Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genootschap. Deel 5
(1882)– [tijdschrift] Bijdragen en Mededeelingen van het Historisch Genootschap– Auteursrechtvrij
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Staatkundige berichten uit Frankrijk,
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Paris le 27 de Janvier 1650.Le Marquis d'OrmondGa naar voetnoot1) est passé d'Irlande en Normandie et est arrivé à Caen où il a trouvé sa femme laquelle avoit desia vendu une riche table d'argent aux orfèvres de là. | |
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Nous n'avons pas seuls esté affligez du deluge d'eaux, mais aussy les villes qui sont sur la rivière de Loire, laquelle s'est aussy debordée et a rompu le pont d'Orléans et submergé une parthie du Fauxbourg St. Pierre de Corps de Tours, rompu ses levées, fait de grands desordres a Saumur et à beaucoup d'autres lieux. La rivierre nommée la Sarte, qui passe par Alanson s'est aussy debordée en mesme temps, et a fait de grands desordres par où elle a passé et particulierement audit Alanson. On nous dit aussy que le Rosne et la Saune ont fait le semblable. Dieu nous regarde en pitié, s'il luy plaist, et nous garentisse de maux dont les ellements sont les avantcoureurs, desquels nous sommes menacés. Le Duc de la Force a esté à BergeracGa naar voetnoot1) pour prier le Marquis de St. Luc, Lt Provincial pour le Roy de Guienne, qui estoit pour lors audt Bergerac, d'en vouloir oster la garnison, qu'il y avoit mise. A quoy ledit Sr de St. Luc dit qu'il n'avoit rien fait que par ordre de la Cour, et que lors qu'on luy mandera de les oster, qu'il n'y manquera pas. L'on mande de BlayeGa naar voetnoot2) que le Duc de St. Simon a fait commandement à tous les habitants de faire provision pour six mois de vivres et de toutes autres munitions, de crainte qu'il a d'estre assiegé par l'armée navalle d'Espe qui est a St. Sebastien toutte preste à se mettre en mer. Les vaisseaux, que ce Duc avoit fait mettre à fond du costé de Medoc devant ledt Blaye, ont esté entresnés par la mer, et ainsi le passage est libre pour les vaisseaux qui voudront aller à Bourdeaux. | |
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Le Duc de VendosmeGa naar voetnoot1) arriva en cette ville dimanche au soir de son Gouvernement de Bourgougne par ordre de la Cour, et on n'en sçait point encore la cause. Messrs du Parlement allerent le 20e du courant par deputez au Palais Cardal, où estans, le premier PrésidentGa naar voetnoot2) remonstra à leur Majestés la necessité qu'il y avoit de mettre les PrincesGa naar voetnoot3) en liberté, lesquels avoient esté mis prisonniers sans suject, ou du moins que la chose ne meritoit pas d'en estre parlé, et que cela ne provenoit que par la politique du Conseil de Cabinet et estranger, et que les gemissemens des peuples de la France, et mesmes des estrangers, feront retentir les pierres dans les prisons, où ils sont detenuz, de l'inhumanité dont on use en leurs endroicts, et que mesme on ne veut point qu'on leur face justice, ce qu'on ne desnie pas aux plus petits du Royaume, ce qui est cause que toutes les Provinces de ce Royaume sont en terme d'une revolte générale, s'ils ne sont promptement mis en liberté. Et s'addressant a la Reyne, luy dit, ‘Madame prenez garde que tous ces maux, dont nous sommes menacés, ne rejaillissent sur vous’, et plusieurs autres telles parolles, ce qui fit dire à la Reyne que cette harangue estoit bien temeraire et insolente, et qu'elle avoit eu envie de l'interrompre par deux ou trois fois. Le lundy ensuivant le Parlement s'assembla, où fut fait rapport de tout ce que dessus à l'assemblée, qui conclud qu'on s'assembleroit le 27; et ledit jour estans assemblez la Reyne leur envoya une lettre de petit cachet par laquelle sa Majesté les supplioit de vouloir differer jusques au 30e du courant, auquel jour elle ne manquera de leur | |
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faire entendre sa volonté sur le suject des Princes, ce qui fust aussy arresté. Le Duc de Beaufort donna le bal 24 du courant et comme on estoit au milieu du bal le Duc de Vendosme y survint, qui luy donna advis qu'on le vouloit assassiner au milieu dudit bal. Madamelle de Chevreuse a failly cette semaine à estre poignardée en s'en allant du palaix Cardal en sa maison. Il a esté fait commandement à madame de Montbazon de se retirer de la Cour. Le Duc d'Orleans a declaré ces jours passés à la Reyne qu'il ne s'opposeroit plus à la liberté des Princes, et qu'au commencement de leur arrest on luy avoit fait croire qu'il estoit fort necessaire qu'il consentist a leur detention, sans laquelle l'Estat ne pourroit subsister, mais qu'à present il voit tout le contraire. Il se dit qu'il est arrivé icy plus de 2000 hōes qu'on dit estre logés aux environs du Louvre, qui se qualifient les resolus, on ne sçait pas quel est leur dessein, le temps nous l'apprendra. | |
De Bourdeaux le 25 d'Aoust.Mr du Couldray Monpensier est entré ce jourdhuy dans nostre ville où en entrant tout le monde crioit: ‘vive le Roy et les Princes’ et luy firent crier le mesme, et sont resolus de manger femmes et enfans plustost que de se desunir de la liberté des Princes. Ils attendent l'armée navalle de St. Sebastien, laquelle doit entrer en rivière, et pour certain tout l'equipage de Monstricq se rendra, la corde au col. Hier la bourgeosie assemblée resolut de donner 150/m ℔ à madame la Princesse, et de donner aussy à messrs de la Force et à beaucoup d'autres, ce qui leur sera necessaire. Monstricq a trois vaisseaux et six galiottes de consequence. | |
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Nous sommes les plus forts, mais on a resolu de ne rien risquer pour deux raisons, l'une qu'on ne fait point d'acte d'hostilité sur la rivière, parce qu'ilz craignent noz vaisseaux, et le second que le Roy est tousiours a Libourne et sans argent. Depuis ce billet escrit, le Parlemt a resolu, toutes choses cessantes, de faire ce jourduy leurs monstrances, et donner arrest contre le Cardal Mazarin, affin d'estre envoyez demain à celuy de Paris pour en veoir une fin. Et quant à mr du Coudray on luy dit qu'on estoit obligé à mr le Duc d'Orleans des favorables pensées qu'il avoit pour eux, S.A.R. entendant qu'ilz eussent 10 jours de trefue et qu'au prealable on fist desboucher tous les passages avant que de faire aucune proposition ny responce, qu'il entendoit que les dix jours ne commenceroyent que du jour que le Roy leur avoit accordez. Surquoy ledit Sr du Couldray respondit qu'il croyoit la chose raisonnable, qu'il alloit en Cour pour la faire resouldre et que dans demain il en viendroit rendre responce. Tout le peuple de Bourdeaux et tous les autres sont bien disposés et de telle sorte que ledit Sr du Couldray ayant dit qu'on avoit resolu à la Cour qu'il n'y avoit aucun qui ne mourût avec joye pour deffendre une si juste cause que celle de la liberté de messrs les Princes. Il y a lettres de la Cour du 26 qui donnent advis que l'armée du Roy est à Cusac de St. Milion, et le Roy partoit pour aller à Bourg ou à Coutras, et que la maladie est forte dans l'armée; il n'y a que 4 compes du regiment de gardes proche de S. Maté, sçavoir est: la colonnelle, la maistre de camp, Delamozan et Depoutel, desquelles on a tiré 8 hommes de chacune pour mettre en l'armée, contre Bordeaux. Les troupes de terre sont allées pour attacquer la Bastide et y ont esté salluées de 60 volées de canon, et ceux de dedans sont sortis sur eux, et les ont contraints de | |
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se retirer et de tout abandonner ayec grand perte, ayans levé le siège honteusement; ladite lettre porte qu'on ne croit pas que ce soient des hommes, mais bien des diables enragés, et que la presence du Roy ne les estonne point, ains les anime d'avantage a se bien deffendre, ce qui obligera la Cour de se retirer. Le Parlement s'estant assemblé ce jourdhuy, 2 du courant, sur l'ouverture des lettres que celuy de Bourdeaux leur avoit escrites. L'assemblée fut remise à demain troisiesme du courant. On dit que les ennemis veulent assieger Soissons, le Maral d'Estrée qui en est Gouverneur est party d'icy en poste pour y aller. | |
Paris le 2 de Septembre 1650.Le Duc d'Orleans sortit mardy dernier apres midy accompagné de 300 chevaux et alla à St. Denis pour donner ordre à le faire fortifier, et y a pour le present 2000 paysans qui y travaillent. Le Duc d'Orleans envoya lundy dernier sur les 2 heures du matin un exempt chez le Sr de la Baziniere, Tresorier de l'espargne, enprunter son carosse pour porter les Princes lors qu'on les enleveroit du bois de Vincennes. Le Sr Letellier, Secretaire d'Estat, porta l'ordre au Sr de Bar pour les faire sortir, et sortirent sur les 9 heures du matin quoyque ledit Sr de Bar s'y oposast, desirant avoir ordre de la Cour; mais il fut contrainct de le faire, ayant esté menacé par S.A.R. de le faire pendre, ce qui le fascha de telle sorte qu'il en est malade. Ils ont esté menez à Marcousy où ils sont encore pour le present, et le Marquis de la Boulais est avec ledit de Bard pour les garder. Le Prince de Condé montant en carosse dit qu'il ne sçavoit où ils alloient, mais qu'il sçavoit bien que Dieu | |
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estoit avec eux et qu'il estoit leur protecteur, et lors qu'il fut arrivé à Marcousy, il dit en descendant de carosse avec messrs ses frere et beaufrere: ‘courage, courage, on ne nous fait pas faire une si longue traicte, comme je croyois pour ce jourdhuy’ et estoit fort gay. Il y a deux partis à la cour, le premier est celuy des Mazarins, dont la duchesse de Chevreuse, le coadiuteur de ParisGa naar voetnoot1), le Marquis de Noirmontier et le Baron de Laigue en sont, et de celuy des Petits Frondeurs est le Duc de Beaufort, la duchesse de Monbason et autres. | |
De Bourg le 8 de Septembre.Le 5me du courant le Cardinal Mazarin, accompagné du Maral de la Meilleraye, furent attacquer à 4 heures du matin les barricades du Fauxbourg St. Sevrin où ils furent attacqués par 3 endroicts et le devoit estre par 4, mais celuy que commandoit le Cardinal ne fut point attacqué. Il avoit pour Lieutenant le Baron de Paluau; l'attacque dura depuis 4 heures jusques à 8, et apres un rude combat les Bourgeois les abandonnerent et se retirerent dans la ville. Ce que ayant esté rapporté à la Reyne, de joye qu'elle eut, elle commanda qu'on fit defoncer huict pieces de vin, et en mesme temps que cela se faisoit, arriva un gentilhomme de la part du Duc de Bouillon pour supplier la Maté de donner treve de 4 heures pour retirer les morts, et les faire enterrer de part et d'autre. Ce qu'entendant la Reyne, dit, qu'elle n'en vouloit point ouir parler, et qu'il pouvoit asseurer le Duc de Bouillon, son maistre, qu'avant 4 jours elle le feroit pendre au milieu de la grande place de la ville. Ce qu'estant rapporté a ce Duc en presence de quantité de noblesse, et de bourgeois de la ville, auroit aussy tost donné ses or- | |
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dres à 2000 fantassins de la milice, à 1500 tant païsans que bourgeois, à toute la cavallerie et à 3 ou 400 gentilshommes de se tenir prests à l'heure qu'il leur donneroit, et sur la minuict du sixme firent leur sortie et allerent attaquer les troupes Mazarines par 4 endroicts, d'un tel courage, tous en un mesme temps qu'il y en demeura 500, tant françois que suisses, tuez, le reste mis en deroute et en fuite, où le Baron de Paluau y fut tué et plusieurs autres officiers, et de blessez à nombre de 40 ou 50. Le Marquis de St. Megrain y a esté blessé à mort. Le Cardinal fut le premier à faire Jacques DeslogesGa naar voetnoot1), et a esté fait quantité de prisonniers, entre lesquels est le nommé Guitault, Capne de gardes de la Reyne, celuy qui a arresté monsr le Prince. Le premier escuyer du Cardinal, un de ses carosses pris, dans lequel il a esté trouvé de l'argent monnoyé, toute sa vaisselle d'argent aussy prise, avec la plupart de ses chevaux, tout le bagage du Maral de la Meilleraye, quatre pieces de canon, et generalement tout le bagage, et au regard des Bourdelois ils y ont perdu deux à 300 hommes. Ladite lettre porte aussy que ce qui vaut un sol à Bourdeaux, en vaut 30 au quartier du Roy et à l'armée. | |
Paris le 16 de Septembre 1650.On dit que le garde de sceaux de FranceGa naar voetnoot2) a dit au Duc d'Orleans (autres disent que c'est le Coadiuteur) qu'il estoit desormais temps qu'il se rendit maistre de la personne du Roy en attendant sa majorité, et que s'il laissoit gouverner d'avantage l'esprit de sa Maté par Mazarin, qu'il pouvoit l'asseurer que lors que le Roy sera en aage, | |
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qu'il luy fera la mesme chose que luy fit le feu Cardinal de Richelieu du temps du feu Roy. Le Cardinal a eu dessein de faire enlever les Princes de Marcoussy, mais ils ont trouvé trop de difficultez à cause des troupes qui y sont de la part du Duc d'Orleans, qui gardent les advenues. C'estoient Chamfleury, capne des gardes du Cardinal, et la Routiere, lieutenant des gardes de la Reyne, qui avoyent cette commission de Mazarin. On parle fort d'un traicté de paix generale et on nomme le garde des sceaux, le premier president du Parlement de Paris et mr le Comte d'Auaux pour ledit traicté, mais le lieu ou il se fera n'est pas encore nommé. Le Maral de Rantzau mourut le 14 du courant. Les ennemis font fortifier puissamment Retel. Il y a eu entreprise sur Soissons laquelle a esté descouverte; le Gouverneur, nommé, Sanguin avoit intelligence avec le Maral de Turenne, et ledit Sanguin est dans la Bastille, et les ennemis qui s'estoyent fort approchés ont esté contraints de se retirer. Le Baron de Chamboy, qui lève pour les Princes et qui est autour d'Orleans, est maintenant fort de 800 chevaux. | |
Paris le 23 Septembre 1650.Le Parlement de Toloze a envoyé icy des deputez demandans l'union de celuy de Paris avec eux, ce qui leur a esté refusé, attendu que durant le siège de Paris ils leur refuserent ladite union. On travaille icy à l'examen des prisonniers de la Bastille pour leur estre fait droict. On parle d'une deputation pour la paix generale, surquoy il y a desia contestation pour les rangs entre le garde des sçeaux de France et le premier president du Parlement de Paris. Les troupes du Duc de Lorraine sont autour de Nancy | |
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au nombre de 6000 et dit on qu'il y est luy mesme en personne et que tous ceux qui sont dedans Nancy souffrent beaucoup, n'ayant point de bledz; tous ceux du plat pays se viennent rendre à ce Duc et on asseure que toute la Lorraine est en grand branle. On mande aussy que le Parlement de Toul s'est retiré à Mets sur la crainte qn'il a qu'on n'aille assieger ladite ville de Toul. Il y a lettres de Bourdeaux du 12 qui donnent advys de ce qui s'est passé aux attaques de St. Sevrin et de la demye lune les 5 et sixmes, où il est demeuré du costé du Roy, Officiers, premierement le Sr de Choupes, Maral de camp, les srs Marin et de Carbonniers, aydes de camp, Alphonse Petro Polo, Capne au regim de Guienne, 4 capitaynes au regimt de la Reyne, 2 capnes au regimt de la Meillerays, 2 capnes et 2 lieutenants du regimt des gardes et plusieurs autres officiers. De blessez le sr de Longnac et son enseigne du regiment des gardes. Ce poste fut gardé par mr de la Meillerays l'espace de 6 heures, au bout desquelles ils en furent chassez par les Bourdelois, le Duc de Bouillon estant à la teste et furent repoussez jusques à Blanquefort, a 2 lieues de Bordeaux où il leur fut tué 600 suisses et 1200 françois. Il leur fut pris 9 pieces de canon. Le carosse de Mazarin, dans lequel y avoit deux nepveux du sr Guiltaut, capne des gardes de la Reyne, qui ont esté blessez à mort, et autres menez dans ledit carosse. Le chariot de Mazarin pris, dans lequel estoit toute sa vaisselle d'argent et ainsy tout le reste de ce que je vous ay mandé par mes dernieres. Il y a lettres de 15 de Bourg-sur-mer où le Roy est tousiours, qui disent que toute la Cour y est fort triste, de ce qu'au lieu que le Roy doit donner la loy à ses sujects, il faut qu'il la reçoiue d'eux, ou bien s'en retirer honteusement. Car se sont des lions quand ils sortent et non seulement eux, mais aussy les femmes, tant qu'ilz | |
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sont animez, et ne font aucune sortie qu'il n'en demeure quantité des nostres. On n'a icy d'esperance qu'aux deputez du Parlement de Paris envoyez icy pour travailler à l'accommodement. On mande aussy que la petite verole, la dissenterie, avec la dissette de vivres est tresgrande à Bourg, comme aussy à l'armée du Roy. L'on a aussy lettres de Bourdeaux du 15 qui donnent advys que le 12 ils attaquerent la demye lune avec 4000 hommes, et ce fut le Comte de Paluau qui fit l'attacque; mr de Bouillon estant dedans ladite demy lune fit charger 6 pieces de canon de basses de mousquet et de cloux, où il y demeura 1600 hommes du costé dudit Paluau. Cela n'empesche pas que l'on n'espere une bonne paix, sur ce qu'il y a eu suspension d'armes depuis ce combat. Ladite lettre confirme la prise de Bergerac par le Marquis de la Force, qui est fort de 2000 chevaux et 4000 fantassins. Le Duc d'Angoulesme est mort cette semaine en l'aage de 90 ans. Le comte d'Avaux, le Nonce du Pape et le Resident de Venize sont partis lundy dernier pour aller trouver l'Archiduc Leopolde et s'aboucher avec luy et resouldre du lieu pour traicter la paix, où s'y trouvera le duc d'Orleans. Le premier President du Parlement de Paris est un des nommez par le Roy pour y aller avec S.A.R. comme aussy messrs d'Avaux et Servient. Il a esté envoyé à sadite A.R. un plain pouvoir de faire la paix. | |
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14000 pistoles que luy gaigna le Prince de Harcourt, filz du duc d'Elbeuf. On dit que les ennemis sont allez assieger Mouson et Ste Menehou tout ensemble, quelques uns disent à Verdun, et il leur est venu un renfort de 3000 hommes tant de pied que de cheval. Il court un bruit que le Maral de Turenne doit commander un corps d'armée luy seul, composé de 5000 chevaux et 3000 fantassius, et doit mettre son infanterie en croupe. Mademoiselle de Longueville s'est retirée au couvent de Ste Marie au Fauxbourg St. Jacques du consentement du duc d'Orleans, ayant apris que la Duchesse de Longueville, sa belle mere, avoit consenty que le Maral de Turenne l'enleveroit pour l'espouser. Cette damoiselle a pris l'habit de religieuse, la Princesse de Carignan avoit demandé permission à S.A.R pour l'aller visiter, mais il ne luy a voulu permettre. Nous avons icy nouvelles de la continuation de la maladie du Roy d'Espagne, qui est un flux epatique, et voyant qu'il estoit hors d'esperance de santé, il auroit fait son executeur testamentaire. Le Roy de Hongrie, filz de l'Empereur, ayant obtenu de son Conseil et de tous les Estats de son Royaume qu'il espouseroit l'infante, sa fille, et comme il se preparoit à donner ordre d'envoyer un Ambassr à l'Empereur et audit Roy pour leur aller annoncer cette nouvelle, il arriva nouvelles que ledit Roy de Hongrie estoit en extremité de maladie et abandonné des medecins. On a nouvelles de Catalogne que les ennemis ont assiegé la ville de Flix, petite ville qui est sur la rivière de Segre, et qu'il est impossible que le duc de Mercoeur la puisse secourir, n'ayant point de troupes, et quasi tous les peuples de ce pays-là sont revoltez contre les François. On a icy nouvelles que Mazarin, croyant que le duc de | |
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Bouillon et les habitans seroient si negligens que de ne se tenir point sur leurs gardes pendant la cessation d'armes. Ce qu'ayant preveu le duc de Bouillon, qui n'est pas apprentif en telles occasions, fit tenir tout prest une partie de sa milice, et tous les matelots, et le Cardinal ayant faict attacquer la nuict du 16 au 17 la demye lune par deux endroicts, le duc fit sortie avec ses matelots, qui n'avoyent que le coutelas en une main et le pistolet en l'autre, et sortirent par une porte et le duc par une autre avec la milice, et entourerent de sorte l'armée Mazarine, et en firent un tel carnage qu'il en demeura 17 ou 1800 sur la place, quelques uns disent 2000, et le reste, mis en deroute. Le 27 du courant arriva en cette ville un nommé Guionnet de Bourdeaux portant les propositions des Bourdelois faites aux deputez de Paris, qui contienent premierement, que le Roy leur rembourcera pour les frais de la guerre 1500/m ℔ à prendre sur le convoy dudit Bourdeaux. 2o. Que la Princesse de Condé aura liberté d'y continuer sa demeure, et pouvoir d'aller à Paris pour solliciter la liberté du Prince son Mary. 3o. Que le duc d'Anjou aura le gouvernement de Guienne et pour Lieutenant de Roy le duc de Bouillon, lequel on satisfera suivant le traicté fait avec luy. 4o. Que le duc de la Rochefoucault sera maintenu en son gouvernement de Poitou, et que le Roy le dedomagera pour la demolition de sa maison de Vertueil en Poitou, ou bien qu'elle soit rebatie aux despens de sa Majté. Enfin qu'il soit basty des maisons en la place du chasteau Trompete, la demolition duquel sera advouée, et qu'ilz seront maintenus en leurs anciens privileges. Et que les habitans de la campagne ne payeront point de tailles pendant cincq années pour les dedommager des pertes qu'ilz ont faites pendant la presente guerre. L'on a nouvelles de Bourg du 23 qui asseurent que le | |
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Roy sera le 15 du mois prochain à Fontainebleau, paix ou non, et qu'ilz devoyent partir le 27 du courant pour s'en retourner. Il court icy un bruit que le Roy a accordé la paix aux Bourdelois, suivant et conformement aux articles proposez par le duc d'Orleans au Parlement de Bourdeaux et en suite arrestez par ledit Parlement. | |
Paris le 14 d'Octobre 1650.Il arriva le 7 du courant un valet de pied de madamoiselle qui apporta une lettre à monsr le duc d'Orleans de la part de cette Princesse, et partit de la Cour sans que personne en sceut rien. Lade lettre contient que ladite Princesse de Condé, les ducs de Bouillon et de la Rochefoucault estoyent arrivez en Cour, et qu'ilz avoyent esté tresbien receus de leurs Majestez et du Cardinal Mazarin, et qu'en suite ils avoyent eu une conference ensemble, de cinq heures, et qu'elle juge qu'ilz ont proposé de trouver les moyens de mettre en liberté les Princes et de s'accommoder avec eux au prejudice de S.A.R. et des Frondeurs. Il arriva mardy dernier, 11e du courant, un courrier de la Cour, nommé Deviset, exempt des gardes de la Reyne, qui a rapporté que le Roy estoit entré le 6 dans Bourdeaux à cheval et aussy Mazarin, qui estoit à costé de sa Maté où le peuple fit des grandes acclamations de: ‘vive le Roy’, et que le lendemain sa Majté en partit. Mr le Tellier, Secretaire d'Estat, a eu ordre de la Cour de mettre en liberté madame la duchesse de Bouillon et madamoiselle sa belle soeur, lesquels y sont pour present. On confirme le mariage du neveu du Cardinal, nommé Manchini, avec la fille du duc de Bouillon. Les ennemis ont abandonné Mouzon à cause du mauvais temps et du debordement de la Meuse, et ont esté contraints d'abandonner leur canon. | |
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Dimanche dernier le sr le Tellier, Secretaire d'Estat, alla visiter mr le Prince de Condé par ordre de la Cour, ce qui donne bien de la jalousie au duc d'Orleans, et au duc de Beaufort, au Coadjuteur de Paris et a tous ceux de leur party. Le duc d'Espernon estant exclus, luy et sa posterité, à jamais du gouvernement de Guienne, cela a tellement faché le comte de Candale qu'il s'est retiré de la Cour apres avoir dit quantité de paroles injurieuses contre le Cardinal Mazarin. L'on escrit aussy de Bourg du 3me que la Princesse de Condé fut conduite chez le Roy par madamoiselle de la Meilleraye, que le duc de la Rochefoucault menoit, et estant chez la Reyne elle se jetta à ses pieds, la suppliant d'avoir pitié du Prince de Condé, son mary, et les ducs de Bouillon et de la Rochefoucault ayant fait le semblable, allerent veoir le Cardinal, lequel leur donna à dis ner et à souper, et la Reyne à la Princesse de Condé. Le duc de Bouillon coucha dans la chambre du Cardinal Mazarin, et le duc de Rochefoucault dans le lict du sr Guitault, Capne des gardes de la Reyne, et la Princesse de Condé et le duc d'Enguin son filz chez la Mareschale de la Meilleraye. Tout le Parlement de Bourdeaux a esté saluer leurs Majestez en robes rouges; mr Dusault, Advocat General, fit une harangue admirable au Roy et à la Reyne et en suite à mr le duc d'Anjou. Ledit Parlement n'a point esté rendre ses submissions au Cardinal Mazarin, et n'y iront point si le Roy ne leur commande. Les jurats avoyent esté à Bourg porter les clefs à sa Majesté et luy faire les presents accoustumés, et entre autres une tappisserie toute relevée de fleurs de lys d'or | |
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Paris le 21 d'Octobre 1650.Le Comte de Candale, filz du duc d'Espernon, arriva en cette ville de la cour, fort mal satisfait du Cardinal Mazarin, comme vous avez sçeu, et arriva Dimanche dernier; son pere est icy attendu lequel aussy tost qu'il sera arrivé, doit presenter requeste au Parlement pour faire casser tous les arrests que le Parlement de Bourdeaux a donnez contre luy et contre le chevalier de la Valette, son deffunct frere. Le coadiuteur de Paris avoit convié samedy dernier S.A.R. et le duc de Beaufort à une colation en sa maison de St. Clou ou s'y trouverent quantité de personnes qui s'attendoient qu'ils y seroient, mais au contraire ils allerent tous trois seuls au bois de Boulogne où ils y eurent une conference de trois heures, et on n'en sçait point encore bien au vray la cause. Madame la Duchesse d'Orleans ayant sçeu que monsr son Mary avoit dessein de faire revenir proche de sa personne l'abbé de la Rivière, elle l'alla trouver, et luy representa que puis qu'il avoit volonté de faire revenir ledit abbé pour estre chef de son Conseil comme par le passé, elle le supplioit treshumblement de luy permettre de se retirer en une religion, pource qu'elle ne pourroit voir de bon oeil l'autheur de la ruine de leur maison et qui a tousiours esté traytre et perfide à vostre A.R. Ce qu'entendant le duc d'Orleans auroit envoyé faire commandement audit abbé de la Rivière de ne bouger de St. Benoist, son Abbaye, où il est pour le present. On dit que le garde des sçeaux de France a proposé des moyens d'accommodement entre la maison d'Orleans et celle de Condé et de reunir la maison de Bourbon d'une telles orte que leurs ennemis ne la puissent destruire. Qui est de donner deux des filles de S.A.R. en mariage, sçavoir une à mr le duc d'Anjou et une autre au duc | |
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d'Enguien, filz de mr le Prince, et par ce moyen il pretend se remettre bien avec monsr le Prince de Condé en faisant cette alliance, de crainte que si ce Prince venoit à sortir de prison par le moyen du Cardinal, qui ne futGa naar voetnoot1) chassé comme il a esté par le passé, et partant ne pourroit par venir à avoir un chapeau de Cardinal, à quoy il aspire. Les deputez du Clergé qui avoyent esté en cour ont obtenu, à ce qu'on dit, de la Reyne la liberté du Prince de Conty, et qu'il luy sera permis lorsqu'il sera en liberté, de presenter requeste au Parlement touchant le Prince de Condé, son frere, et aussy pour le duc de Longueville pour estre justifiez par devant ce Parlement comme leurs juges naturels, suivant et conformement aux declarations du Roy verifiez audit Parlement. Le duc d'Orleans a envoyé un expres en cour donner advis à la Reyne, que si elle ne donnoit ordre de ramener le Roy à Paris, qu'on estoit en resolution de ne payer aucunes entrées et autres droits accoustumés. Le bruit court que tous les mescontens qui estoient pour les Bourdelois et les Princes, s'en sont allez trouver le duc d'Angoulesme à Toulon, lequel à pour le present 8 ou 10000 hommes. Il est certain que le Marquis de Ligneville a esté deffait en Lorraine, et Ligny et Bar-le-duc sont repris, et Mouzon est dessiégé. | |
