d'user de ruse. D'après certains articles secrets entre la France et nous, la France a promis de payer 2 millions qu'elle reconnaît nous devoir, à raison de 200000. - fr. par mois. Spoors voulait pour acquitter le payement de la convention avec Augereau, donner des lettres de change sur le trésor public français, jusqu'a la concurrence de ces 2 millions. - D'abord c'était une surprise peu honnête, en second lieu Bonaparte nous aurait bien sû mettre à la raison. Spoors a défendu son opinion avec aigreur, a dit même des choses très désobligeantes à Mr. v.d. Goes, bref s'est emporté. Mr. v. Goes a eu assez de pouvoir sur lui-même pour rester calme et a proposé un projet de réponse, si sage et si prudent, qu'il a eu toutes les voix pour lui et que Spoors même a dû lui faire réparation honorable. Cette réponse c'est d'assurer le Gouv. fr. que le nouveau Gouvern. bat. sera aussi fidèle à ses engagements, que celui au quel il a succédé. Mais qu'il s'attend à trouver la même bonne foi chez les Français, et qu'il espère que pour acquitter les 2 mil- | |||||||||||||
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lions, qu'ils nous doivent, ils accepteront en payant de leur prétention, nos lettres de change fondées sur la nôtre, ou bien qu'ils approuveront celle-ci de quelque autre manière - moyennant cette restriction, l'honneur de la Castille est sauvé. Au reste suivant un tableau détaillé la France nous doit 5 millions de florins et Mr. v.d. Goes voudrait savoir s'il ne pourrait pas ravoir Flessingue pour payement d'une dette, que les Français n'acquitteront sans cela jamais. Il a promesse de la part de l'Angleterre que celle-ci ne fera pas la paix sans la restitution de cette ville et de la Flandre. Mais je m'imagine que Bonaparte n'en voudra pas entendre parler, et que les Anglais cèderont ce point là comme bien d'autres. Nous n'aurons rien qu'a prix d'argent. Hier encore, Mr. v.d. Goes a écrit à Mr. Bentink en Angleterre, par le moyen de Voûte. Il paraît que Ch. Bentink veut absolument faire quelque chose pour nous auprès de l'Angleterre, ou qu'il a quelque autre projet: Timeo Danaos et dona ferentes. La réunion des Orangistes reste au croc. Mollerus n'a pas même voulu accepter pour 3 mois, quoiqu'on promît tout ce qu'il demanderait. Kingsbergen de même quoiqu'on l'eût voulu faire président perpétuel. La fin sera qu'ils se repentiront d'avoir laissé échapper la seule occasion d'écraser le parti Patriotique violent, les Hahn, Valkenaer, van Swinden etc. qui se relevera et les persécutera. Il doit se tenir ici des conférences pour nommer l'administration provinciale. On est convenu dans le Gouvernement d'Etat de faire la nomination mi-partie d'Orangistes et de Patriotes bien famés. Je parie que cette nomination n'aboutira à rien. | |||||||||||||
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20 Janvier. Sémonville n'a pas lâché prise sur le payement des 5 millionsGa naar voetnoot1). Dimanche passé, il feignit | |||||||||||||
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d'avoir reçu un courier, et a présenté coup sur coup deux notes, très polies et très instantes. - Bref on | |||||||||||||
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est convenu de se concerter avec la trésorerie française, c'est à dire qu'on a résolu de faire honneur aux lettres de change qui seront tirées sur nous. - Cette affaire à beaucoup tourmenté Mr. v.d. Goes.
Voir: la gazette de Leide no VII. 22 Jan. 1802 extrait d'une lettre de La Haye 20 Janvier 1802. Le ministre de France, de Sémonville, qui vient de partir pour Paris, ne s'est point borné à prendre congé du Président du Gouvernement dans les formes, usitées du temps des Anciens Etats-Généraux. Nous apprenons, qu'en quittant la Batavie pour quelques Décades, il a adressé au Président de Beveren une lettre affectueuse, où il exprime les sentiments du Premièr-Consul et les siens pour la Rép. Batave | |||||||||||||
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et pour son Gouvernement. On a remarqué, entre autres, dans cette lettre, les expressions suivantes ‘J'éprouve encore (y-est-il dit) le besoin de vous offrir un témoignage personnel de ma haute estime pour des Magistrats, que le sentiment généreux de leur utilité, dans des circonstances difficiles a pu seul arracher aux douceurs des affections domestiques. Négociations, dont j'ai été chargé: Heureux, si celles, qui se préparent autour de nous, doivent bientôt être remises à mes soins; si, après avoir été appellé à vous annoncer le congrès d'Amiens, dans les premiers jours de votre réorganisation intérieure, je puis être longtemps témoin des effets salutaires de votre Administration et être constamment auprès d'elle l'organe de la bienveillance du premier Consul. Croyez Citoyen président, que la republique Batave est l'objet de la plus vive sollicitude du premier Magistrat de la France, et qu'après avoir vaincu, pour défendre l'indépendance de votre respectable Nation, il négocie dans ce moment pour établir sa prospérité sur des bases inébranlables.’ v.d. Goes a d'un autre côté un grand sujet de consolation, dans la réussite de ses tentatives du côté de l'Angleterre. Cornwallis a exigé que Schimmelpenninck fût présent aux conférences entre lui et Bonaparte frère, à Amiens. J'ai eu ce matin la visite inopinée de Mr. de Rechteren; il m'a paru qu'on me l'avait décoché. Après quelques lieux communs sur le mauvais état des affaires, il a insisté sur l'impossibilité d'une réunion, si le parti dominant n'acquiesçait pas à certaines bases préliminaires. En particulier, ce qui m'a paru le grand objet de sa visite, il a cherché à me faire voir l'injustice qu'il y aurait de ne pas rendre au corps des nobles les biens qu'ils possédaient ou du moins de le dédommager. Il avait déjà parlé de | |||||||||||||
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ce point à Mr. v. Goes, la semaine passée. Ensuite il s'est récrié sur le sort des anciens militaires. Je n'ai combattu que faiblement ses doléances pour le voir venir. Enfin je lui ai parlé rondement. J'ai dit que toutes ces plaintes n'aboutissaient à rien faute de les articuler formellement. Que Mr. v.d. Goes se plaignait qu'on le laissait seul, que le parti Orangiste se bornait à déclamer. Qu'à mon avis il n'y avait qu'un moyen de commencer à s'entendre. Qu'il fallait que le parti Orangiste mit par écrit les conditions auxquelles il attachait son rapprochement. Par exemple, les nobles devaient exprimer les leurs, par ce qu'elles me paraissaient d'une nature toute différente. - Je ne voulus pas lui dire par ce qu'elles me paraissaient inadmissibles. - De leur côté les anciens Régens devaient en faire autant. Il me dit que dans peu il y aurait à la Haye une conférence générale des Orangistes des différentes provinces. Sans les mauvais chemins, elle aurait déjà eu lieu et là on pourrait se concerter pour un pareil objet. J'ai tâché de lui faire sentir combien le moment était précieux, et le danger que l'on courait, si faute d'appui, le parti actuellement regnant succombait sous une nouvelle révolution. Mais je crains bien que dans cette conférence générale, on ne s'accordera guère ou que les demandes seront exorbitantes. 4 février. Un courier est arrivé d'Amiens. Les Français ne veulent pas s'entendre avec les Anglais et nous sur Flessingue. On conçoit que Bonaparte ne puisse pas restituer la Flandre Hollandaise, depuis qu'elle est incorporée dans la Rép. fr., mais la reddition de Flessingue dépend de sa pure bonne volonté. - C'est le point le plus essentiel, qui retient la conclusion de la paix. | |||||||||||||
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Quant à l'intérieur la machine marche. Seulement Hoogstraaten un des douze veut à toute force employer Goldberg et la Pierre. Ce que les autres ne voudraient pas volontiers. 14 févr. Les affaires s'arrangent assez bien à Amiens. L'arrangement rélatif au cap nous est très favorable. Ex général les Anglais paraissent mettre beaucoup de loyauté et d'affabilité dans leurs négociations avec nous. Cornwallis a dressé de sa main un article très singulier, il a proposé d'indemniser le Prince d'Orange en lui donnant les vaisseaux pris sur nous au Texel. Schimmelp. avait réclamé les vaisseaux de la compagnie des Indes, et autres pris avant la déclaration de guerre. Les Anglais sont convenus de la justice de cette réclamation, mais avec la flotte prise au Helder notre prétention est de 30 millions et l'Angleterre est fort d'argent courtGa naar voetnoot1). D'après ce plan on défalquerait les vaisseaux de ce que nous devons donner d'indemnisation à Guillaume V et par conséqnent nous payerons sans bourse délier. Ce qui probablement sera plutôt adopté c'est le plan du Roi de Prusse; il a fait il est vrai une estimation exorbitante, mais comme Mr. v.d. Goes a dit qu'il y a calculé les intérêts des intérêts, il y aura lieu à en rabattre. L'article de Flessingue arrête et peut-être arrétera encore la signature de la Paix. Les Anglais ont promis de ne pas signer sans qu'on se soit arrangé sur ce point. En dernière instance Schimmelp. a ordre, s'il voit que la France et l'Angleterre signeraient ce traité sans lui, de demander conformément à ses instruc- | |||||||||||||
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tions la permission d'envoyer un courier et travailler à obtenir un délai jusqu'à son retour. Le Prince Héréditaire d'Orange est parti pour Paris après avoir obtenu un Passeport de Bonaparte. Il est question de le dédommager en Westphalie; cela et l'affaire de l'indemnisation de la Hollande sont le but de ce voyage, sur lequel les Orangistes vont se former bien des chimères. Les Orangistes ont eu une conférence ici, la grande pluralité a été pour acquiescer aux propositions du Gouvernement actuel, mais Boetselaer et en général les Orangistes de la Haye se sont fort prononcés contre la réunion. Si nous avions conclu trois ans plutôt l'affaire de la cession de Bergen op Zoom, nous aurions eu pour f 1.300.000 ce qui depuis nous a coûté 5 millions. Mais on ne voulut pas donner f 100.000 au coquin D'averdoing et il fit manquer l'affaire. Malgré cela nous avons encore acheté B. op Zoom, à raison de 10% du Capital. J'ai eu une grande conversation avec Mr. de Rechteren, il m'a repété longuement, ce qu'il m'avait dit précédemment. La conférence n'a abouti qu'à faire pressentir aux Orangistes, que peu à peu, les individus se prêteraient aux vues du Gouvernement actuel. 22 février. J'ai vu l'article du Traité de Paix, rélativement au Cap. Il nous est fort avantageux, et stipule expressément que les Anglais et les Français seront traités sur le même pied. Schimmelp. avait aussi bonne espérance au sujet de Flessingue. Joseph Bonaparte a cherché à le gagner en lui disant que son frère serait entrêmement sensible à la conflance que le Gt. Batave témoignerait en lui, en s'en fiant à sa loyauté pour s'arranger après la signature du traité; mais comme cela n'était | |||||||||||||
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que dans une lettre non officielle, cela n'a pas pris. Moyennant la clef d'or cela iraGa naar voetnoot1). Les Anglais veulent bien donner les vaisseaux pris au nom du Prince d'Orange, en indemnisation de ce Prince, mais ne veulent pas admettre le principe, que ceux qui ont été pris avant la déclaration deguerre, doivent être restitués. Cornwallis était cependant de cet avis. Lui et Schimmelp. rédigent un autre article, à ce sujet. - Les Français continuent leurs vexations à Flessingue. Le commandant l'a en quelque sorte déclaré en état de siège; c'est peut-être pour faire racheter cette ville quelques millions de plus. La facilité avec laquelle notre lotterie de 30 millions (qui en a déjà d'apporté 35) s'est rempli, les aura tentés. 27 Mars. L'on a signé à Amièns le traité de paix entre la France, l'Angleterre, la Rep. Batave et l'EspagneGa naar voetnoot2). | |||||||||||||
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Voici une anecdote curieuse, que j'ai tirée de la dépêche confidentielle de Schimmelp. Depuis plusieurs jours il n'y avait pas eu de conférences, la France et l'Angleterre ne pouvaient pas venir à s'entendre. Schimmelp. invita tous les Ministres à une conférence chez lui, il avait préparé d'avance tous les points en litige. Les Ministres vinrent; la conférence se prolonge durant cinq à six heures. Enfin Schimmelp. eut le bonheur de les accorder, et on convint de signer la paix aussitôt que la minute du traité serait mise au net. Schimmelp. de peur de quelque nouvel accroc, les engagea à signer la minute même avec un article qui donnait à cette signature la même force que si elle eût été l'actc authentique. Joseph Bonaparte envoya immédiatement un courier à Paris avec cette grande nouvelle; on calcula à Paris que le traité pouvait être mis au net le 25 ou le 26. Et ce jour on annonça officiellement la signature à toutes les cours. A cette étourderie on en joignit une autre celle d'inscrire dans le moniteur le traité d'après le brouillon, voilà pourquoi il diffère de la copie authentique. Ce n'est que le 27 que le traité fut signé solemnellementGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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Schimmelp. a donc la gloire d'avoir procuré le repos de l'Europe, et s'il va à Londres, il y sera accueilli comme il le mérite. Le délai entre la communication officielle du chargé d'affaires fr. et l'arrivée de notre courier, n'a pas laissé que d'embarasser extrêmement le Gouvernement. Ce ne fut que le soir qu'arriva Smissaert, secrétaire de Schimmelp.; mais l'anecdote que je viens de rapporter explique la chose. Ce jour là je trouvai Mr. v.d. Goes de très mauvaise humeur. Il avait été tracassé par les Douze. En général il parait que le Département des affaires extr. y occasionne les mêmes jalousies, que dans l'assemblée nationale, où elle cause la chute de la commission pour les rélations extra c. à d. celle de Bikker, Hahn et consors depuis la révolution du 25 Janvier. Marivault, secrétaire de Sémonville, a averti Mr. v.d. Goes que Spoors et Pijman entretiennent une | |||||||||||||