Bourdeaux le 10 d'Octobre.Le Roy est tousiours icy. On a remarqué que sa Maté estant, quelques jours apres son arrivée, aux fenestres de l'Archeuesché, qui regardent sur la grande place de la ville, où il y avoit 2 a 3000 personnes, tous testes nues, crians: ‘vive le Roy’, et le Cardinal y estant venu et s'es- | |
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tant mis à costé de sa Maté aussy tost que le peuple l'eust apperçeu, ne dirent plus mot et tournerent le dos, ayans couverts leurs testes, se retirans sans rien dire. Ledit Mazarin ne se voyant trop en seureté où il estoit logé, qui estoit dans le Doyené, alla loger dans l'Archeuesché où il est encore à present. Le Roy doit partir le 15 ou 17me au plus tard pour s'en retourner à Paris. | |
Paris le 30me d'Octobre 1650.L'accommodement du Marquis de Persan, Gouverneur de Moron, est fait par l'entremise du Mareschal de l'Hospital, son oncle. Madame la Princesse s'y doit retirer avec le petit duc d'Enguien et y aura une garnison de 200 fantassins et 50 chevaux, et le Gouvernement demeure audit Marquis ainsi que madame la Princesse l'a desiré. Le duc de Joyeuse est allé en Provence de la part de la Reyne pour obliger le comte d'Auvergne à venir en Cour. On craint fort en ce pays là que le Cardinal Mazarin veuille retenir ce Gouvernement pour luy, ils tesmoignent desirer le petit duc de Valois ou monsr de Beaufort, et on doit donner le Gouvernement d'Auuergne audit Comte. Les affaires de Catalogne sont en fort mauvais estat. On y a envoyé au duc de Mercoeur 2 a 3000 hommes, la plus part cavalerie, ce qui y pourra un peu restablir les affaires. Les lettres de Bourdeaux ne portent autre chose, sinon que le Roy a accordé à la Guienne une remise de 400/m ℔ de taille pour l'année courante et un million pour ce qui est deu des années precedentes. Plusieurs personnes esperent que messieurs les Princes seront bien tost en liberté, fondez sur quelques paroles que le Cardinal en a données; mais ceux qui croyent en estre les mieux informez, asseurent le contraire. | |
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On asseure que le Gouvernement de Dourlans est promis au sr de Bar et la survivance à son filz. Un Capitaine nommé Campes a fait une sortie de Mouzon fort notable sur les ennemis, où il a tué trois Capnes, 7 ou 8 Lieutenans et plus de trois cent soldats, et jetté quatre pieces de leur canon dans le fossé. Neantmoins les ennemis n'avoyent pas levé le siege le 24, et dit on que l'Archiduc s'y est rendu en personne, et que ladite place pourra tenir jusques à la fin du mois. Le Marquis de la Ferté Seneterre, estant presque guery de ses blessures, s'est fait porter de Ligny à Verdun, ses troupes sont commandées par le Colonnel Leckenstein, lesquelles ont deffait une partie de la garnison de Stenay qui estoit sortie où il y a eu des principaux Officiers tuez. Monsr le duc d'Orleans a eu nouvelles ce matin que la Cour arrivoit ce soir à Orleans et Lundy prochain à Fontainebleau ou monsr le garde des sceaus doit aller demain, ayant pour cet effect fait partir aujourdhuy son train. Les lettres de Verdun du 25 portent que le Marquis de la Ferté Seneterre n'y estoit pas encore arrivé et qu'on y parioit que les ennemis ne prendroyent pas Mouzon. Que le Maral de Turenne s'estoit retiré dans Stenay avec toute la noblesse françoise, et que madame de Longueville luy avoit fait des grandes caresses, et que les troupes du Roy font de grands desordres par tout où elles passent. Il est arrivé icy des deputez de Bourdeaux pour attendre la Cour et y poursuivre la nomination d'un Gouverneur pour la Guienne. | |
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nouveaux temples à ceus de la religion, ce qu'il a desadvoué. Le duc d'Orleans a eu nouvelles cette semaine que la Reyne a une grande perte de sang, et que cela l'a obligée à demeurer deus jours au Chasteau d'Amboise. Samedy dernier se fit un assassinat en la personne du Comte de St. Aiglan qui estoit escuyer du duc de Beaufort, croyant que ce fust ledit duc. Ils estoyent six hommes de pied qui attaquerent le carosse dans lequel estoit cet escuyer et un autre gentilhomme, et alloyent querir ledit duc qui estoit chez la duchesse de Monbason, où fut mené le blessé d'un coup de bayonnette dans le costé gauche, et le gentilhomme qui estoit avec luy tira un mousqueton qu'il avoit, et en blessa un, et luy receup un coup de pistolet qui ne fit que luy effleurer le front, et le 2 de ce mois on a pris un de ceux qui ont fait cet assassinat, qui est celuy qui avoit esté blessé, lequel a esté trouvé au Fauxbourg St. Victor, et le lendemain il en a esté trouvé un autre au marais du temple. Le duc d'Orleans a eu nouvelles de la prise de Mouson par les ennemis lesquels y ont perdu plus de 1500 hommes; on en attend les particularitez et de sçavoir la composition qu'ils ont eue. Le Mareschal de Turenne est tout autour de Sedan où il empesche qu'il n'y entre rien et commencent à avoir disette de pain dans ladite ville. On a nouvelles de Rethel, que les ennemis y ont mis 4000 hommes en garnison, la plus part Italiens, et vivent ensemble comme freres, payans tout ce qu'ils prennent, et disent que 500 François, qu'ilz avoint avant qu'ilz fussent à l'Espagnol, leur ont plus fait de degast en un jour, que lesdits Italiens ne leur ont fait depuis y sont, et ont tellement fortifié la place, qu'une armée de 25/m hommes ne la pourroit prendre en trois mois, et que se ne sont que terrasses qui cachent toute la ville. | |
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Le Pape envoye deux legats, scavoir un pour la France et l'autre pour l'Espagne, pour les exhorter à faire une bonne paix, et que celuy qui ne le voudra accepter, luy declarer que le Pape l'excommuniera. Le duc de St. Simon s'est jetté aux pieds du cardinal Mazarin lorsqu'il passa à Blaye pour s'en retourner avec leurs Matés, luy demandant la liberté des Princes. Il n'y a eu que les anciens jurats de Bourdeaux qui ont esté complimenter Mazarin, non en corps, ny en habits de magistrats. L'on a nouvelles de Toulon que le Comte d'Auvergne a remis son Gouvernement de Provence entre les mains d'un gentilhomme d'honneur du pays et bon serviteur du Roy, jusques à ce qu'il se soit justifié de ce que le Parlement d'Aix a faussement controuvé contre luy, n'ayant rien fait contre le service du Roy ny contre le peuple, ce qu'il est prest de prouver, et que ce que le parlement en a fait et fait encore journellement contre luy, est par l'instigation du cardinal Mazarin, lequel veut avoir ce gouvernement pour son neveu Manchiny. Il y a nouvelles de Marseille qui disent qu'on y apprehende une grande esmeute sur l'election des Consuls, y ayant deus ligues formées, une pour le duc d'Angoulesme et l'autre pour Mazarin; mais celle du premier est bien plus puissante que celle de Mazarin. On attend de sçavoir ce qui s'y sera passé. La Reyne d'AngleterreGa naar voetnoot1) alla la semaine derniere au palais d'Orleans pour demander le payement de ses appointemens; mais elle sortit du Conseil fort mal satisfaite. Aussy tost que la Cour sera à Fontainebleau le duc d'Orleans s'y en ira, où on doit proposer divers mariages, et entr'autres trois, sçavoir du Roy, de mr le duc d'Anjou, et du duc d'Enguien, avec les trois filles aisnées de son Altesse Royale. | |
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Paris le 11 de Novembre 1650.L'on a nouvelles asseurées que le Roy arriva mardy dernier à Fontainebleau avec toute la Cour. Le cardinal Mazarin a proposé d'aller en Champagne pour assieger Rethel, y voulant mener le Roy, à quoy le duc d'Orleans s'oppose. L'on a promis 30/m ℔ à ceux que reveleront les autheurs qui ont voulu faire tuer le duc de Beaufort. On se deffend encore vaillammeent a Mouzon; mais enfin il faudra se rendre, ne pouvans estre secourus. Le 4me du courant fut interrogé un des assassins du duc de Beaufort, par le Lieutenant-criminel, et ne dit rien ce jour la; mais le lendemain 5me qu'on luy presenta la question, il declara que c'estoient trois de ses camarades qui l'avoient mené avec eux et qu'ilz avoient receu chacun 500 ℔ pour faire le coup, et qu'il ne cognoissoit point celuy qui les luy avoient données, lequel estoit à cheval, et voyant passer le carosse dudit duc de Beaufort, dit, c'est celuy cy, et en mesme temps nous saisimes un lacquay qui portoit un flambeau, lequel nous esteignismes, et declara que c'estoit luy qui avoit tué ledit Comte de St. Aiglan, croyant que ce fust le duc de Beaufort, et que depuis il n'avoit point veu ledit Chevalier, et qu2il ne le cognoissoit point; ce qui fut rapporté le lendemain a S.A.R., où le duc de Beaufort estant allé, quelque temps apres le duc d'Orleans, luy auroit dit qu'il ne se mist plus en peine, et qu'ils auroient dans peu de temps parfaite cognoissance du meurtre et assassinat commis en sa personne, et contre le feu Comte de St. Aiglan. Le duc d'Espernon a esté à Amboise saluer leurs Matez et le Cardinal Mazarin, et dit on qu'il luy a esté donné permission de la Cour d'aller à Agen et y demeurer, si bon luy semble, et mesmes de se faire recognoystre pour Gouverneur, et en cas qu'on sy oppose de prendre toutes les | |
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troupes qui sont en garnison en ce pays la pour se faire obeir. Ce qui sera entierement contrevenir à la declaration du Roy en cas que cela soit, ce que beaucoup de gens ne peuvent croire. Il court icy un bruict que la France, le Denemarck, la Suède, le Portugael et toutes les Provinces Unies, à la reserve de la Hollande et celle de la Frise occidentale, font une ligue offensive et defensive par mer contre l'Angleterre et l'Espagne tant sur l'Ocean que sur la Mediteranée. Il se trouva le 4me du courant au matin 5 tableaux representans le Cardinal Mazarin, sçavoir aux halles, à l'eschele du temple, à la greve, au bout du Pont-neuf de costé des grands Augustins, et à la Croix du tiroir, au bas desquels tableaux il y avoit un arrest portant qu'il estoit condamné à estre pendu et estranglé en cas qu'il soit apprehendé au corps, et à faute de ce faire estre mis par toutes les places publiques de la ville et fauxbourgs de Paris en effigie, comme criminel de leze Maté, pour avoir empesché la paix generale a Munster, d'avoir vendu sous main les bleds de France aux ennemis, d'avoir fait la guerre aux Parisiens et de les avoir assiegés de s'estre rendu maistre de l'esprit de la Reyne par des voyes obliques, et enfin pour vendre et acheter les benefices de France et en disposer à sa volonté et de tels autres, et outre ce il y avoit un advertissement à costé au duc de Beaufort et aux Parisiens à ce qu'ilz ayent à se donner garde du Mazarin et de ses fourberies; il est aussy accusé d'avoir transporté les deniers de France hors du Royaume. Les affaires de Catalogne sont en mauvais estat, la ville de Flix et son chasteau, comme aussy Montravel sont pris et Cortoze investy. La Cour y envoye le Marquis de St. Maigrin en qualité de Lt du Roy en l'armée que le duc de Mercoeur y commande, et dit on qu'il y mene 4000 hommes, tant cavallerie qu'infanterie. | |
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Messrs de l'Hostel de Ville s'assemblent pour resoudre de faire une entrée au Roy. Le sr Letellier, Secretaire d'Estat, ne bouge tous les jours des Chartreux où il a journellement des conferences avec les gens des Princes, et les fait entrer par une porte qui sort aux champs, de peur qu'ils ne soient apperceus. Le duc d'Orleans a dit au sr le Tellier dans la cour de son palais, en presence de plus de 200 personnes, tout haut qu'il voyoit bien qu'on n'en vouloit pas tant au duc de Beaufort, qu'à luy; mais qu'il y donnera si bon ordre que telles gens s'en trouveront mauvais marchands. | |
Paris le 19e de Novembre 1650.Vous n'aurez pas beaucoup de nouvelles ce voyage icy, je vous diray seulement que leurs Matez et le cardal Mazasont arrivés en cette ville et que le cardinal Mazarin a traicté leurs Majestez avec plusieurs seigneurs de la Cour. Les Princes ont esté transferez de Marcoussy au Havre de Grace pour y estre en plus grande seureté, et ainsi le cardal Mazarin les a en sa disposition. On parle fort que le Cardinal ira en Champagne pour assieger Rethel et en chasser les ennemis, qui ont dessein d'y prendre leurs quartiers d'hyver. On a rompu icy trois des assassins de monsr de Beaufort. Monsr le President Believre va en ambassade extraordinaire en Hollande. C'est un homme qui est icy en grande estime. On a tesmoigné en cette Cour beaucoup de regret de la mort du Prince d'Orange. La Reyne a esté fort malade et ne se porte pas encore bien. La ville de Mouzon est enfin rendue aux ennemis apres avoir soustenu un siege de quarante un jour, qu'on ne | |
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croyoit pas devoir tenir huict jours, en quoy ce gouverneur a acquis une grande gloire et a eu enfin une honorable composition. Il se dit que le feu s'est mis au magasyn de Dunquerque, et qu'il a fait un grand dommage. On dit aussy que la plus part de Suisses de la garnison de Dunquerque se desbandent endit Dunquerque faute de payement, et qu'il ne se passe guerre de semaine qu'il ne s'en eschappe dix ou douse. La garnison de Rethel vient prendre des prisonniers jusques aux portes de Rheims. | |
Paris le 2me de Decembre 1650.Il y a eu de la division au dernier Conseil, qui s'est tenu au Palais Royal, entre la Reyne, le cardal Mazarin et le duc d'Orleans, sur ce que la Reyne vouloit qu'on ostast les sceaux à monsr de Chasteau-neufGa naar voetnoot1) pour les donner a mr de Servient, leur creature, promettant au dit sr de Chasteau-neuf de luy faire avoir un chapeau de Cardal à cette prochaine promotion. A quoy le duc d'Orleans se seroit opposé, voulant que le dit chapeau fust pour le Coadiuteur de Paris et dit qu'il ne souffriroit pas que ledit sr de Chasteau-neuf quittast les sceaux. Ce qu'entendant la Reyne dit qu'il n'en seroit point fait, ny nommé, de la part du Roy, et ainsi se separerent sans rien arrester. Monsr de Schombert est de retour de son gouvernement de Mets, et est en sa maison de Nantueil depuis huict jours et n'est point venu en Cour, sur l'advis qu'il a eu qu'on luy veut oster le gouvernement de Mets et du pays | |
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Messin, comme celuy de Verdun et de Toul, pour le donner au duc d'Espernon. L'on a nouvelles du Perigor de mecredy dernier, qui disent que le duc de Bouillon et les enfans du duc de la Force s'assemblent incessamment avec toute la noblesse de ce pays-la. Comme font aussy toute la noblesse de Poitou chez le duc de la Rochefoucault, sous pretexte d'aller à la chasse; mais on a sçeu que c'est pour presenter leurs requestes au Parlement de Paris et se joindre avec le clergé de France pour demander l'execution des declarations du Roy de 1648, 49 et 50, et la convocation des Estats Generaux pour la reformation de l'Estat. Le duc de Richelieu, avant aller en Provence, où il est à present joinct avec le Comte d'Alais, emmena sa femme à Brouage, ou est le Comte d'Oegnon, cousin germain de sadite femme; ledit comte d'Alais et le duc de Richelieu ont 10/m hoēs sous les armes. Les Princes sont arrivez au Havre de Grace de Dimanche dernier. Le cardinal Mazarin partit hier pour la Champagne, accompagné de 400 chevaux et des nommez Paluau, Comminge et autres telles gens de sa cabale, et allerent coucher à Meaux et a fait partir devant luy 1200/m ℔ desquelles il luy en a esté donné par le President Tubeuf 800/m, et par un nommé Foucquet pour avoir esté admis à la charge de Procureur General de la Cour par l'entremise dudit Mazarin 400/m ℔, ledit Foucquet en ayant presté serment mardy dernier. Le Conseil se tint mardy dernier, où le duc d'Orleans n'y peut assister à cause de son indisposition. Où l'on voulut derechef obliger le Garde des sceaux de signer une declaration portant revocation de celle qui avoit esté donnée par le Roy en faveur des Bordelois, ce qu'il ne voulut faire, et representa à la Reyne par une docte harangue que tous les malheurs que nous avions pour le present | |
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en France, ne procedoient d'autre chose que de faire fauçer la foy donnée par sa Maté à ces peuples, et ainsy cette declaration de revocation ne fut point passée. L'on a proposé de marier mademoiselle avec le duc de Savoye. On dit icy que le Cardal va traicter avec le duc Charles, duquel il est asseuré, et aussy avec la Duchesse de Longueville et le Maral de Turenne; on dit que ledit duc de Lorraine par son traicté doit donner son armée au Roy, laquelle sera 9000 hommes, et outre ce qu'il doit prester au Roy un million. Le Pape a fait agiter l'opinion de Jansenius depuis peu au Conclave où un jesuite se trouva et harangua avec tant d'eloquence et de hardiesse avec des raisons toutes tirées de la Ste Escriture, de St. Augustin et autres anciens pères, où le Pape, apres avour ouy toutes ses raisons, fut de son opinion, et declara à quelques Prelats, qui disoient que ce seroit approuver une opinion des Calvinistes si l'on admettoit celle-la, à quoy ledit Pape respondit que s'il faloit rejetter tout ce que les Calvinistes admettent, qu'il faudroit rejetter Jesus Christ, et ainsy cela apporte un grand schisme entr'eux. | |
Paris le 9e Decembre 1650.La Princesse douagiere de Condé mourut jeudy, premier du courant, laquelle a fait un testament, qui est entre les mains du President de Nemon, et devoit estre ouvert mecredy dernier en presence de tout le Parlement. On dit que le Cardal est allé en Champagne pour tresasseurement s'aboucher avec le duc de Lorraine, et qu'ils se doivent voir à Bar-le-duc, et tient on que ce traitté est fait et que on doit marier une des nieces dudit Carde avec le Prince de FalsebourgGa naar voetnoot1), et ledit duc doit donner | |
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au Roy toutes ses troupes et luy prester deux millions, et ce faisant on luy doit rendre toute la Lorraine. Ledit Cardl coucha tres asseurement dimanche dernier à Chalons en Champagne où il y fut receu comme si s'eust esté la persone du Roy, et on dit qu'il a emmené avec luy une nommée la mere Louyse, religieuse qui a esté autre fois a Louviers, laquelle avoit esté condamnée par l'arrest du Parlement de Rouen à estre bruslée toute vifue, pour avoir esté prouvé contre elle, qu'elle estoit nigromentienne et magisienne, et la Reyne luy sauva la vie à la suscitation du cardl Mazarin, et on ne sçait point pourquoy il l'a emmenée avec luy. Le Garde de sçeaux de France a dit qu'il estoit fort facile d'enlever le duc de Beaufort, et a asseuré la Reyne qu'au peril de sa vie qu'aucun habitant de Paris ne se mettroit en peine de le secourir. On dit que le duc d'Elbeuf s'est vanté de l'enlever, fût il sur le Pont-neuf, moyenant qu'il ait la permission de la Reyne, et que le Maral de l'hostel soit avec luy. Lundy 5e du courant ledit Garde de sceaux envoya querir les gens du Roy de Parlement de Paris, ausquels il declara que le Roy et la Reyne ne vouloient tenir la declaration qui avoit esté donnée en l'an 1648 touchant les prisonniers d'Estat et particulierement touchant les Princes, et que lorsque le Roy donna ladte declaration qu'il ne desiroit y comprendre aucuns prisonniers d'Estat, et que le Roy envoyeroit une declaration au Parlement, portant une surceance jusques à ce qu'il soit en aage, avec deffences audt Parlement de s'assembler pour aucunes affaires d'Estat sans sa permission; le duc d'Orleans a dit la mesme chose à quelques conseilliers du Parlement. Le duc de Beaufort et le Coadjuteur de Paris se sont declarez hautement pour la liberté des Princes, pour ne point manquer de pretexte. La Reyne et le Cardal ont gratifié le filz du nommé le | |
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Bard de 12000 ℔ de rente en benefices pour avoir aidé à conduire les Princes au Havre. Ces trois Princes sont chacun en une chambre separée, où à grand peine y voit on le jour, et se vovent ny se parlent en quelque facon que ce soit, sinon à la messe, et lorsqu'ils y sont, il y a une separation entre eux, de peur qu'ils ne se parlent. Les Ministres de France travaillent de tout leur pouvoir à se remettre bien avec les Anglois, afin de restablir le commerce et le rendre libre entre les deux nations, comme aussy avec les Hollandois. La Reyne se porte mieux qu'elle n'a fait. Son indisposition est cause qu'on n'a pas nommé un gouverneur pour la Guienne; sa Maté a remis les audiences des Ambrs dans quinze jours. Celuy qui avoit affiché tous les placcats et tableaux du Cardal, qui ont esté affichez depuis quelque temps par les carrefours de la ville et fauxbourgs et aux portes des eglises de Paris, a esté pris à la Champagne, pense se sauver hors de France, et a esté mené à la conciergerie du palais. | |
Paris le 16 Decembre 1650.Le 9e du courant le Parlement estant assemblé touchant les requestes de madame la Princesse de Condé, de madlle de Longueville et sur la lettre escrite par messrs les Princes, la Reyne leur envoya faire deffences par lettre du petit cachet de ne toucher à l'affaire des Princes jusques à la majorité du Roy. A quoy fut ordonné que l'affaire seroit surcise jusques au 14me, et ledit jour le Parlement s'assembla, où estoient les ducs de Beaufort et de Brissac, les mareschaux de l'Hospital et de la Mothe Haudencourt, et aussy le Coadjuteur de Paris, où il y eust plusieurs contestations, et enfin fut donné arrest portant qu'on s'assemblera continuellement touchant l'affaire des Princes, jusques à ce qu'ils soyent remis au bois de Vincennes. | |
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Le cardal Mazarin a acheté tous les bleds des villes de Champagne, lesquels il a fait transporter à Reims, et asseuré ce peuple la que le Roy y seroit bien tost pour y estre sacré; il espere revictuailler la ville de Sedan, il a envoyé un courrier expres asseurer la Reyne, qu'il sera bien tost maistre de Rethel. On dit que les deputés des Parlements de Bourdeaux, Toulouse, et Dijon sont joincts avec le duc de Beaufort et le Coadjuteur de Paris, et que ces deux derniers sont resolus de presenter requeste au Parlement pour avoir permission de faire informer contre Mazarin et autres qu'ils verront bon estre. Le 15me le Parlement s'assembla, où se trouverent tous les srs cy dessus nommez; mais n'y fut rien resolu pour ce que le duc d'Orleans le fît supplier de surçeoir leur assemblée jusques au lendemain, ce qui luy fut accordé et resolu de s'assembler ledit jour sans differer d'avantage. On dit que le Cardal a acheté la duché de Rethelois, et le domaine du duc de Mantoue, qui en estoit seigneur. Ladite duché vaut 60000 ℔ de rente. Dimanche dernier le duc d'Orleans envoya querir le duc de Beaufort pour le persuader de sortir hors de Paris, à quoy ledit Duc dit qu'il n'avoit point autre lieu de retraicte que Paris. S.A.R. luy dit qu'il luy en feroit donner une, surquoy il dit qu'il n'en vouloit point d'autre que le Havre de Grace, ce qui estonna fort S.A.R. lequel en fit son rapport à la Reyne qui en fut fort faché, et le 12me le Coadjuteur de Paris alla au palais d'Orleans, où il eut une conference de 5 heure savec sadite Altesse. On ne sçait quel en estoit le suject. Quelques uns croyent que c'est pour le mesme suject qu'il avoit proposé au duc de Beaufort, promettant à celuy-cy en cas qu'il sortist, de luy faire avoir un chapeau de Cardal, à quoy il n'a voulu entendre. Le 13e le duc de Beaufort alla au palais d'Orleans où | |
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se trouva le duc d'Elbeuf et le sr Coulon, Conseiller au Parlement, où ce dernier, parlant à quelqu'un de la compagnie de Mazarin, l'appelloit facquin, à quoy le duc d'Elbeuf s'offença contre ledt sr Coulon, luy disant qu'il ne devoit pas parler de la sorte du premier Ministre d'Estat. A quoy repliqua ledt sr Coulon qu'il s'estonnoit fort de ce qu'il maintenoit un facquin, duquel pendant la guerre de Paris il avoit juré entre les mains du Parlement sa ruine totale, et ainsy se picquoient de parole en parole, lors que le duc de Beaufort y survint et dit au duc d'Elbeuf que mr Coulon n'avoit rien dit, qui ne fût veritable. L'on faict courir le bruict que le cardinal Mazarin a pris Rethel, mais seulement la ville et non le chasteau, qui tient encore bon. | |
Paris le 29 d'Avril 1651.Vendredy dernier sur les quatre heures du soir la Duchesse de Chevreuse accompagnée de sa fille se rendit au Palais Royal, et eust l'honneur d'entretenir la Reyne plus de trois quarts d'heure dans son cabinet. Monsr le Prince avant son depart pour Chantilly fut voir monsr le Coadjuteur auquel il voulut persuader de se retirer à Poitiers selon la volonté que leurs Matés en tesmoignoient avoir, mais celuy-cy luy respondit, qu'estant constitué dans la charge qu'il exerçoit, il ne pouvoit quitter son troupeau qu'en commettant un grand peché mortel, et que par ainsy il estoit obligé d'obeir plustost a Dieu qu'aux hommes. Le bruit est grand que monsr le duc d'Orleans, monsr le duc de Longueville et le Comte de Servient iront à Peroane et que l'Archiduc se rendra à Cambray pour traicter de la paix, qu'on leur accorde leur demande. Le Maal d'Aumont doit commander l'armée de Picardie et le Maral de la Ferté Seneterre celle de Champagne, | |
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lesquels doivent estre ensemble de 16/m hommes de pied et de 8000 chevaux. Mardy dernier les compes du regimt des gardes partirent d'icy pour aller du costé de Dunquerque. Quelques jours apres que monsr le Prince fut arrivé à Chantilly il fît entendre de ne vouloir pas revenir icy que madame de Chevreuse ne fust esloignée de la Cour, et monsr le Tellier deposé de sa charge de Sécrétaire d'Estat. Nous avons nouvelles que le Cardal Mazarin est à Bruel en une maison de plaisance qui appartient à mr l'Electeur de Cologne, entre cette ville-la et Bon. On a envoyé d'icy à Bruxelles le Marquis de Sillery pour voir les pleins pouvoirs de l'Archiduc et recognoistre s'ils sont suffisans pour traicter de la paix entre les deux couronnes, lesquels ayans veux et examinez, il a demandé à S.A.R. qu'ilz estoient valables. La Reyne a donné un brevet de 50/m escus de pension au jeune duc de Valois à prendre sur la Generalité d'Orleans. Avant hier monsr le duc d'Orleans alla divertir à St. Cloudon, monsr le President le Coigneux luy donna la collation. Hier monsr le Prince revint de Chantilly en cette ville, s'estant diverty en cette maison là, et tant à la chasse, commedies, qu'à d'autres recreations. Monsr le Maral de l'Hospital a esté fort malade et sans esperance de reschapper; mais depuis deux jours il est hors de danger et se porte mieux. Monsr le duc d'Orleans desire que le Maral d'Estampes commande l'armée de Champagne, qu'oy qu'on eust asseuré de la mesme chose le Maral de Seneterre. Le Maral de Turenne ayant separé ses troupes d'avec celles de l'Espagnol, il a envoyé icy un gentilhomme pour demander les ordres pour la subsistance des susdites trouppes. On dit que le Roy dansera dimanche prochain son grand balet des machines. | |