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correspondance secrette avec Augereau et autres à Paris. Parmi les traits de vandalisme de notre révolution, n'onblions pas celui-ci. On avait conservé le sceau de la confédération de 1575, sceau antérieur à l'union d'Utrecht, et où se voyait un Lion avec un faisceau de 17 flèches. Cette antique respectable a été jettée dans le creuset avec quelques autres par les Inspecteurs de la Salle de la Convention. A présent on a résolu de rétablir ce sceau dont Tinne a heureusement une empreinte en cire, excepté qu'au lieu de 17 flèches ou de 7 on en donnera un faisceau au Lion et une lance avec le bonnet de la libertéGa naar voetnoot1). Bonaparte a dit à plusieurs reprises à Schimmelp. qu'il avait rendu des services décidés et essentiels à Amiens. 23 Avril. Le roi de Prusse est piqué de ce que l'indemnisation du Pr. d'Orange s'arrangera par la France. Si au lieu de demander 22 millions il eut commencé par examiner les comptes réciproques, il n'aurait pas fait une demande si exorbitante. En attendant il boude et refuse de reconnaître Hultman, qui a ordre de dire à Haugwitz, qu'il vient de recevoir des lettres du Gouv. d'Etat qui requiert sa présence, et s'il ne peut être reconnu, qu'il a ordre de partir sans plus long délai. Je suis fâché de le dire, mais le Gouvt. d'Etat tombe dans tous les anciens défauts de LL. HH. PP. Dans les délibérations chacun, amoureux de son opinion, la soutient mordicus. L'ancien esprit de lésinerie reprend de plus en plus le dessus, pour | |||||||||||||
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épargner des bagatelles on prodique ensuite des millions. Il y a un an qu'on avoit donné trois millions pour avoir la paix, à présent on chicane sur 100.000 francs à donner aux Plénipotentiaires. A Paris on a résolu de donner cette somme ici, on dispute sur le plus ou le moins. Au lieu de faire taire Aubert ancien secrét. du corps législatif, Jacobin, factieux etc. en lui faisant une petite pension, on veut l'envoyer consul en Barbarie, où il coûtera à l'Etat des sommes! et ainsi du reste. Quoique le Directoire fût mauvais, au moins était-il conséquent et entendait raison; le nouveau Gouvert a repris toute la morgue, la jalousie et l'entêtement de nos anciens régents. Vendredi 14 Mai. Enfin nous venons de recevoir la ratification de la France tant du traité d'Amiens, que de l'article séparé concernant la maison de NassauGa naar voetnoot1). Depuis quatre semaines on l'attendait avec la plus vive impatience et son délai occasionnait les conjectures les plus inquétantes. On croyait que le mécontentement du roi de Prusse au sujet de cet article empêchait peut-être la France de la ratifier. Et c'était tout simplement que le copiste du traité n'était pas prêtGa naar voetnoot2). C'est un chef d'oeuvre d'écriture et le | |||||||||||||
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luxe de la boite d'argent qui renferme le sceau, celui de la broderie de velours, qui forme la couverture, passent toute conception. N.B. Quelque chose d'assez singulier vient d'arriver relativement à l'échange des ratifications. Par méprise Schimmelp. a donné à l'Espagne l'exemplaire destiné à la France et vice versa. C'est ici qu'on s'en est apperçu, sur une réflexion d'Andagua, min. d'Espagne, que nous n'avions pas été si honnêtes que S.M.C. dans la classification des rangs, puisque nous avions nommé la France avant l'Espagne etc. Schimmelp. a prié de tenir la chose secrette et prétend qu'il a réparé son erreur. Il est étonnant que ni lui, ni Azara, min. d'Espagne, ni Joseph Bonaparte ne s'en soient pas apperçus, lors de l'échangeGa naar voetnoot1). 26 Juin. Le fameux Irhoven van Dame vient de | |||||||||||||
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mourir, c'est une perte irréparable en ce moment pour le comité des petites Indes. C'était lui qui avait composé notre constitution actuelle. On a eu des preuves que cet homme prefondément immoral avait été corrompu par l'Angleterre. Le Roi de Sardaigne veut dit-on abdiquer. Le roi de Prusse a pleinement ratifié le traité d'indemnité tel qu'il a été dressé à Paris et l'a envoyé au Stadhouder pour le ratifier de son côté à pur et à plein en l'exhortant d'accepter l'indemnisation que la France lui assigne. La Russie approuve aussi ce plan. Mardi 20 Juillet. Le prince d'Orange a fait savoir par l'envoyé de Prusse à Paris, qu'il recommandait à la générosité du Gouvt Batave les troupes qu'il a eues à son service à la solde d'Angleterre: ces troupes vont être licenciées. Les officiers resteront à la demipaye, les soldats recevront une gratification. Le prince à prévenu qu'il avait chargé Mr. de Dopff d'arranger l'affaire avec le Gouvt d'Etat. Celui-ci se trouve embarassé, d'abord l'amnistie n'ayant pas encore été accordée, ces troupes ne peuvent revenir. De plus on ne se soucie par d'avoir tout d'un coup 4 à 5000 hommes jettés dans le pays. Je crois qu'on priera l'Angleterre de renvoyer ces troupes petit à petit. Mais provisoirement on a fait difficulté d'envoyer un passeport à Dopff, qui, s'il vient, devra venir sous un nom supposéGa naar voetnoot2).Ga naar voetnoot1) | |||||||||||||
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16 Sept. Schimmelp. cst arrivé ici. Je crois pour voir un peu de près les choses. Il a porté l'assurance que le Gt français ne troublera point l'ordre actuel. Au fond Schimmelp. écarte autant qu'il peut les Orangistes, qu'il n'aime pas; il voit que le système de Spoors, Haersolte et surtout Besiers est de faire à leur égard beaucoup de protestations, et sous main de les éloigner. Mme GrandGa naar voetnoot1), épouse divorcée d'un Mr. Grand, et maîtresse de Talleyrand, a écrit à Mr. v.d. Goes pour le prier de faire placer son mari dans quelque emploi lucratif au Cap. Mr. v. Goes a répondu par une lettre charmante, dans laquelle il a fait finement comprendre à cette belle dame, que l'on s'y prêterait volontiers, si Mr. Talleyrand voulait prendre un peu nos affaires à coeur. Elle a répliqué par une instance de vouloir bien hâter la nomination, et a donné les assurances d'usage, au sujet des dispositions de Talleyrand. Aujourd'hui Mr. v.d. Goes vient de lui communiquer qu'on a nommé Mr. Grand Conseiller privé extraordinaire au Cap. avec f 2000. florins, ou même je crois 4000. - d'appointement! proh pudor! dans le temps que tant de braves gens sollicitent en vain un poste, on en crée un pour un cocu français. Il y a beaucoup de cabales et d'intrigues an Directoire. Queyssen embarassé de Hogendorp, voudrait le faire nommer à la mission de Berlin, d'autres voudraient l'envoyer aux Indes, où il pourrait être très utile ou très dangereuxGa naar voetnoot2). | |||||||||||||
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Vos van Steenwijk va à Paris; Six ou Calkoen que Mr. v.d. Goes aurait bien voulu y envoyer, ont contre eux le pêché originel d'Orangisme. On voudrait envoyer Rheede à Petersbourg. Pijman ira à Madrid, s'il peut parvenir à faire placer Meiners autre part. Pijman doit sortir du Gouvernement d'Etat. Calkoen voudrait bien le remplacer, mais ce sera ou van Lennep, ou Bicker, probablement ce dernier. En ce cas Calkoen a dit, qu'il ne voulait pas même entrer en concurrence avec un candidat aussi distingué; c'est digne de lui, mais au fond jamais Calkoen ne serait nommé. Les quatre candidats nommés sont Calkoen, BickerGa naar voetnoot1), Schimmelpenninck et Teding van Berkhout, ces derniers pour la forme. 2 Octobre 1802. Il n'est bruit que d'un changement prochain dans le gouvernement. Il parait un bulletin dans lequel Schimmelp., Daendels et Dumonceau, sont représentés comme a la tête de la contrerévolution. Le gouvernement d'Etat a promis fl. 14000. - à qui en découvrirait l'auteur. Le Syndicat a écrit à Schimmelp. pour l'informer du fait, celui-ci a écrit en réponse une lettre dans laquelle il se disculpe. Mais ce n'est pas assez, il faudra qu'il démente publiquement l'imputation. Dury commandant de la Haye a répondu de la garnison, à présent qu'elle est composée des troupes de Waldek, et qu'on a changé les canonniers. Ceux qui sont venus de Breda sont bons. Dury en interrogeant les officiers de cavalerie au sujet de bulletin, voyant qu'un d'entr'euxGa naar voetnoot2) | |||||||||||||
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tergiversait, l'a envoyé dès le lendemain avec son escadron à Leide. De là le bruit qui a couru qu'on avait détâché des troupes pour arrêter Daendels. On a fortement débattu dans l'assemblée du Gouvt d'Etat, comment se conduire vis à vis de Daendels. Après bien des délibérations on a résolu que le Président le manderait, lui ferait rendre compte de ses menées, et enfin en exigerait un désaveu formel. Mr. v.d. Goes avait proposé de nommer une commission, composée du Président, de Queysen, et de Hoogstraaten, qui feraient à Daendels lecture d'une résolution du Gouvt d'Etat à telle fin que dessus, et que sur son refus, lui donneraient immédiatement sa démission comme lieutenant général, et même le feraient arrêter. Personne n'a osé adapter cet avis et l'on s'est borné au premier. Il faut noter que Pyman et Daendels sont ennemis jurés: que de plus Pyman est l'homme le moins fait pour mettre Daendels à la raison. 3 Octobre. Heureusement que Daendels n'est pas venu, quoiqu'il eût fait commander son souper au Parlement. - On dit qu'il a échoué à Amsterdam. On lui a écrit ainsi qu'à Dumonceau de venir se rendre auprès du Gouvernement à la Haye. On a beaucoup parlé d'une lettre remise par Lauriston, aide de camp de Bonaparte, au Gouvernt. Bat. C'était tout simplement une réponse à celle que le Gouvernt d'état avait écrite au P. Consul pour le féliciter de sa nomination à vie. La lettre était écrite sur une petite feuille de papier fort négligeamment, courte et sèche. 4 Octobre. Schimmelp. a écrit au President, pour déconseiller toute mesure trop rigoureuse, comme serait celle d'emprisonner Daendels, - il ménage la chèvre et le chou. | |||||||||||||
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Il a déclaré qu'il ne voulait point aller à Londres, qu'on ne mît sa pension sur le même pied, que celle de Vosch. Le Gouvernt d'Etat qui avait déjà arrêté de lui en donner une un peu moindre, a été forcé de retracter la résolution. Au reste Schimmelp. se montre mal dans tout ceciGa naar voetnoot1). On a des preuves, qu'il a eu connaissance d'un certain Martuschewitz, homme taré, qui s'est tire tant bien que mal d'un procès pour malversation dans l'artillerie, et qui avait été envoyé à Paris par Daendels. Cet intriguant à l'aide d'un congé de trois semaines, qu'il avait obtenu pour aller à Breda, est allé à Paris, porter des lettres à Brune, à Augereau, et à Bonaparte. Tous les trois l'ont éconduit. Marivault, chargé d'affaires de la rép. fr. a même eu sur les doigts de s'être mêlé de ce tripot, et ordre de rester neutre. Schimmelp. n'a jamais rien marqué ni du voyage ni des trames de Martuschewitz, même dans ses confidentielles à Mr. v.d. Goes - Martuschewitz recevra sa démission; dans d'autres pays et dans d'autres temps, il n'en aurait pas été quitte à si bon marché. Il y a souvent chez un officier nommé du Pacquier? des conventicules, où van Hooff, l'ancien Directeur, et la clique de Hahn s'assemblent. Parmi ceux ci se trouvait aussi Galdi, envoyé de la Rep. Italienne, un vrai Jacobin, qui pour recompenser le Gouv. | |||||||||||||
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Bat. de lui avoir donné du pain, lorsque son propre Gouv. le laissait ici dans la mendicité, est de tous les partis qui travaillent à le renverser. Vos aura pour instruction à Paris, de demander son rappel à Bonaparte. D'autre part le gouvernement veille avec tant de soin, que le Président d'Etat, un des Syndies et le Commandant de la place, vont eux mêmes faire, incognito la ronde de nuit!!! Meiners envoyé en Espagne, s'est adressé au conseil de la Marine, pour en obtenir la permission d'exporter sans payer les droits 125 caisses et tonneaux formant, dit-il, le reste de ses effets. Lorsqu'il est parti pour Madrid il a eu la permission accoutumée de faire aussi sortir son bagage. Quoiqu'il ait acheté tous ses meubles à Paris, il usa de la license et fit partir 150 caisses! Il n'est pas possible d'être plus impudemment contrebandier. Aussi sur les représentations du Conseil de la Marine, le Gouv. d'Etat a chargé v.d. Goes de lui fournir ses considérations. Bosscha a dressé un avis déclinatoire d'une force assommante. Meiners sera furieux, il devrait être confus à ne pas oser se montrer. Il deshonore à la fois son caractère et le gouvernement qui l'envoye. Il ouvre la porte aux demandes réciproques des Ambassadeurs Espagnols ou provoque des avanies. Löwenhielm, envoyé de Suède s'est fait mépriser ici pour une contrabande obscure en thé, qu'il s'est permise. Mr. v. de Goes est dans la confidence de chacun des membres du Gouv. d'Etat, ils auraient peine à trouver un confident plus honnête homme. Spoors qui est convalescent a eu ce matin une longue conversation avec lui. Mr. v.d. Goes lui a fait sentir l'extrême importance de se concilier l'affection des | |||||||||||||