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Paris le 6 de May 1651.Les srs Bitaut et PitouGa naar voetnoot1), Conseillers et Deputés du Parlement, qui estoient allés pour informer contre ceux qui avoient donné retraicte au Cardal Mazarin apres les 15 jours pour se retirer hors de France, suivant l'arrest du 9 Fevrier dernier, s'estans presentés aux portes de Sedan pour y entrer afin d'y continuer leurs informations, on en advertit le sr Faber, gouverneur de cette place là, lequel leur fit dire que s'ils avoient une commission du Roy scellée du grand sceau, ils y pourroient faire leur charge, mais qu'à faute de ce il leur permettroit seulement d'entrer dans la ville pour en voir les fortifications, s'ils en avoient la curiosité; lesquelles offres ils accepterent, n'ayans pas cette commission, et allerent loger en une hostellerie, d'où aussy tost ledit sr Faber les fit sortir et les mena au chasteau, et apres leur y avoir donné à disner et leur en avoir fait voir les singularités et celles de la ville aussy, ils s'en retournerent à Mezières duquel lieu ils estoient partis le mesme jour. Depuis que monsr le Prince est revenu de Chantilly en cette ville il s'est fait entendre tout haut qu'il ne pretendoit plus au Gouvernement de Guienne, et mesme il dit aux deputés de Bourdeaux, qui Je virent la semaine passée, qu'il les remercioit de la volonté qu'ils tesmoignoient de l'avoir pour Gouverneur de cette Province là, et qu'il travailleroit à leur en faire avoir un bien tost qui leur aggréeroit. Monsr le Coadjuteur de Paris voulant s'acquiter de la charge de bon pasteur à commencé depuis quelques jours la visite generale dans touttes les paroisses de Paris, et la continuera apres dans tout le diocèse. Le sr Montoron et Doublet et autres fameux partisans | |
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font des grandes propositions au Conseil qui semblent tendre fort au bien de l'Estat. Ils offrent d'entretenir au Roy 60/m hommes de pied et 20/m chevaux, ausquels ils payeront dix monstres par an, entretenir la maison royale, comme elle a esté autrefois, payer les rentes, et donner six millions de livres au Roy pour ses menus plaisirs etc. moyenant qu'on les fasse jouir des fermes de toutes les impositions qui sont en France, pour asseurance de quoy ils donneront pour caution quatre vingts des meilleures familles de Paris. Au dernier conseil de guerre, qui fust tenu, le Mareschal d'Aumont à esté nommé pour commander l'armée de Picardie. Le Mareschal d'Estampes celle de Champagne, monsr Marsin celle de Catalogne, et le Marquis d'Uxelles, celle d'Italie sous le Prince Thomas. Selon l'estat qu'on a veu des armées, celle de Picardie sera de 464 compagnies d'infanterie et de 299 de cavallerie; celle de Champagne de 336 compes d'infanterie et de 202 de cavallerie; celle d'Italie de 276 d'infanterie et de 35 de cavallerie; on travaille à present à celle de Catalogne. Le mesme jour il fut resolu au Conseil d'en hault qu'on ne pourvoirroit à aucun Gouvernement qu'apres la majorité du Roy. On a nouvelles que les Estats de Languedocq se brouillent plus que jamais avecq le Parlement de Toulouse, et que nonobstant les arrests du Conseil qu'on y a envoyés, les premiers sont en armes pour se maintenir. Les deputés de Bourdeaux sollicitent fort en cour la nomination d'un Gouverneur pour la Guienne, laquelle tesmoigne de vouloir prendre les armes si l'on ne leur en donne un bien tost. La Provence pourroit bien suivre le mesme brasle (sic), s'il ny est promptement pourveu. Mecredy dernier S.A.R. alla à Limours pour se diver- | |
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tir à la chasse, ou monsr le duc de Beaufort l'accompagna et revient aujourdhuy pour assister au conseil de guerre. | |
Paris le 1 de Juillet 1651.Vendredy dernier sur le soir mesdemoiselles d'Orleans et de Valois furent baptisées dans la chappelle d'Orleans par l'Evesque de Tarbes, premier aumosnier de madame, la premierre fut tenue par madle et monsr le Prince, et nommée Marguerite Louyse, la seconde par monsr le Prince de Conty, lequel s'estant fait saigner ce jour là le duc d'Ampuille y assista pour luy et mademoiselle de Guise, elle fut nommée Françoise. Le Roy arriva au palais d'Orleans en mesme temps et y visita S.A.R. La Reyne ayant demandé par l'augmentation de son appennage la ville de Sedan et tout ce qui en depend, le Conseil d'en haut luy accordant cette donation devant estre verifiée au Parlement, les chambres, scavoir la grande, la Tournelle, et de l'Edict y ont consenty, mais celles des Enquestes si opposent. Lundy dernier les chambres desdts Enquestes deputerent vers mr le premier president pour luy demander l'assemblée du Parlement sur le bruit qui court que mr le Cardal vouloit revenir en France, ausquels deputés ledt premier President (répondit) que ce bruit n'estant qu'une chimere, il ny avoit point d'apparance que le Parlement assemblast sur cela. Le mesme monsr le Prince, ayant disné chez la Princesse Palatine, alla au palais royal où il assista au Conseil qui s'y tient, ne s'y estant pas trouvé il y avoit plus de 15e jours et n'y eût pas esté si mr le Prince de Conty, son frere, y fût allé, lequel ne s'y peut rendre à cause de son indisposition, ces Princes ne se trouvant plus tous deux audt palais royal, depuis qu'on a dit audt Prince qu'on avoit envie de l'arrester. Lundy dernier arriverent en cette ville les srs de Mont | |
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de Vergue, le Major du regimt de Navarre et le Comte d'Augniciola, deputez de l'armée à la Reyne, le premier pour la cavallerie, le second pour l'nfanterie et le dernier pour les corps des Estrangers, qui rendirent à sa Maté les lettres des Officiers de ladte armée, par lesquelles ils supplient treshumblement sa Maté de faire casser l'arrest que le parlement a rendu contre lesdits Officiers. Le mesme jour arriverent en cette ville le sr de Tournaux, Collonel du regiment des dragons qui est dans le corps d'armée de Fleckenstein, et un Lt deputés, dudit corps pour solliciter en Cour qu'ilz puissent encore servir cette campagne nonobstant le licenciement qu'on a fait desdittes troupes. Mardy dernier mr le Prince s'en alla à Trie à madame de Longueville, sa seur, où mr de Longueville s'estoit aussy rendu, auquel lieu lesdits duc et sa femme se remirent bien ensemble par l'entremise dudit Prince. On a nouvelles de Toulouse que la noblesse sy assemble laquelle est du costé du Parlement contre les Estatz de Languedocq. Il se fait icy une assemblée de tous les estropiez tant de seigneurs, gentilshommes que simples soldats, pour demander toutes les maladeries qui sont en France, dont le revenu monte à plus de 1600/m ℔ par (an) afin qu'ils en puissent jouir conformement à l'Edict du Roy Henry 4me, verifié en Parlement et confirmé paa le Roy deffunt. Les Mareschaux de l'Hopital et d'Estrée appuyent cette assemblée qui se fait dans le couvent des Augustins deschaussés. Le duc de Beaufort est fort malade d'une fievre pourpreuse et est à present à l'hostel de Vendosme, où il s'est fait porter aussy tost qu'il s'est trouvé indisposé, il receut hier matin le St. Sacrement. Le duc de Nemours, son beaufrere tomba aussy malade il y a trois jours d'une defluxion, qui luy descendoit à la gorge, dont il pensa estouffer. Le duc de Vendosme a eu aussy quelque acces de fievre. | |
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On tient pour certain que mr le Prince partira la semaine prochaine pour aller à Bourdaux, tout son equipage est à present achevé, lequel avoit ordre de partir dès mecredy dernier; mais le voyage de sa suitte a esté differé pour quelques jours. On a nouvelles que les 4e regimens de cavallerie estrangers qui estoient allez vers St. Disier, pour gaigner la frontierre en intention de quitter le service du Roy, s'y estoient remis et raccommodez avec le sr de Besançon moyennant mille escus qu'on donne à chasque compe. On a veu depuis 8 jours dans le palais royal les plus grands frondeurs du Parlement y faire leur Cour, comme les srs Presidens de Coigneux, son filz de Bachaumont, Brousel, Coulon, et autres. Hier le duc de Mercoeur vit son frere le duc de Beaufort et mr le Coadjuteur qui se trouva aupres de celuy cy, apres quoy le premier eschappa de ses gardes et gagna la campagne, on croit qu'il se battra contre le comte de Rieux. | |
Paris le 15e de Juillet.Samedy dernier, le Parlement s'etant assemblé, messrs les Gens du Roy y presenterent la responce que la Reyne leur avoit fait donner le jour precedent à la lettre que monsr le Prince avoit escritte audit Parlement le 7e de ce mois, datée de St. Maur, laquelle responce y ayant esté leue, mr le premier President parlant de la retraicte dudit Prince, dit qu'elle tendoit à une guerre civile, ce que le Prince de Conty releva incontinent, et l'interrompant il usa de ses paroles que c'estoit trop choquer un Prince du sang. Le premier President luy repliqua qu'il estoit en lieu où il pouvoit parler librement, et où les suffrages estoient libres; surquoy s'estant eslevé quelque bruit parmy la compagnye, ledit Prince de Conty repartit qu'il scavoit | |
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bien qu'il estoit permis de parler là franchement et en toutte liberté et qu'il ne le pouvoit ny le vouloit empescher, mais qu'il disoit encore un coup que c'estoit trop choquer un Prince du sang, et qu'il faisoit juge S.A.R. des intentions de mr son frere. A quoy mr le duc d'Orleans respondit qu'il estoit garent des droictes intentions de mr le Prince, et il ne passa autre chose ce jour là au Parlement. Lundy dernier il y eut Conseil d'en haut au palais royal où mr le duc d'Orleans se trouva, auquel la reyne remit entierement l'affaire de mr le Prince pour l'accommoder ainsy qu'il jugeroit bon estre. Mardy dernier le Parlement s'assembla derecheff, auquel mr le Prince de Conty presenta une seconde lettre de mr le Prince son frere, servant de responce à celle que la reyne avoit faitte à sa premiere lettre. On n'y fit autre chose que de l'examiner sur ce qu'elle parloit de messrs de Servient, le Tellier et de Lionne, les taxant tous trois d'estre creatures de mr le Cardal et les ennemis de sa maison. Le President Boquemas parla pour le sr de Servient, et dit à la Compagnie que celuy cy fairoit paroistre, qu'il n'estoit pas cause que la paix generale ne s'estoit faitte à Munster, comme le Prince luy reprochoit ce jour là pendant l'assemblée dudit Parlement. Mr le Coadjuteur de Paris et madame de Chevreuse furent huez par le peuple dans la grand sale et dans la cour du palais, leur criant: au Mazarin, au Mazarin. Le mesme jour apres disné mr le duc d'Orleans se rendit en la maison du sr de Rambouillet au fauxbourg St. Anthoine où monsr le Prince se trouva aussy avec 7 ou 8 seigneurs qui estoient avec luy dans son carosse; ils confererent ensemble en particulier pres de deux heures, apres quoy le Prince s'en retourna à St. Maur, où il y a tousiours grand monde, et tous ceux qui y vont sont traités aux despens de monsr le Prince, qui pour cet effect | |
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a fait dresser des tentes autour de sa maison affin d'y recevoir un chacun. Le Maral de Grammont ayant eu ordre de la Reyne d'aller en son Gouvernement de Bayonne afin d'avoir l'oeil à tout ce qui se passera du costé de Bourdeaux dans la presente conjuncture dont ce Gouvernement là est voisin, partit d'icy lundy dernier pour faire ce voyage, ledt Maral n'estant pas trop bien à present avec mr le Prince. Mardy dernier le Parlement s'assembla où les advis furent ouverts, et on commença à opiner. Mr le premier President pria S.A.R. d'en vouloir dire son advis; mais il respondit, que quand ce seroit à son rang d'opiner il le diroit et non plus tost. Mr le Coadjuteur venant à son tour, dit qu'on devoit faire de treshumbles remonstrances à leurs Matez pour l'esloignement de leurs conseils, et de leurs personnes les srs de Servient, le Tellier et de Lionne, et que la Reyne seroit suppliée de ne plus entretenir de commerce par lettres et messages avecq monsr le Cardal, puis qu'il estoit proscript et bany de France par arrest de tous les Parlements. | |
Paris le 22 de Juillet 1651.Samedy dernier monsr le duc d'Orleans s'en alla à sa maison de Limours et le lendemain monsr le Prince le fut attendre au Bourg-la-Reyne pour luy parler, où ce Duc s'estant rendu à son retour, ils confererent longtemps ensemble. Mardy dernier les deputez du Parlement eurent audience de leurs Matez ou monsr le premier President, qui portoit la parolle, fit une belle harangue à la Reyne, à laquelle il dit l'arrest dudit Parlement, donné le vendredy d'auparavant. Sa Maté dit ausdts Deputez qu'ilz dressassent une declaration sur la resolution qu'ilz avoient prise touchant l'exclusion entiere du cardal Mazarin, et que pour | |
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l'esloignement des trois personnes denommées, qu'elle en confereroit avecq le Roy et S.A.R. Mecredy matin on vit des placards affichez en plusieurs endroicts de cette ville, qui portoient injunction de la part des bons François aux srs de Servient, le Tellier et de Lionne de vuider de cette ville dans 24e heures, et du royaume dans huict jours comme factionaires et complices du cardal Mazarin, et qu'à faute de ce faire lesdits bons et vrays François leur declaroient qu'ilz y employeroient le peu de bien qu'il leur restoit, joint à leurs forces naturelles. Les dernieres lettres de Bourdeaux portent que le Parlement avoit donné arrest contre le cardal Mazarin confirmatiff de celuy qui avoit desià esté donné contre luy, et qu'on feroit des treshumbles remonstrances à la Reyne pour esloigner des conseils et personnes de leurs Matés les srs de Servient, le Tellier et de Lionne. Les mesmes lettres disent aussy, que sur l'advis que les Bourdelois avoient que le Mareschal de Grammont alloit passer proche de Bourdeaux, ils avoient fait un gros de 5 à 6000 hommes pour le charger, et que ne l'aiant peu faire, pource qu'il en fut adverty, ils avoient detasché quelques 60 chevaux pour le poursuivre et que ledit Parlement et la ville Bourdeaux avoient escrit à monsieur le Prince, luy offrant leur ville pour retraicte avec leurs biens et vie pour son service. Avant-hier sur le soir on eut Conseil d'en haut, dans lequel l'esloignement des srs de Servient le Tellier et de Lionne fut resolu. La Reyne leur fit scavoir, de laquelle ils furent prendre congé sur les 11 heures du soir et partirent hier de cette ville. Le premier s'en va en Anjou, le 2me en Normandie et le 3me en Poictou. Le sr l'Argentier, nepveu du feu mr le Gras, a eu la commission de faire la charge de Secretaire des Commendemens de la Reyne, le Comte de Brienne celle de monsr le Tellier, | |
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en attendant qu'on y aye pourveu, et monsr le Roy fera les expeditions comme de coustume. On croit qu'on fera revenir mr de Chasteauneuff pour estre premier Ministre, d'autres disent que la Reyne en veut honorer mr le Coadjuteur. Hier monsr le duc d'Orleans et mr le Prince eurent une longue conference ensemble au Faubourg St. Anthoine chez mr de Rambouillet. Le mesme jour messrs de Servient et le Tellier furent sur le midy au palais d'Orleans où ils prindrent congé de S.A.R. Ce matin monsr le Prince est venu en cette ville dans un carosse emprunté et est descendu en son hostel, d'où il est sorti sur les huict heures pour se rendre en l'assemblée du Parlement, où apres avoir remercié ces messrs là des soings qu'ils avoient eu pour luy conserver la liberté, leur a dit que ce n'estoit pas assez que ces trois personnes fussent hors de Paris, mais qu'il faloit, qu'ils en fussent esloignés de bien loing pour leur oster l'esperance de revenir, et estant sorty du Parlement, il est allé voir S.A.R. Plus de 4000 gentilshommes ont esté offrir leur service à monsr le Prince contre le Cardal, et parmy ceux-là 30 de haute condition, de quoy le Roy a bien de la jalousie. On tient qu'il y a 4 ou 5000 hommes assemblez en Picardie sous le nom de monsr le Prince entre Marle et St. Quentin. Lss regimens de cavallerie et d'infanterie de messrs les Princes de Condé et de Conty ont eu commandement de leurs Altesses de n'aller point joindre les armées du Roy, que par leurs ordres. Le sr de Charlenois, Lieut du Roy à Brisac, a envoyé un courier expres au duc d'Orleans pour l'asseurer qu'il conservera cette place pour le service du Roy, quoy que mr de Mercoeur aye tasché de le seduire, pour luy faire | |
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prendre le party du Cardal Mazarin, luy offrant cent mille, de quoy il s'est mocqué. On dit que monsr le Prince veut faire demander le Gouvernement de Provence pour monsr le Prince de Conty, son frere. | |
Paris le 29 de Juillet.Vous avez sceu par ma precedente du 22 du courant comme mr le Prince estoit revenu icy de St. Maur le jour d'auparavant pour entrer, comme il fit, au Parlement affin d'obliger ces messrs de donner arrest contre messrs de Servient, le Tellier et de Lionne aux clauses qu'est celuy donné contre monsr le cardal Mazarin, c'est à dire à sortir du Royaume sans esperance de retour, en quoy mr le premier President fit paroistre grande difficulté, taschant cependant de luy persuader qu'il eust à prendre une asseurence entiere sur la parolle de la Reyne touchant sa seureté. Cependant les srs de Servient, de Lionne et le Tellier ne se hastent pas beaucoup à s'esloigner de cette ville, les deux premiers n'estans encore qu'à huict lieues d'icy et le dernier à trois en sa maison de Chaville au dela de Meudon. Le lendemain mardy on vid un placcard affiché en divers endroicts de Paris, dans lequel, sous le nom de monsr le Prince, on donnoit advis aux bons bourgeois de cette ville que son dessein estoit de demeurer avec eux dans Paris pour oster tout soupçon qu'il eust dessein de ne point revenir, moyenant que les Parisiens empeschassent que les creatures de Mazarin n'entreprinsent sur sa personne. Sur ces entrefaittes le Parlement s'est tousiours voulu assembler, mais la Reyne leur ayant envoyé des lettres de cachet leur portant mandement qu'ilz eussent à de- | |
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puter vers leurs Matés pour entendre leurs intentions, - ce qu'ayant esté fait et s'ayants rendus au Palais Royal, la Reyne leur dit qu'elle remettoit à mr le duc d'Orleans, et audit Parlement de dresser la declaration pour l'esloignement des trois messrs susdits en la forme qu'ils aviseroient bon estre. Ils s'assembleront lundy prochain pour donner la derniere main à cette affaire. Hier mr le Prince s'en alla à St. Maur pour dire adieu à mesdames sa femme et sa seur qui iront à Mouron, place forte appartenante à ce Prince. Ce qui donne à penser à plusieurs. Monsieur de Mercoeur est revenu le mesme jour en poste de son voyage de Bruel ou il estoit allé voir sa femme, niece du cardinal Mazarin. Les dernieres advis de Catalogne portent que monsr de Marcin avoit secouru la ville de Cermes et obligé les Espagnols d'en lever le siege, et qu'il y avoit eu quelques trouppes Espagnolles defaittes comme elles s'embarquoyent, mais que toutte la flotte Espagnolle s'estoit debarquée proche de Barcelone. L'armée de Flandres est presentement campée pres de Cour au Bois et fait souvent piece aux trouppes de l'archiduc qui jusques icy ne paroissent que peu dans les plaines, mais se tiennent couverts dans leurs retranchemens. | |
Paris le 5e d'Aoust 1651.On a nouvelles de Provence que l'armée navale d'Espe, commandée par D. Jean d'Austriche, a paru sur les costes de ce pays-là vers Antibe. Le duc de Mercoeur n'aiant osé paroistre devant S.A.R. depuis son retour de Cologne sans en avoir sa permission, il pria un seigneur de condition de luy en parler. Ce qui fit mardy dernier. Il luy respondit que ce Duc | |
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ayant fait ce voyage sans luy en avoir parlé, il pouvoit aussy demeurer dans Paris sans le voir. Mecredy le Parlement s'estant assemblé, S.A.R. et mr le Prince sy trouverent, où mr le premier President dit à mr le Prince que c'estoit une chose bien estrange qu'un premier Prince du sang comme luy, fut demeuré sy long temps dans Paris, et y aller par tout sans avoir encor veu leurs Matés et qu'il sembloit qu'il voulust dresser autel contre autel. A quoy ce Prince respondit, qu'il avoit des raisons justes qui l'avoient empesché d'aller au Palais Royal, qu'autrement il scavoit bien ce qu'il devoit à son souverain; son A.R. appuyant ce discours dit au premier President, que si son cousin n'avoit pas esté au Palais Royal, ç'avoit esté par son conseil, et qu'il estoit garand de ses bonnes intentions, ce qui luy ferma la bouche. Après celà on mist diverses affaires sur le tapis, et après avoir deliberé sur cela il sen suivit un arrest dont voicy à peu pres le dictum: La Cour prie mr le Prince d'aller voir le Roy et la Reyne au plustost, enjoint au Procureur Genl de tenir la main à l'execution des arrests donnés contre le Cardal, que les domesticques estrangers seront pris au corps, mesme le sr Odedey; que les nommez Brachet, Berlet et Siron seront adjournés pour comparoistre en personne devant messrs de Broussel et le Musme commres, et subiront l'interrogation; que le duc de Mercoeur sera prié de venir lundy prochain prendre sa place au Parlement pour rendre compte de son voyage de Cologne et de son mariage; que la parole que la Reyne avoit donnée aux deputez de laditte Cour, que les srs de Servient, le Tellier et de Lionne ne rentreront pas dans le ministère, sera enregistrée audit Parlement. On tient pour certain que la femme du duc de Mercoeur est en cette ville il y a plus de 3 semaines, et qu'elle demeure dans le cloistre Nostre Dame, ches madame d'Am- | |
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puise d'où elle ne sort point. Ce qui fait dire que le voyage de ce duc vers Mazarin estoit pour un autre sujet que pour voir sa femme. Le mesme jour mr le Prince s'estant rendu au Palays d'Orleans sur les trois heures apres midy, et ayant conferé avecq S.A. il s'en retourna à son hostel, et sur le 5 heures il alla derechef audit Palais et se promena dans le jardin en attendant le retour du duc d'Anville qui faisoit touttes les allées et venues pour ajouster l'entreveue de ce Prince avec leurs Matez et sur les 6 heures sade Alt. le mena au Palais Royal, où il fut parfaitement bien receu de la Reyne qui l'envoya dire au Roy, qui estoit dans le jardin, qui vint incontinent recevoir ce Prince, lequel ayant rendu treshumbles respects à sa Maté elle luy fit un acceuil tres gratieux, et tesmoigna estre fort aise de le voir. Cela fut cause que le Roy n'alla point ce soir là à la promenade. Les 4 regimens estrangers qu'on nomme les Roses, et qui faisoient un corps de 1200 chevaux, ont esté tous licentiés, et sont desia sur les frontieres d'Alemagne. On mande aussy que 2 regimens du corps que le sr Flekenstein commande, s'en sont separés et s'en retournent en leur Pays, sans avoir voulu attendre leur congé; le reste de ce dernier corps va aussy estre congedié, de sorte qu'il ny aura quasi plus d'estrangers au service de Roy. | |
Paris le 12 Aoust 1651.Mr le Prince faisant veiller assiduellement à ce que les gens du Cardal soient attragés (sic), et ayant des Cavaliers autour de cette ville qui battent la campagne pour cet effect, six de ses gardes prirent dimanche au soir dans Louvre en Parisis à 5 lieues d'icy un nommé Metayer, valet de chambre dudit Cardal, qui venait icy d'aupres de son me. Le lendemain ils l'amenerent en cette ville, et fut | |
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mis en la garde du sr de la Roque, Capne des gardes dudit Prince, apres quoy on mena ledit Metayer au parquet des gens du Roy, où ayant esté interrogé selon les formes ordes, il dist qu'il estoit venu icy pour passer en Anjou affin d'y visiter quelques terres qui appartiennent au Prince de Chimay duquel il les vouloit acheter; on trouva sur luy un passeport signé du Comte de Brienne, qui parloit desdtss terres, et plusieurs lettres de chiffre; l'apresdisnée il fust derescheff interrogé par le sr d'Artigues, Conseiller au Parlement. On a nouvelles de Catalogne que l'armée navalle des Espagnols, qui estoit descendue proche de Barcelone pour l'assieger, s'estoit remise en mer, sur l'avis que les ennemis avoient eu, que le sieur de Marsin vouloit entrer dans cette place avec la pluspart des trouppes pour le deffendre. Mardy le Parlement s'estant assemblé, presens S.A.R. et mr le Prince, apres qu'on eust opiné sur l'affaire du duc de Mercoeur et d'autres, il y eust arrest donné, par lequel il fut dict que ledit Duc apporteroit l'acte et le contract de son mariage, que tous les arrests donnés auparavant contre le cardal Mazarin, tous ses parens, et domesticques estrangers seroient confirmés et mesme qu'il estoit commandé à la damoiselle Manchini, l'une de ses nieces, de vuider le Royaume si elle y estoit, et deffences à elle d'y entrer à peine d'estre declarée criminelle de Leze Maté; apres le prononcement dudit arrest mr le premier President demanda aux Commissaires deputez pour dresser la declaration, s'ils l'avoient faitte. Le mesme jour leurs Matés allerent collationner à une maison de campagne du sr Tubeuff ou il leur donna aussy le divertissement de la chasse de cormorant, et ensuitte un soupper qui luy cousta plus de 20/m escus, leurs Matés revindrent à minuit icy. La Princesse Palatine a perdu son proces contre le duc de Mantoue, ayant esté renvoyée par le Parlement et à se | |
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tenir aux termes de la transaction faitte avec ledit Duc, sçavoir qu'il luy donneroit pour son partage la somme de 1200/m ℔ en argent comptant ou en fonds de terre, et les arrerages qui montent à 50/m escus, lesquels il luy payera dans 3 mois et le principal dans 5 mois. On a nouvelles que le Comte d'OignonGa naar voetnoot1), Gouverneur de Brouage, ayant fait l'amour depuis 4 ou 5 ans à une fille de condition, nommée madamoiselle d'Ampiere, couché avec elle sous promesse de mariage, et en ayant eu des enfans, cette fille, voyant qu'il n'accomplissoit pas la promesse, feignit d'estre où elle demeuroit, elle l'envoya prier de la venir voir pour luy dire le dernier adieu, à quoy satisfaisant il s'y rendit avec 2 ou 3 gentilshommes, et aussy tost qu'il y fut entré on haussa le pont levis et trouvant cette Dalle en une chambre habillée et parée à l'avantage il fut surpris et luy dit qu'il la trouvoit en autre estat qu'il ne s'estoit imaginé, elle luy repliqua qu'elle s'alloit marier. | |
Paris le 19 d'Aoust 1651.Le 11e de ce mois un courier arrivé en cette cour, depesché du Maral d'Aumont pr demander permission de charger les trouppes de mrs les Princes de Condé et Conty, sur le refus fait par elles de joindre à l'armée du Roy commandée par ledit Maral, bienque celuy cy en aye fait faire le commandement trois diverses fois par un Maral de camp. Samedy dernier mr le duc d'Orleans alla sur le soir au Palais Royal où il fut en conference particuliere avec la Reyne fort long temps, il parla à sa Maté de l'assemblée des Estats Generaux, et luy dit qu'il (y) faloit songer. Elle luy repliqua qu'on y avoit desia donné ordre veu qu'on y avoit envoyé les ordres par touttes les provinces que | |
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les deputez se touvassent au 8e de Septembre prochain dans la ville de Tours; à quoy le duc respondit, que dans la presente conjuncture la presence du Roy estant fort necessaire, il estoit a propos que laditte assemblée des Estats se tînt à Paris, ce que la Reyne refusa tout à plat, et dit que si la convocation n'en estoit à Tours, il n'y en auroit point du tout; on remarqua que ledit duc d'Orleans sortant d'aupres la Reyne parut fort chagrin et desplaisant. Le mesme jour le courier dont nous avons parlé cy dessus fut renvoyé d'icy au Maral d'Aumont, auquel il porte les ordres de leurs Matés de licentier les troupes de mrs les Princes, et en cas de refus de les charger; mais mr le Prince pour eviter l'effect de ses ordres la, a envoyé le comte de Saligny pour commander lesdittes trouppes et les ramener sous le canon de Stenay pour estre à l'abry de tout accident. Le mesme jour sur le soir le duc de Beaufort revint d'Anet en cette ville et le mecredy il vit S.A.R. comme aussy mr le Prince qui se caressent fort, et le mesme jour il y eut une conference au Palais d'Orleans entre S.A.R. mr le Prince et le duc de Beaufort. Hier le Parlement s'estant assemblé sans que S.A.R. s'y fut trouvé, mais seulement mr le Prince et le duc de Beaufort, Le premier demanda qu'il pleust à la cour d'inserer dans les registres dudit Parlement la response qu'il avoit faitte à mr le premier President sur ce que celuy cy luy avoit dit qu'il sembloit qu'il voulût eslever autel contre autel, ce qui luy fut accordé. Le mesme jour le Roy manda au Palais Royal par des lettres de cachet touttes les Compes souveraines, l'hostel de la ville et les 6 corps des marchands, à tous lesquels la Reyne dit que le Roy leur vouloit donner advis de la mauvaise conduitte de mr le Prince. Alors en presence de mr le duc d'Orleans et Prince de Conty, mr le comte de | |
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Brienne fit lecture d'un escrit qui portoit, que mr le Prince, abusant des graces qu'il avoit receues du Roy, et des sommes immenses qu'il avoit touchées, faisoit à l'insceu de sa Maté fortifier les places de Mouron et de Bellegarde, ce qui estoit deffendu par les ordonnances, faisoit distribuer argent à plusieurs gentilshommes, qu'il avoit deffendu à ses trouppes de recognoistre le Maral d'Aumont, et de se joindre à son armée. Qu'il avoit fait entrer dans Stenay 800 hommes des ennemis et qu'il avoit à Madrid et à Bruxelles des gens qui traittoient avec le Roy d'Espagne et l'Archiduc, à quoy mr le Prince de Conty repartit à la Reyne en ses termes: ‘madame, voila des calomnies mal tissues. Mr mon frere n'aura pas beaucoup de peine de s'en justifier’. La Reyne ne luy respondit rien la dessus. Il est à remarquer que mecredy au soir la Reyne envoya copie du susdit escrit à monsr le duc d'Orleans, qui mesme y raya quelque chose, et le communicqua à mr le Prince, et il faut adjouster à l'article precedent que le Roy avoit aussy mandé au Palais Royal tous les Ducs, Pairs et autres Officiers de la Couronne, ausquels et aus autres compes cy dessus nommées le Roy parla quelques paroles d'abord et ensuitte la Reyne leur dit, qu'on les avoit fait venir, pour les asseurer que le Cardal ne retourneroit jamais en France, et qu'estant hors du Royaume, il n'y rentreroit plus; que le Roy et elle en donneroient un escrit signé de leur main, lequel seroit enregistré au Parlement. Apres elle parla de mr le Prince, comme il est marqué au susdit article, ce qui s'est fait comme on croid pour eluder la declaration qu'on demanda depuis un mois, dans laquelle les malyersations du Cardal doivent estre inserées. Aujourdhuy le Parlement s'est assemblé pour entendre la lecture du susdit escrit, que la Reyne avoit mis entre les mains du premier President pour le communiquer au | |
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corps dudit Parlement. Mais mr le duc d'Orleans ne s'y estant pas trouvé et mr le Prince ayant tesmoigné de ne se vouloir justifier qu'en presence dudit duc, la lecture en a esté surcise et il a esté dit qu'on deputeroit vers S.A.R. pour sçavoir d'elle quand elle y pourroit venir prendre seance, à quoy elle à respondu qu'aujourdhuy à six heures du soir elle les adverteroit du jour qu'elle se trouveroit audit Parlement. Il y avoit ce matin dans la grand sale du Palais plus de porteurs d'espée que d'escritoires, et un nommé Ridant, Capne de vaisseau, y a esté malmené par des gens de mr le Prince et du peuple pour avoir esté soupçonné d'estre mazarin. Hier au soir mr le Prince fut 4 heures en conference avec monsr le duc d'Orleans, et sur les 10 heures du soir celuy cy commanda au sr Fremond, secretaire de ses commandemens, d'escrire une lettre au Parlement sur le sujet de l'innocence du Prince de Condé, laquelle a esté portée ce matin à mr le premier President. Aujourdhuy lecture ayant esté faitte de l'escrit que le Roy et la Reyne regente firent avanthier aux compes souveraines et à l'hostel de ville de Paris et de la lettre de mr le duc d'Orleans à l'assemblée du Parlement, en presence de mr le Prince, par laquelle lettre S.A.R. asseuroit le Parlement de l'innocence de mondit sr le Prince et qu'il n'estoit aucunement coulpable des crimes qu'on luy imposoit. Mr le Prince ayant pris la parole s'est justifié sur les deux principaux points des accusations faittes contre luy, qu'il formoit des intelligences avec les ennemis, tant à Bruxelles avecq l'Archiduc, que dans le camp avec le Comte de Fuensaldagne, et qu'il n'a voulu non plus faire sortir les Espagnols de la ville de Stenay. Il dit sur ce dernier point, qu'il prenoit la Reyne à tesmoing et S.A.R., sy d'abord qu'il fut sorty de prison, il ne proposa pas au Conseil de faire sortir lesdits Espag- | |
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nols de Stenay, ou par un traicté de trefues pour un an touchant le pays de Luxemburch, ou par la force, ledit Prince ne demandant que 2000 hommes avecq lesquels il iroit en personne contre eux pour les en tirer dehors. Au premier il dit que, sous correction de la cour, il estoit faux qu'il eust envoyé des couriers à l'Archiduc, et qu'il feroit mentir ou mourir ceux qui le calomnioient de la sorte, et que pour luy il se rendroit prisonnier dans la conciergerie, si la cour le vouloit, ne desirant pas estre traitté en Prince du sang, ny comme une personne qui avoit rendu quelque service à l'estat, mais comme le plus abject de tous les sujects du Roy. Apres sa harangue, qui a duré une heure, arrest s'est ensuivi, les voix ayant esté prises, que treshumbles supplications seroient faittes à la Reyne de vouloir nommer les denonciateurs de ces crimes, ou d'en charger le Procureur Genl pour en faire le rapport à la cour. | |
D'Aix le 2/12 Septembre 1651.Toutte la cour se lave et se nettoye et se change autant qu'une moine ou parthi (sic). Le bruit court que madame la douariere doit partir vers Thurnhout, et que madame l'Electrice doit aller vers Cleve. Nous avons icy le Nonce du Pape qui prend soing de quitter les actions des Espagnols et de François. Le Cardal Mazarin a envoyé son Capne de guarde monsr de Champfleur en cette ville pour complimenter les grandes dames. Nous avons icy quelques Escossois de Mastric qui font courir le bruict que le Roy d'Escosse seroit à Londres et me font la guerre tous les jours; je vous supplie de me dire si vous avez quelque chose de nostre bon amy R. Le sr Haack m'escrit du 26 d'Aoust que le Parlement est en bonne posture, et qu'il esperoit me mander au premier jour, conclamatum est. Les Lorrains levent icy a l'entour force monde, et il ne | |
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faut pas doubter qu'il ne cherche quelque occasion pour molester nostre commerce sur le Rhin. Les jesuittes ont fort exalté icy nos divisions en Hollande, et fait (sic) accroire au peuple qu'il y aura un grand changement. Au Diable la beste! D'Aix le 2/12 Septembre 1651. | |
Paris le 9 de Septembre.Samedy dernier monsr de Candale fut receu duc et Pair de France en Parlement, apres quoy il fut dit qu'on deputeroit vers S.A.R. à Limours pour le prier de venir prendre seance en Parlement le lundy suivant et pour cet effect les srs Menardeau et Doujat, Conseillers en la grand Chambre, partirent d'icy l'apresdisnée pour aller à Limours. Dimanche S.A.R. vint la nuict en cette ville où il arriva à trois heures du matin, et le mesme jour il envoya un gentilhomme vers monsr de Chasteauneuff pour le faire venir icy, où il se rendit l'apresdisnée et confera avec S.A.R. pres de 4 heures. Le mesme jour monsr d'Aumale, frere du duc de Nemours, presta le serment de fidelité entre les mains du Roy, pour l'archevesché de Reims, et sur les 6 heures du soir, monsr le duc d'Orleans fut rendre ses debvoir à leurs Matés. On eust nouvelles vendredy dernier que les Espagnols s'estants fait voir vers Lonch, Mardicq et Dunquerque, ils s'estoient enfin campés devant Turne (sic) et l'avoient assiegée; le marquis Sfondrate y commande, et, dit. on, qu'elle est prise. Lundy les trois Estats de Paris s'estants assemblés dans la salle de l'Archevesché, on y proceda à l'election des deputez pour les Estatz Generaux qui y furent choisis et nommés, mais il y a apparence que cette election aura | |
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esté inutile, d'autant qu'on ne croit pas que lesdits Estats se tiennent, à cause qu'on ne s'est peu accorder du lieu. Mardy monsr le duc d'Orleans presenta monsr le Coadjuteur à leurs Matés, on croit qu'il sera Ministre d'Estat aussy bien que monsr de Chasteauneuff. Mercredy la declaration du Roy contre le Cardinal Mazarin fut au Parlement, la quelle a esté sçellée. Le mesme jour monsr le Prince partit de cette ville et s'en alla à Trie trouver le duc de Longueville, il est absenté d'icy affin de n'estre pas à la ceremonie de la majorité, ne pouvant voir le Roy qu'apres que la declaration pour son innocence aura esté verifiée, ce qui ne fut fait qu'hier. Le mesme jour la Reyne voulut rendre la Lieutenance Generale à S.A.R., mais il ne la voulut accepter. Hier le Roy estant sorty du Palais Royal avec touttes ses compagnies d'ordonnances, gardes du corps, cent suisses et de la porte, des Ducs et Pairs, Princes et Officiers de la Couronne et de beaucoup de seigneurs et gentilhommes, qui tous, comme sa Maté estoient à cheval, et la Reyne, messre les ducs d'Anjou et d'Orleans en carosse, ils se rendirent tous au Parlement où le Roy fut declaré majeur, qui d'abort dit quelque parole pour remercier la Reyne de sa regence et la prier de prendre encore soing des affaires. Apres cela la Reyne, ayant un genouil en terre, baisa la main du Roy en luy remettant la regence et luy faisant hommage; autant en firent les ducs d'Anjou et Orleans, comme aussy le Prince de Conty. Monsr le Chancelier commença lors à faire sa harangue, ensuitte monsr Talon, Advocat Genl, la sienne, et monsr le premier President aussy, apres quoy les susdites declarations furent leues, enregistrées et verifiées. Le mesme jour du matin, le Prince de Conty rendit au Roy une lettre de mons le Prince son frere, dans laquelle il asseuroit sa Maté de ses respects, et qu'il | |
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prodigueroit son sang librement à la teste de ses armées pour son service; mais que c'estoit son plus grand regret que la calomnie de ses ennemis l'empeschoient de voir encore sa Maté. Hier au soir monsr le duc d'Orleans estant au Palais Royal fut enfermé long temps avec la Reyne, d'aupres la quelle estant sorty il parut fort triste, et comme il soupoit, le chevalier de la Vieuville le supplia de vouloir seconder la proposition qu'on avoit faitte, de donner la surintendance à son pere. Mais ce duc tout en colere luy dit, qu'il estoit mazarin, qu'il sçavoit qu'il avoit traicté avec le Cardal pour cette charge moyenant 400/m ℔ qu'on devoit donner audit Cardal, et pourquoy il estoit si hardy de se presenter devant luy, que luy et son pere s'allassent; les paroles dont ce duc usa sont un peu rudes. Hier au soir le Roy envoya redemander les sçeaux à monsr le Chancelier, et les fit donner au premier President, la surintendence des finances au Marquis de la Vieuville et monsr de Chasteauneuff fut nommé premier Ministre, le tout s'estant fait sans le sçeu de monsr le duc d'Orleans, qui fut hier au soir au Palais Royal pour en tesmoigner ses ressentimens à leurs Majestés, ausquels, apres avoir exageré les services qu'il avoit rendus à l'Estat, duquel il avoit empesché la ruine plusieurs fois, il protesta qu'il n'entreroit plus dans les Conseils du Roy. Aujourdhuy matin les ducs de Nemours et de la Rochefoucault, comme aussy tous ceux du party de monsr le Prince, sont partis d'icy, pour l'aller trouver à Chantilly où il est à present. Le duc de Longueville est retourné en Normandie. Monsieur de Bellièvre sera premier President et monsr de Champlastreux, President au Mortier, en la place du seigneur de Bellièvre. | |
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De Barcelone le 14 Septembre 1651.Le Comte de Dillie, Lt General de la milice des Cathalans ayant secoury Siourana, qui avoit esté assiegé par quelques guarnisons ennemis qui y sont à l'entour, a eu de grands avantages sur eux, et en a fait amener pres de 50 Officiers et plus de 100 soldats prisonniers en cette ville; mais ledt Comte est arrivé un peu trop tard pour secourir Prades, ou un Major cathalan, qui y commandoit, a trop tost capitulé pour la sortie avec don Balthasar de la Rocca Pontecca qui a demandé la place, mis à rançon les habitans, et a emporte tout leur bled. Le susdt Comte se trouve à present avec ses troupes proche le Malthara et incommode fort les ennemis, lesquels se fortifient de plus en plus en leur anciene poste proche St. André, les soldats desquelles, principalement de la nation Italiene et Allemande, se debandent fort, dont la plus grande partie de cette derniere prend party avec nous, le regiment du Colonnel Lochman seulement s'en est augmenté de 350 hommes, et on donne aux autres des passeports pour aller à Lyon. Lesdts ennemis se ventent tousiours d'un grand secours qu'ils disent leur debvoir venir de costé d'Italie. Ces jours passez les nostres ont pris quelques bourgeois, qui sont venus de l'armée ennemie, on ne scait pas encor au vray ce qu'ils ont confessé sur l'interrogation à eux faitte. Plusieurs croyent que c'est pour une trahison qu'ils avoient entreprise d'y brasser contre ladte ville, ce qui a donné suject au General Marzin, qui pour le present le trouve fort malade, de legonGa naar voetnoot1) aussy l'infanterie Francoise en cette ville; au reste tout le pays tient encor bien pour nous. | |
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De Paris le 16 Septembre 1651.Monsr le duc d'Orleans estant allé a Limours avoit depesché un courier à monsr le Prince pour le convier de venir s'aboucher avecq luy, mais qu'il à eu pour responce qu'il ne pouvoit entrer dans aucune voye d'accommodement et a par ce outre (sic) s'estant retiré à Moutton avec son mescontentement qu'il fonde sur deux choses, l'une que le Roy aye fait choix de ministres sans sa participation, et l'autre qu'on aye donné le commandement aux trouppes du Roy de charger celles qui estoient sous son nom, sans qu'on luy aye donné les deux jours de dilaye, qu'il demandoit pour les faire obeir. Et comme ses pretextes sont mal fondés, il paroist que la defiance dans laquelle il s'est nourry depuis quelques mois, luy a tenu l'esprit en crainte et l'a porté à troubler son propre repos qu'il pouvoit asseurer dans la confiance qu'il pouvoit prendre en la bonté et en la parolle de sa Maté, aupres de laquelle monsr se tenant attaché, comme il tesmoigne le vouloir faire, par l'amour qu'il porte au Roy et au bien de l'Estat, il y a de l'apparence que monsr le Prince reviendra a l'accommodement avec d'autant plus de raison que monsr de Longueville et grand nombre de personnes de qualité, sur lesquelles il faisoit fondement, l'ont abandonné pour suivre sa Maté en leur devoir. | |
Paris le 30e de Septembre 1651.Samedy dernier les marchands armeniens qui sont icy depuis deux ans à solliciter au Conseil la restitution des marchandises, qui leur furent prises alors sur la mer Mediterranée par les Chevaliers de Bourlemont, de Molé et autres, obtindrent arrest du Conseil d'Estat, par lequel lesdits Chevaliers furent condamnez à representer touttes les marchandises, pour estre rendues ausdits marchands | |
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suivant l'inventaire qu'ils en ont fourny, qui monte à plus de 700/m ℔, et à tous les despens, dommages et interests. Dimanche dernier la Reyne au retour du Val de Grace fut visiter madame la duchesse d'Orleans, à laquelle sa Maté dit adieu, et l'asseura que le voyage qu'elle alloit faire à Fontainebleau ne dureroit qu'autant de temps qu'il en faudroit pour nettoyer et airer le Palais Royal. Le mesme jour sur le soir monsr le duc d'Orleans revint en cette ville de Limours où il estoit allé le jour precedent. Quelque peu de temps apres son arrivée, madamoiselle d'Esquillon se rendit au Palais d'Orleans et fut en longue conference avec son Altesse Royale et Madame dans la chambre de celle cy. On croit que s'estoit pour persuader saditte A.R. de prendre le soing des affaires d'icy pendant l'absence du Roy, mais mr le duc d'Orleans le refusa tout net, disant qu'il vouloit vivre en bourgeois dans Paris et ne se mesler d'aucune chose. Le Marquis de St. Maigrin à esté pourveu de la charge de Capitaine-Lieutenant de la compagnie des chevaux legers du Roy par la demission de monsr le duc de Chomberch, moyenant 300/m ℔ que ce Marquis luy donne, dont la Reyne en fait fournir 200/m ℔, en ayant desia donné les ordres pour le payement au surintendant des finances. On a donné force commissions à des seigneurs et gentilshommes qui sont icy pour faire des levées an dela de la riviere de Loire pour aller contre monsieur le Prince, et d'autant qu'il n'y a point d'argent dans les coffres du Roy, on leur assigne l'argent pour ces levées-là aux lieux ou elles se feront, ce qu'on ne croit pas réussir, attendu que cet argent ne pourra pas se lever si facilement comme on le veut persuader. Mardy dernier monsr de Chasteauneuff et le mareschal de Villeroy se rendirent sur les 2 heures au Palais d'Orleans, où ils confererent long temps avecq S.A.R.; 2 | |
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heures apres monsr le duc de Beaufort y vint aussy, et comme S.A.R. alla ensuitte au Palais Royal, un chacun creut qu'il y avoit grande disposition à un accommodement; mais comme saditte A.R. fut passé par le grand cabinet de la Reyne, et entré dans le petit, où il trouva tous les Barbons au Conseil, - c'est ainsy qu'on nomme à present les srs de Chasteauneuf, le premier President, et le Marquis de la Vieuville, à cause de leur grande barbe -, il en resortit à l'instant, fermant la porte rudement apres luy, et alla à la comedie où le Roy estoit, apres laquelle la Reyne luy ayant fait faire de grandes instances de la venir trouver dans son oratoire, S.A.R. n'en vouloit rien faire, et remontant en carosse se retourna à son Palais, d'ou l'on presuma qu'il n'y avoit aucun accommodement à attendre. Le mesme jour le sr de Chabort arriva icy de Bourdeaux, depesché au duc d'Orleans par le Prince de Condé, qui rapporta que ce Prince avoit fait son entrée dans Bourdeaux, au grand contentement d'un chacun, le 25 de ce mois, et que le lendemain il fut au Parlement, où il demeura depuis 10 heures jusques à 2 heures apres midy, auquel il fit un discours des raisons, qui l'avoient induit à se retirer en cette ville-là. Hier au matin le sr de Loustennau arriva icy de Bayonne, depesché du Maral de Grammont, avec lettres à leurs Matés dudit Maral, par lesquelles il leur faisoit scavoir qu'il n'estoit pas en estat de pouvoir empescher le passage à 6000 Espagnols, qui venoient de St. Sebastien en Guienne pour faire diversion. Le mesme jour de matin un courier de Flandres arriva en cour, qui rapporta que le Prince de Ligne s'estoit detaché de l'armèe de l'Archiduc avecq 1200 chevaux pour se joindre aux trouppes du Prince de Condé qui sont vers Stenay, ou du moins pour les escorter et favoriser leur passage pour aller en Bourgogne ou en Berry. | |
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Le mesme jour monsr le duc d'Orleans se rendit au Palais Royal pour prendre congé de leurs Matés; il embrassa les genous du Roy, et l'accolant luy dit quelque chose à l'oreille. Bien que le Roy le receut assez serieusement, il alla ensuitte voir la Reyne, laquelle il baisa sans luy dire beaucoup de paroles; il dit aussy adieu à monsr le duc d'Anjou, apres quoy ce duc revint en son Palais, et entre 9 et 10 heures leurs Matés partirent d'icy, allerent coucher à Fointainebleau, d'où on tient qu'elles sortiront lundy prochain pour prendre la route de Bourges. Monsr le Coadjuteur envoya le lendemain de sa nomination au cardinalat un courrier à la cour de Rome pour y obtenir le bonnet, mais monsr le Prince de Conty qui (s')estoit douté de cette nomination, a depesché aussy en cour de Rome, il y a plus de 5 semaines, pour s'opposer à ce bonnet. Le temps nous fera voir qui l'emportera. Mercredy dernier monsieur le garde des sceaux employa toutte l'apresdisnée à sceler et entre autres 120 commissions pour lever des trouppes; le lendemain il partit d'icy sur les 8 heures pour se rendre à Fointainebleau. On a nouvelles que le Marquis de Levy, s'estant saisy de deux chasteaux en Bourbonnois pour mr le Prince, dont l'un se nomme Montagne, le Marquis de St. Geran avoit fait assembler les communes dudit pays, avoit repris ce dernier, poignardé le Baron de Curé dans son lict, qui y commandoit 30 hommes que ce marquis y avoit laissé en garnison. Hier au matin les Mareschaux de Turenne et de la Mothe furent enfermez longtemps avec S.A.R. dans son cabinet, et le soir il alla souper chez monsr Tuboeuf, où il passa une bonne partye de la nuit à jouer. Il est certain que mr le Coadjuteur a veu la Reyne en particulier il y a quelques jours, et fut enfermé avec sa Maté plus de 2 heures; on croit qu'il a promis d'employer tout son debvoir pour persuader S.A.R. d'aller à Fointaine- | |
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bleau, et de fait, hier devant midy, comme il se promenoit en son jardin, il y eut un de ses gentilshommes, creature du susdit Coadjuteur, qui le pressa fort de faire ce voyage, alleguant plusieurs raisons pour l'y porter, mais se mettant en colere, jura 2 ou 3 fois qu'il n'y iroit pas, quand il (y) iroit de la perte de tout ce qu'il cherit le plus. On tient pour certain qu'il y a dans la tour et ville de Bourges 2500 hōes en garnison pour mr le Prince, et que le Prince de Conty et le marquis de Persan y sont pour la defendre. On veut asseurer que le Gouverneur de Brouage s'est mis du costé de monsr le Prince, et qu'ils vont redresser les fortifications de la Rochelle, et s'il est vray que madame de Longueville traitte de nouveau avec l'Espe, nous sommes à la veille de grandes revolutions en France. La veille du depart de leurs Matés la Reyne envoya une lettre à mademoiselle par laquelle sa Maté luy mandoit de prier sa bonne mamman d'envoyer un de ses carosses a 6 chevaux sur le chemin de Fontainebleau pour relayer ceux du Roy, son bon amy - il estoit en ces mesmes termes. | |
De Longny le 1 d'Octobre.Les guarnisons de Stenay et de Dampvilliers ont fait demander à cette ville et à ceux de Jamets pour qui ils tenoyent, à quoy ils ont respondu qu'ils estoient pour le Roy, et non pour autre, surquoy ils menacent lesdts places de les assieger; l'armée d'Espagne, commandée par Dom Estevan de Gamarre, est tousiours campée en son ancien poste entre Montmedy et Harlon à 3 lieues d'icy. | |
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Condé pour le complimenter, et ensuitte signa le traicté d'union avec ce Prince, le Parlement et jurats de cette ville. Ce duc a promis à ce Prince de faire des levées et ses enfans aussy pour le service du Roy, et pour celuy des Princes. Mr le duc de Richelieu et le Comte de Doignon avec le jeune Trobun sont arrivés en cette ville d'hier, où il fut tiré à leur entrée pres de 100 valés de canon. Lesquels ont tous signé l'union. Mr le Prince les attendoit à supper, ce qu'ilz firent. Il est venu avec une gallere et environ 60 hommes par la mer; on a arresté quelques vaisseaux, qui estoient venu pour charger, lesquelles on veut faire servir pour la gallere appellée la principale pour servir à la guerre. Madame la Princesse arriva jeudy en ce lieu, receu avec grand allegresse; cette Princesse estoit allé trouver mr le Prince de Libourne. Tous les jours arrive grande quantité (de) noblesse, outre la quantité des seigneurs qui l'estoient allé trouver à Libourne, luy faire offre de leur service. On tient que monsr le Prince doit partir demain pour le Haut Puys, et de le compté du Doignon à Brouage. Il a fait arrester touttes les tailles de la province et le revenu du grand convoy. Touttes les villes ont envoyé leurs deputez à monsr le Prince: tout est à luy: il n'en faut pas doubter. Le Commandant qui est à Catalogne le doit joindre s'il en a besoing. On tient icy qu'on a envoyé en Angleterre pour la liberté du commerce entre les Anglois et nous. On ne croit pas que monsr le Prince se serve de 30 vaisseaux de guerre d'Espe, qui sont prests avec 4000 hommes à St. Sebastian, attendu que nous sommes assez forts par la mer, ayants le Comte du Doignon de nostre party. Il n'y a que les habitants de la ville de Montauban, qui n'ont encor deputé à ce Prince, à cause que le Marquis de St. Luy y est arrivé depuis 6 jours, qui leur a porté un ordre de la part du Roy, de ne le point recevoir. | |
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De Paris le 10e d'Octobre.Le Parlement s'assembla le 7e de ce mois, où s'y trouva monsr le duc d'Orleans, le duc de Beaufort, et l'Archevesque de Reims, où apres plusieurs contestations fust donné arrest, portant que S.A.R. sera supplié d'escrire à monsr le Prince qu'il ayt à envoyer ses pretensions par escrit, pour traitter avec le Roy, touschant les seuretez qu'il desiroit avoir de sa Maté, et que cependant deffances soyent faittes à quelques personnes qu'ils soyent, de lever aucunnes troupes, s'ilz n'ont des commissions du Roy scelées pour lever des gens de guerre, lequel arrest sera leur publié et affigé par la ville et fauxbourgs de Paris. Le 6e du courant arriva un courier à S.A.R. de la part de mr le Prince, qui a rapporté qu'aupres que ce Prince a esté à Libourne quelques jours, il s'en seroit allé voir à la Force monsr le marquis de ce nom, et de là à Bergerac, où il fut tresbien receu, et ensuitte monsr le marquis de la Force luy estoit venu rendre la visite. Les nouvelles de Poictou disent, que le rendez-vous des troupes de mr le Prince devoient estre à Niord. Le traicté de mr le Prince de Condé avec le Comte du Doignon est confirmé aux conditions que ce Prince ne pourra faire son accommodement avec le Roy qu'il n'y soit compris, à condition qu'il sera faict duc et pair de France, et receu aux deux ordres de chevallerie, et que ses gouvernements luy demeurent, et ses heritiers y seront continués et maintenus apres sa mort aux charges; que ce Comte baille aussy par emprunt à ce Prince 800/m ℔, 4000 hommes de pied et 1000 chevaux. Le traicté du duc de Richelieu est aussy faict avec ledt Prince, aux charges qu'il ne fera point son accommendement avec le Roy qu'il n'en soit compris, scavoir est qu'il sera remis dans tous ses biens que le feu Cardinal de Richelieu, son oncle, luy a laissé par son testa- | |
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ment, et qu'il sera aussy remis dans son gouvernement du Havre de Grace, que luy avoit laissé ledt Cardinal. Ce duc a emprunté 300/m ℔ au Comte du Doignon et luy a baillé pour seurté de sa debte tous les meubles exquis qui estoient dans Richelieu, qu'il a fait porter à Brouage chez ce Comte. L'on a advis de l'arrivé du Roy à Bourges, ou quelques jours auparavant le Prince de Conty en seroit sorty, et allé à Mourhon; que ledt Prince avoit fait transporter tout ce qui estoit dans la grosse tour, soit de munition de bouche, que de guerre, sans en laisser aucunne chose. On mande aussy qu'il y seroit donné un combat entre les troupes du Roy et celles de ce Prince, où il en seroit demeuré 2 à 300 hōes de ce dernier, tant tués que de blessez et prisonniers, dont on attend la confirmation. | |