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administrations départementales. Sûr de cet appui le Gouv. d'Etat n'a rien à craindre. Mais pour cela il faut en agir tout différemment qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Ne se réserver que les grandes affaires, et ne pas s'immiscer dans ce qui n'est que de pure administration. Le trésorier général Vosch a été ce matin chez Mr. v.d.G. Il s'est disculpé des soupçons qu'on avait contre lui. Il n'a pas cependant déguisé qu'il croyait un changement dans le gouvernement plus ou moins nécessaire, et en particulier il a insisté sur la nécessité d'un Président perpétuel. Mr. v.d.G. lui a demandé s'il connaissait dans toute la Rép. un seul homme propre à l'être; que pour lui il déclarait rondement, qu'il ne se soumettrait jamais à un homme, qui au fond ne pourrait être son égal ou son inférieur, et qu'il y avait d'ailleurs dans le fait un poste qui répondait à celui que Vosch désirait de voir créer et qui remplaçait l'ancien grand Pensionnaire, c'était le secrétaire du Gouvern. d'Etat, s'il savait son métier. Qu'à la vérité Hultman n'était pas l'homme fait pour cela; mais qu'en tout cas, il n'y avait qu'à faire un bon choix pour le poste de Secrétaire, ou nommer un Secrétaire du Gouvern. d'Etat par excellence. - Comment peut on s'imaginer que 12 personnes telles que sont les 12 membres actuels se laisseront conduire par un Président? Et qui serait parmi nous le Bonaparte? 9 Octobre. Il parait que l'orage est appaisé, au moins pour un temps. Le Gouvt avait engagé Schimmelpenninck à obtenir de Daendels et de Dumonceau une lettre au Gouvt d'Etat, ou telle autre pièce, pour désavouer leur intention de faire une révolution. Ceux-ci s'y étaient laissés engager, et avaient promis cette lettre. Le Jeudi avant 2 heures Mr. v.d. Goes avait été prié d'inviter le Gouvt d'Etat et les géné- | |||||||||||||
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raux à diner chez lui lundi prochain. Et l'arrivée de la lettre de ces derniers devait être le signal de l'invitation. - Point de lettres, inquiétude du Gouvernement; ou cherche partout Schimmelp. il n'est pas à trouver. Queysen, sachant qu'il devait diner chez le Syndic van der Hoop, va demander à diner à celui-ci, y trouve son homme, l'entreprend de la bonne manière, et l'engage à retourner mettre les Généraux à la raison, qui s'étaient ravisés. - Enfin Schimmelp. s'emporte en leur montrant la ferme et unanime résolution du Gouvt d'Etat, de risquer le tout pour le tout, assuré comme il l'est de la garnison. Pas un officier de celle-ci n'avait accepté le souper préparé par Daendels au Doelen. Le souper n'a pas lieu, la lettre est écrite, insérée dans les GazettesGa naar voetnoot1). Bruce, officier qui faisait le méchant, est exilé dans sa garnison, et je crois quelques autres avec lui. La fameuse invitation de Mr. v.d. Goes se fait, et la révolution est ajournée. Le Gouvt | |||||||||||||
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d'Etat est resté assemblé le vendredi depuis 6 heures du soir, jusques bien avant dans la nuit. Résolu de ne se séparer qu'après avoir reçu la lettre des Généraux. Les couriers pour les Départements étaient prêts, et les généraux nommés en cas de refus. Sémonville s'est très bien conduit et n'a pris absolument aucune part à la chose. Il y a eu une violente dispute au Gouvt d'Etat au sujet de DaendelsGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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Spoors et quelques autres voulaient le faire arrêter et bannir sans forme de procès. Les autres se sont récriés contre cette inquisition Vénitienne. La mesure n'a pas été adoptée, mais la scène a été vive. J'ai été lundi passé chez le fameux H. van Straalen, ostensiblement pour conférer sur l'Etat de notre Diaconie, dans le fait pour le mettre sur le chapitre de la politique. Lui-même ne demandait pas mieux: il s'est beaucoup plaint des entraves que le Binnenlandsche Raad mettait sans cesse aux affaires, du peu d'ensemble du gouvernement, de la confusion des autorités etc. etc. Sur tous ces points il n'a que trop de raison; mais en le laissant parler, il en est enfin venu à l'essentiel. Il fallait un chef, ou si ‘on voulait un point central, qui eût sous lui un premier ministre, et deux on trois personnes chargées les unes du Département des finances, les autres des rélations extérieures, les autres de la Marine etc. et il avait pensé à un homme!! un homme unique! pour être le chef: c'était le grand Kingsbergen, riche, veuf, sans enfants, énergique, ferme etc. etc. Schimmelp. serait son premier ministre.’ Le vrai de tout cela, c'est que Mr. van Straalen et consors, Orangiste décidé dans le fonds de l'âme, ne voit de salut que dans un Stadhouder, et encore un Prince d'Orange. Guillaume 6 est en perspective, et l'arrière pensée de l'ancien magistrat: il n'y a qu'à créer la place et y mettre un homme de bois. - Avec tout cela il faut que Schimmelp. qui cependant ne l'aime pas, se soit expliqué imprudemment avec lui. 1 Novembre. Les troupes françaises n'ont pas encore ordre de partir, Schimmelp. a dû présenter la | |||||||||||||
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semaine dernière de vives réclamations à ce sujet. Peut-être que l'état des affaires de Suisse engagera Bonaparte à y déférer pour ne pas combler la mesure. En attendant le général Montrichard revient à la Haye, avec le quartier GénéralGa naar voetnoot1). Sémonville a donné à connaître qu'on nous soupçonne à Paris d'avoir voulu engager la Russie et l'Angleterre à insister sur le départ des troupes, - la chose est fausse. - Je soupçonne bien plutôt Gunning, ten Cate et autres entrepreneurs, d'avoir corrompu le ministre de la guerre, ou tel autre à Paris. - Dans le fait on est très mécontent de la mollesse et de la nonchalence de Schimmelp. à presser cette affaire et celle de l'évacuation de Flessingue. Il a hâté son départ pour LondresGa naar voetnoot2), contre le gré du Gouvernement et laisse à son successeur le plus important à terminer. 23 Novembre. Une délibération des plus importantes occupe en ce moment le Gouvt d'Etat. Pour engager Bonaparte à retirer les troupes, s'engagera-t-on secrettement à laisser dépérir les fortifications de Bois-la-Duc, Breda et Bergen op Zoom pour que le pays soit tout aussi ouvert que la Belgique.Ga naar voetnoot3) | |||||||||||||
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Pour moi je crois que la véritable politique de cette République est de réduire l'armée de terre à 10.000 hommes, la Marine à deux on trois vaisseaux de Ligne et d'une douzaine de frégattes, et à ne chercher de vrai fondement de la prospérité de ce pays, que dans une alliance intime avec les Puissances interessées à notre neutralité ou à contrebalancer par tous les moyens possibles la prépondérance de la France. Indépendance est pour nous une chimère, mais Neutralité si on peut se l'assurer dans une guerre éventuelle voilà le non plus ultraGa naar voetnoot1). Dans un moment de pénurie tel que l'est celui-ci, des motifs d'intrigue ont fait envoyer Winter avec une escadre dans la Méditerranée, avec permission d'hyverner à Livourne. Cette inutile parade nous coûtera deux on trois millions. De plus le seul but ostensible de son envoi était de négocier avec les Puissances barbaresques; il l'a fait si gauchement que nous devrons leur payer annuellement quelques milliers de piastres de plus. Le grand objet qui occupe depuis quelque temps le Gouvt d'Etat c'est le renvoi des troupes françaises. Besiers et Spoors qui ont probablement quelques motifs | |||||||||||||
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secrets, n'opinent que pour des voyes violentes. De Beveren leur écho voudrait même qu'on ne répondît à aucune note du Gouvt français jusqu'à ce qu'on eût obtenu ce départ. - Ces bonnes gens ne tiendraient pas contre une note un peu vigoureuse. La meilleure idée serait celle de Bosscha. Celle de porter le Corps législatif à demander au Gouvern. d'Etat pourquoi cette inexécution du traité d'Amiens? Et refuser de consentir aux sommes nécessaires à l'entretien de troupes, qui devraient depuis longtemps avoir quitté notre territoireGa naar voetnoot1). - Le Corps législatif | |||||||||||||
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n'a pas assez d'énergie pour une pareille démarche. Loin de rappeler ces troupes, le Gouvt français prend de temps en temps la liberté, de nous en envoyer de petits détachements, qui avant d'aller à la Louisiane, entrent sur notre territoire sans en prévenir, et viennent se faire habiller et équipper à nos dépens. Il y a plus, voilà qu'inopinément le Genl. Montrichard nous arrive de Paris et veut rétablir ici son quartier Général et ramener garnison française. Le Gouvt d'Etat a pris la résolution de ne pas payer ce général, elle l'en a prévenu, et expedié ainsi que lui un courier à Bonaparte. Bonaparte a fait savoir que c'était un malentendu: la garnison française n'arrivera point à la Haye, et Montrichard ira établir son quartier général à Breda. Liston envoyé d'Angleterre que v.d. Goes a sondé par voye de conver- | |||||||||||||
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sation au sujet du séjour des troupes fr. n'a fait que lever les épaules et donné à connaître que l'Angleterre ne se mêlerait pas directement de cette affaire. Dedem notre ambassadeur à Constantinople a écrit, qu'à moins d'avoir permission de gagner par argent quelques Turcs, il ne pourrait pas obtenir la libre navigation sur la Mer noire. Comme c'est probablement une escroquerie de sa part, Bosscha lui a fait savoir, de la part du Gouvt d'Etat, qu'on était surpris qu'àprès un si long séjour à Constantinople, il n'eût pas assez de crédit pour obtenir un point stipulé par des traités exprès, et que si absolûment il fallait dépenser de l'argent, il devait en ce cas nommer les individus et spécifier exactement les sommes. C'était assez lui faire comprendre qu'on se défiait de son intégrité. Une autre grande affaire c'est la demande qu'a faite Mr. v.d. Goes de la démission de son poste, et de l'ambassade à Berlin. Voici quelques détails curieux à ce sujet. Hogendorp (Dirk) à qui plusieurs membres du Gouvt d'Etat avaient fait de grandes promesses, avant la dernière révolution, s'était flatté d'obtenir un poste majeur dans les Indes. Mais il éprouva, ce que tant d'autres ont éprouvé dans les circonstances actuelles, c'est qu'une fois sûr d'avoir attiré quelqu'un au parti, on ne se mettait guère en peine de tenir ce qu'on lui avait promis. Hogendorp écrivit plusieurs pamphlets sur la Compagnie des Indes, tant pour justifier sa conduite, qu'il y avait tenue, que pour établir son système particulier. C'est peut-être ce qui lui fit le plus de tort. Haersolte et Brantsen et d'autres, fortement intéressés dans les actions des Indes, rendirent toutes ses démarches inutiles, et on le flatta sous main d'une mission à Berlin, ou pour mieux dire, il s'en crût sûr. | |||||||||||||
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Quelques temps après Mr. v.d. Goes, depuis longtemps dégoûté de son poste, se prévalut d'un engagement formel, contracté avec lui; c'est qu'il pourrait obtenir une mission à son choix, pour retraite, lorsqu'il la demanderait. Mais avant que de demander celle de Berlin, il s'informa de chacun des membres du Gouvt d'Etat, s'ils avaient quelqu'autre sujet, auquel ils se fussent engagés. Tous l'assurèrent que non, et comme il savait que Hogendorp, se vantait de plusieurs suffrages dans l'assemblée, il demanda expressément si peut-être on avait dessein de nommer celui-ciGa naar voetnoot1). Le murmure désapprobateur qui s'éleva à ce nom seul, justifia suffisamment qu'il s'était fait illusion sur les dispositions du conseil. Comme rien de ce qui s'y traite ne reste secret, Hogendorp fut immédiatement instruit, et comme j'avais souvent été honoré de ses confidences, et qu'il n'ignorait pas mes relations avec Mr. v.d. Goes, il vint chez moi jetter feu et flamme. Je l'appaisai tant bien que mal: lui fit entrevoir la mission de Petersbourg etc. Pour lui donner quelque satisfaction, le Gouvt d'Etat nomma une commission pour examiner son système par rapport à la Direction des Indes. Cette commission fut plaisamment composée. Lui, Six, R. Voute, Pontoy et l'ancien commissaire Nederburg furent les membres, on leur adjoignit pour secrétaire, le petit Mazel, l'homme de confiance de quelques uns des membres du Gouvt d'Etat. Hogendorp et Nederburg avaient dit et écrit des horreurs l'un de l'autre. Ils n'en furent pas moins fort honnêtes réciproquement. La commission finit | |||||||||||||
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comme on l'avait résolu, c'est-à-dire par ne rien décider; elle n'était que pour la forme et Hogendorp feignit de s'en contenter. On le nomma envoyé extraordinaire à Petersbourg à la place de Buys, qui s'y était très bien conduit, mais qui, devenu hypochondre, n'était plus bon à rien. Pour achever ce qui regarde Hogendorp, il partit enfin, malgré lui, la rage dans le coeur et le Gouvernement vit éloigner avec plaisir un homme turbulent, plus embarassant que dangereux, mais qui ne laissait pas que de lui causer de l'embarrasGa naar voetnoot1). 23 Nov. S'il n'avait pas été aussi généralement haï qu'il l'était, peut-être aurait-il pu jouer un rôle. Je l'ai toujours regardé comme un homme supérieur par ses connaissances, et son esprit à la plupart de ceux qui le déprimaient, mais jamais je n'ai vu quelqu'un contre lequel Orangistes et Patriotes fussent plus réunis pour le dénigrer. J'ai raconté de suite cet incident qui traîna longtemps avant que d'en venir à une décision, pour n'avoir plus besoin d'y revenir. La demande que Mr. v.d. Goes faisait de sa démission, consterna le Gouvt d'Etat. On ne pouvait se passer de lui. Dèsque la chose fut ébruitée, il reçut de tous les ministres étrangers, les sollicitations ses plus instantes et les plus flatteuses de revoquer sa résolution. En un mot jamais il ne put mieux voir combien il était aimé et estimé. | |||||||||||||
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Le Gouvt d'Etat qui en général ne faisait que des bévues, envoya chez lui une députation, pour le prier de ne pas se démettre de son poste dans le besoin que l'on avait de lui, mais composa cette députation de trois membres, dont un - Spoors - était bien le principal auteur des desagréments et des dégoûts de Mr. v.d.G. - et les autres étaient à peu près nuls. Aussi ne vinrent-ils pas à bout de le persuader. - Lorsque je vis que sa résolution paraissait à l'épreuve de tout, je m'avisai d'un expédient que je ne confiai à personne et qui réussit. - J'écrivis sous un nom supposé à Luzac (et trouvai même plaisant d'emprunter celui d'un des plus outrés Orangistes) et le priai d'inscrire dans sa gazette l'article ci-jointGa naar voetnoot1).