Le Paris le 3 d'Octobre 1651.La guerre assés declarée par mr le Prince et sa conduitte ne pouvant estre que funeste à toutte la France, si le bon Dieu n'y met bien tost la main, il n'est à present plus question que de trouver moyen d'estouffer le feu, qui semble esclater en la plus grande partie du Royaume, avec l'esperance que les ennemis de l'estat prennent de s'en prevaloir et de pescher en eau trouble, à quoy les Espagnols avec les Anglois font desia assés paroistre de s'y vouloir embarquer, scavoir les Espagnols entre autres pour avoir n'agueres donné libre passage aux trouppes du Prince de Condé par leurs terres pour aller vers Bourges et mesme les avoir escortés par 1200 chevaux commandez par le Prince de Linie, comme aussy la descente de 6000 Espagnols de St. Sebastian en Guienne pour y faire diversion, selon les advis de Mardt (sic) de Grandtmont donnez en Cour. Les Anglois pour avoir offert du secours audit Prince et aux Bordelois, particulierement à condition de travailler | |
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de se rendre Republicq. Lequel complot, projetté entre eux de s'entreayder pour scavoirGa naar voetnoot1) Dunquerque pour les Espagnols et Calais pour les Anglois, ils tascheront selon leur possibilité de mettre à execution, si ce n'estoit le doubte qui les tient encore en suspens que le Prince de Condé ne fasse son accommodement plus à temps qu'ilz ne voudroient, et que lors ils se trouveroient frustrés de leur attente; en effect tous ceux du Conseil d'en Haut et autres grands de la Cour ayants suivy le Roy à Fontainebleau, où il aura un soing particulier de mettre fin à tous ces disordres. La cour est party de la des hier matin a 4 heures au Bourges, il y a 6000 de guerres, commandés par le Comte d'Harcour, qui suivent le Roy; de la il doit aller à Dijon et il y a 1500 hommes ausdits Bourges en garnison pour mr le Prince, et monsr le Prince de Conty, et le duc de Nemours en personne pour deffendre cette place; mais on croit que la presence du Roy adoucira les esprits seditieus, et que les affaires prendront en brieff un autre ply au souhaict de tous ceux qui aiment la tranquillité. Il y en a qui conjecturent que pour donner moyen à monsr le Prince d'appaiser sa colere qu'on mette la Reyne hors du Conseil du Roy, et l'establira en leur appenage pour ne se plus mesler des affaires d'Estat, et de donner audit Prince des nouvelles asseurances de perpetuel bannissement du Cardinal Mazarin hors du Royaume, qui est le desir de monsr le duc d'Orleans aussy bien que de monsr le Prince, qui tous deux se tiennent encore en une estroicte union; le temps nous fera voir le succes de tout cela. Madame de la Trimoulle partit d'icy le 29 pour Bretagne, le Prince de Tarente son filz s'estant abouché avec monsr le Prince, ils sont à present en bonne intelligence ensemble. | |
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Monsr le Prince se tient tousiours à Bourdeaux, et a desia quantité des trouppes levées en Limosin, Perigort et Guienne qui se monte jusques à 1000 hommes, ledit Prince s'estant abouché avec le Comte du Doignon a tant obtenu sur son esprit qu'il s'est rendu à son costé et luy a promis 4000 hommes de pied et 1000 chevaux à son service. Monsr le duc d'Orleans alla le 28 du passé à Chariot visiter la Reyne d'Angleterre (qu'on dit avoir pris l'habit de religieux). Ladite Reyne luy dit qu'elle avoit entendu comme si le Prince de Condé avoit demandé secours aux Anglois, surquoy S.A.R. excusa disant qu'il n'y songe point à present, mais s'il seroit poussé à l'extremité que cela pourroit bien arriver à l'advenir. Les nouvelles de Berry parlent de mauvais accidents, qui estoit arrivé à Issodun par la neggligence d'une servante laquelle avoit mis le feu dans une granche, qui avoit esté si violent, l'esplacesGa naar voetnoot1) de 48 heures, sans qu'on y pouvoit apporter de remede, de sorte qu'il y avoit plus de 600 maisons mis en cendres, ce qui causoit une perte de plus 1200/m escus. Les marchands Armeniens qui sont en cette ville, ont obtenu arrest du Conseil pris contre les Chevaliers de la Barde, de Mosle et autres qui les ont piraté sur la mer Mediterranée, portant decret de prise de corps contre lesdits Chevaliers et permission de faire saisir touttes les marchandises, qu'ils cognoistront leur appartenir avec les despens qui ont esté liquidé à 300/m ℔. | |
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Prince, rapporte que ce Prince fist assembler le Parlement, où apres en avoir fait la lecture, tous ceux qui balançoient encor à se declarer n'hesitèrent plus, et tous d'une voix conclurrent à un arrest de jonction avec ce Prince; qu'ensuitte il s'en donna un autre, que 2 conseillers iroient par tous les lieux du ressort pour arrester tous les deniers royaux, affin d'estre employés au payement des armées dudit Prince tant par mer que par terre. Dimanche le Prince Thomas arriva en Cour, il doit commander l'armée où le Roy sera en personne, et le Comte d'Harcourt celle qui se doit opposer à monsr le Prince en Guienne. Lundy leurs Matés partirent de Fontainebleau et s'en vont à Bourges. Le Conseil des finances est revenu en cette ville où il demeurera. Le Prince d'Harcourt et le Comte de Lillebone, filz du duc d'Elbeuff, sont demeurés icy, ce Comte estant mal content de ce qu'on luy a refusé la Lieutenance Generale en l'armée que doit commander le Comte d'Harcourt, son oncle. On a nouvelles que l'assemblée des Estats ayant commencé à Nantes et mr de Rohan Chabot y ayant pris sceance en qualité de President, à l'exclusion du duc de la Trimouille, le Mareschal de la Meilleraye, estoit neantmoins entré à main forte dans laditte assemblée, et avoit fait sortir de sa place ledit duc de Rohan avec violence, et qu'y voulant placer le duc de la Trimouille, mr de Vendosme si estoit opposé, et qu'en suitte ledit Maral luy avoit offert d'y presider, ledit sr de Vendosme l'avoit accepté, et qu'à present il y preside au prejudice des deux pretendans. Le Roy a envoyé une lettre de cachet à son A.R. par la quelle sa Maté le prie que luy et le Parlement s'entremettent de faire l'accommodement de monsr le Prince, et | |
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le lendemain saditte Altesse envoya querir quelques mesGa naar voetnoot1) du Parlement, et mr de Beaufort pour leur communicquer cette lettre. Ensuitte dequoy il depescha vers sa Maté pour luy dire que si elle desire qu'on traitte cet accommodement, elle luy envoye les propositions que sa Maté desire qu'elle face. Le Prince de Conty a fait mettre prisonniers dans la tour de Bourges le Lt Genl et quelques uns du corps de ville du consentement des bourgeois; qu'il estoit entré dans la ville 600 chevaux et autant de fantassins, et qu'on s'est baricadé dans la ville. On croit pour certain que madame de Guebriant est entrée dans Brisac par ordre de la Reyne pour en avoir le Gouvernement par commission, ayant donné 200/m escus au sr de Charlevois pour luy laisser la libre disposition de la place. Il est certain qu'on a offert à S.A.R. la Lieutenance Generale, comme il la possedoit pendant la minorité et ce pour six ans, avec augmentation de pension de 100/m escus par an, mais il la refusée tout à fait. On a nouvelles que le Marquis de la Force s'est declaré pour le Prince, et que le Comte du Doignon fournit audit Prince par son traité 800/m ℔ et 4000 hommes. Moyennant quoy ce Prince luy promet qu'il sera duc et pair, et d'estre maintenu dans son Gouvernement de Brouage par la paix qui sera faitte. | |
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à faire ses propositions, et nommer un lieu pour l'entreveue, dequoy S.A.R. ne fut guere satisfaict et dit qu'il sçavoit bien que son cousin mr le Prince ne s'explicqueroit jamais qu'à luy seul. Il fut ensuitte ordonné que defences seroient faittes à touttes personnes de faire aucunes levées ny se saisir d'aucuns deniers des receptes, sous les peines des ordonnances. Le mesme jour arriva icy un courrier de Bourdeaux depesché à S.A.R. par mr le Princc qui rapporta qu'il y auoit laissé le Comte du Doignon, auquel mr le Prince avoit engagé la Duché de Fronsac pour asseurance des 800/m ℔ que ce Comte luy a presté. Que messr de la force avoient touché dudit Prince 50/m escus pour faire des levées, que les srs de Montespan, de Bordeil et d'Aubeterre faisoient les leurs et que le Vicomte d'Harpajou avoit les siennes desia prestes. Le mesme jour arrivèrent nouvelles à S.A.R. que le Roy estoit entré à Bourges, et que le Prince de Conty, le duc de Nemours, le Marquis de Persal, et madame de Longueville estoient sortis dudit Bourges avec la garnison et avoient emmené touttes les munitions et provisions avec le maire, qu'ils tenoient prisonnier à Mouron, ou ils sont encore tous. Le duc de Vendosme n'a presidé qu'un jour à l'assemblée des Estats de Bretagne à Nantes, le Parlement de Rennes ayant confirmé son arrest en faveur du duc de Rohan, et ordonné qu'il seroit informé contre le Mareschal de la Mesleraye du desordre par luy fait en laditte assemblée, ensuitte de quoy madame de Rohan fut voir ledit Maral, auquel elle fit signifier cest arrest, et luy dit que s'il n'estoit pas content de cette procedure, le duc de Rohan, son mary, tenoit la campagne pour luy donner satisfaction, et que les deux gentilshommes, qui estoient avec elle, seroient cautions de son dire. Le marquis de St. Maigrin a esté fait duc à l'instance | |
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de la Reine à laquelle le garde des sceaux dit avant que de sceller les lettres, que si elle continuoit a créer tant de ducs, elle en feroit autant qu'il y a de sergens en France. On croit que la Cour reviendra bien tost à Fontainebleau, et que de là leurs Matés iront à Tours pour y assister à l'assemblée des Estats Generaux, bien que plusieurs n'estiment pas qu'elle se tienne, tant pource que S.A.R. ny les Princes du sang ne s'y trouveront pas, que pource que plusieurs provinces n'ont pas encore nommé leurs deputés pour y envoyer. Mademoiselle de Longueville est en Cour pour servir de caution que mr son pere n'entreprendra rien contre le service du Roy en Normandie. Le sr de Bougy, Maral de camp, a deffait dans le Berry deux compes de cavallerie, dont l'un des chefs s'est sauvé et l'autre a esté pris prisonnier. Hier arriva icy un courier de Toulouse, qui rapporta que le sr de Marsin avoit abandonné la Catalogne et alloit vers mr le Prince avec deux mille hommes de pied et mille chevaux. On a nouvelles que le duc de la Trimoulle, et le Prince de Tarante, son filz, s'estoient declarez pour mr le Prince et qu'ilz levoient 4000 hommes pour ce party là. Il se dit que le duc de JorqueGa naar voetnoot1) et le Prince de Tarente se sont rendus Papistes. | |
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à Paris, où il se faisoit (disoit il) un tiers party, plus dangereux que celuy du Prince. Seneterre estoit d'advis, qu'on allast en Bourgogne, et mr de Chasteauneuff avec le Chevalier de Jarre, ont esté d'advis, que puisque le Roy avoit commencé le voyage (quoy que contre leur sentiment) qu'il estoit necessaire pour son honneur de l'achever. Il fut resolu que Champlastreu viendroit à Paris porter cette deliberation au premier President et scavoir son advis; neantmoins sans attendre la responce l'on est party. Monsr le Prince arriva à Bourdeaux le 22, à ce que dit le sr de Fontaine, courier de mondt sr le Prince. On ne scait pas où le Roy ira de Poitiers; les uns disent que mr le duc d'Orleans accommodera monsr le Prince avecq le Roy, et les autres disent le contraire. | |
Paris le 4 de Novembre 1651.On ne croit pas que mr le Prince se declare avant qu'il soit à la teste de son armée et en estat de marcher. Les derniers lettres de Bourdeaux du 27e d'Octobre disent qu'un brigantin Espagnol avoit mouillé l'ancre devant la porte du Chapeau-rouge, et qu'il avoit apporté 100/m ℔ en piastres; que 13 vaissaux et 6 brulots d'Espagne estoient entrés dans la riviere, ausquels le Comte d'Augnon (sic) donnoit subsistance pour les soldats et matelots, et qu'il y avoit 3000 Espagnols tous enschaisnés dans lesdits vaisseaux, et qu'il estoit resté 2 gallions à St. Sebastien, faute de monde pour les monter. Batteville commande la flotte d'Espagne et persuadoit mr le Prince d'assieger Blaye; les principaux bourgeois de Bourdeaux sortoient pour s'empescher de donner de l'argent. Lundy sur le soir le Roy d'Angleterre arriva en cette ville, audevant duquel la Reyne sa mere, mr le duc d'Orleans et le duc de Yorcq, son frere, furent à quelques | |
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lieues d'icy; mais ayant appris qu'il ne s'approchoit pas si tost, ils revindrent icy. Le Mareschal de la Mothe Haudencourt a accepté les offres qu'on luy a faites à la Cour d'aller en Catalogne en qualité de viceroy, aux mesmes conditions qu'il l'avoit esté auparavant, moyennant qu'on luy donne 3000 hommes et de l'argent, ce qu'on luy a accordé; il emporte 400/m ℔ en lettres de Change, que les marchands luy ont donné icy pour en estre payé à Narbonne. Le sr de Verderonne est icy de retour d'Espagne sans avoir rien effectué pour la liberté de mr de Guise. Leurs Matés doivent partir de Poitiers apres les festes pour aller à la Rochelle où elles laisseront l'armée, puis prendront le chemin de Bretagne et de là reviendront en cette ville. On. mande de Calais du 26 du passé que le fort du Linck s'est rendu à composition aux Espagnols le 19e, n'ayant tenu que 3 jours, et que les vaissaux ennemis sont tousiours devant Dunquercque, que les ennemis devoient aller ce jour là, ou le lendemain, assieger le fort de Mardick. Un courier passant par icy va trouver le Cardal Mazarin, lequel a escrit une lettre à la Reyne, se plaignant de ce qu'on le laisse si long temps apres la majorité, sans le rappeller. Il se dit partout que mr le Prince a pris Xaintes. Il y a nouvelles du Palais d'Orleans que le Cardal Mazarin traicte avec le duc de Lorraine, offrant de luy faire rendre tout son Pays, mesme la ville de Nancy, pourveu que ce duc le remette bien avec mr et madame d'Orleans et qu'il puisse revenir en France. | |
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des de monsr le Prince, estoit en Flandres où il traittoit avec l'Archiduc et le duc de Lorraine; mais on ne scait pas à quelles conditions, encore moins si le traicté est conclu. Les lettres de Bourdeaux du 30e du passé et du 2e du courant portent que la flotte d'Espagne estoit passée devant laditte ville, que 5 vaisseaux y avoient mouillé l'ancre et deschargé de l'argent, on parle de 200/m ℔. Que le Parlement de Bourdeaux s'estoit assemblé, où messrs les Princes de Condé et de Conty, comme aussy le duc de la Rochefoucault y assistèrent. Où il fut ordonné que treshumbles remonstrances seroient faites au Roy pour la reunion de la maison royale, et que des lettres circulaires seroient envoyées à tous les autres Parlements pour en faire autant, et leur faire sçavoir les raisons de l'union dudit Parlement de Bourdeaux avec messrs les Princes. Que les habitans de Montauban continuent leurs fortifications, quoyque le marquis de St. Luc les en eust voulu empescher, et que le Parlement de Thoulouse avoit donné arrest contre le sr de Marcin, ordonnant aux communes de luy courir sus, en cas qu'il ne quitte la hautte Guienne, et on avoit donné un autre contre le sr Guionnet, conseiller du Parlement de Bourdeaux, pource qu'il leve partout les tailles à main armée, ayant tousiours trois cent hommes avec luy pour les faire payer. On a nouvelles que le Comte de Daugnon s'est rendu maistre de la ville de Xaintes, capitale de Xaintonge, à laquelle il a fait contribuer 100/m ℔ pour s'estre mise en defence. Que les trouppes du Prince de Tarante et du duc de la Rochefoucaut et de Matha s'estaient jointes pour tascher de se saisir de Niort, où l'on avoit envoyé 10 compagnies du regiment des gardes pour deffendre cette place là. Que monsr le Prince avoit à present 10 à 12/m hommes et qu'à la fin de ce mois son armée seroit de 12/m hommes de pied, de 5000 chevaux. | |
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Dimanche dernier il partit d'icy pour Poitiers force charettes chargées de munitions de guerre et deux pieces de canon de 25 ℔ de bales chacune, dont les affuts se rompirent au pont Antonin, à 2 lieues d'icy. La Cour est tousiours audit Poitiers, resolue non seulement d'empescher la prise d'Angoulesme, investie par les trouppes de mr le Prince, mais encore de se faire rendre Xaintes, et on ne parle pas qu'elle veuille encore changer de sejour. Avanthier sur le soir monsr le duc d'Orleans receut lettre de mr le Prince par un exprès, nommé le sr de Vinueil, où il luy mandoit, qu'il remettoit tous ses interests entre ses mains. Qu'il ne veut recevoir aucune grace de la Cour que par luy, et qu'enfin il le fait maistre de tout. Ledit sr de Vinueil rapporta qu'ayant esté à Poitiers et demandé des passeports à mr le Comte de Brienne, on l'avoit amusé pres de 24 heures sans luy en donner, et qu'ayant veu cela il avoit gagné un postillon avec lequel il estoit party secretement en poste a trois heures apres minuict; mais que le courrier du Cabinet, estant party quelques heures apres luy et l'ayant devancé, il avoit porté des ordres au Gouverneur de Loches de l'arrester lors qu'il y viendroit, ce qui fut fait et a demeuré trois jours entiers prisonnier. Que se voyant captiff, il avoit eu le temps de brusler touttes ses lettres à la reserve de celles pour S.A.R. qui pourtant furent renvoyées audit sr Vinueil avecq de nouveaux ordres au susdit Gouverneur de le remettre en liberté, et de le laisser venir à Paris. Le mesme jour d'avanthier S.A.R. fit venir en son Palais ceux que le Roy a nommez pour aller avec luy en cas qu'il se fist une entreveue, et furent long temps enfermés ensemble, ayant avant leur venue conferé avec monsr de Chavigny, en suitte de quoy saditte A.R. fit depescher hier un gentilhomme vers la Cour y donner | |
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advis de ce que le sr de Vineuil luy a proposé de la part de monsr le Prince. Une bonne partye de l'armée du Roy qui est en Flandres, a passé la Loire à la Charité sous le commandement de mr de Castelnau Maubissiere pour joindre l'armée du Roy en Guienne. | |
Paris le 18 Novembre 1651.Les lettres de Bourdeaux du 9 du courant portent que le Baron de Batteville estant allé rendre ses devoirs à mr le Prince avec 15 ou 20 officiers Espagnols, le peuple de Bourdeaux estoit apres eux les appellans ........Ga naar voetnoot1) bourriques par touttes les rues; que mr le Prince en ayant fait ses plaintes, on luy avoit respondu qu'on ne souffriroit point d'Espagnols dans laditte ville, que 1500 Espagnols, la plus part officiers reformés, estoient entrés dans Liborne, et que mr le Prince avant son depart, qui fut le 7 de ce mois, avoit traitté magnificquement tous les frondeurs. Le gentilhomme qui partit d'icy, il y a 8 jours, pour aller en Cour avoit ordre de S.A.R. de ne s'addresser à personne qu'au Roy, pour luy faire des plaintes de saditte A.R. touchant l'insulte qu'on a faitte au sr de Vineuil, et de presenter à sa Maté seule la lettre, que mr le Prince a escritte à S.A.R. Le xie madamoiselle donna à souper, et ensuitte la commedie au Roy d'Angleterre et à son frere le duc de Yorck, mr le duc d'Orleans, qui en devoit estre, n'y fut pas, d'autant qu'il se trouvoit indisposé d'un rhume. Le 12 on sema force billets imprimés en cette ville, qui portoient que les corps des marchands et des mestiers de Paris se trouvassent le lendemain à la grand zale du | |
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Palais à l'ouuerture du Parlement pour luy demander rabais de la moitié des imposts qu'on lève icy taut du pied fourché que d'autres denrées, attendu que le Roy n'estant pas à Paris ou n'y gaignoit rien. Les jours passés le Baron de Verderonne revint icy de la Cour où il estoit allé pour rendre compte à sa Maté de son voyage d'Espagne. Il rapporta que mr le Prince estoit avec partye de ses trouppes à Aubeterre, à 6 lieues d'Angoulesme, et que le reste filoit de ce costé là; qu'on avoit arresté à Poitiers le courrier de Bourdeaux, et celuy de Provence pour avoir leurs pacquets; que le comte d'Harcourt estoit indisposé dans la maison du duc de Roannes, son neveu, et qu'on ne voioit que de la jeune noblesse à la Cour d'où on a envoyé nouvelles que les gens du Roy avoient pris le bagage de madame de Longueville qui s'en alloit à Bourdeaux, comme aussy celuy du duc de Richelieu vers la Xaintonge. On asseure pareillement du mesme lieu, que le Roy sans participation de la Reyne avoit escrit à l'Evesque de Rhodes, son precepteur, qu'il revint aupres de sa personne d'où la Reyne l'avoit esloigné il y a quelque temps, et qu'on croyoit que ç'avoit esté pour la persuasion du Maral de Villeroy. Le bruict court fort icy, qu'il s'y forme un tiers party de plusieurs seigneurs, qui doivent presenter reqe au Parlement à la mercuriale, qui se fera mercredy prochain, sur les desordres presens, à fin d'y remedier. Ceux qu'on dit qui y entrent sont mesrrs les ducs de Bouillon, Maral de Turenne, de Brisac, Marquis de Vitry et autres; on dit mesme que monsr de Longueville en est. Avanthier arriva icy un courier de la Cour depesché à monsr le garde des sceaux, qui rapporte que six compes du regiment des gardes estoient entrées dans la Rochelle, qu'elles avoient passé devant les tours sans que ceux dedans eussent tiré un seul coup sur elles, et que le comte d'Harcourt estoit allé avec le plus de ces troupes qu'il | |
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avoit pu ramasser, au secours de Coignac, assiegé par le sr Marcin et autres. | |
Paris le 2 Decembre 1651.L'enregistrement de la declaration du Roy contre mr le Prince en ce Parlement ne s'est fait encore à cause des remonstrances continuelles que mr le duc d'Orleans fait à ces messrs à ce qu'ils ne precipitent une affaire de cette importance et où il y a lieu d'accommodement de fait; on estime que la depesche du sr Vineuil vers mr le Prince, qui se fit le 27e du passé, tend à une entreveue de luy avecq S.A.R. Cela n'a pas empesché que la lecture de cette declaration ne se fît hier en plein Parlement, saditte A.R. y estant presente, mais quand on vint sur ces mots, ‘de l'advis de nostre treshonorée dame et mere et de quelques Princes de nostre sang’, il dit que ces dernieres paroles estoient fausses, ny ayant eu aucun, qui ayt assisté au Conseil; neantmoins la lecture fut poursuivie, et conclu qu'on commenceroit aujourdhuy à deliberer sur cette declaration. Leurs Matés continuent leur sejour à Poitiers, d'où on a nonvelles que le Marquis de Castelnau Maunissiere (sic) s'est joint au comte d'Harcourt à St. Jean d'Angely, ayant ainsy prevenu les troupes de mr le Prince qui tiroient aussy de ce costé là. On veut asseurer que ce Prince s'est mis depuis en marche vers la Rochelle pour secourir la Tour de St. Nicolas, y ayant esté appellé par le Comte de Daugnon. Laquelle tour quelques uns disent estre prise par ceux de la ville. On parle diversement des forces de ce Prince, quelques uns disent qu'il a 12/m hommes de pied et 6000 chevaux; autres disent seulement 6000 qu'il commande, et 1000 sous Marcin et autant sous le Comte de Daugnon. | |
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Le bruict court fort icy du retour de mr le Cardal Mazarin à la Cour, avec cette particularité, qu'il doit estre escorté par six regiments de cavaillerie et d'infanterie, qui sont deux du comte de Navailles, un de Crouates du Maral d'Hocquincourt, un de Grammont et le Polonois; on dit qu'il a donné à chacun 2000 escus pour faire des recreues et les mettre en bon estat, et qu'ils le conduiront par la Charité sur Loire, et que le comte de Navailles les commandera, comme aussy 500 chevaux levez par ledict Cardal au Pays de Liege, de quoy la huitaine donnera plus de lumiere. Le Chasteau de Dijon est assiegé par 800 hommes ou environ, sous les ordres du duc d'Espernon, où le Major qui y commande pour mr le Prince, se deffend vaillamment, ayant desia abbatu à coups de canon plusieurs maisons de la ville et empeschant le travail des assiegeans. Le Roy d'Angleterre a fait des grandes instances à la Cour, qu'on luy donnast 800 hommes pour aller secourir l'isle de Jersey, dont le chasteau Elisabeth, qui est le plus fort, tient encore; on les luy a refusés pour ne point irriter les parlementaires, et leur donner par là occasion d'envoyer des trouppes à mr le Prince. Mademoiselle a presté à cette Maté 10/m escus pour subvenir à ses necessitez. Les Espagnols se fortifient dans Talmon et Castillon, que mr le Prince leur a mis entre les mains, et sur l'apprehension qu'on à la Cour, qu'ils ne fassent une descente à la Rochelle, la plus part de la noblesse de Poitou est allé de ce costé là pour s'y opposer. | |
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au Parlement, avec cette clause neantmoins, que si dans un mois ils ne reviennent en leur devoir, apres ledit mois passé ils seront declarés criminels. Le Roy estant present en Parlement, mr le duc d'Orleans ne s'est point trouvé à cette verification, s'estant excusé tant sur ce que le Roy continuoit à luy faire l'honneur, qu'il sentremît de l'accommodement, que sur ce que mr le Prince estoit son parent. Monsr le comte d'Harcourt s'est enfin rendu maistre de la derniere tour de la Rochelle, qu'il a tant pressée, que la garnison a jetté son commandant du haut en bas dans la mer à la veue des troupes du Roy. Ledit commandant se nommoit Besse. Apres cette expedition ce Comte ayant apris que mr le Prince avoit passé la Charante à Taillebourg avec son armée, il a fait passer la riviere de Boutonne à la sienne, de sorte que les deux armées sont à la veue l'une de l'autre, n'y ayant qu'un ruisseau qui les separe; mais comme il est debordé et qu'il fait un grand marais, on n'a point encore nouvelles qu'elles soient encore venues aux mains, bien qu'ilz se battoient à coups de canon. Le bruit du retour de mr le Cardal continue en cette ville, quon a levé icy la compe de ses gardes et qu'il n'attendoit pour entrer que la verification de la susditte declaration contre mrs les princes. On a nouvelles de Catalogne que ceux de la ville de Barcelone avoient fait une sortie sur les Espagnols, enlevé trois de leurs quartiers, et tué pres de 600 hommes des assiegeans, et qu'on croyoit que par cette deffaitte les Espagnols seroient contraints de lever le siege devant laditte ville. Il y eut mercredy dernier quelque amas de petits bourgeois qui furent asses hardis d'aller trouver mr le duc d'Orleans pour luy faire ses plaintes du mauvais temps, luy demandant la pais et dimission d'imposts. S.A.R. | |
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leur ayant respondu qu'il avoit fait tout son possible, et qu'il falloit s'addresser au Parlement, ils dirent tout haut: ‘allons voir la medaille’, voulans parler de mr le premier President, vers lequel s'estant transportés en troupe plus nombreuse qu'elle n'estoit auparavant, et ayants passé la première porte, pensans entrer par une autre dans la Cour, elle leur fut fermée au nez. Mr le premier President qui estoit dans son cabinet auprès du Marquis de la Vieuville et autres, entendant ce bruit, commanda que touttes les portes fussent ouvertes, et qu'on les laissât faire: son fils le sieur de Champlastreux descendoit avec quelques laquais armés d'espées pour sçavoir de cette canaille ce qu'ils vouloient. L'un d'eux luy dit assés effrontement, ‘nous venons pour tuer ton pere.’ A ces mots ledit sr de Champlastreux le prit au colet et ceux de la suitte, tirans leurs espées, firent reculer ce peuple, qui cassa seulement quelques vitres. Le Baillif du Palais y survint, et receut plus de cent coups, et le Marquis de la Vieuville en sortaut de chez ledit premier President fust attacqué dans son carosse, et n'eust esté la vitesse de ses chevaux, il couroit grand risque de sa vie; on verra la suitte de cette émotion populaire, dont les advis vous seront donnés. | |
Paris le 16 Decembre 1651.Samedy dernier on eut nouvelles de Flandres que l'Archiduc seroit le 12 du courant à Valenciennes avec son armée, et que son dessein estoit de la faire hiverner en Campagne ou en Bourgogne pour soulager par ce moyen le pays du Roy d'Espagne. Le mesme jour on aprit par des lettres de Poitiers du 5 que mr le Prince n'ayant peu attirer au combat le Comte d'Harcourt, et ne pouvant faire subsister son armée au lieu, où il estoit campé, il avoit repassé la Cha- | |
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rante où trois regiments de messrs de la force s'estoient joints à ses trouppes. Le mesme jour de samedy le Parlement s'estant assemblé, mr le duc d'Orleans dit à la compe qu'il avoit des advis certains, que le Cardinal Masarin faisoit des levées sur la frontière, qu'il donnoit force argent, qu'il y avoit apparence que c'estoit de celuy du Roy, qu'il estoit d'advis qu'on deputât vers sa Maté pour l'advertir de tout ce qui se passoit sur la frontière et la supplier d'escrire au Pape et aux Princes estrangers les informer des raisons, que saditte Maté a eues d'esloigner ledit Cardinal de sa personne et de ses conseils, et que le Parlement devoit de nouveau decreter contre luy. Samedy dernier aprés disner S.A.R. manda en son Palais ceux que le Roy a nommez depuis quelque temps pour assister à la conference, qui se devoit tenir entre elle et mr le Prince, et après avoir tenu conseil avec eux elle fit expedier des depesches pour la Cour et pour mr le Prince, desquelles elle chargea le sr de Gancourt pour les porter, lequel partit le lendemain en poste d'icy pour cet effect. On a nouvelles que le Comte Ligneville marchoit avec les trouppes Lorraines, vers la Bourgogne pour faire lever le siége du Chasteau de Dijon, et apres les faire hiverner en cette province là. On mande aussy que D. Estevan de Gamarra et le sr de Sarannes marchent avec les leurs vers la Champagne du costé de Vervins, Marle et autres lieus, pour y prendre des quartiers d'hyver. Lundy dernier on se saisit d'un certain homme nommé Maillard, accusé d'avoir esté le cheff de ceux qui furent le 6 du courant faire ravage ches mr le premier President, et fut mené prisonnier dans la conciergerie du Palais. On croid qu'il sera pendu. Le mesme jour sur le soir le sr du Plessis Guenegaut fut au Palais d'Orleans, où il fit part S.A.R. d'une de- | |
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pesche qu'il venoit de recevoir de la Cour par un courrier expres, qui portoit que le Comte d'Harcourt avoit deffait 4 ou 500 chevaux du Prince en sa retraicte. On a nouvelles de la Cour que le filz du Marquis de Mortemar avoit esté esloigné d'auprès de la personne du Roy à cause qu'il parloit trop franchement à sa Maté. Mardy dernier un courrier arriva icy, depesché du duc d'Espernon, qui rapporta que le chasteau de Dijon s'estoit rendu audit duc. Le samedy precedent le sr Planchette et les volontaires qui estoient dedans avec leurs domesticques, ayans estés escortés jusques hors du Gouvernement de Bourgogne, et les soldatsGa naar voetnoot1) obligés à prendre party dans les trouppes du Roy. Mercredy dernier le Parlement s'estant derescheff assemblé en presence de S.A.R., et apres avoir esté deliberé sur la proposition de sadte A.R. le 9 du courant, il y eust arrest rendu, par lequel il fut dit que par l'un des presidens et aucuns des Consrs, qui seront deputez, le Roy sera adverty de ce qui se passé sur la frontière, tant en levées des trouppes nouvelles, qu'en la distribution de l'argent, et des bruicts qui courent du retour du Cardal, du commerce que les Gouverneurs des places frontières et autres ont publicquement avec luy pour faciliter son retour; que le Roy sera supplié treshumblement de la part dudit Parlement de vouloir donner sa parole royale pour l'entretenement et execution de sa declaratien verifiée le 6 Septembre dernier, d'esloigner d'aupres de sa Maté tous ceux, qui adhèrent audit Cardinal. Il y eut pendant l'assemblée quelque pique entre le sr Machaut Consr et le Caodjuteur, et il y en eut, qui opinèrent à mettre la teste du Cardal à prix, et quelques uns à le faire mourir, ce qui obligera le Coadjuteur et les Consrs clercs de sortir. On a nouvelles, que le Lieutenant du Roy, dans la ville | |
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de Chasteau-regnaut sur les frontiers de Champagne, ayant eu quelque soupçon que le sr de St. Estrenne, qui en est Gouverneur, estoit du party de mr le Prince, avoit par le moyen de la garnison mis dehors de la place ledit Gouverneur, et l'avoit conservée pour le Roy. On tient pour certain que les Espagnols ont levé le siége de devant la ville de Barcelonne, ceux de dedans ayans esté secourus par une armée navale de Portugal. Hier le Baron de Verderonne revint icy de la Cour, où il avoit esté envoyé par S.A.R.; il rapporta que la deffaitte de quelque cavallerie de monsr le Prince n'est pas si grande qu'on l'avoit publiée, que ledit Prince estoit à Surgeres, et qu'il avoit fait retrancher son infanterie en un lieu nommé la Baye, derriere une grande fosse, qui la couvroit. | |
Paris le 23 Decembre 1651.Lundy dernier mr le duc d'Orleans fut au Parlement demander jour pour l'assemblée sur le subject d'une lettre, que mr le Cardinal a depuis peu escritte à mr le duc d'Elbeuff, qu'il avoit envoyée à mr le premier President et celuy-cy à mr le duc d'Orleans, avec la responce que mr le duc d'Elbeuff y avoit faitte. La lettre de mr le Cardinal parloit de la levée de 5 a 6000 hommes pour le service du Roy pour lesquels il demandoit passage. A quoy le duc d'Elbeuff avoit respondu qu'il permettroit à ces trouppes de passer, mais qu'il ne luy conseilloit pas d'entrer en France. Dès que S.A.R. eut veu cette lettre, il ordonna à mr le premier President de depescher un expres à la Reyne pour la luy faire voir, et fust aussitost au Parlement qui ordonna qu'on s'assembleroit mecredy. Le Maal d'Aumont qui s'estoit absenté quelques jours de son armée, sans qu'on sache quel voyage il fait, y estant retourné, a voulu scavoir de ses principaux Offi- | |
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ciers s'ils recevroient mr le Cardal ou non; les uns l'ont promis et les autres ont declaré, qu'ils ne vouloient exposer leurs vies à la discretion du Parlement. L'armée dudit Maal marche du costé de Vervins pour prevenir les Espagnols qui ont commencé de passer la Meuse à Givet, à dessein de prendre leurs quartiers d'hyver sur les frontiers de Picardye et de Champagne. Monsr le Tellier est retourné à la Cour: on croit que mr de Servient y pourra revenir aussy. Il court un bruit que mr de Chasteauneuff et le Marquis de Villeroy se veulent retirer de la Cour: si le Cardinal rentre en France. Le 18 de ce mois partit d'icy monsr d'Amville avec lettres de mr le duc d'Orleans pour la reyne, à laquelle il mande, qu'il envoye le Maral d'Estampes à mr le Prince pour tascher de le porter à un accommodement, la priant de faire reflexion sur l'estat des affaires, et de ne pas permettre que tout le royaume soit bouleversé pour l'amour du Cardinal. Les deux armées n'ont rien fait depuis le combat du 4e de ce mois, sinon que le bruit court de la deffaitte du regiment du chevalier de Crequi par les gens de mr le Prince. L'armée de mr le Comte d'Harcourt estoit à Tonnay Charante et aux environs, et celle de monsr le Prince à la Bergerie et à St. Hypolite. L'on dit que le duc de Nemours s'est embarqué à Brouage, pour passer à Oostande et de la à Stenay, affin de commander les trouppes qui sont avec mr de Tavanes. Il y a des nouvelles asseurées que le Comte de Quinsay, Lieutenant General de l'armée du Maral d'Aumont, a esté tué par Rouville, Gouverneur d'Ardres. Le Roy a promis de permettre à ceux de la religion reformée un Sinode National pour le premier de Septembre prochain à Loudun. | |
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Le Parlement fut assemblé mercredy dernier sur les bruicts qui courent du retour du Cardinal, et fut enfin conclu que les deputez par le dernier arrest partiront au premier jour pour demander l'execution de la declaration du Roy contre le Cardal Mazarin. Que mr le duc d'Orleans seroit prié d'escrire à tous les Gouverneurs, pour leur faire deffence de recevoir ledt Cardal et que 4 conseillers de la Cour seroient envoyés en Picardye et Champagne, pour faire armer les communes contre luy s'il entre en France. Le duc de Rohan a obéy aux ordres de la Cour de se retirer en son Gouvernement d'Anjou, ce qui remettra la province en repos. Les bonnes nouvelles de Barcelone ne continuent pas: on y attend en bonne devotion le Maal d'Hodencourt. | |
Paris le 30 Decembre 1651.Les deputez nommez par le Parlement pour aller à la Cour estans sur le point de partir, le 24 du courant il arriva le mesme jour une lettre du Roy par laquelle sa Maté mandoit qu'ilz n'avoient que faire de faire ce voyage pour faire des remonstrances, puisqu'il avouoit tout ce que le Parlement avoit fait contre le Cardal. Depuis il est arrivé une lettre portant ordre exprès à mr le premier President de partir et aller en Cour, à quoy il eust de la peine à se resoudre, et fit pour cela escrire par le Maral de l'Hospital et le Marquis de la Vieuville pour representer à la Cour la necessité en laquelle l'estat des affaires le mettoit de demeurer dans la ville. Monsr le duc d'Orleans, ayant sceu l'ordre qu'il avoit receu, le fit prier de differer son voyage jusques à ce qu'il eust receu des nouvelles de la negotiation du Maral d'Estampes; ce nonobstant il partit mercredy au matin; monsieur le Marquis de la Vieuville partit le mesme jour. L'on | |
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croid qu'il viendra bientost des ordres au Parlement de se transporter à Poictiers ou à Tours. Monsr le surintendant a fait avant partir donner un arrest du conseil, qui revoque touttes les assignations, que l'on avoit données à ceux à qui il estoit deu par le Roy. Monsr le Princc a escrit à monsr le duc d'Orleans, qu'il remet ses interests entre ses mains, et qu'il signera le traicté, qu'il voudra faire pour que l'on empesche le retour du Cardinal. Il court un bruict que monsr le Prince a conclu son traicté avec l'Espagnol par le moyen de monsr Lamet, cy devant Procureur Generael à Dijon, qui à esté pour cet effect à Madrid. Le duc de Nemours s'est embarqué le 14 à Brouage, de sorte que l'on croid qu'il est à present en Flandres, ou à Bruxelles; il doit commander un corps d'armée, sur les frontiers de Bourgogne et de Champagne. Les deputez qui s'estoient rendus à Tours pour l'assemblée des Estats Generaux, voyant qu'il n'y avoit point d'apparence de pouvoir faire l'ouverture, ont pris acte de leur comparition, et en sont tous partis. L'on dit pour certain, que mr le duc d'Orleans a detaché ses trouppes de l'armée de mr le Maral d'Aumont, et qu'il les a faits loger à Meaux, Estampes et aux environs de cette ville à 10 ou 12 lieues. S.A.R. a fait commandement à tous ses officiers et domesticques de se rendre auprès de sa personne dans le 8 du mois prochain. Monsr le Cardal est asseurement arrivé à Sedan des le 24 de ce mois; ses trouppes ont leur rendezvous à Rhetel, et doit prendre la marche par la Bourgogne pour passer la Loire à la Charité. Monsr le Prince a â present son quartier principal à Porcheule et aux villages proche de Xaintes. Le Parlement s'estant hier assemblé, il fut resolu que l'on ne se separeroit point quil n'y eust arrest, qui dit | |
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entre autres choses que sa Maté seroit treshumblement supplié d'accorder les declarations demandées, et d'autant que S.A.R. asseuroit que le Cardal estoit entré en France, la Cour declare que le Cardal a encouru les peines portées par les dernieres declarations, et comme telle declaré criminel de Lèze Maté et perturbateur du repos publicq, sa teste est mise à cent cinquante mille livres. Le Roy d'Angleterre communia lundy dernier ches son resident, ou il fit prescher. | |
Uyt Paris den 30 December 1651.Op de ordre van den Coninck alhier gesonden, dat de heeren vant Conseil du Roy haer tot Poitiers aent Hoff souden vervoegen, soo is d'heer premier President, in qualt als Garde de Seaux van VranckrijckGa naar voetnoot1), met den heer Marquis de Vieuville, surintendant des finances, op woonsdach voorleden des voormiddachs van hier nae Poitiers gescheyden; d'andere heeren vant selve Conseil prepareren haer oock ende vertrecken mede dagelijcx derwaerts; dit doet veele luyden geloven dat den Coninck noch wel eenigen tijt uyt Paris mochte blijven en soo haest niet wederkeeren, alsmen voor desen gemeent heeft. Het Parlement alhier is gisteren over dese ende andere saecken, maer principalijk over 't gerucht dat alnoch continueert, dat d'heer Cardal in Vranckrijck ingetrocken is, van smorgens tot over middach vergadert geweest, alwaer d'heer Hertoge van Orleans en andre groote mede present waren; daer wert gesecht dat onder anderen geresolveert soude hebben dese vier pointen: 1o. Dat de Gedepden, bij 't Parlement geordonneert, tot den Coninck souden reysen om onderdanige remonstrantien te doen, gelijck voor desen is geschreven, metten eersten souden vertrecken. 2o. Dat | |
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den heer Hertoge van Orleans sal worden gebeden sijne troupes ende crijchsvolck te willen geven tot weeringe en tegenstant voor 't incomen des heere Cardals in Vranckrijk. 3o. Dat vijfftich duysent croonen sullen worden opt lijff ende leven van gemen heere Cardal gestelt. 4o. Ende dat dit arrest gesonden sal worden aeu alle de andere Parlementen in Vranckrijck, met versoeck om haer mettet selve te conformeren, en gelast arrest tegens den heere Cardal te geven. Den heere Hertoge van Orleans heeft aan sijne regimenten, die haer omtrent x mijlen van hier tusschen Orleans gehouden hebben en in alles omtrent 2000 man sterck sijn, ordre doen brengen, dat sij haer sullen retireren en hooger op in Vranckrijck trecken. Den heere Hertoge van Nemours is uyt Guienne in Vlaenderen gecomen, soo gesecht wort om te commanderen de trouppes van̄ heere Hertoge van Lotteringen, die geconjungeert sijn met de Spaense onder den Grave van Tavanes, t'samen sterck 5000 man, met intentie om Vranckrijck in te trecken ende een diversie te maecken. De legers van den Coninck ende van̄ heere Prince van Condé leggen noch in Xaintogne niet verde vanden anderen ende dese leste in een seer avantagieuse plaetse, soo men secht. Monsr de St. Luc, Lieut du Roy in Guienne, heeft de stadt Moisack ingenomen ende veele van 't garnisoen doot geslagen. De stadt Montauban heeft hij oock doen fortificeren, stercker als oyt te vooren geweest is. Men gelooft vastelijck dat het Hoff in corten van Poictiers vertrecken sal naer Angoulesme ofte ConiackGa naar voetnoot1), om de stadt Xaintes meerder te naederen en deselve mede te brengen tot gehoorsaemheyt van den Coninck. Hier wert gerucht dat de heeren van Chasteauneuff | |
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ende Villeroy haer vant Hoff souden geretireert hebben; daer wert mede uytgestroyt dat den heere Prince van Condé op sijn versoeck van den Coninck van Spaignen geobtineert soude hebben de relaxatie ende ontslaginge vanden heere Hertoge van Guise. Van Toulon wert geschreven dat seven Spaense galeyen, tot Finael volk van oorloge ingenomen hebbende, om deselve te brengen in Catalonien voor Barcelone, door storm ende harde winden sijn genootsaeckt geworden bij Vranckrijck haven te kiesen, ende dat eenige dagen in de eylanden van ErisGa naar voetnoot1) bij MarcelleGa naar voetnoot2) gelegen hebben, sonder dat daer tegens eenige macht in zee is gebracht, alsoo de galeyen van desen Coninck ongeëquippeert ende reddeloos leggen. | |
Paris le 6 Janvier 1652.Samedy dernier les deputez du Parlement, en execution des arrests rendus par ycelluy les 13, 20 et 29 du mois de Decembre dernier, partirent de cette ville pour s'acheminer en toute diligence à Poitiers vers le Roy. Des lettres de Reims du 30 du passé l'on aprit, que le Cardal Mazarin, estant arrivé les jours de Noel, il en estoit party pour se rendre à Rethel le dernier jour de l'an passé. Dimanche dernier est arrivé icy un courrier de la Cour à S.A.R., qui rapporte qu'il n'y avoit aucune esperance d'accommodement du costé de la Cour avec mr le Prince, et que la Cour demeuroit encor à Poitiers nonobstant la cheré qui y estoit. Le mesme jour S.A.R. depescha en Cour un courrier de son Cabinet, chargé de l'arrest du Parlement du 29 du passé, lequel il a envoyé à mr de Chasteauneuff, il porte aussy ordre au Maral d'Estampes de quitter la Cour, et de venir en diligence à Paris. | |
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On a eu nouvelles au palais d'Orleans, que les trouppes Lorraines Espagnoles, et de mr le Prince se devoient joindre à Arlon, qu'on dit estre de 8000 hōes qui doivent entrer en France, et suivre celles du Mazarin. L'on a advis que mr le Prince, apres avoir esté renforcé de 2000 hōes, a quitté son poste et à passé la Charante à Xaintes pr aller chercher le Comte d'Harcourt et tacher à le combattre avant que les trouppes de mr de Monbruyn l'aient joinct, qu'on dit estre de 2000 hommes. Les trouppes de S.A.R. ont passé la Seyne à Melun, et vont vers la riviere de Loire pour y garder les passages; on fist partir d'icy mardy dernier 15 ou 1600 mousquets, force mesche et plomb pour leur porter. Quelques regiments, dont les maistres des camps sont affectionnez à S.A.R., ont quitté le corps d'armée du Maral d'Aumont, et viennent joindre lesdittes trouppes de S.A.R. Mardy dernier le Parlement s'assembla en presence de S.A.R. où il y fut arresté que la declaration du Roy contre le Cardal Mazarin, verifiée le 6 7bre dernier, seroit envoyée à tous les autres Parlements, comme aussy une lettre circulaire pour les convier à rendre un mesme arrest contre ledit Cardal, que celuy qu'il a donné le 29 du mois passé. Le mesme jour apres disner les Commissaires nom̄és du Parlement pour faire vendre les meubles et la bibliotheque du Cardal, se transporterent en son hostel et commancerent à y travailler. Plusieurs personnes de condition quitent la Cour depuis qu'on a sceu que le Cardal y venoit, ne voulans pas l'y attendre. On dit que la Reyne a envoyé force confitures et de tres beau linge au Cardinal, la valeur de 12/m ℔. | |
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de Marcheville vers le duc de Lorraine pour faire avancer ses troupes. Le 2 de ce mois le courier du cabinet de S.A.R. revint de la Cour en cette ville, qui rapporta que sur un discours que fit Berthet à la Reyne, exaggerant les points et les fatigues que le Cardal souffroit en cette saison rude pour venir rendre ses devoirs à leurs Matés, elle en avoit pleuré amèrement, et que le Maral d'Estampes prenant congé de leurs Matés, la Reyne luy avoit dit qu'elle estoit sensiblement touchée de ce que mr le duc d'Orleans avoit assisté à l'arrest rendu contre le Cardal, et sur ce que la Reyne dit qu'elle respondroit à tout, lors que les deputez du Parlement seroient venus, ledit Maal luy dit qu'il parloit au Roy et non pas à elle. Son A.R. ayant depesché un gentilhomme au Marquis de St. Geran, pour s'informer de ses intentions, ce Marquis s'est declaré hautement pour elle et a fait rompre le pont de Vichi. On a nouvelles que le duc de Rohan Chabot s'est aussy declaré pour mr le Prince et qu'il s'est emparé des ponts de Cel sur la riviere de Loire. On a nouvelles que le Cardal a passé la Seine à Nogeant dimanche dernier; il marche en corps d'armée, Manicamp commande l'avant-garde, Navailles la bataille et le Maral d'Hocquincourt l'arrière-garde. Ce corps est de 3000 chevaux et de 2000 fantassins effectiffs avec 4 pieces de canon, qu'on a tiré de Sedan. Mardy dernier un courrier depesché de mr le Prince à S.A.R. vint à 6 heures du matin en cette ville, qui luy rendit force pacquets de son maistre, et rapporta que mr le Prince estoit avec son armée à Biron à 4 lieues de Xaintes, endeça de la Charante, ou il avoit trouvé des provisions pour nourir son armée 2 mois durant, lesquels il avoit fait transporter et conduire dans Xaintes. Mecredy dernier on a appris que le Cardal s'estant pre- | |
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senté devant la ville de Pons sur Yonne pour passer la Seine, mais que les habitans du lieu luy ayant refusé le passage en rompant le pont, il ne s'y estoit pas amusé et estoit allé vers Monterau, et y avoit demandé passage, qu'on croit luy avoir esté accordé, et que le mesme jour il y avoit couché. Le mesme jour un courier, depesché à S.A.R. par le Marquis de Tavanes, rapporta qu'il estoit en marche avec un corps de 5 à 6000 hommes pour venir joindre les troupes de saditte A.R. Hier comme le Parlement s'estoit assemblé en presence de S.A.R., il arriva un courier à la grand chambre, qui rapporte que mrs du Coudray et Bitaut, Conseillers dudit Parlement, ayans fait armer les bourgeois des Pons pour empescber le passage de leur pont aux trouppes du Maral d'Hocquincourt, elles avoient forcé lesdits bourgeois, tué ledit sr de Coudray, blessé et fait prisonnier son collègue, ce qui causa bien du bruict dans l'assemblée. On a nouvelles de Poitiers que mr le Tellier a esté remis en sa charge de Secretaire d'Estat, et qu'il signe a present tous les ordres et expeditions pour la guerre. Hier au soir S.A.R. envoya un trompette au Maral d'Hocquincourt pour repeter le susdit sr Bitau, et on a sceu depuis que son collegue n'a pas esté tué, comme la premiere nouvelle portoit, mais seulement son cheval tué sous luy, et qu'il s'estoit sauvé dans les fossés; S.A.R. a fait partir la nuict passée le susdt courrier du Marquis de Tavanes, auquel il porte ordre de marcher promtement avec ses troupes pour se joindre à celles de S.A.R. Mr le Prince logea le 6 de ce mois à Chebeutonne, à 12 lieues de Poitiers; le Parlement ordonna hier que l'execution de la declaration du Roy contre mr le Prince s'estoit surcise, tant que mr le Cardal sera dans le Royaume. | |
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Paris le 20 Janvier 1652.On a nouvelles de Bourdeaux que la Cour ayant envoyé l'interdiction du Parlement audit lieu, addressée au Procureur Genl, la populace, en ayant eu le vent, se jetta sur son secretaire, qui portoit ladte interdiction à son maistre, qui estoit au Palais, le fouilla et la luy osta. Cette procedure a tellement aigry les esprits de tous les habitans, qu'au lieu qu'il y avoit divers partis dans la ville, ils s'estoient tous réunis en un, qui est celuy de mr le Prince. Le Cardal a fort desiré parler au sr Bitaut, mais il l'a refusé, disant qu'il ne luy seroit jamais reproché qu'il eust veu un proscript et un banny par les arrests d'un senat, dont il estoit membre. Depuis l'arrivée en Cour du Surintendant le Conseil d'en haut a arresté de retrancher encore un quartier des gages de tous les Officiers, et les rentes sur l'hostel de ville de Paris. Mais ce dernier sera bien difficile à executer dans la presente coniuncture d'affaires, mr le duc d'Orleans ayant mesme faict saisir tous les deniers de la recepte du Roy, et que l'on a sequestré ceux, qui sont deubs aux personnes, qui se trouvent interessées avec le Cardal. On a eu advis dimansche dernier, que le premier President avoit parlé hautement la premiere fois qu'il entra au conseil, disant que ce ne seroit jamais de son consentement qu'on revocquast la declaration du Roy contre Mazarin, et qu'il n'abandonneroit pas le Parlement en cette rencontre, mais depuis on a eu nouvelles, qu'il ne continuoit pas en sa vigeur, s'estant accommodé à l'air de la Cour. Lundy dernier ou a eu nouvelles par le trompette que S.A.R. avoit envoyé au Maral d'Hocquincourt pr repeter le sr Bitaut. Que le conseil de guerre s'estant assemblé sur ce suject, on y avoit resolu de ne le pas rendre. Il adjouste que les troupes dudit Cardal ne fesoient que 2 | |
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lieues par jour, et qu'il avoit fait faire force flambeaux, dont il y en avoit trois charettes pleines, et beaucoup d'eschelles, et qu'il avoit couché la nuict precedente vers Montargis, ne logeant pour sa personne en aucune ville murée. Le lendemain S.A.R. se rendit au Parlement, où il fit rapport de ce que le sr Bitaut luy avoit mandé, surquoy arrest fust rendu par lequel il fut dit qu'il seroit escrit aux deputez qui sont en Cour, de prier le Roy de faire mettre en liberté ledt sr Bitaut. On donna aussy, que le Maral d'Hocquincourt et sa posterité seroient responsables de la personne dudt sr Bitaut en cas qu'il luy mesarrivast. On a nouvelles que monsr le Prince a mis son armée en quartier d'hyver dans la ville de Xaintes, Pons et autres sur la Charante; qu'elle estoit composée de 4000 chevaux et 6000 fantassins; qu'il luy estoit venu d'Espe depuis quelques jours 400/m escus; que le duc de Guise estoit attendu dans son camp de jour à autre; que l'armée du Comte d'Harcourt se debandoit fort, faute d'argent, et venoient se joindre à mr le Prince. Hier au matin le sr de Ruvigny, depesché de leurs Matés vers mr le duc d'Orleans, auquel il rendit des lettres du Roy et de la Reyne, pour l'informer des raisons du retour du Cardal en France. Le Roy luy mande aussy que s'il veut aller en Cour, il y tiendra le rang que sa qualité et sa naissance luy donnent. S.A.R. respondit sur le champ audit sr Ruvigny, qu'il ne pouvoit satisfaire aux ordres du Roy; qu'il n'y iroit jamais à la Cour, tant que le Cardal y seroit, et que luy, le duc de Lorraine et le Prince son cousin employeroient leurs forces, leurs biens et jusques à la derniere goutte de leur sang pour faire sortir Mazarin hors de France. Le Cardal ayant fait passer avant-hier la nuict la Loire à ses troppes à Gien, ou croit qu'il s'en detaschera avec | |
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400 chevaux pour aller en Cour, et que lesdittes trouppes iront du costé de Mouron pour l'assieger, qui est investie par le Comte de Paluau. | |
Paris le 27 Janvier 1652.L'on a advis de Perpignan que le Maral de la Mothe Haudencourt a jetté un notable secours dans Barcelone, et qu'il se separeGa naar voetnoot1) d'aller attacquer les Espols dans leurs forts; cependant l'on a descouvert une grande conspiration dans Barcelone contre ce Maral de 200 Cathelans, qui devoient aller au devant de luy pour luy offrir leur service et apres en marchand le devoient poignarder, lesquels ont esté arrestés. On a icy nouvelles de Poitiers du 20 qui disent que mr de Beaugy et mr d'Harcourt a eu des grands advantages sur le Prince, qu'ils ont pris les chasteaux de Barbesieux, et celuy de Jonsac, dans lesquels il y avoit 1200 hommes de pied et 400 chevaux, qui ont esté faicts prisonniers de guerre, et que comme ce Prince se retiroit en corps de bataille pour aller du costé de Bourg, ledit Comte avecq toutte l'armée royale a fait une marche de 48 heures pour le suivre, et a attrappé l'arrière-garde, qu'il a chargée, et a defaict 2000 chevaux, desquels il en a pris 1500 pour monter ses cavalliers, et a fait 1400 hommes prisonniers, et par cette action a mis l'armée du Prince en desroutte. Ledit Prince s'est retiré à Bourg, et l'on croit qu'il sera contraint de passer entre les deux mers. Ledit Comte sans perdre le temps est allé par une marche du tout extraordinaire à une place où il y avoit 1200 hommes pour mr le Prince, qu'il a pris. Cette nouvelle est de si grande importance qu'elle estonne tous ceux de son party. | |