Il fut généralement approuvé et fit son effet. De ce moment Mr. v.d. Goes résolut in petto, de rester. Et recommença à dévorer courageusement, par amour pour le bien public, les dégoûts que lui faisaient éprouver la profonde ineptie, les emportements brutaux, ou les intrigues obscurs du Gouv. d'Etat. C'était bien le plus mauvais assemblage que l'on eût pu réunir. De Beveren était un Jésuite, Besiers un exagéré, mais astucieux. Hoogstraaten honnête homme, mais vaniteux et peu capable. Queyssen le meilleur de | |||||||||||||
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tous, mais peu exact. Bicker un des meilleurs après Queyssen. Brantsen vieux et ne songeant qu'à dominer la Gueldre. Haersolte faible et intriguilleur. Verheyen bon homme, mais nul. Spoors le plus rusé, le plus osant de tous, mais n'agissant que par et pour des intrigues particulières, et d'une violence dans les délibérations, qui dégénérait en brutalité. Sémonville le craignait, c'était le cas du proverbe Corsaire à Corsaire. A peine Spoors avait-il conclu un arrangement avec le Gouv. français par rapport aux troupes françaises à notre solde, que le contract fut violé par la France. Un des articles portait qu'un simple général de Brigade commanderait le petit nombre de celles, qui devaient rester ici, et que sous aucun prétexte il n'établirait son quartier général à la Haye, que l'on nous envoya le général MontrichardGa naar voetnoot1), qui à toute | |||||||||||||
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force voulut établir son quartier dans cet endroit. Bonaparte céda par rapport au dernier point, mais Montrichard s'en est vengé dans la suite par ses procédés. Bosscha indigné de tant de tergiversations relativement au nombre et à l'entretien des troupes fr. aurait voulu que le Gouvt d'Etat se fût fait demander par le Corps Législatif, pourquoi les traités à cet égard n'étaient pas observés, et qu'il eût refusé de fournir les subsidesGa naar voetnoot1).
Le 15 Mars 1803. Sémonville vint en grande hâte et avec beaucoup d'éclat porter à Mr. v.d. Goes le message suivant. Vous ferez connaître au Gouvernement-Batave, dat de 1e Consul het indispensabel acht om 15.000 man Fr. troupes in de Bat. Rép. te zenden, zoo om dezelve te protegeeren, als om aldaar middelen in gereedheid te brengen om Hannover te attaqueeren, verder om in Holland te verzamelen alles wat tot een groot embarquement nodig was, indien Engeland zich par le fait in een' hostilen staat tegen Frankrijk stelde. Ce message foudroyant, qui seul eût provoqué une déclaration de guerre, s'il avait été fait de cette manière et connue de l'Angleterre, fut tourné de cette façon. Si l'Angleterre se mettait de fait en | |||||||||||||
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hostillté avec la France, le premier Consul se trouverait obligé de prévenir son aggression: alors il couvrirait la Batavie par 15000 hommes, s'emparerait de l'électeur de Hannovre et préparerait dans les ports de la Hollande tous les moyens d'embarcation susceptibles de menacer l'Angleterre. Il est assez curieux de savoir pourquoi il mit tant de fracas à cette démarche. L'ambassadeur spéculait fort dans les fonds publics et en général assez malheureusement. Il venait d'ordinaire trop tard. Talleyrand le prévenait à la bourse d'Amsterdam par le moyen de la maison Couderc et Six. Il venait d'acheter un certain nombre de certificats et prévoyant l'orage entre la France et l'Angleterre, il s'était engagé à les livrer au rabais, durant le mois de Mars. Dèsqu'il eut reçu l'ordre contenu plus haut, il envoya mon cousin Delprat Molière à Amsterdam, le prévenant de la note qu'il livrerait le lendemain, note qui devait produire la plus grande sensation et faire baisser considérablement les fonds. Proprement il aurait dû la remettre dès le Dimanche, mais il différa jusqu'au Lundi, pour que Molière eût le temps d'être à Amsterdam; il en fit de même dans quelques autres occasions importantes, ou il consulta son intérêt particulier avant que de s'acquitter des ordres les plus pressés de son Gouvernement. C'est ainsi qu'il communiqua au même Molière celui de faire mettre un embargo général 24 heures avant de le communiquer au Gouvt batave. Sa précaution fut perdue. Talleyrand avait pris les devant et Couderc, instruit à temps du message, parvint à soutenir les fonds jusqu'à ce qu'il se fut défait de ceux de Talleyrand, la grande baisse n'arriva point et Sémonville aurait reçu un furieux échec, si le Gouvt d'Etat ne fut pas venu à son secours. On convint que le | |||||||||||||
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trésorier Général Vos van Steenwijk reprendrait à Sémonville ses certificats pour le prix auquel il avait promis de les livrer et lui bonifierait sa perte. Sémonville voulut profiter de l'occasion, prétendit qu'on avait mal compris le nombre, le porta beaucoup plus haut, et l'affaire devint très délicate. On nomma une commission pour examiner les choses. Sémonville n'eut pas honte de chercher à porter la maison Molière, ses banquiers, à lui fournir un compte simulé, qui aurait justifié qu'effectivement il aurait contracté pour le nombre qu'il donnait au dernier. Je parvins à engager les chefs de cette maison, deux très jeunes gens à se refuser à cette odieuse manoeuvre. Sémonville furieux, mais éhonté, alla chez le président du Corps législatif se plaindre du trésorier général qui lui manquait de parole. Le président, qui se trouva par bonheur être Sidérius, homme droit et de tête, le reçut avec beaucoup de prudence, et l'éconduit honnêtement, en le renvoyant à v.d. Goes et au Gouvt d'Etat. Bref on le dédommagea ou pour mieux dire on prévint en reprenant les certificats la perte que l'Ambassadeur aurait pu éprouver, il sauva son argent, mais il acheva de perdre le peu d'estime qu'on avait encore pour lui. J'ai conservé les lettres que David Molière m'écrivit au sujet de cette transaction, dont au reste je supprime une infinité de petits détails, qui couvriraient de boue Sémonville et sa clique. - Au reste il n'était pas le seul qui agiotât effrontément; il était en bonne compagnie, Spoors et d'autres membres du Gouvernement, y donnaient tête baissée. Liston a écrit un billet anonyme à Mr. v.d.G. pour lui communiquer la nouvelle importante du projet d'arrêter cette nuit quelques membres du Gouvernement. Cette nouvelle est fausse dans toutes les circonstances, et Liston a perdu la tête. | |||||||||||||
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Sémonville a demandé de la part de son gouvernement pourquoi on employait Repelaer (c'est celui qui a été si longtemps prisonnier) et s'est informé de la cause qui lui avait attiré une sentence d'emprisonnement? Cette démarche était l'effet des clabauderies du parti violent auprès de Bonaparte. Mr. v.d. Goes a répondu d'une manière adroite, et a éludé des détails scabreux. L'amiral Winter malgré les ordres reïtérés du Gouvernement de partir au plutôt du Ferrol, pour le Cap et Batavia refuse d'obéïr et prétexte le mauvais état de l'escadre. Il paraît même que malgré le secret qui lui était imposé, il a communiqué ces ordres au Gt français, qui demande que l'Escadre hollandaise se rende à l'Orient, apparemment pour faire le 2e tome de l'Esclandre EspagnoleGa naar voetnoot1). On lui a envoyé un courrier pour lui enjoindre de partir sur le champ ou de remettre le commandement à Hartsink. Il a pris ce dernier parti et Hartsink a appareillé dans les 24 heures, a trompé la vigilance des Anglais et est arrivé heureusement à sa destination. Notre ambassadeur Vos de Steenwijk à Paris remplit si mal ses fonctions par sa profonde ineptie, qu'on lui a envoyé une lettre de rappel, où pour sauver son honneur il est dit, que ses affaires exigeant sa présence ici, le jeune Dedem, depuis envoyé à Berlin, le remplacerait ad interim. Mon homme n'a pas voulu partir, et quoique Talleyrand fut celui qui eut demandé son rappel, Vos a tant fait qu'il a dicté à Talleyrand une lettre pour demander qu'on laissât ce ministre. - Personne n'est la dupe de cette comédie. | |||||||||||||
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Il y a ici un grand intervalle. (Voyez dans mes papiers le récit vraiment curieux des conversations de nos députés à Bruxelles avec Bonaparte.Ga naar voetnoot1) | |||||||||||||
Extrait des conversations tenues à Bruxelles entre le Premier Consul et la Commission Batave M.M. Brantzen, Bikker et van der Goes.Ter gelegenheid van de afscheids audientie in den avond van den 29 Julij 1803 begon de Eerste Consul over Vlissingen te spreken en zeide, dat het hem niet mogelijk was, de Engelsche Familiën aldaar te laten, dat zij aanslagen ziende tegen hun vaderland, niet zouden kunnen nalaten daarvan informatiën te geven, dat hij hierin naar zijn eigen hart oordeelde. Hij erkende volmondig de hardigheid van die gedwongen verhuizing, doch vergelijkte dit met 't wegzenden van oude lieden, vrouwen en kinderen en onnutte monden uit eene belegerde plaats. Hij recommandeerde de Engelsche Familiën aan de zorg van het Bat. Gouvt om dezelve elders te plaatsen, alwaar zij dezelfde commercie met Engeland zouden kunnen doen, dat hij die commercie, als nadeelig voor Engeland zijnde, niet wilde beletten, doch dat hij in Vlissingen niets van dien aard konde dulden, dat zelfs de civile autoriteiten vandaar moesten teruggetrokken worden, om in geen conflict met de militairen te komen, dat wij daar alleen een commissaris moesten hebben, zoolang de oorlog duurde. - Alle onze argumenten om den eersten Consul hiervan af te brengen, konden niets uitwerken. - Je ne veux pas faire la conquête de Flessingue, vous pouvez y | |||||||||||||
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faire flotter le Pavillon Batave, à côté du Pavillon Français, mais cette ville, qui n'appartient ni à la France, ni à la Batavie doit être considérée comme (iets buitengewoons, de eigentlijke uitdrukking is mij ontschoten) en hier maakte de eerste Consul een soort van vergelijking met 't geen Maastricht voorheen geweest was. - Ter deze gelegenheid, zeide hij, il y a quelque temps que je vous aurais vendu mes droits sur Flessingue pour 10 millions de florins, j'aurais fait une sottise: mais la France dans ce moment avait besoin d'argent, cet état de besoin était humiliant, je voulais en sortir, actuellement que la France n'a plus ce besoin, je ne vous les cèderais pas pour 100 millions et d'avantage. - Wanneer men hem tusschenbeide repliceerde, dat de Minister Talleyrand 50 millions fr. gevraagd had, zeide hij, oh oui! mais ce n'était qu'une première demande. Verder communiceerde de eerste Consul aan ons, dat zijn voornemen was, Vlissingen aan de landzijde te doen versterken. Over de Douanes aldaar sprekende, zeide hij, vous pouvez les placer ailleurs, je ne m'y entends pas trop; faites négocier cela à Paris. Al verder zeide hij, dat hij van 't Bat. Gouvt verlangde te koopen 't fregat, dat in Vlissingen op stapel stond, en 't geen in de arsenalen was, en zulks contant wilde doen betalen te Parijs; dat zijn voornemen was, om in Vlissingen voor zijne rekening te doen bouwen; - hiervan namen wij aan rapport te doen. Alstoen de conversatie op de Bat. armee brengende, gaf hij zijn verlangen te kennen, dat dezelve op 3 à 4 duizend man gebragt werd, en dat men de fortificatiën der frontiersteden liet vervallen; dat hij zekerheid moest hebben, dat die fortificatiën nooit tegen Frankrijk zouden kunnen worden gebruikt, dat hij bij het terugtrekken der fransche troepen daarvan | |||||||||||||
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eene conditie zoude hebben gemaakt; dat zulks ook voordeelig voor onze finantiën zoude zijn. Dit bragt ons op den ellendigen staat van dezelve en op de kostbaarheid der fransche troepen. - Combien vous coûtent, vroeg hij, mille hommes de troupes françaises, peut-être ne le savez vous pas? - Pardon P.C. 25 mille hommes ont coûté environ 12 millions de florins, par conséquent 1000 coûtent environ un million de francs! C'est l'Etat major qui est principalement mieux. - Combien payez-vous à un général de division? Peut-être ne le savez-vous pas? - on le paye, lui dis-je, à raison de 50.000 francs. - Vous vous trompez: assurément vous ne payez pas tant - pardon. - Eh bien je le mettrai à la paye française. - Non il deviendrait notre ennemi, et cela ne nous convient pas. - Vous ferez faire le règlement à Paris, il doit être aussi peu onereux que possible. De Pr. C., met al dat in 't geheel niet gepenetreerd van de onmogelijkheid om den tegenwoordigen staat van onze finantiën gaande te houden, wat wij daar ook van mogten zeggen. Hij maakte de grootste éloges van onze administratie, van de industrie van de natie, waarmede die van Frankrijk en ook die van Engeland niet te vergelijken was, op 't vertrouwen dat onze commercie had, en wanneer wij alstoen van een commercie-tractaat begonnen te spreken, zeide hij, croyez vous pouvoir faire un traité de commerce qui ne soit pas au desavantage de la France - oui P.C. - Je le veux bien, faites négocier cela par un homme d'esprit qui puisse parler et agir, par Schimmelp. In den loop van deze conversatie kwam meer dan eens te pas, dat wij aan den E.C. zeiden, dat hem zeer zeker over verscheidene omstandigheden verkeerde rapporten moesten gedaan zijn, dat de in- | |||||||||||||