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L'on a advis de l'isle Davers (?) qu'elle s'est declarée pour le service du Roy, et contre le Comte d'Oignon. Mardy dernier sur les dix heures du soir le traicté d'union fut signé au Palais d'Orleans par S.A.R. et par madame la Duchesse sa femme, pour le duc de Lorraine, son frere, en vertu de la procuration, qu'elle a de luy, par le comte Fiesque pour mr le Prince; ils promettent tous de ne mettre point armes bas, que le Cardal ne soit hors du Royaume et que le duc de Lorraine ne soit remis dans ses Estats; le lendemain un courier fut depesché vers le duc de Longueville, pour luy faire signer aussy. Hier le Parlement s'estant assemblé, et apres avoir deliberé sur les lettres du Parlement de Toulouse, de celuy de Rennes, de celuy de Rouen, il y eust arrest rendu, par lequel il fut dit que tous les arrestz donné contre le Cardal seroient executés selon leur forme et teneur, que l'on ne recevroit aucun Duc et Pair ny autres Officiers de la couronne au Parlement, pendant que le Cardal sera en France. Que le fils du Maral de la Meilleraye ne sera pas receu Duc jusques à ce que ledit Maral aura satisfaict à justice suivant l'arrest du Parlement de Rennes. Que treshumbles remonstrances seroient faittes au Roy par escrit et qu'un courrier sera depesché vers mr le premier President pour le prier de demander au Roy la liberté de mr Bitaut. | |
Paris le 3 Febvrier 1651.Les lettres de Bourdeaux disent que le Parlement s'estoit assemblé le 20 Janvier, et avoit donné arrest portant qu'il seroit levé deux regiments d'infanterie de 1200 hommes chacun, pour la levée desquels seroit livré argent comptant à mr le Prince, et on en prendra sur la recepte de la ville pour aviser aux necessitez, et seront nommez des Commiszaires, gens de probité et desinteressés, qui | |
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examineront les causes de soupçon qu'on aura contre ceux que l'on voudra mettre dehors. Monsr le Prince de Conty estoit allé au Parlement le 22 et devoit partir le mesme jour vers Agen pour disposer le haut pays à recevoir garnison. On a envoyé d'icy à la Cour la declaration portant cassation de l'arrest que le Parlement avoit donné contre le Cardal du 29 Decembre. Le Conseil d'en haut a donné un autre arrest par lequel le Roy ordonne, que les deniers de touttes les receptes, fermes et impositions de France seront mises ès mains des tresoriers de l'espargne qui sont à la Cour, nonobstant touttes les assignations ou restitutions, cy devant données par sa Maté; revoqueGa naar voetnoot1) avec ordre aux Intendans des finances et de la justice d'y tenir la main et affin de pourvoir presentement à la subsistance des trouppes; ordonne qu'en attendant le recouvrement des restes deubs depuis 1647, il sera payé par les paroisses certaine somme à laquelle elles seront taxés suivant l'ordre des Commissaires. Le grand Conseil du Roy a receu ordre de sa Maté de se rendre le 20 de ce mois à Chateleraut; mr le duc d'Orleans leur ordonne de ne point partir; mais on n'a pas eu esgard à ses ordres. Le duc de Rohan Chabot s'est entierement declaré pour le Prince. Le duc de Nemours partit d'icy le 26 Janvier pour Bruxelles, pour achever le traicté avec l'Archiduc et le duc de Lorraine. Le Comte de Tavanes mande de Bruxelles qu'il alloit marcher pour aller en France, et don Estevan de Gamara avoit ordre de le joindre. Monsr le duc d'Orleans ne fait encore rien quoyqu'il emprunte de l'argent de tous costés. | |
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Les amis de monsr le Prince font instance aupres de mr le duc d'Orleans à ce qu'il esloigne mr le Coadjuteur. Il y a pourtant apparence, que l'accord se fera plus tost qu'avec mr le Cardal. Monsr le duc de Vendosme s'est declaré pour mr le duc d'Orleans. On dit que mr de Suilly, gendre de mr le Chancelier, s'est aussy declaré. La ville de la Rochelle est fort pressée par le Comte d'Oignon. C'est pourquoy on a mis à la Cour sa teste à prix, promettant 50/m ℔ à celuy qui le tuera. Le duc de Monbason s'est jetté dans Soissons et a prevenu par ce moyen le Maral d'Estrée qui s'en vouloyt saisir pour la Cour, à dessein d'empescher le passage de l'armée du duc de Nemours. Il n'y a point de nouvelles que monsr le Cardal soit arrivé en Cour. Il a esté quelques jours indisposé à Loches, mais il n'est avancé jusques à Chasteleraut. Il court un bruit qu'une somme notable est arrivé à St. Jan de Lus pour monsr le Prince. Maintenant arrivent nouvelles que mr le Cardal est arrivé en Cour, et que le Roy a esté audevant de luy deux grandes lieues: breff on n'a jamais veu tant de pompe. Le Roy part aujourdhuy pour venir à Saumur et Angers pour donner ordre aux desordres, que mr de Rohan Chabot y fait. | |
Paris le 10 Febvrier 1652.Le 3e de ce mois la grand chambre de l'Esdit et la Tournelle s'assemblerent pour faire droict sur la requeste presentée au Parlement par le duc de Bouillon, aux fins d'enregistrer les lettres patentes du Roy, données en sa faveur pour l'eschange de la principauté de Sedan contre les domaines, que le Roy luy a cedé, de 200/m ℔ de rente, avec le titre de Prince. Il fut adressé que lesdittes lettres | |
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seroient enregistrées pour ce qui concerne ledit eschange de la principauté, mais que la presence au (sic) ducs et pairs seroit surcise, attendu les oppositions formées à l'encontre par les interessés. Le 4e on eust advis au Palais d'Orleans par lettres de Poitiers de touttes les particularités de l'arrivée du Cardal à la Cour, qui sont que les srs le Tellier, et Champlastreux furent 10 lieues audevant de luy, le Roy et la suitte à deux lieues, qui tous ensemble entrerent dans Poitiers sur le soir, ou estant sa Maté les conduisit ches la Reyne, dans le Cabinet de laquelle on tint Conseil sur le champ, où mr de Chasteauneuf estant arrivé il regarda ledit Cardal d'un oeil sevère, sans le saluer; mais le premier President, y venant tost apres, fit de grandes caresses audit Cardinal, et la nouvelle estantGa naar voetnoot1) alors, que le Prince de Tarante avoit repris Pons, où il y avoit 500 hommes en garnison lesquelles s'estoient rendus à discretion, on avoit depesché un courier au Comte d'Harcourt, luy portant ordre d'assieger la ville de Xaintes, lequel fit responce, qu'il ne la pouvoit assieger, ny seulement une place quatre fois moindre, son armée n'ayant pas un sol ny aucune subsistence. Qu'au sortir du Conseil le Roy avoit donné à souper au Cardal, où il n'y avoit eu que le duc d'Ampuille seul; que le Cardinael avoit regardé de mauvais oeil les Commandeurs de Souvray et du Jars, comme aussy les srs de Roquelaure, et de Crequi (qui) estoient pour lors plus altiers que devant. Le mesme jour S.A.R. depescha le chevalier de Jerzé vers le duc de Rohan Chabott pour l'asseurer d'un prompt secours et qu'il tiene bon dans le chasteau d'Angers dont il est le maistre. Mardy dernier un garde de S.A.R. revint icy de Bruxelles, qui rapporta, qu'il y avoit laissé le duc de Nemours, | |
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qui y attendoit de l'argent pour payer les troupes qu'il doit conduire en France; qu'il les avoit veues sur la frontiere prestes à marcher; qu'elles estoient de 3000 hommes effectiffs, scavoir 2000 chevaux Lorrains, commandés par le Comte de Ligneville, 4000 hommes que l'archiduc donne, soubs le Baron de Clinchamps, et 2000 hommes du Comte de Tavane. Monsr de Chasteauneuff a eu son congé du Roy de se retirer, et il est desia party de Poitiers pour venir de deça. Mercredy le Parlement fut assemblé en presence de S.A.R.; on y leut l'arrest rendu contre le Cardal par les Parlements de Bourdeaux, Toulouze et Aix, conformement à celuy de Paris, et les lettres de ceux de Grenoble et de Dijon à celuycy. Apres quoy on remit l'assemblée a samedy prochain, affin d'attendre le retour du courier qu'on a envoyé au premier President touchant la liberté du sr Bitaut, lequel le Cardal a fait mettre prisonnier dans un chasteau entre Saumur et Poitiers. Un courrier de mr le Prince, arrivé icy depuis trois jours, a apporté que ce Prince estoit party de Libourne avec 9000 hommes et qu'il alloit en Perigord et Limousin: on croit que c'estoit pour les mettre dans des quartiers d'hyver. La nuict d'hier monsr le duc de Beaufort partit d'icy pour aller en diligence vers les trouppes de S.A.R., qui sont vers la Loire, affin de les mener au secours du duc de Rohan; il porte 100/m ℔ pour les payer. | |
Paris le 17 de Fevrier 1652.Le duc d'Ampuille est arrivé icy le 9 du courant sur le soir pour porter la carte blanche au duc d'Orleans pourveu qu'il permît, que le Cardal demeurast en Cour. A quoy il respondit sur le champ qu'il employeroit tous les biens et celuy des amis pour l'en chasser, et que quand un chas- | |
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cun l'abandonneroit, il feroit un dernier effort pour perdre Cardal; on croit qu'on na donné cette commission audit duc d'Ampuille, que pour l'esloigner de la Cour et de la personne du Roy, affin d'y mettre le Manchini, neveu du Cardal, et le faire favoriser de sa Maté en la place dudit Duc. Les Mareschaux des logis du Roy partirent le 6 du courant pour aller marquer les logis pour la Cour à Angers; où estant arrivés, le duc de Rohan les receut et les traitta et ensuitte leur dit qu'ils marquassent les logys pour le Roy et sa suitte, mais que pour le Cardinal il n'y entreroit pas, ny aucun de ceux, qui sont soupçonnes de son party; que les Lts general et criminel avoient fait assembler les habitans pour les persuader à prendre les armes contre ledit Duc. Dequoy estant adverty il a esté prendre lesdits Lieuts au millieu de l'assemblée, et les a faits conduire prisonniers dans le Chasteau, sans que les habitans s'en émussent, ce qui fait croire qu'ils sont pour ledit Duc, lequel a receu 800 hommes de Bretagne pour tenir bon dans ledit Chasteau, ou le sr Bitaut estoit prisonnier; il l'auroit fait mettre en liberté l'assurant, que c'estoit les Generaux et non luy, qui l'avoient fait retenir et qu'il le serviroit luy et ses enfans, dont il se devoit assurer. Ledt Bitaut fut à Saumur remercier leurs Matés de sa delivrance, comme ledit Cardal luy avoit conseillé. Lundy dernier la nuict S.A.R. depescha un courier en toutte diligence au duc de Beaufort, avec ordre de faire (marcher) les trouppes, qu'il commande au nombre de 4000 hommes vers l'Anjou pour aller secourir le duc de Rohan. Il y a lettres de Bourdeaux du 5 de ce mois, arrivées icy dernier, qui disent (que) 800 hommes trauaillent continuellement (à) laditte ville et la Bastade. Que le Prince de Conty avec un corps de 4 à 5000 hommes estant allé dans la hautte Guienne pour s'opposer aux trouppes du Marquis de St. Lucq, sur lequel ce Prince avoit pris un fort | |
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chasteau dans lequel il y avoit quelques compagnies du regimt de Champagne, qui s'estoient rendus à discretion, et que le Comte d'Harcourt, ayant inutilemt tenté de passer la DardoyneGa naar voetnoot1), avoit esté contraint de s'en retourner vers Xaintes. Le Cour a changé de resolution et a envoyé faire marquer les logis à la Flesche sur l'advis qu'on a eu que ledit duc de Rohan avoit fait enfoncer tous les bateaux, qui estoient sur la rivière, et rompre les levées pour inonder le pais afin de prendre du costé de terre pour l'approcher d'Angers. On a nouvelles certaines que l'armée du duc de Nemours, qui est de 500 chevaux et de 3000 fantassins, touttes vieilles troupes, estoient à Valantiènes du 8 de courant, où ce duc y arriva le 10 et devoit partir le 12 pour Cambray et de là continuer sa marche; que le Comte de Fuensaldagne favoirise cette entrée avec 3000 chevaux et qu'il a fait present à ce Duc d'un carosse de la valeur de 6000 ℔; que l'Archiduc luy a aussy donné deux chevaux de Naples de grand prix, avec un meublement d'un genl d'armée tout complet; que l'artillerie est de 10 pièces de canon, 20 milliers de poudre, le tout estant prest à Cambray. Hier arriva icy un courier de monsr le Prince à S.A.R. qui rapporte que le sr Marcin avoit deffait 400 hommes au sr Biron où il en estoit demeuré 200 sur la place, et le reste prisonniers, parmy lesquels il y a beaucoup de gentilshōes du pays. Le Cour est encore à Saumur le 12 du courant et on a sceu que le Maral d'Harcourt avoit paru au tour d'Angers avec 500 chevaux pour intimider les habitans de laditte ville, et les menacent d'attacquer les Fauxbourgs le lendemain. | |
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Paris le 24 Febvrier 1652.Le 17 de ce mois le Parlement s'estant assemblé, mr le duc d'Orleans present, il y fut parlé de la marche des trouppes estrangeres, et sur ce que mr le duc d'Orleans remonstra qu'il n'y avoit point d'Espagnols, et que c'estoient des amis qui venoient pour le service du Roy, on luy accorda facillement d'en user comme il trouveroit bon. Le mesme jour S.A.R. alla à l'arsenal pour y choisir quelques pieces de canon pour les envoyer au duc de Beaufort. Le Vicomte d'Arpaiou a envoyé un courrier à S.A.R. pour l'asseurer de son obeissance, et de sa fidelité à son party, luy donnant advis qu'il a dans la haute Auvergne 70 cornettes de cavalerie, et autant d'infanterie à son service. Sur la fin de la semaine passée on eust advis que le Maral d'Hocquincourt, ayant voulu attacquer un des fauxbourgs de la ville d'Angers, il y trouva à qui parler, et mesme son filz y fut tué et le fils du Maral de Gance blessé, et ce par un professeur en droit qui conduisoit 200 estudians armés, lesquels les firent retirer sans y perdre que trois hommes, et la porte ne fut pas livrée, comme le sr l'Asnier, maistre des requestes, qui est dans la place, avoit promis. Dimanche dernier le Baron desiroit (sic) vint en cette ville, au quel madamoiselle, fille aisnée de S.A.R., envoya aussytost 600 escus d'or pour se mettre en equipage; il partit d'icy le 20 du courant pour aller faire sa charge de Lt Genl dans les trouppes du duc de Beaufort, qui sont de 2000 chevaux et 3600 fantasins, lesquels marchent au secours d'Angers et estoient desià lundy dernier à Chateaudun. Lundy dernier le sr de St. Tibal, un exempt et six gardes de S.A.R. partyrent d'icy pour faire les estapes ou les troupes du duc de Nemours passeront et pour asseurer la noblesse, qu'il ne leur sera fait aucun tort en leur | |
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passage; elles entrerent en France lundy dernier, et il est certain que le Prince de Ligne est entré dans le Bolonois avec 4000 hommes de l'Archiducq pour faire diversion, et par ce moyen faciliter le passage de ces trouppes. On a apris depuis quelques jours que les travailleurs en soye et la populace de la ville de Tours, au nombre de 10/m hommes, ont bruslé une effigie du Cardal à la barbe du Conseil d'Estat, et le Marquis d'Aumont ayant voulu entrer dans laditte ville, dont il est Gouverneur, on luy a refusé les portes. Mardy dernier arriva icy un courrier de monsr le Prince à S.A.R. qui rapporte, que le Comte d'Harcourt estoit entré dans le Perigord à dessein d'assieger Perigueux; mais ayant recogneu que cette entreprise estoit trop difficile, il l'avoit quittée et s'en estoit retourné vers Xaintes à dessein de l'assieger, ce qu'on ne croit pas qu'il face, veu qu'il y a 2000 hommes en garnison. Les nouvelles qu'on eust d'Angers mardy dernier portent que quelques bourgeois de cette ville là estoient allés trouver le duc de Rohan, luy representant, qu'ils apprehendoient leur ruine, sy on amenoit le canon, à quoy il leur respondit qu'ils ne devoient rien craindre, qu'il estoit assuré qu'on n'en pouvoit avoir de 15 jours, et que pendant ce temps là mr le duc de Beaufort viendroit à leur secours. Les bourgeois n'estans pas contens de cette response, s'en allerent crians par les rues: ‘liberté, liberté’; plusieurs se joignans à eux, allerent en foule à une porte de la ville pour s'en rendre maistres; mais le duc y ayant envoyé des gens de guerre, ils chasserent lesdits habitans à coups d'espée et de baston, et par ce moyen firent avorter leur dessein. Le Comte de Quincé y fut pour proposer au Duc quelque accommodement; mais ledit Duc l'ayant fait entrer ne voulut l'escouter qu'en presence de tout le monde, et apres avoir entendu ses propositions il luy fit response, qu'estant obligé de donner advis de ceux à qui il devoit respect et obeissance, il ne luy pouvoit res- | |
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pondre à ses propositions. Le Comte y est retourné une autre fois, mais on ne l'a voulu laisser entrer; l'armée de la Cour, n'est que de 2000 hommes, et on y en attendoit encore 1000, que le Comte de Broglio y menoit, tirées des trouppes de Berry. La Cour a depesché au Maral de la Meilleraye pour l'obliger à entreprendre le siege d'Angers à ses despens, et par là se venger du due de Rohan, son ennemy; mais il a respondu que quand il s'y estoit offert, on ne luy avoit voulu permettre, et qu'à present il n'estoit pas en estat de le faire. Le Cardal veut encore donner le baston de Mareschal de France à cincq personnes, qui sont Maincamp, Navaille. Quincé, Paluau, Broglio. | |
Paris le 2 Mars 1652.Samedy dernier le Parlement s'estant assemblé en presence de son A.R., où il y eust de grandes contestations entre mrs de la Grand Chambre et mrs des Enquestes, lesquels donnerent un sy grand coup de fronde, qu'ils renverserent tous les advis, et enfin il fut dit que puisqu'on avoit prié mr le duc d'Orleans d'employer l'authorité du Roy et arrests des Parlements de France contre la Cardal, il luy faloit laisser faire. Dimanche dernier on eust advis, que mr de Rohan avoit pris quelques batteaux chargés de munition de guerre, qu'on menoit à ceux qui sont devant Angers et qu'il avoit deffait leur convoy. Le mesme jour on eust advis que les trouppes commandées par le Comte de Broglio avoit exercé des barbaries inouies dans le Poitou, par vol, violemens, meurtres et incendies, mesme coupé les doits aux femmes et filles pour en arracher les bagues, n'espargnans pas les maisons de la noblesse; il s'estoit assemblé à Poitiers mille à 1200 | |
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gentilhom̄es lesquels faisoient souslever tout le pays pour leur courre sus. Le duc de Beaufort estoit lundy dernier avec ses trouppes entre Chasteaudun, et Vendosme attendant celles du duc de Nemours. Le mesme jour on eust nouvelles que les trouppes du duc de Nemours estoient vers Compiegne samedy dernier, et que le duc d'Elbeuff les ayant voulu attacquer en queue a esté repoussé et batu. Il y a eu icy des lettres de Saumur du 29 passé, qui disoient que l'accord du duc de Rohan pour la reddition d'Angers estoit fait, mais un gentilhomme arrivé icy depuis hier a assuré le duc d'Orleans, qu'il n'y avoit aucun accommodement fait, qu'oyqu'on eust fait des grandes offres audit duc de Rohan, lequel n'estoit entré en traitté que pr gaigner temps, et voyant qu'on luy accordoit tout ce qu'il demandoit, il demanda enfin le Cardinal pour ses seuretés. Mardy dernier le Parlement s'estant assemblé, mr le duc d'Orleans present, pour deliberer sur les lettres de cachet du Roy, mr Talon, Advocat General, parla vigoureusement contre le Cardinal, et il y eust des grandes contestations entre mrs de la Grand Chambre et mrs des Enquestes jusques à en venir aux huées et mocqueries, de sorte que ne s'estant fait au(cune) chose l'assemblée fut remise à ce jourdhuy. On escrit de Bourdeaux du 12 du passé que mr le Prince a deffaict le Marquis de St. Luc en la haute Guienne, et que ledit Marquis s'estant voulu sauver à Montauban, on luy avoit refusé les portes. Les lettres du Clermont en Beauvais du 17 du passé disent que le duc de Nemours devoit passer la Rivière de Ferain au dessus ou au dessous de Beauvais pour delà gaigner Mante afin d'y passer la Seine. Le Resident de Florence, qui est icy, a receu hier un | |
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courier du Grand Duc, son maistre, apres quoy il alla incontinent chercher mr le Coadjuteur, auquel il presenta les lettres du grand duc de Florence, par lesquelles il donnoit audit sr Coadjuteur la premiere nouvelle de sa promotion au Cardinalat. Ce matin mr le duc d'Orleans a fait partir d'icy tous les gentilhommes ordinaires de sa maison pour aller à Mante et le Marquis de la Boulaye est allé aussy avecq force volontaires, pour renforcer le duc de Suylly, qui y est, et les habitans pour tascher d'empescher que le mylord Digby, maral de Camp, ne s'y jette avec 800 hommes, qu'il a pour rompre le pont et empescher par là le passage aux trouppes du duc de Nemours. | |
Paris le 9 Mars 1652.Monsr le duc d'Orleans ayant eu advis que le milord Digby avecq 200 chevaux et autant de musquetaires tiroit du cotté de Pontoise, il fit entrer un paysan dedans portant une lettre au Lt General de laditte ville, luy donnant ordre de n'ouvrir pas les portes audit Digby, ce qui fut observé, et les portes luy estant refusées, il menaça les bourgeois de l'approche du duc d'Elbeuff avec 600 chevaux, auquel on fit responce qu'il n'y entreroit non plus que luy, ce milord apres ce refus s'en alla à Poissy dont il se saisit et aussy d'un pont qui est sur la Seine. Samedy dernier le Comte de Fiesque arriva icy sur le soir de Rouen, où il avoit esté envoyé par S.A.R. pour conferer avec le duc de Longueville; il rapporta que ce duc avoit promis de faire sa declaration en plein Parlement le lundy suivant. Le Maral d'Aumont doit joindre le Lieutenant General du Mareschal de la Ferté, qui a deux mille hommes, tant cavallerie qu'infanterie, pour s'opposer au passage des trouppes du duc de Nemours. Dimanche dernier on eust la confirmation de la deffaitte du Marquis de St. Lucq dans la haute Guienne par messrs | |
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les Princes de Condé et de Conty, ausquels ils ont tué, pris prisonniers et mis en desroute 4000 hommes, que ledit Marquis commandoit, de sorte qu'il n'y a plus rien, qui leur puisse faire teste en ce pays là. On a eu advis que le Comte de Roule, qui estoit party d'icy il y a quelque temps avecq mr de Choisy, Chancelier de S.A.R., estant arrivé à Toulon, il y avoit sy bien negotié, que cette ville là s'estoit declarée pour le party de mrs les Princes, comme aussy l'armée navale, qui y est au port, et qu'on s'y estoit saisy d'une grande somme d'argent, qui appartenoit au Cardinal, qu'il y avoit fait venir d'Italie. On a icy nouvelles que le duc de Rohan, ayant envoyé un gentilhom̄e au duc de Beaufort pour luy faire entendre les raisons qui l'avoyent obligé à rendre la ville d'Angers, le duc de Beaufort ne voulut point recevoir ses lettres, et luy dit que sy son maistre eust tenu encore trois jours, comme il le pouvoit faire, voire plus de huict, qu'il l'auroit secouru malgré tout le monde; lade reddition s'est faitte le 29 du passé, on n'a pas encore sceu au vray la capitulation et on tient pour certain, que le Roy n'y ira point. Les trouppes du duc de Nemours passerent Dimanche a Mante et sont à present deGa naar voetnoot1) Dammartin où elles se rafrechissent. On a nouvelles que touttes les trouppes venues pour empescher le passage de la Seine aux trouppes du duc de Nemours, sont à present logées dans la valée de Montmorancy, et avanthier elles prindrent plus de 200 chevaux aux paysans et boulangers, qui revenoient de Paris. Mardy dernier sur les trois heures apres midy les ducs de Nemours, Suilly, et le Baron de Clinchamp arriverent de l'armée en cette ville, et furent parfaitement bien receux de S.A.R. et principalement le dernier. | |
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Le sr Voisin, Conseiller et deputé du Parlement de Bourdeaux, est arrivé icy depuis deux jours pour demander l'union du Parlement de Paris avecq celuy là. Hier madamoiselle donna un balet et le bal ches elle, où tous nos gouverneurs se trouverent et plus de 200 dames: ce fut en consideration du Baron de Clinchamp. On a nouvelles que le Comte de Paluau a levé le blocus de devant Mouron, et il vient avecq ses trouppes du costé de Blois; on luy a refusé les portes à Amboise. Monsr le garde des sceaux n'a point de part aux deliberations qui se font ches le Cardinal, où ne se trouvent que mrs de Servient et le Tellier, et lorsqu'on y parle de la guerre mr le Maral de Turenne y est appellé; il a depuis peu obtenu la qualité de Prince pour ceux de sa maison. Les habitans de la ville d'Angers sont obligés de payer presentement 250/m ℔. La ville de St. Malo en Bretagne demande permission de se pouvoir fortifier, à cause des advis qu'ils ont du grand armement que font les Anglois. Les villes de Montpellier, du Pont St. Esprit de Tournon, et de Viviers en Languedocq se sont declarés pour S.A.R. La ville de Marsac en Lorraine en a fait de mesme. Le Comte d'Augnon est fort malade à Brouage, d'où il a fait des ordonnances touchant la Rochelle, qui parlent en Roy, promettant aux habitans de cette ville là et de son gouvernement du Pays d'Aunix de les recevoir en grace, pourveu qu'ils ayent recours à sa clemence, se reservant pourtant le pouvoir de chasser les principaux autheurs de cette revolte, qui ont pris les armes pour le Cardinal. | |
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Lorrain, du consentement de leurs A.R., lesquels luy firent des presents, le lendemain S.A.R. luy donna un diamant de 10/m ℔, madame une escharpe de grand prix et une bague de 12/m ℔, madamoiselle un diamant de 6000 ℔. Le mesme jour on apprit que le duc d'Elbeuff et le mal d'Aumont s'estoient retirés avec leur trouppes de la valée de Montmorancy, où elles ont exercé des voleries et violences, et s'en retournent en leurs gouvernement. Lundy dernier le duc de Rohan et madame sa femme arriverent en ceste ville, lesquels furent bien receus de S.A.R., à laquelle ce Duc raconta tout ce qui s'estoit passé à la redition d'Angiers dont on n'avoit pas sceu les particularités ny la certitude jusques alors; il dit qu'ayant envoyé le chevalier de Jerzé avec 800 hommes à la pointe du courant des 4 rivieres qui entrent dans la Loire au dessous d'Angiers, affin d'y arrester le courantGa naar voetnoot1) que le Maral de la Meilleraye envoyoit de Nantes pour battre la ville d'Angiers, 70 hommes du party de la Cour avoient forcé ledt chevallier et ses trouppes sans estre defendus, et avoit sceu que le Marquis de la Barre, qui estoit dans ladte ville avec son regiment, s'estoit accommodé avec la Cour cincq jours avant la reddition, moyennant 50/m ℔ qu'il devoit toucher et un brevet de Maral de camp, outre que la plus part de bourgeois estoient las du siege et ne pouvant fier en eux, il avoit entendu à une capitulation, par laquelle il avoit rendu le chasteau, où deux compagnies du regiment des gardes estoient entrés, et qu'on avoit promis aux bourgeoyx une amnistie generale et tout ce qui s'estoit passé pendant le siège comme n'estant jamais arrivé, et que le Cardinal n'y entreroit pas, les bourgeois cryant hautement qu'ils periroient plustost, comme aussi leurs femmes et enfans, que de luy permettre l'entrée. | |
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Par lettres de Bourdeaux du 6 du courant on aprend que mr le Prince avoit fait faire breche raisonable à Miradous qu'il avoit assiegé et que le lendemain du depart de ce courrier on y devoit donner l'assaut, dans laquelle place il y avoit 600 fantassins et 300 chevaux qui s'y estoient sauvés du debris des trouppes du Marquis de St. Luc. Elles disoient encorre que le Comte de Harcourt estoit en marche pour secourir ladite place, et que le sr Marcin devoit s'opposer audt Comte. On a nouvelles que la Cour partit de Saumur le 7 du courant et quelle estoit allé à Richelieu, et de là à Tours ou leurs Maés n'avoient couché qu'une nuit, non plus dans la ville, mais en un faubourcq nommé le Plessis les Tours; que la populace avoit crié d'abord: ‘point de Mazarin’, mais qu'enfin elle s'estoit appaisée et qu'ensuitte elles prenoient le chemin d'Amboise pour se rendre à Blois. Le Maral de Turenne doit commander l'armée qui est avec le Roy et qui doit s'opposer aux trouppes de S.A.R. commandées par les ducs de Beaufort et de Nemours. Mardy dernier le Parlement s'estant assemblé, il y eut grand dispute entre le President Coigneux et le sr Chartron, President aux enquestes, le premier opinant qu'il faloit recognoistre le Cardal et l'autre au contraire soustenant quil se faloit opposer à son entrée dans Paris et que les arrests et declarations du Roy devoient estre maintenus. Mais il ne fust rien conclu. Tous les Officiers qui estoient icy, tant du duc de Beaufort que du duc de Nemours, sont partis pour aller à leurs trouppes, et se debvoient joindre vers Chartres, et il est certain que les Generaux auront plein pouvoir d'agir et faire tout ce qu'ils jugeroient estre necessaire sans qu'il soit besoin d'envoyer icy pour avoir les ordres de S.A.R. Hier le Parlement s'estant assemblé en presence de S.A.R., elle y declara qu'elle promettoit que ses trouppes n'approcheroient de Paris à 10 lieues. | |