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trigue dikwijls belette dat de zaken direct tot zijne kennis kwamen. Je le veux croire, zeide hij, dans les cas extraordinaires écrivez-moi en droiture, et faites porter votre lettre par un officier supérieur auquel je remettrai ma réponse. - Je fais ainsi avec l'Empereur de Russie et le roi de Prusse. Ne dépensez pas de l'argent à Paris pour avancer vos affaires, cela vuide vos trésors, cela ne vous servira de rien. Je vous le garantis. Meer dan eens zeide hij ook: Je ne suis pas votre ennemi, je vous veux du bien, mais il faut de force que vous suiviez ma marche. Je ne veux pas faire de nouvelles conquêtes, tout doit avoir ses limites, celles de la France sont bonnes, en hierop verhaalde hij hoe hij met Zwitserland gehandeld had. Bij het eindigen van deze conversatie, recommandeerde hij nogmaals, dat men de gesloten conventie zoude gestand doen, en dat men hem ten spoedigste een officier der Marine zenden zoude. 1o Nadat (même proprement la 1rère conversation) de Eerste C. gezegd had, dat hij gevoelig was aan de attentie van 't Staatsbewind, begon zijn discours met aanmaning om alles in 't werk te stellen, wat aan den gemeenen vijand afbreuk konde doen, en bijzonder om de conventie van 25 Junij stiptelijk te volbrengen. Hij toonde verwondering, ja zelfs eene soort van ontevredenheid, dat men Engeland zoo lang gemenageerd had, dat hij zich dat menagement had laten welgevallen, zoolang Engeland onze navigatie vrij liet, doch dat na het nemen van onze schepen, hij niet meer onverschillig had kunnen blijven, - dat aan onze inactiviteit toe te schrijven was, 't geen in den Haag gebeurd is, - dat hem gespeten had precautiën bij ons te moeten nemen, omdat wij dezelve | |||||||||||||
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verzuimden, - dat de Bat. Rep. het lot van Frankrijk moest deelen, - dat indien Frankrijk gelukkig was, ons land het ook konde wezen, en anders niet; - dat wij dien stroom moesten volgen. Dat hij onze independentie wilde, doch daardoor verstond civile, mercantile en municipale independentie; dat eene politique independentie niet meer te pas kwam, zoolang hij meester van België was, dat wij daardoor geworden waren un satellite dans le tourbillon. Dat ons Gouvt deszelfs positie buiten moest voelen. Dat Frankrijk de Bat. Rep. eenmaal geconquestreerd had, en dat niets makkelijker zoude wezen, zulks voor een tweede maal te doen. Dat Europa thans geen interest genoeg in ons stelde om zulks serieus tegen te gaan; - dat men wel wat schreeuwen zoude, ‘que ce serait l'affaire de quelques couriers, mais que dans 3 ou 4 mois tout serait oublié’. Hier maakte hij de definitie van de onmagt der continentale mogendheden om hem te wederstaan. - Je gouverne, zeide hij vervolgens, 40 millions d'hommes, et mon armée est de 400000. - quelle défense pourriez vous faire. Vous avez 20.000 hommes de troupes qui vous coûtent 20 millions de francs. (Hier wierd over onze finantiën gesproken: 't tableau van dezelve scheen hem te frappeeren, en vooral wanneer men hem zeide, dat de praeparatie van een' nieuwen oorlog aan de ingezetenen 2% van hunne bezittingen kostede. Wij beduiden aan den eersten Consul dat hij een zeer slechte acquisitie aan ons land doen zoude. Hij herhaalde alstoen, dat hij het land niet wilde conquesteeren, dog dat wij zijne marche moesten volgen, en hier viel hij uit tegen een paar leden van ons Gouvernement, zeggende, votre Mr. Spurs (Spoors), et encore un autre, dont je ne me souviens pas du nom (Beziers) semblent vouloir me contrarier - cela vous attire quelquefois du mal, mes- | |||||||||||||
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sieurs. - Veulent-ils me braver? je les crois très fort anglomanes. Dit gaf aanleiding om over onheusche rapporten te spreken, die hem zeer dikwijls moesten gedaan worden. Dat er vele intriganten en misnoegden in ons land waren; dat er correspondentie te Parijs door die misnoegden gehouden werden; dat men den Eersten Consul moest bidden, aan geene intriganten gehoor te geven; dat hij op het Gouvt konde staat maken; dat dikwijls eenige noodige eenigzins uitgerekte deliberatie wierd uitgekreten als tergiversatie of kwade wille; dat 't karakter van de natie was, eerst rijpelijk te delibereeren; dat 't tegenwoordig een zeer onaangename taak was de hooge posten te bekleeden: pour moi (zeide v.d. Goes) je reste dans mon poste parceque de gens probes et comme il faut m'y engagent. Car je le quitterais avec plaisir et ces deux messieurs sont dans le même cas. Hier wierd nog bijgevoegd, dat 't gouvernement moest gesouteneerd worden, om de zaken te kunnen gaande houden in den miserabelen staat, waarin de Finantiën zich bevonden, etc. In de conversatie over onze armée zeide de Eerste Consul, dat wij er geen noodig hadden, dat eenige bataillons in den Haag voor 't Gouvernement voldoende waren. Hierop werd hem toegevoegd, dat eene kleine armée altoos noodzakelijk en minder kostbaar was dan Fransche troepen; dat men ook een debouché moest hebben voor fatsoenlijke jongelieden uit de landprovintiën. Il répliqua: envoyez les aux Indes. Ils ont de la répugnance pour aller aux Colonies. - Eh bien! faites en des marins, une bonne marine convient à vous et à nous! Dit bragt hem op zijne plans van attaque tegen Engeland en de werkeloosheid, die hij te Vlissingen gevonden had, en eene nieuwe recommandatie om stiptelijk te vol- | |||||||||||||
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brengen de conventie van 25 Juni; en hij zeide te deezer gelegenheid: si je trouve de l'opposition dans mes plans contre l'Angleterre, je me ferai Caesar et je conquerrai l'Europe entière. - De conversatie kwam ook over den in- en uitvoer van producten en goederen in de havens van de Bat. Rep. Wij verzekerden dat de wetten daaromtrent bij ons religieus zouden geobserveerd worden, - doch dat zulks geen effect in Engeland konde maken, zoolang de Eems en de Wezer en de Elve voor hun open was, en dat op die wijze onze commercie nutteloos gesacrifieerd werd. Op de volstrekte noodzakelijkheid om boter, kaas en gezoute vleesch met neutrale schepen te blijven uitvoeren, wierd ten sterkste aangedrongen: hij scheen met veel attentie naar onze argumenten te luisteren, en zeide, nous examinerons cela encore. Over het escader van de Winter wierd ook gesproken: j'aurais voulu ces vaisseaux dans un port de France, ils auraient pu servir à mes expéditions. Wij antwoorden dat zijne intentie ons te laat bekend was geworden, dat die schepen ook niet zonder gevaar in Frankrijk hadden kunnen binnenloopen, dat men nu in de Oost zoodanige macht zoude hebben om er offensif tegen Engeland te kunnen ageeren. Hierop antwoordde hij zeer onbeduidend. Van Spanje sprekende, zeide hij: Je les laisse tranquilles, parceque les Anglais ne leur font encore aucun mal, et je continuerai cela encore quelque temps. Je vous aurais traité de la même manière. Cinq, huit mois une année entière peut-être, mais les Anglais ont pris vos vaisseaux même avant la déclaration de guerre, et alors il fallait agir.
19 Mars, 1804. Conspiration de Pichegru. On a fait dans ce pays-ci les découvertes les plus impor- | |||||||||||||
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tantes. Aujourd'hui Sémonville a présenté une note pour obtenir l'arrestation du nommé de Bièvre, aubergiste de St. Lucas à Rotterdam, soupçonné d'être l'entremetteur des conjurés. Sémonville demandait que de Bièvre fût transporté en France; on s'est contenté de le mettre en arrêt civil à la châtellenie et de mettre le sceau sur ses papiersGa naar voetnoot1). Le duc d'Enghien a été fusillé le matin 30 du mois, à 3 heures. On voulait lui bander les yeux. Je ne garantis pas trop cependant l'authenticité de ces anecdotes. Il a demandé si c'était la coutume des Républicains. - Oui! En ce cas ne me les bandez pas, je suis Royaliste. Alors s'adressant au premier peloton de gendarmes: Fusillez, dit-il, le petît fils du grand Condé. Le peloton jetta ses armes. L'officier commanda au 2e peloton, avancez! feu! et le peloton tira. Carlinville, aide de camp de Bonaparte, qui arrêta le Prince, est honni par tout Paris. Cette exécution fera sans doute une forte sensation dans l'Etranger. A Vienne il ne manque que les forces et non l'intention de rompre avec la France. Avec la Russie il y a plus que du refroidissement. Mais les moyens manquent et probablement Bonaparte désirerait qu'une guerre continentale le débarrassât de l'expédition d'Angleterre. Il est loin d'être prêt. Du reste, s'il en faut croire Schimmelpenninck, il vise à se faire déclarer Protecteur ou Empereur. Notre situation | |||||||||||||
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est critique et même notre indépendance prétendue est dans une situation très précaire, au moins pour le moment. Marmont n'aime pas les Orangistes, et ceux-ci sont des plus imprudents, dans la conjoncture actuelle, ne lâchant point leur partialité pour l'Angleterre et leur antipathie pour la France: environnés d'espions, ils n'auront qu'à se reprocher à eux-mêmes, si mal leur arrive. Marmont, irrité de la hauteur avec laquelle la municipalité d'Utrecht l'a traité, a voulu punir la ville, ce sont ses expressions, et a mis en réquisition les plus belles maisons pour lui et son Etat Major. La municipalité a en vain employé l'intervention de de Leuw, Marmont est resté inflexible, et exige qu'elle lui fasse réparation. Le Syndic van Haaften a fait mettre dans Luzac un exposé du faitGa naar voetnoot1); mais on dit | |||||||||||||
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que la municipalité a cédé et elle a fait désavouer l'article.Ga naar voetnoot1) Voici un tripotage qui ne fait pas honneur à Nieuwerkerke. Cet homme qui a eu le talent de se brouiller avec les ministres dans toutes les missions qu'il a eues, et à qui Mr. v.d. Goes a conservé, comme par miracle, une pension à laquelle il n'avait aucun droit, ne s'est pas contenté de l'offre qu'on lui a fait d'être nommé pour la forme Consul aux Iles Canaries avec fl. 3000. - d'appointement, et la permission de rester provisoirement un an à Paris. Il veut forcer la main au Gouvernement et avoir absolument une mission. Pour y réussir il a intrigué avec le méprisable Boutigny, envoyé d'Espagne, et Sémonville est venu donner à connaître à Mr. v.d. | |||||||||||||
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Goes, que Talleyrand et par conséquent le Pr. Consul, verrait avec plaisir, qu'on rappellât Spaan, ou Grasveld, et qu'on nommât Nieuwerkerke, à la place d'un des deux. Van der Goes a déclaré rondement à Son Excell. qu'il voyait la trame, et que Nieuwerkerke pouvait à présent être sûr, que tant qu'il serait en place, il ne l'employerait point. La nomination du nouveau conseil Asiatique, dont Mollerus et van Straalen sont membres, excite de vives réclamations de la part des Patriotes. Wiselius a écrit un libelle, qui a été envoyé à Schimmelpenninck, Besiers qui voulait Wiselius, est furieux et annonce, ainsi que Jacobson, une révolution prochaine, dans le sens patriotique; jusqu'ici elle n'est pas apparente. Mais les Orangistes encore une fois, sont aussi petits et imprudents que les autres. C'était le tour de la Haye, de nommer un membre du Corps législatif. La-dessus le conciliabule Orangiste s'assemble chez Bodt et les sages têtes prennent la résolution de nommer non seulement un Orangiste, mais un Orangiste prononcé, apparemment pour que les patriotes, qui en ont dix occasions pour une, nomment un violent patriote à leur tour: et on se détermine pour van der Heym, H. van der Goes passe encore, et puis Camper!! un libertin obscur et sans mérite, et van Breugel, un étranger, Orangiste exagéré etc., tenu pour un des auteurs ou promoteurs du pillage de Bois-le-Duc. J'ignore si c'est avec fondement. Mr. v.d. Goes a fait comprendre au grand Bodt sa sottise, et on a laissé là Mrs. Camper et van Breugel, et pris Mollerus le secretaire et Thoen, autre enragé obscur. J'ai découvert que tous les mois Mr. v.d. Goes donne à Sémonville de la part du Gouvernement d'Etat un billet de f 3000. - que Son Excellence accepte sans façon! o tempora! o mores! | |||||||||||||
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19 Mai. Le général Marmont a invité à diner le président du Gouvt d'Etat et van der Goes. Le premier a accepté, quoiqu'il eût dû refuser, Marmont n'ayant fait visite à personne, et ayant daté son billet d'invitation, du quartier général à la Haye, où il n'y en doit pas avoir. V.d. Goes a refusé; interrogé sur le motif par Sémonville, qui rampe devant Marmont, il ne lui a pas caché, que ce général en ne faisant aucune visite d'usage, ni aux membres du Gouvt, ni à ceux du Corps Diplomatique, il croyait devoir témoigner par là sa sensibilité à ce manque d'égards; mais que du reste pour montrer qu'il n'avait aucun dessein de faire une impolitesse au général, il l'inviterait vendredi prochain à la campagne. Messieurs les généraux ne s'entendent pas toujours trop bien. Le gén1 Vignolles envoye des troupes à Flessingue, par méprise au lieu de Haarlem, le G1 Mounet les renvoye et leur trace la route pour Haarlem, par Rotterdam et la Haye. Le président (Brantsen), informé de la chose, défend de les faire passer par cette résidence. Jusqu'ici on lui a obéï. On rassemble un camp à Utrecht, Marmont donne pour prétexte le motif à discipliner les troupes et de soulager les bourgeois. Il paraît qu'il prête assez l'oreille aux moutons. Schimmelp. écrit de Paris, que Bonaparte lui a communiqué, que les Catholiques Romains lui ont adressé des plaintes. Schimmelp. a demandé qu'on articulât les sujets. Talleyrand, deux jours après, a tenu le même langage, et l'ambassadeur lui a tenu la même réponse. Le vrai est que les Cath. Rom. sont fâchés qu'il n'y ait point de Catholiques dans le Gouvt d'Etat. Lors du séjour de Bonap. à Bruxelles il dit au Cardinal, - qui l'accompagnait: voilà Mr. v.d. Goes, faites lui vos plaintes - ah! Mr. dit le Cardinal à celui-ci, oserais-je vous recommander les Cathol.; mais peut-être pensez- | |||||||||||||
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vous défavorablement à leur sujet, - Mr. je suis très tolérant et ma femme est de cette réligion; quand vous aurez des sujets de plainte, adressez-vous à moiGa naar voetnoot1). Il est sûr que dans ce moment les Jacobins bataves font flêche de tout bois, pour nuire au Gouvernement actuel. 30 Mai 1804. Vienne et probablement aussi la Russie reconnaîtront le nouvel Empereur, en faisant quelques demandes préalables, par ex. s'il a encore quelques nouvelles vues d'agrandissement, s'il est d'entention de respecter à l'avenir l'indépendance de l'Italie, de la Rép. Bat. etc. etc., ou quels sont ses desseins à leur égard. - Voilà ce que débitent gravement des Diplomates accrédités...... nugae canorae! Mr. v.d. Goes a ouvert un avis conciliatoire par rapport à l'indemnisation du Prince d'Orange, qui a été adopté. Si on l'avait cru et que le parti du Prince eût eu plus de confiance en lui, il y a un an, le Prince aurait épargné f 950000. - que l'intrigue et la corruption lui ont sçu arracher. On serait bien surpris, si on voyait ici les noms de ceux qui lui ont fait acheter leurs services, ici, à Paris et à Berlin. Sémonville, Cezar, et je crois Haersolte peut-être Hultman? Marmont est furieux de n'être pas au nombre des maréchaux de France. Sémonville, Valckenaer et lui surtout, avaient conçu le beau plan de faire sauter la banque de Londres, en brûlant sans distinction, ici en France, et partout où les Français sont maîtres, toutes les lettres de et pour l'Angleterre. | |||||||||||||
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Le fait est sûr, mais le projet est si insensé, que je ne conçois pas comment les gens raisonnables et même bons financiers du reste, ayent pû le concevoir. Peut-être le plus grand service à rendre à l'Angleterre, c'est de la forcer à faire banqueroute. Amsterdam, Hambourg, Paris, en souffriraient le plus et l'Angleterre se trouverait comme la France, libérée de sa dette. Si les négociants d'Amsterdam qui en ce moment donnent de belles fêtes à Marmont, savaient cette belle intention, ils épargneraient leurs fraix. On prétend qu'il a voulu y mettre cinq mille hommes en garnison. 22 Août 1804. Le corps législatif a été convoqué extraordinairement pour ratifier le traité d'indemnisation du Pr. d'Orange. Les mêcontents ou ceux qui désireraient un changement dans le Gouvt, semblent vouloir profiter de cette occasion pour remuer. Le greffier Dassevael, d'après ce que Sémonville luimême a dit à Bosscha, n'est pas étranger à ces tripotages. - Bosscha dans l'absence de Mr. v.d. Goes, instruit des difficultés que la ratification éprouverait, et des motifs secrets qui en seraient cause, a tenu conseil avec Sémonville. Celui-ci, qui de même que Caesar, a des raisons raisonnantes pour que le traité passe, a expédié un courier à Caesar, qui était au camp de Zeyst; il est revenu en toute hâte et de concert avec Sémonville, ils ont donné une note à Bosscha pour protester contre l'opposition que le Corps législatif formait à la ratification. Cette phrase étant trop forte et prématurée, puisque dans le fait, le Corps législatif n'a pas encore prononcé, Sémonville a pris sur lui de la rayer dans la note de Caesar. La pièce ainsi refaite, Bosscha l'a portée au Président du Gouvt d'Etat Queysen. Elle a été lue à leur assemblée, dont plusieurs membres soufflent probablement le feu; quoiqu'elle n'ait pas fait | |||||||||||||
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toute l'impression espérée, elle en a fait assez, pour que le Président ait été autorisé à la faire connaître au Président du Corps législatif, qui l'a communiquée au conseil des finances. On nommera probablement une commission du Gt d'Etat pour conférer avec une commission du Corps Législatif, et après quelques débats, il est apparent que l'affaire s'arrangera. L'argument du conseil des finances et du Corps Législatif est mauvais; ils se fondent sur ce que les domaines ayant été cédés et la rénonciation du Prince d'Orange formelle par le traité d'Amiens, il n'y a plus lieu de les racheter pour cinq millions; mais il ne s'agit point des Domaines, il s'agit des arrérages et des rentes viagères dues au Prince et à sa famille; et la nouvelle convention, repétant la rénonciation et l'abdication formelle du Pr. d'Orange, augmente la valeur des domaines acquis par la Républ. Batave. Peut-être dans le fonds le Corps législatif a raison. Mais comment disputer avec la France; et n'est-il pas indubitable que la Prusse qui ne nous a reconnu que sous la clause tacite ou expresse d'une indemnisation au Pr. d'Orange, retracterait cette reconnaissance et ses cessions de Huissen etc. Ainsi politiquement ce traité doit se ratifier. - Ce qu'il y a de curieux, c'est l'inquiétude intéressée de Sémonville et de CaesarGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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24 Août 1804. Grande nouvelle! L'amiral Verhuell vient d'arriver avec un message verbal de l'Empereur, qui va engager le Corps Législatif à rejetter le traité. Verhuell dans l'absence de Sémonville, auquel il avait ordre de s'adresser et dans celle de v.d. Goes, s'est adressé au Président du Gouv d'Etat (Queysen) pour lui dire que Bonaparte conseillait d'attendre après la paix, à prendre avec la maison de Nassau des arrangements pécuniaires: dans l'Etat de détresse actuel de nos finances ces deniers pouvaient être employés bien plus utilement pour la cause commune. Ce message que Verhuell a rapporté très diversement à plusieurs personnes à mis le feu aux poudres. S'il était vrai, comme Verhuell le disait, que l'empereur eût ignoré la transaction, le département des affaires étrangères était fortement compromis pour n'avoir pas été mieux informé, le chef de ce département ayant toujours pressé le traité, comme agréable à la France et approuvé par Bonaparte. Sémonville, Schimmelpenninck et Talleyrand avaient trahi leurs devoirs et joué leurs commettants. Là dessus assemblée extraordinaire du Gouvt d'Etat. Courses de Marivault et de Caesar chez Bosscha etc. Le Gouvt d'Etat prend enfin, sur le sage avis de Spoors, la résolution de demander à Verhuell une note par écrit contenant son message, ne varietur, la note se délivre et est un verbiage: Bosscha est chargé de composer une lettre simple et claire, qui exprime à l'empereur la surprise du Gouvt à l'ouië de la déclaration faite de la part de Sa Majesté sur une transaction dont lui-même dans le message de Verhuell reconnaît la justice. On lui montre que bien loin d'être grévante pour les finances de l'Etat, elle leur procure une | |||||||||||||
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ressource immédiate. Que pour f 500.000 qu'on donne au Prince d'Or. en argent, on négocie 3.000.000. sur ses domaines, sur lesquels sans le traité personne ne veut donner un sol, etc. Enfin que bien loin d'avoir pu prévoir qu'une convention sur laquelle on invoquait par un article exprès sa garantie n'eût pas son approbation, on avait cru répondre par elle à ses intentions; qu'on avait prié le Corps législatif de suspendre ses délibérations sur cet objet, jusqu'à ce qu'on eût été informé plus exactement du voeu de S.M. Mais que celui-ci, venait malgré ses instances de rejetter le traité. Bosscha et moi avons mis nos deux sages têtes ensemble pour composer l'épitre. Elle a obtenu la pleine approbation du Gouvt d'Etat. En attendant le Corps législatif, emporté par la passion, l'intrigue des vues secrettes, a rejetté à la prèsque unanimité le traité, avec les reflections les plus offensantes pour ses auteurs. De Lange van Wyngaarden a parlé comme un energumène et a opiné à envoyer à la fausse porte v.d. Goes. Hultman et van Hooff dans sa fougue a fini son discours en appellant Bonaparte un usurpateur. Bref les pères de la patrie se sont conduits comme des enfants. Sur ces entrefaites est venue une lettre de Bonaparte, priant que Schimmelpenninck se rendît immédiatement auprès de lui à Aix, afin d'y conférer avec lui et Sémonville. Un courier a été expédié à Schimmelpenninck qui au lieu de partir sur le champ, a prétexté de mauvaises excuses; un second courier lui a apporté l'ordre exprès de partir, il a feint d'être malade, et mon homme est resté. Il y a là dessous ou une indolence bien condamnable, ou d'autres motifs, qui ne lui font pas honneurGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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Sémonville a écrit qu'il a vu l'empereur, qui lui a fait très bon accueil. Il est probable que Marmont dans ses dernières courses auprès de Bonaparte a cherché à desservir le Gouvt d'Etat, et aura pris son thème d'un traité qui donne 5 millions au prince d'Orange etc. Verhuell aura été chargé d'une commission à ce sujet, qu'il aura amplifiée avec sa vivacité ordinaire. - Il faudra que la suite nous développe davantage tout cet incident. Luzac a mis dans sa gazette un article à ce sujet; l'article est très méchant et donne un faux exposé. Mr. v.d. Goes lui a écrit une lettre très sèche pour le faire retracter. Et le Gouvt d'Etat peu satisfait de la réponse vague du nouvelliste veut lui donner sur les doigtsGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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Ga naar voetnoot1) 10 Sept. Il est venu un courier de Sémonville qui conjure le Gouvt d'envoyer au plutôt Schimmel- | |||||||||||||
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penninck à Bonaparte, l'existence ce sont ses termes, l'existence politique de v.d. Goes et du Gouvt d'Etat en dépendent. | |||||||||||||
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Trois couriers de nos Revolutionnaires sont arrivés à l'Empereur coup sur coup; on a dépêché un nouvel | |||||||||||||
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exprès à Schimmelp. pour le solliciter de ne pas différer son départ. Il faudra voir!! | |||||||||||||
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Marmont paraît ne pas avoir pardonné à v.d. Goes le refus fait par ce dernier, de venir diner chez lui. Je crains les suites de tout ceci. | |||||||||||||
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24 Sept. 1805. Stackelberg, envoyé de Russie, a écrit un billet anonime, de Berlin, à Mr. v.d. Goes, pour lui faire savoir que l'intention de son maître | |||||||||||||
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est de ne pas inquiéter la République, pourvu qu'elle ne provoque point d'hostilités. V.d. Goes lui a fait répondre, par Nesselrode, qu'il ne pouvait pas lui écrire dans les circonstances actuelles, mais que la plus grande preuve de bonne volonté que sa Cour pût nous donner, était moins de chercher à nous rendre quelque service ostensible, qu'à ne pas faire attention à tout ce que nous pourrions être obligés de faire. Marmont en partant pour le Rhin, a en effet amené 9000 hommesGa naar voetnoot1) de nos meilleures troupes sans avoir seulement l'honnêteté d'en prévenir le Gouvernement batave. L'ouverture de la séance extraordinaire de L.H. Puissances a pensé être orageuse. Une dispute d'étiquette a occasionné beaucoup d'allées et de venues, | |||||||||||||
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auprès du Grand Pensionnaire. La chose a été plâtrée, mais L.H.P.P. qui voudraient bien être quelque chose, ne laissent pas que d'en avoir encore le coeur gros. Cette altercation a été cause, qu'au lieu de se rendre à midi à l'assemblée de L.H.P. Schimmelpenninck n'y a été qu'à deux heures passées. Brantsen a envoyé (samedi 21 Sept.) un courier avec une note de Talleyrand. Elle approuve que Marmont ait emmené nos troupes. Elle demande un état détaillé de nos moyens de défense, hommes, chevaux, artillerie etc., et elle presse le recrutement et la formation d'une garde Nationale!! Elle annonce l'arrivée de général Michoux (Michaud). Elle demande un concours énergique, et le rappel de nos ministres à Vienne et à Paris. Heureusement ces derniers sont ici en vacance, etc. On y a répondu par de belles protestations. Mais on ne s'en contentera pas à Paris, et je compte qu'il va nous arriver force conscrits que nous pourrons habiller, nourrir, armer et payer. Voici un nouveau trait de vilénie française. L'envoyé actuel est le Général Du Pont-Chaumont, qui paraît assez bon homme, mais qui néanmoins a prévenu vendredi dernier Mr. van der Goes, qu'avant de quitter Paris, il avait rappelé à Bonaparte, qu'il était un des généraux français le plus pauvre; sur quoi l'Empereur lui aurait répondu que c'était pour cela qu'il l'envoyait dans une mission lucrative. Que non content de cette réponse vague Du Pont-Chaumont avait entretenu Talleyrand de ses appointements, qui lui avait dit, que l'usage était que la Batavie payât les ministres de France. Du Pont prétend du moins que c'est-là ce qu'il a dit, mais qu'après avoir attendu longtemps et voyant qu'ici on ne parlait pas de le payer, il réclamait f 3000. - par mois, que Sémonville avait eu du Gouvt batave. | |||||||||||||
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On peut penser combien cette conversation a plû à van der Goes. Il a répondu à l'Envoyé que jamais la République n'avait payé les Ministres de France, et que les f 36000. - de Sémonville étaient en dédommagement des fraix énormes que son entrée avait coûté à l'Ambassadeur etc., mais qu'il en parlerait au grand Pensionnaire. Il l'a fait et Schimmelp. n'en a pas moins été indigné que lui; il a été résolu, qu'il l'entretiendrait sur ce sujet, et chercherait à le désabuser tout en lui offrant, supposé qu'il eût besoin d'argent, de lui en fournir à titres de prêt, de la caisse secrette! 26 Sept. 1805. Si les Anglais ne tentent pas quelque coup sur la Zélande, ils sont bien bons. Dans toute la République il n'y a pas 4000 hommes de troupes Bataves disponibles; et en Zélande il n'y a que 1200 français, dont 2 ou 300 sont dans les hopitaux, et nous payons 16000 hommes! Nous avons huit généraux Français à payer! Michaud Gt Français, qui a succédé à Marmont envoye courier sur courier à Paris, pour avoir des troupesGa naar voetnoot1). | |||||||||||||
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3 Mars 1806. Les évènemens de la dernière campagne ont été si prompts, si multipliés, si décisifs, que je n'ai pas eu le loisir d'en tenir notice. Nos troupes n'ont eu à souffrir que de l'extrême fatigue Une fois passé Cologne la désertion a été prèsque nulle, et par les soins du commissaire Regnaud, elles ont été pourvues de solde, d'habits et mêm d'armes. L'approche d'une armée Prussienne vers nos frontières avait causé de vives allarmes, quoique le marquis Luchesini eût assuré Brantzen à Paris, que son maître n'avait aucune intention hostile. Notre ministre à Berlin, van Dedem, qui prétendait avoir d'excellentes informations écrivait de longues dépêches d'écolier, qui se contredisaient d'un courier à l'autre, et qui toutes n'étaient qu'un ennuyeux bavardage qui n'apprenait rien d'essentiel. Il demandait sans cesse qu'on l'informât des moindres particularités, qui se passaient sur nos frontières, comme si ce n'était pas à lui, supposé qu'il fût si lié avec des gens instruits, ou avec la Forest, ministre de France, à nous rassurer ou à nous avertir! Il voulait que l'on travaillât à s'assurer de la neutralité de la Prusse, comme si le Gouvt batave eût pû le faire à l'insçu ou du gré de la France! Il nous envoyait un plan détaillé de la campagne, qu'apparemment le Conseil secret lui avait confié!! | |||||||||||||
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Il transmettait des conversations secrettes et intimes entre Mollendorf et le Roi etc. D'un autre côté les Orangistes, prèsque déjà sûrs de voir les Prussiens, arrangeaient entr'eux un plan de gouvernement et nommaient les employés dans une correspondance qui se passait à leur insçu par les mains de Schimmelpenninck. On interceptait et l'on déchiffrait leurs lettres etc. et tout montrait les vengeances qu'ils se proposaient d'exercer. La Gueldre mécontente du nouveau plan d'imposition, de même que le Brabant, faisait sous mains des tentatives auprès de Louis Bonaparte, pour devenir Département français. Verhuell plein de feu et le seul peut-être qui secondât de bonne foi les Français, proposait des mesures énergiques, que la faiblesse et l'apathie du gouvernement, jointe à l'épuisement des finances, ne faisait qu'adopter en partie. Fidèle à son système politique, celui d'attendre tout de l'évènement, Schimmelpenninck se trouvait dans une conjoncture très cmbarassante, et je crois que la faveur de Verhuell le gênait furieusement. Tout se réduisit à adopter, comme de coutume, des demi-mesures, qui par leurs délais et leur imperfection ne satisfaisaient point le Gouvernement français et ne servaient qu'à faire jetter inutilement l'argent. Verhuell insistait avec la France sur l'organisation d'une garde nationale; on se borna à éluder le projet, assurément inexécutable dans les dispositions actuelles des esprits, et l'on rétablit de la manière la plus inutile nos anciennes Bourgeoisies. On mit la ligne du Grebbe en état de défense, on approvisionna tant bien que mal les places frontières, et surtout la peur fit envoyer plus d'un courier à Paris pour solliciter des secours de troupes, que les Français se firent un mérite d'envoyer, solder et habiller chez nous; comme si d'eux | |||||||||||||
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mêmes ils n'auraient pas en soin de défendre le pays, pour peu qu'ils en eussent les moyens; et comme si, dans le cas contraire, toutes les sollicitations et tous les couriers n'auraient pas été en pure perte. Il faut dire à l'honneur de Mr. v.d. Goes et même de Schimmelpenninck, que seuls ils ne partageaient point les appréhensions vraies ou exagérées des autres, et que le dernier ne se prêta jamais qu'à regret aux mesures de défense. Mais un parti de mécontents et de brouillons, à la tête des quels il faut placer Hogendorp, revenu de Petersbourg, où il avait singulièrement déplu, forçait la main au Pensionnaire, et de peur de devenir suspect, il condescendait à de minuscules et inutiles précautions. Mr. v.d. Goes était singulièrement l'objet des clabauderies. Ses liaisons peut-être un peu trop marquées avec des Orangistes incorrigibles, étaient emprisonnées(?) auprès du ministre de France par les mille et un envieux de sa place. Une conduite uniforme et la futilité des calomnies déjouèrent toutes ces calomnies, et du Pont-Chaumont, instruit par W. Six sur le caractère de l'abboyeur de la troupe, Hogendorp, revint à des idées plus justes à son sujet, et bientôt l'apprécia comme il le devait. Un polisson, Nesselrode, attaché à la légation Russe, faufilé dans la cotterie orangiste, echo par inclination et par système de toutes les sottises qu'il y entendait, et l'inconcevable opiniâtreté de Löwenhelm, envoyé de Suède, à reparaître à la Haye et chez v.d. Goes, firent d'abord beaucoup de tort à mon respectable ami; mais bientôt encore une fois, ces petits nuages disparurent, et il eut une preuve assez singulière et assez forte des sentiments du Gouvt français à son égard. Mme Talleyrand lui écrivit un jour à brûle pourpoint, lui demandant des signons de fleur, et insi- | |||||||||||||
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nuant très adroitement qu'elle désirait de le revoir à Paris. Bref annonça clairement le dessein de nouer correspondance. v.d. Goes répondit très galamment et très finement. On répliqua; mais comme il était trop homme d'honneur pour se prêter à une perfidie, et qu'il mêlait adroitement dans ses réponses un éloge de Schimmelpenninck, que peut-être on aurait préféré de n'y point voir, la correspondance en est resté là, pour le présent. Le mot de l'énigme est des plus délicats et des plus importants. Voici ce que je puis dire: Brantsen et d'autres indices font appréhender un grand projet de la part de Bonaparte. Des indices, qui passent le simple soupçon, donnent lieu de croire, qu'il est question de réunir à la Rép. batave une Républ. ou un royaume, on tout ce qu'on voudra, qui sera gouverné par le Prince Louis Bonaparte. J'avoue que je n'y croirais point, si Brantsen, v.d. Goes, et Schimmelpenninck n'y croyaient pas aussi fermement. On est mécontent à Paris du Gouvt batave, et en vérité on a bien raison; car c'est la machine la plus compliquée, la plus entravée, le Gouvt le plus commerce qu'il soit possible de concevoir. On a insinué assez clairement, qu'on ne verrait pas avec plaisir le pouvoir changer de sexe (mme Schimmelpenninck dont le crédit augmente en mesure de la cécité de son mari) en un mot nous sommes à la vcille de grands évènements. Appliquez à présent la correspondance de mme Talleyrand, et peut-être sera-t-il évident qu'on aurait bien voulu employer v.d. Goes dans la grande affaire. Les conférences secrettes à la maison du Bois ont été du plus grand intérêt entre le grand Pensionnaire, v.d. Goes, van Stralen, Verhuell, Gogel | |||||||||||||
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et Hultman. Elles se sont tenues sous serment de ne rien révéler. V. de Goes a été extrêmement fidèle à cet engagement même vis-à-vis de Bosscha et de moi. D'autres l'ont été moins et le secret a plus ou moins percé. Verhuell est à Paris, pour découvrir ce qui se trame et obtenir des explications. Il a été chargé d'une instruction, que v.d. Goes dit être un chef d'oeuvre. Elle est en français: qui peut l'avoir composée; van der Goes croit que ce pourrait bien être le Prof. Rau à Leyde. L'instruction motive consiste en deux points: 1o S'informer des intentions de Bonaparte au sujet de la République, et 2o En aucun cas ne consentir ni à la réunion avec la France, ni à i'acceptation d'aucun prince français. Schimmelpenninck était convenu avec Verhuell d'un signe à ajouter à ses lettres, pour l'instruire, si c'était le Prince de Bade, ou le Prince Louis, ou Murat, qu'on voulait nous donner. Cette circonstance toute légère qu'elle est, montre décidément que Schimmelp. n'était pas dans le secret et que le Gouvernement français n'avait pas plus de confiance en lui que dans le Gouvt auquel le grand Pensionnaire succède. Verhuell est parti avec le Prof. Brugmans, qui durant le court voyage de Louis Bonap. en Hollande, lui a fait assiduement la Cour. Ces Messieurs ont gardé pendant longtemps un silence profond; mais Brantsen, qui était parfaitement informé, y suppléait; et sa correspondance avec van der Goes montrait que le Gouvt Français ne voulaît pas confier ses plans à Schimmelp. parce que le secret était mal gardé par le grand Pensionnaire. C'étaient les expressions de l'ambassadeur. Ses nouvelles étaient qu'on nous proposerait l'alternative ou de nous réunir à la France, ou de nous donner pour chef le Prince Louis frère de l'empereur; que | |||||||||||||
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le premier parti, qui probablement n'était proposé que pour nous décider à embrasser le second, amènerait infailliblement la ruine totale du pays; les lois françaises, la conscription, le tiers consolidé etc etc., qu'ainsi à proprement parler, il n'y avait pas de choix. Il confiait à v.d. Goes, que le règne du Gr. Pensionnaire était fini et que la volonté de Bonaparte était irrévocablement fixé à l'égard du Prince Louis. Toutes ces nouvelles furent confirmées par le secrétaire Zuylen van Nyevelt, que Brantsen expédia, ensuite par Brugmans et enfin par Verhuell lui même à son retour. Dans une conférence, tenue avec v.d. Goes et les autres ministres, l'amiral communiqua le résultat de ses entretiens avec l'Empereur et s'acquitta de son rapport avec dignité et précision. Schimmelpenninck fut extrêmement boutonné et rassembla le lendemain (22 on le 23 Mars) son conseil et ses ministres, et les fit convoquer non en corps, mais individuellement pour que chacun opinât en son particulier. La séance fut orageuse, tous les membres, à l'exception de Gogel et de Goldberg, furent d'avis qu'il fallait se soumettre aux circonstances: v.d. Goes en particulier insista conformément, à l'avis de Brantsen, sur la sagesse de s'y soumettre de bonne grâce, et puisque toute représentation à l'Empereur serait décidément inutile et ne servirait qu'à l'aigrir, n'en point faire; accepter le Prince Louis pour chef suprême, et tirer le seul parti qu'on put encore tirer du moment, celui de stipuler des conditions les plus avantageuses possibles. Conditions que Bonaparte paraissait disposé à accorder: conservation de nos lois, contumes, religion, administration intérieure etc. Gogel opina en énergumène, parla de Tarquin et de Brutus, et Goldberg lut un mémoire qu'il avait composé à loisir, dans lequel il opina dans le sens | |||||||||||||
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de Gogel et attaqua d'une façon indirecte, mais très claire le Departement des affaires étrangères. Entr'autres accusations il avança que c'était à l'impudente idée d'avoir cherché à obtenir pour la Rép. la neutralité durant la guerre actuelle avec l'Angleterre, qu'il fallait attribuer en grande partie la colère et la défiance de Bonaparte. Schimmelpenninck se borna à quelques courtes phrases, et réserva à témoigner quelques jours plus tard, combien ce ridicule mémoire lui avait inspiré les mêmes mouvements de mépris et de ressentiment, qu'au reste de l'assemblée Verhuell releva sans aigreur, mais avec noblesse, l'idée odieuse de trouver parmi nous des assassins. v.d. Goes rappella plus loin que la neutralité eût pu provoquer l'empereur; lui-même avait dit à nos députés à Bruxelles, qu'il aurait été très disposé à nous l'accorder, comme il l'avait fait à l'Espagne, pour aussi longtemps que la chose serait possible; mais que l'Angleterre en saisissant nos vaisseaux l'avait rompu la première. Et que nos ambassadeurs à Paris, n'avaient eu à cette égard qu'une instruction conditionelle, dont ils n'avaient pas même fait usage. On convint de convoquer extraordinairement leurs HH. PP. pour le 1 Avril, de leur communiquer l'affaire et de se décider en conséquence; c'est-à-dire, de chercher comment à jouer la comédie au moins avec quelque décence.
24 Mars 1806, Lundi. Aujourd'hui M.v.d. Goes m'a fait prier de passer chez lui. Il avait reçu par Verhuell une lettre de Madm Talleyrand à laquelle il venait de faire une réponse sur laquelle il voulait bien me faire l'honneur de me consulter. Mme Talleyrand disait en six ligues, qu'elle profitait de l'occasion de l'amiral pour lui | |||||||||||||
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envoyer les compliments de Talleyrand et les siens, et lui donnant à connaître par une phrase en apparence très indifférente, que l'amitié de ce ministre ne lui avait pas été inutile; en bon français qu'on avait voulu le perdre, mais que l'attaque avait échoué. Van der Goes dans sa réponse après l'avoir remerciée et s'être recommandé à la continuation des sentimens, dont il venait de recevoir une preuve déclarait rondement que son opinion, était d'accepter Louis pour Roi et de ne faire aucune autre condition que celle de conserver, les loix, les moeurs et la religion établie. Que ce n'était pas là l'avis de quelques têtes chaudes et de quelques intriguans, mais celle des plus sages et bien intentionnés, etc. etc. Cette lettre était écrite avec simplicité et franchise, et j'espère qu'elle produira un bon effet. La lettre de Mme Talleyrand est de bon augure. Pour peu que l'on eût de l'humeur contre van der Goes; Talleyrand n'était pas homme à lui faire écrire, sans nécessité, des choses flatteuses; et de faire gratuitement une avance, que le moment rend précieuxGa naar voetnoot1). Schimmelpenninck n'a-t-il pas prévu le projet de Bonaparte de donner un chef français à la République? Je crois qu'on peut dire oui et non. Il est clair que lors du séjour de nos ambassadeurs à Paris, pour le couronnement de l'Empereur, Bonaparte s'expliqua | |||||||||||||
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assez clairement et provoqua de la part de Brantsen et de Mr. v.d. Goes quelques propositions à cet égard. Il leur rappella la conversation qu'il avait eue avec eux à Bruxelles, et dit assez grossièrement à van der Goes. Et bien vous Mr. v.d. Goes vous m'avez dit que vous n'aimeriez pas à être gouverné par votre égal, qui voulez-vous? Voulez-vous Schimmelpenninck; voulez-vous le prince de Weilbourg, voulezvous pour une couple d'année le prince d'Orange? Je m'en f....! Van der Goes répondit très sagement en réprimant ses mouvements intérieurs. Sire! le seul gouvernement que ‘je veuille avoir, pour le bien de mon pays, c'est celui qui aura la confiance de votre Majesté.’ Durant tout le temps du séjour de nos ambassadeurs Schimmelpenninck fut mal à son aise, il se défiait d'eux, il les écartait, il ne leur faisait aucun accueil public. Lors de leur première audience, il dit à l'Empereur, Sire! voilà les Députés (et non les ambassadeurs) de la Rép. Bat., ce qui n'échappa point, mais au contraire piqua Brantsen. Il leur soupçonnait l'intention de s'opposer à ses vues. Ce prince de Waldek, qu'on n'avait mis en avant selon toute apparence que pour sonder le terrain, lui faisait sérieusement ombrage. J'ignore ce qu'il fit accroire sous main, mais Bonaparte dit à nos ambassadeurs à leur audience de congé: ‘vousvoulez Schimmelpenninck, eh bien! vous l'aurez!’ qui lui avait dit qu'on le voulait? Cela donne assez à penser. Du reste j'ose assurer d'après des preuves multipliées et certaines, que jamais Schimmelpenninck n'a eu le confiance de l'empereur. Talleyrand avoua lui même à v.d. Goes, que Bonaparte était mal à son aise avec lui. La seule condition que le Gr. Pensionnaire put obtenir en acceptant sa place, fût le | |||||||||||||
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départ on du moins la cessation des payements des troupes françaises, et l'empereur ne daigna pas moins faire quelques excuses, de ce qu'il ne ratifiait point cette convention unique, et qu'au contraire il la viola de la façon la plus humiliante pour Schimmelpenninck. Il est donc clair que Schimmelpenninck n'était destiné qu'à faire la planche pour un Prince français; un Doge de six mois, comme le disait hautement un ministre français, mais que le gr. Pensionnaire se flatta que les circonstances de l'Europe feraient échouer le plan; et s'il eut connaissance de la coalition, que celle-ci réussirait assez pour le conserver. A présent les circonstances de l'Europe ont au contraire écarté tous les obstacles, et Bonaparte n'a plus besoin de garder aucun ménagement. La famille du Gr. Pensionnaire jette les hauts cris, accuse la France de mauvaise foi, etc. etc., elle ferait mieux de se taire, et pour l'honneur même de Schimmelpenninck ne pas trompetter si indiscrètement, qu'il n'a été qu'une dupe de plus. Avant la chute de Schimmelpenninck van Stralen m'avait confié sous le sceau du plus intime secret, une affaire en effet très délicate. Il paraît que Schimmelpenninck avait quelque velléïté de faire à l'égal de Bonaparte un concordat avec les catholiques Romains de la Hollande. Van Stralen me remit un mémoire et un plan, qu'un Prêtre de Harlem, nommé Schouten, lui avait fourni, et dont j'ai découvert que le fameux ex-ambassadeur Valckenaar était l'auteur. Van Stralen me pria de confronter le projet avec le concordat français, et de faire un rapport sur cet objet. Le mémoire était sagement écrit; mais en comparant le plan avec le concordat, je fus frappé de voir, qu'il était précisément le contrepied de celui-ci. Le but du concordat français était de diminuer, ou disons mieux d'anéantir, l'influence papale sur le | |||||||||||||
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Clergé français, et de laisser le Gouvernement maître absolu et juge suprême du moins par rapport au temporel et au contentieux. Le plan du concordat batave au contraire était d'isoler en quelque sorte l'Eglise Romaine et la rendre indépendante du Gouvernement. Je le fis toucher au doigt à van Stralen en lui montrant les deux plans, mis en regard. Van Stralen en fut frappé comme moi, et m'annonça que son dessein était de demander une conférence sur cet objet à Schimmelpenninck. En attendant il me confia que le Grand Pensionaire en avait écrit au Cardinal Caprara; premier pas de clerc: car à moins de lui supposer la petite vanité de s'attirer un beau compliment de la part du Cardinal et de sa Sainteté, ce n'était pas avec le Pape, qu'il fallait traiter. A mon avis il ne fallait jamais perdre de vue, que le concordat bat. devait toujours être accordé comme une faveur, qu'un Gouvernement libéral voulait bien faire, à une Communion nombreuse de la République, mais non en faire une négociation avec le Pape. En cas de dispute sur l'interprétation de quelque article, qui aurait été l'arbitre? Au lieu qu'en n'en faisant qu'une pure et simple concession, sans y mêler le Pape, avec qui au fond le Gouvt. batave ne pouvait et n'avait aucun intérêt de négocier, le Gouvernement restait toujours maître d'interprêter, d'augmenter ou de modifier la loi, suivant les circonstances. La fameuse conférence eut lieu, après un diner très ennuyeux à la maison du Bois. Schimmelpenninck nous fit passer, van Stralen et moi, dans son cabinet. Là il proposa avec beaucoup d'éloquence ces trois points. 1o Est-il expédient dans les circonstances actuelles d'accorder aux Catholiques bataves certaines faveurs? | |||||||||||||
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2o. En ce cas-là, quelles seraient-elles, et adopterait-on par ex. leur plan? Enfin 3o. supposé qu'on se décidât à l'adopter, comment l'introduire? On convint unanimément que les circonstances exigeaient de faire quelque chose en faveur des Catholiques. En second lieu, que le plan tel que je l'avais modifié, pourrait être embrassé. Mais que le 3e point, comme van Stralen et moi l'avions bien prévu, fut la pierre d'achoppement. Il était impossible d'accorder quelques avantages aux Catholiques, et de ne rien faire pour les Protestants. L'équité et la saine politique, l'exigeaient de concert. Mais c'est à quoi je vis bientôt que Schimmelpenninck ne se résoudrait jamais. Il pouvait y avoir une espèce de gloire d'afficher la tolérance et des principes libéraux envers les catholiques; mais relever, ou s'occuper même de l'église réformée, lui qui avait proclamé autrefois à la Convention tout au moins son indifférence pour elle, braver les sarcasmes des Dissenters et des Philosophes, reconnaître non une église Dominante, mais une église nationale! voilà à quoi le Grand Pensionnaire ne pouvait se résoudre, et comme à moins de ce dernier point, il n'y avait pas moyen de penser seulement à rien faire pour les Catholiques. On parla longtemps et on finit par se séparer sans rien conclure: et la montagne en travail enfante la souris. Schimmelpenninck aurait cependant rendu un service essentiel à son pays, s'il avait voulu sérieusement s'occuper de cette affaire, et si elle avait pû être terminée avant l'arrivée d'un Roi catholique.
6 Juin 1807. J'ai eu une conversation avec van | |||||||||||||
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Wijn l'archiviste. Les Catholiques romains sont à la recherche de tous les biens qui ont appartenu à la Chapelle; ils prétendent, et non sans raison, avoir des réclamations à faire de ce chef sur le chapitre de Sainte Marie d'Utrecht!! Mr. de Bentinck Rhoon a demandé qu'on lui cedât jusqu'à la paix générale, St. Eustache, St. Martin et Saba. Il donnerait trois millions, et cela épargnerait à l'état f 80.000. - par an. Pour caution il donnerait Varik, et Kniphausen. Il demande encore qu'on lui cède Jever, par admodiation. Mr. van der Heym, ministre des Colonies est fort porté à accepter la proposition. Le Roi ne veut pas des 3 millions, mais pencherait pour la chose, à condition qu'immédiatement à la paix les îles reviendraient à la Hollande. Je crois que deux motifs engagent les Anglais à faire faire cette proposition par Rhoon: les intérêts de commerce et le désir d'ôter aux corsaires français des stations, très préjudiciables à leur navigation. Mr. v.d. Goes est contre la proposition. Peut-être que depuis que la traite des nègres est abolie par le parlement, St. Eustache pourrait procurer aux Colons Anglais le moyen d'éluder la défense en achetant les noirs de la seconde mains. Bonaparte verra-t-il avec plaisir une transaction évidemment anglomane? Là surtout où la moitié de St. Martin appartient à la France, n'ôterait-on pas aux escadres françaises des ports d'approvisionnement et de retraite? Connaît-on ses plans par rapport aux Indes? Et quant à Mr. de Rhoon, qui s'assure que Murat ou le Prince Jérôme, ou nous, ne seront pas mis en possession de Varel, Kniphausen et de Ostfrise. A-t-on respecté les propriétés du comte de Bentheim? Murat respecte-t-il les traités, formellement ratifiés par la France, et qui nous as- | |||||||||||||
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surent Hussen et Sevenaar? Jever appartient à la Russie, nous ne sommes pas proprement en guerre avec elle. Pouvons-nous donc transiger au sujet de cette île, qui ne nous appartient pas. Et quant à la neutralité de Kniphausen, Varel etc. reconnue par l'Angleterre, le Général Brune respecterait-il nos arrangemens; et ne suffirait-il pas que le Roi en retirât ses troupes, pour y voir arriver des Français? etc. etc.
Met den val van den Raadpensionaris Schimmelpenninck eindigt dit deel der gedenkschriften. De aanteekeningen en brieven, aan den tekst toegevoegd, zijn van de hand van Mr. D.H. Delprat, kleinzoon van den auteur, wien wij de mededeeling van het werk zijns grootvaders danken.
1891. December. De Redactie. |
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