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Le Maral de l'Hospital fait la mesme promesse pour celle de la Cour, ce qui fust inseré dans les registres dudit Parlement. Leurs Majestés devoient hier aller coucher à Blois. | |
Paris le 23 de Mars 1652.Le 7 de ce mois le Roy sortit de Saumur et alla jusques à Richelieu, le 9 il en partit et alla vers Aizay, le 11 il partit de là et arriva à Tours, où leurs Matez furent complimentées au nom de la ville par le Lt General, lequel vit aussy mr le Cardal par ordre du Roy, et ne luy dit autre chose, sinon que sa Maté luy avoit commandé de luy faire la reverence. Le 12 les Evesques deputés pour faire des remonstrances au Roy sur l'arrest donné contre mr le Cardal du 29 Decembre eurent audience, ou mr l'Archevesque de Rouan porta la parole; surquoy le Garde des Sçeaux respondant au nom du Roy, dit qu'ils devoient convertir leurs plaintes en action de graces puisque sa Maté les avoit prevenus en faisant casser ledit arrest par un autre du Conseil. Pendant le sejour de sa Maté à Tours mr le Cardal et mr de Chasteauneuff se sont veus, et les deputés d'Orleans et de Blois, s'y rendirent pour asseurer le Roy de leur obeissance et fidelité. Le 13 le Roy partit de Tours et arriva le mesme jour à Amboise, ou le filz de mr de Sourdiz, Gouverneur General de tout l'appanage de mr le duc d'Orleans, s'estoit rendu le jour precedent pour recevoir sa Maté. Il y arriva encore d'autres deputez d'Orleans, qui firent voir des lettres de S.A.R. portant ordre de recevoir le Roy et la Reyne avec tous les honneurs imaginables, mais aussy defence expresse de laisser entrer le Cardal en leur ville. Le Roy leur fit dire, qu'il vouloit estre receu sans condition. Sa Maté partit le 15 d'Amboise et arriva le mesme | |
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jour à Blois ou la Cour est tousiours. Pendant le sejour que la Cour y fait, elle a facilité le passage aux trouppes du Comte de Palvau, qui estoit avancé jusques à Beaugency pour joindre les troupes du Maral d'Hocquincourt, qui avoient leurs rendezvous en ces quartiers là, mais puis que le pont avoit esté rompu, et la ville d'Orleans ayant refusé le passage, la conjonction ne se pouvoit pas faire que par l'arrivée du Roy à Blois. L'armée du Roy est en Beausse, forte de 5 à 6000 hommes, mais qui sera bien de 15000, quand les trouppes de mr Vaubecourt et mr d'Espernon y seront joincts. Monsr le duc d'Orleans presse fort les ducs de Nemours et de Beaufort de s'avancer et de combattre devant laditte conjonction, ce qui pourroit facilement arriver puisque les deux armées ne sont esloignées que 7 ou 8 lieues l'une de l'autre. L'on parle à la Cour comme si elle devoit retourner à Tours à cause des incommoditez qu'elle souffre à Blois, pource qu'ayant voulu aller à Orleans et y ayant envoyé les fouriers du Roy pour y marquer les logis, ils marquèrent aussy les logemens pour mr le Cardal, ce que voyant les habitans, effacèrent le nom dudit Cardinal et contraignirent lesdits fouriers à sortir de la ville, ce qu'ils firent en grand haste pour éviter la furie du peuple qui commençoit à s'animer, et on manda audit Cardinal, qu'il ne seroit pas bon dans cette ville là pour luy, ce qui obligera la Cour de prendre une autre routte. L'on a nouvelles certaines que mr le Prince ayant sceu que mr le Comte d'Harcourt avoit passé la Garonne avec des batteaux, avoit quitté le siege de Miradous pour aller audevant dudit Comte, lequel en estant adverti se retira, n'ayant autre dessein que de faire quitter la ditte place à ce Prince. L'on attend icy mr de Chasteauneuff, et croit on qu'il apportera quelque proposition d'accommodement, en quoy mr le Cardal de Rets le pourra seconder. | |
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Monsr Duplessis Bellièvre, Lt Genl de mr le Comte d'Harcourt, ayant attacqué la ville de Xaintes et poussé jusques au bord du fossé de la citadelle, a contrainct la garnison à capituler; en suitte de cela il assiege Taillebourch, ou le Prince de Tarente s'est enfermé avec une garnison capable de faire longue resistance, si la place estoit meilleure, qu'elle n'est. Le 20 et 21 on leut les remonstrances par escrit qui doivent estre envoyés au Roy pr l'esloignement de mr le Cardal; on leut aussy celle du Parlement de Toulouse sur le mesme sujet. Le duc de Longueville a fait une declaration au Parlement de Rouan, qu'il ne souffrira point que le service du Roy reçoive aucune alteration en sa province; la Reyne luy a escrit une lettre de sa main, pour l'exhorter de continuer en cette resolution. Il court un bruit que le Marquis de Fauge entre en Champagne avec 4000 Lorrains, qu'il a eu en Anvers. Il y aura changement dans les finances et l'on en a offert la surintendence à mr d'Aligre, et à son refus on a nommé six Conseillers d'Estat pour en avoir l'administration. | |
Paris le 6 d'Avril 1652.Samedy sur les xi heures du matin arriva icy un valet de pied de madamoiselle en poste, lequel rapporta que le jour precedent le sieur de Champlastreux et le filz du superintendant des finances avoient esté sur le pont d'Orleans, ou ils avoient harangué les habitans pour les persuader a recevoir la Cour; mais on ne leur donna pas le loisir d'achever leur harangue, et on ne leur respondit qu'avec d'injures, menaçans de tirer sur eux, s'ils ne se retiroient promptement, ce qu'ilz furent contraints de faire sans marchander long temps. Ce valet de pied adjousta que les trouppes de S.A.R., ayans attacque le fauxbourch | |
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de Gergeau au deça de la riviere, ou il y avoit 40 ou 50 hommes des trouppes du comte de Palvau, ceux' cy furent contraints de se retirer dans la ville, qui est audela, et le Baron de Cirot y fut blessé d'une mousquettade a la maschoire, ce qui le met hors de service pour quelque temps. On a rompu deux arches du Pont de Gergeau. Le mesme jour sur le soir un courrier arriva icy, qui rapporta à S.A.R. qu'il y avoit de la brouillerye entre les ducs de Beaufort et de Nemours, celuy cy voulant mener les troupes, qui sont venues de Flandres avec luy à monsr le Prince. Ce qui n'estant jugé à propos par le Conseil de guerre, qui se tint ce jour la en une maison d'un fauxbourch d'Orleans en presence de Madamoiselle, le dernier luy en fit des plaintes dans la chambre, et comme il passoit par l'antichambre, rencontrant mr de Beaufort, il luy dit, qu'il trahissoit mr le Prince, à quoy le dernier ayant respondu par un dementy, ils mirent la main à l'espée, ce qui fit sortir Mademoisselle et madme de Fontenay, qui les separèrent, et ensuitte la première les mit d'accord, et les fit embrasser. Dimanche dernier le duc de Suilly receut advis à xi heures du soir par un courrier exprès, que leurs Matez estoient arrivées à Suilly le soir du jour precedent, dont il fit part aussy tost à S.A.R. Lundy dernier le sr de Gomuille arriva au palais d'Orleans sur les xi heures du matin, lequel rapporta, que mr le Prince avoit couché la nuict precedente à Chastillon sur Loing, qu'il devoit disner ce jour la à Fontainebleau pour se rendre icy le mesme jour au soir. Aussy tost S.A.R. commanda qu'on se tînt prest pour luy aller audevant; de fait il partit d'icy sur les 3 heures, et alla jusques à 2 lieues d'icy pour le rencontrer. Mais ce Prince ne venant pas il revint en son palais sur les 7 heures du soir et l'attendit jusques à minuict à souper, et sur les 3 heures du matin arriva un courrier de mr le Prince avec une | |
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lettre, par laquelle il mandoit à S.A.R. qu'ayant apris que 1800 chevaux des trouppes de la Cour avoient passé à Gien en deça de la Loire, il avoit jugé necessaire de se rendre dans l'armée de saditte A.R. pour les repousser ou les combattre, et qu'aussy tost, qu'il auroit donné ordre à tout, il viendroit le trouver pour recevoir ses ordres. Le mesme jour le Maral de l'Hospital et le Prevost des Marchands se rendirent au palais d'Orleans, ou le Prevost des Marchands dit à S.A.R. qu'il venoit de recevoir des lettres de cachet du Roy, qui luy commandoit d'assembler le corps de ville sur le suject de l'arrivée de mr le Prince. S.A.R. tascha d'empescher laditte assemblée, et le Prevost des Marchands tesmoignant de le vouloir contenter et satisfaire aussy au desir de la Cour, il dit qu'il feroit l'assemblée le lendemain, mais qu'on n'opineroit pas. Hier au matin on vit plusieurs placcardts affichés en divers endroicts de cette ville, portans que les bourgeois de Paris ne se fiassent pas au Maral de l'Hospital, leur Gouvernr, pource qu'il estoit mazarin, et autres choses contre ce dernier. Le mesme jour l'assemblée de la ville s'estant tenue, le Prevost des Marchands y ayant asseuré, que S.A.R. s'estoit rendu caution que mr le Prince ne seroit en cette ville que 24 heures, il ny eust aucune deliberation, sinon qu'il fut arresté, que cette declaration de mr le duc d'Orleans seroit enregistré, ce qui se fit, et l'apresdinée on deputa vers saditte Altesse Royale pour scavoir son intention sur cela, lequel dit tout franchement, qu'il n'avoit jamais dit, qu'il se rendoit caution, que mr le Prince ne seroit que 24 heures icy, et qu'il vouloit qu'on biffast ce qu'on avoit enregistré, que si on ne vouloit (le) faire de gré, il le feroit faire de force. Hier apres midy quantité de canaille et gens de neant, s'estans attrouppés sur le Pont Neuff, ils obligèrent tous | |
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ceux et celles qui passoient en carosse à crier ‘Vive le Roy et les Princes, et point de masarin’, voulans qu'on leur donnast d'argent, exerçans plusieurs insolences, et comme le carosse de la Comtesse de Rieux vint à passer, dans lequel estoit madame d'Ornano, le peuple croyant que c'estoit madame d'Elbeuff, la douariere, se jettèrent sur le carosse, en tirèrent laditte dame, disans que c'estoit la mere de ms d'Elbeuff mazarin, et la vouloient jetter en l'eau, si elle ne se fust sauvée comme par miracle. Son escuyer courut le mesme risque. Le Comte de Brancas, qui vint apres, eut tous ses habits et sa chemise deschirés, et s'il ne se fût jetté dans le carosse de madame de Chastillon, qui passoit heureusement pour luy, on l'eust jetté dans la riviere, ayant esté recogneu par quelques uns, qui crièrent qu'il avoit fait appeller en duel le duc de Beaufort. Monsr le duc d'Orleans, passant sur ledit pont quelque temps apres, ces canailles luy demandèrent permission d'aller à la maison du Maral de l'Hospital, mais S.A.R. leur deffendit d'y aller. Sur le soir ils furent à l'hostel de Nevers, ou madame du Plessis Genegaut estoit accouchée, il n'y avoit pas une heure. Ces canailles y cassèrent les vitres, rompirent les portes et alloient rompre celle qui est sur l'escalier, si un enseigne et quelques gardes et Suisse de S.A.R. ne furent accourus par son commandement, qui empeschèrent cette violence. La Cour est à present à Gien; mr le Prince a joint l'armée de S.A.R.; les bourgeois ont pris les armes et se rendent maistres de tout ce qui regarde Paris; mr le Prince a quitté la Guienne, n'y pouvant plus subsister, mr le Comte d'Harcourt l'ayant poussé à bout. L'on dit que le duc de Lorraine vint et mesme qu'il est desia en Champagne; l'on attend icy mr de Chasteauneuff dans 4 jours. On dit que mr le Prince a pris Montargis qui a fait peu de resistance. | |
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Paris le 13 de Avril 1652.Dimanche dernier les deputés du Parlement revindrent icy de la Cour peu satisfaict, la royne n'ayant voulu permettre, qu'on ouvrit le pacquet, que mr le President Nemond presenta au Roy; les lettres de Bourdeaux disent que le Comte de Harcourt est maistre de toute la Guienne à la reserve de Bourdeaux et de 5 ou 6 autres villes. Mr de Chasteauneuff est arrivé en ceste ville et a rendu ses devoirs à S.A.R., avec laquelle il y a eu une longue conference. Lundy dernier le sr de Saugeon, Capne des gardes de son altesse Royalle, partit d'icy pour aller trouver Mademoiselle, à laquelle il porta la provision de gouvernante absolute de tout l'appanage de mr son pere, à l'exclusion de mr Sourdis. Le mesme jour on apprit la premiere nouvelle de l'enlevement fait par mr le Prince de 4 quartiers de l'avant garde des trouppes de la Cour, commandées par le Maral de Hocquincourt, et ce par un valet de chambre du duc de Nemours, envoyé icy pour avoir un chirurgien qui allast à Chastillon sur Loing pour y panser son maistre qui estoit blessé d'un coup de pistolet, au deffaut des reins; made de Nemours y est allée trouver son mary, et a mené le sr le Large tres fameux chirurgien. Mardy dernier sur les neuff heures du matin un ayde de camp de monsr le Maral de Camp de l'armée de S.A.R. arriva icy, qui confirma la premiere nouvelle, mais n'apporta pas les particulairités de ladte defaite, seulement que cela s'estoit faict la nuict du samedy au dimanche, 7 de ce mois, et qu'il ne s'estoit sauvé qu'environ 80 hommes de cette avant-garde, qui consistoit en plus de 4000 hommes, tant cavallerie qu'infanterie, tous ayants esté tués ou faits prisonniers et le bagage pris. Ceste nouvelle fust incontinent espandu par Paris, qui causa de la joye aux uns et de la tristesse aux autres, mais le | |
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nombre des premiers sans comparaison plus grande que celuy des derniers. Le mesme jour son A.R. eut nouvelles que le duc de Lorraine estoit party de Bruxelles pour venir en deça. Que le Comte de Ligneville estoit arrivé avec les trouppes au deça de la Chapelle. Que le Marquis de Fauge venoit avec les siennes pour se joindre à luy, et que ce Duc venoit sans condition, simplement pour assister le duc d'Orleans et sa soeur; mais comme on cognoit l'humeur et l'esprit dudt duc de Lorraine, on aura de la peine à croire ceste nouvelle, qu'on ne le voye à Paris. Le mesme jour on a eu icy de lettres de Lyons du 5 de ce mois, qui portent que la Cour y avoit envoyé pour scavoir si on l'y recevroit; les bourgeois firent responce que le Roy y seroit le bien venu, mais point le Cardl Mazarini. Mecredy le sr de Haucourt arriva en ceste ville, depesché de mr le Prince à S.A.R. à laquelle il presenta une lettre de creance dudt Prince, la suppliant d'adjouster foy à tout ce que ledit sr de Haucourt luy racconteroit de ce qui s'estoit passé à la deffaite du Maral d'Hocquincourt. Hier sur les 4 heures apres midy mrs les Princes et duc de Beaufort arrivèrent en ceste ville fort peu accompagnés, et furent descendre au palais d'Orleans, ou ils furent receus de leur A.R. avec une joye et des tendresses incroyables. Un grand nombre de bourgeois se trouvèrent la, pour les voir qui tesmoignèrent un contentement indicible de leur venue en ceste ville. Ce matin S.A.R. et mr le Prince ont esté au Parlement, ou ils ont protesté qu'ils mettront armes bas aussi tost que le Cardal Masarin sera hors de France. | |
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car l'on mande du 16 de Gien, que la Cour partoit le lendemain; on croit, qu'elle viendra à Melun, ou à St. Germain, si les passages sont libres. Touttes les armées du Roy sont joinctes et peuvent faire 12/m hommes pour s'opposer à celle des Princes. Monsr le Comte d'Harcourt est bien tost maistre pour le Roy de toutte la hautte et basse Guienne, le Roy luy en a donné le Gouvernement; les progrès qu'il a fait en ces quartiers la sont miraculeus, et on croit que Bourdeaux se mettra à la raison. Monsr le Prince est tousiours icy, qui tasche à faire joindre touttes les compagnies souveraines et la ville à eux, et ce jourdhuy se fait sur le soir une assemblée generale à l'hostel de ville sur cela. Le tout n'aboutit, que faire sortir le Cardinal, qui ne quittera pas volontiers. Monsr de Longueville fait des puissantes levées en Normandie sous les commissions du Roy. La Cour luy a donné pouvoir de se servir pour cet effect des receptes generales de laditte province, et on ne doubte point, qu'il ne soyt pour le party du Roy. On croit que le duc de Lorraine se rangera du costé des plus foibles pour faire continuer nos guerres intestines. Le Baron de Ciro, Lieut Genl du duc de Beaufort, est mort de sa blessure, aussy bien que le Comte de Mere, Maral de camp dans l'armée du duc d'Orleans. Son Altesse Royale et mr le Prince ont fait ensemble de nouveaux voeux d'une estroicte union. La disette de vivres est grande dans les deux armées. On dit que le Roy d'Espagne est mort, mais que cela est tenu couvert jusques à l'accouchement de la Reyne. On parle de plusieurs revoltes dans les dominations de ce Roy, comme à Naples et autres lieux. On tient pour asseuré que Barcelone est dessiegée, la peste et la faim ont fait quitter ce siege aux Espagnols, qui n'avoient pas pensé qu'il deust durer si long temps. | |
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Paris le 27 d'Avril 1652.Samedy dernier apres disner, l'assemblée generale de l'Hostel de ville ayant continué en consequence de l'arrest du Parlement rendu le matin, il n'y fut rien resolu, ceste assemblée s'estant passée en contestations, et fut remise au lundy suivant. Lundy à xi heures du soir le Marquis de Vilaines et le sr Pingaut partirent en diligence d'icy par le commandement de son altesse Royale, le premier pour aller faire rompre les ponts de Poissy et de Trier et l'autre celuy de Laigny sur la Marnes. L'armée de S.A.R. arriva à Estampes mecredy au matin, et celle de la Cour à Milly le mesme jour pour s'ad vancer à Paris. Mercredy dernier madame la duchesse d'Orleans receut des lettres du duc de Lorraine, dattés d'Avenes, par lesquelles il luy mandoit qu'il marchoit en deça avec ses troupes commandées par le Comte de Ligneville, ausquelles s'estoient joints 5 regiments, que l'Archiduc luy avoit donnez. Hier au matin quelques Cavaliers de mr le Prince prindrent sur le chemin de Corbeil l'Abbé Fouquet, frere du Procureur General, qui s'en alloit en Cour et l'emmenèrent en l'hostel de Condé, et fut trouvé dans sa valise plusieurs lettres entre lesquelles l'un portoit advis que si le Roy vouloit venir à Parys, il ne faloit pas que ce fût un jour de feste, et que leurs Matés entrassent par la porte de la conference, et le Cardal par celle de Richelieu. S.A.R. a fait porter force armes en son palais, et on fait garde touttes les nuicts dans son jardin, pour eviter d'estre surpris. S.A.R. a eu nouvelles que Mazarin avoit envoyé quelques troupes pour se saisir de Charenton, mais ayant trouvé la place occupée par celles des Princes, elles s'en estoient retournés sans rien faire. | |
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On apprit hier sur le soir, que le duc de Lorraine estoit avec environ 6000 hommes à Rosay, et que ceux de Langres avoient envoyé vers luy scavoir pour qui il venoit, que si c'estoit pour le Roy, ils feroient cuire de pain pour ses trouppes. Ce duc leur fit dire, qu'il leur apprendroit son intention par la bouche de son canon. La Cour alla hier coucher a Chilly et aujourdhuy leurs Matés seront à St. Germain en Laye. Hier le Milord Germain alla en Cour pour avoir des passeports pour messrs de Rohan, Chavigny, et Goulas, que S.A.R. a nommez pour traitter d'accommodement, lesquelles partent aujourdhuy, affin de se rendre à St. Germain. Les plus subtils croyent l'accommodement desia fait, et que cette deputation n'est que pour la grimace. | |
Paris le 4me de May 1652.Samedy dernier le Prevost des marchands fit afficher des placards en divers lieus de cette ville, portans inionction au maistre des pons et chausées de faire restablir les pods de St. Cloud, de Neuilly Chastau, et du Pée soubs St. Germain, lesquels avoyent esté rompus par ordre de S.A.R., de quoy saditte A. a esté fort irritée, et le lendemain envoya querir les Eschevins en son Palais, et leur dit hautement, qu'il s'en ressentiroit, qui c'estoit un artifice de la Duchesse de Chevreuse, et de ceux de sa cabale, voulant parler, à ce qu'on croit, de mr le Coadjuteur. L'on a nouvelles de Bourdeaux, que le Comte d'Harcourt a voulu faire une bravade à laditte ville, estant allé à la portée du canon d'icelle avec 2000 chevaux; mais il y a laissé 5 ou 6 des siens tués, et 10 ou 12 prisonniers, et s'il ne se fust retiré promptement, il en eust bien laissé d'avantage, parce que plus de 7 ou 8000 bourgeois avoient pris les armes et sortoient pour le combatre. Un jour ou | |
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deux apres, il leur envoya un trompette avec une lettre aux jurats, les advertissant de la deffaictte entière de l'armée des Princes, et que le Prince de Condé y avait esté tué, que c'estoit à eux de songer à leur salut, et qu'il leur offroit son entremise pour faire leur paix avecq la Cour, de quoy les jurats le remercièrent et dirent qu'ils attendroient la confirmation de cette nouvelle par autre voye que par la sienne. Le mesme jour le Prevost des marchands fut attaqué sur le soir, comme il se retiroit, par la populace crians apres luy: au mazarin, luy reprochant qu'il avoit envoyé par eau le soir precedent 50 muids de bled à St. Germain, son carosse fut mis en pieces, ses chevaux emmenés par des cavaliers, et luy, apres avoir receu plusieurs coups de pierre, se sauva chés un chirurgyn, proche l'hotel de Condé, ou il eust esté assom̄é, si quelques uns des gardes de S.A.R. n'y fussent survenus. Le Mareschal de l'Hospital demande son congé alleguant qu'il se voit dans la haine du peuple pour avoir servy la Cour, et partant qu'il desire quitter cette ville, et aller vivre paisiblement en sa maison. Les deputés du Parlement et de la ville de Rouan sont arrivés à St. Germain, ou ils ont dit au Roy qu'il seroit le bien venu par toutte la Normandie, mais sans Mazarin et sans trouppes. Les dernieres nouvelles qu'on a eues du duc de Lorraine depuis deux jours, sont que son armée, composé de 4000 chevaux et 6000 fantassins, devoit passer Dimanche prochain sur le pont de Charenton. La personne de ce duc est attendue mardy prochain en cette ville. L'armée de la Cour est encore à Chartres, et à Linas, et celle des Princes à Estampes et aux environs. | |
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Paris le 11 de May 1652.La bataille d'Estampes a ruiné touttes les trouppes que le duc de Nemours avoit menées de Flandres, y estant tués sur la place plus de mille hommes et 1800 faits prisonniers; 8 colonels des Princes y ont esté tuez, entre autres les Colonnels Brock, Kinsky etc. Il se dit aussy que du costé de mr de Turenne tout le regiment de Navare y a esté taillé en pièces par les regimens de Valois et de Languedocq, qui se sont vaillamment battus l'espée à la main. La Reyne a donné une rose de diamans au Maral de Turenne à la valeur de 100/m ℔ pour recompence de cette victoire. Ledit Maral est venu en suitte se camper au dessus de Longerneau, et hier il envoya une partye de sa cavaillerye à Willejuiff et à Palescau, ce qui donna une grande alarme dans le Fauxbourg St. Germain. Mr le Prince monta à cheval la nuict de lundy au mardy avec sa cavalerie, et fut au delà de fauxbourg. Les deputez du Parlement furent lundy à St. Germain, ou ils eurent audience du Roy qui leur fit response, qu'il vouloit estre obey et qu'il leur envoyeroit une declaration contenant sa volonté. Le Roy veut en personne aller assieger l'Isle Ardam, qui est sur la riviere d'Oise, appartenant à mr le Prince, et devoit partir hier pour cet effect. Le duc d'Orleans, mr le Prince, et mr de Beaufort furent le 4 du courant enfermez seuls dans une chambre, ou ils firent de nouveaux voeus d'une estroicte union, et s'embrassèrent par 3 fois. Enfin mr le duc de Lorraine a obtenu de mr le Prince Clermont et Jametz, et au regard de Stenay il a consenty qu'il seroit mis en sequestre entre les mains de S.A.R. jusques à la paix generale, et apres icelle faitte elle luy sera rendue, ce qui fait croire qu'il sera du costé des Princes. | |
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Le duc d'Ampuille arriva en cette ville le 8me du courant de la part de la Cour, envoyé vers S.A.R. et mr le Prince pour voir les moyens qu'on pourra trouver pour les mettre bien avec leurs Matés. Hier le Parlement s'estant assemblé en presence de mrs les Princes, il y fut resolu d'envoyer les gens du Roy avec quelques autres de la part desdits Princes, qui en effect partirent hier apres midy vers le Roy, pour demander une finale et prompte resolution sur les remonstrances faittes par les deputés des cours souveraines, et de supplier sa Maté de vouloir faire esloigner ses trouppes d'autour de Paris. Ledit Parlement s'assemblera encore aujourdhuy et lundy en resolution, que si cependant la Cour ne donne remède pour la tranquillité de l'Estat, que le Parlement et la ville de Paris se joindront avec les Princes pour mettre fin à l'affaire. Le courrier de Lion nous asseure que le Maral de la Mothe Haudencourt est entré dans Barcelone avec 600 chevaux et 3 regiments d'infanterie, après avoir forcé le quartier des Espagnols, et qu'il y est entré dans la place par mer plusieurs petits vaissaux, chargés de vivres, qu'on y a envoyes du costé de Narbonne. | |
Paris le 18 de May 1652.Samedy dernier S.A.R. eust advis que le Maral de Turenne avoit attacqué le Pont St. Cloud, et en mesme temps il fit sçavoir cette nouvelle à mr le Prince pour l'obliger à secourir les assiegés, surquoy mr le Prince monta à cheval accompagné de toutte sa cavaillerie, et de mr de Beaufort, et furent suivis de 9000 bourgeois avec les quels ils allèrent attacquer St. Denis, et le prirent, ou il y avoit deux compagnies des gardes suisses, qui se rendirent tous prisonniers de guerre, et furent emmenés en cette ville Dimanche au matin, auquel jour le Marquis de St. | |
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Maigrin reprint laditte ville et avec des troupes de la Cour la garnison de 300 hommes, que mr le Prince y avoit laissée; apres avoir tenu long temps dans l'abbaye, se rendirent aussy tous prisonniers. Le mesme jour on avoit mené une compe de bourgeois pour garder mrs du Parlement, laquelle defila et se retirèrent tous chez eux, disans ne vouloir garder des mazarins, et la populace se mit à crier apres eux, qu'il falloit travailler aux affaires publicques, et non aux procés, tellement qu'un chacun quitta le Palais. Le mercredy le Parlement s'assembla, S.A.R. presente, et mr le Prince, lequel ayant parlé des desordres de cette ville par la desunion qui estoit au dedans, et les remèdes qu'on y devoit apporter, la compagnie supplia S.A.R. d'y vouloir employer son authorité, et qu'elle seule donnast les ordres tant dans Paris, qu'au dehors. Un nommé sr Penis a offert de la part des bourgeois à S.A.R. de lever, payer et entretenir 6000 hommes de pied et 3000 chevaux; elle luy a demandé quelques jours pour resoudre à les accepter. On asseure la mort du Roy d'Espagne et confirme la revolte generale des Indes occidentales contre ledit Roy, et mesme qu'ils ont tué leur viceroy. Mr le duc d'Orleans a protesté au peuple, que si quelqu'un dans le Parlement opinoit en faveur du retour du Cardal, qu'il ne veut jamais voir ledit Cardal et qu'après son depart il signera tout ce que sa Maté desirera de luy. | |
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Le duc d'Ampuille ayant esté present à la signature dudit traicté, supplia son A.R. de permettre, qu'il fit encore un voyage en Cour avant qu'elle envoyast ce traicté au duc de Lorraine, affin de le faire scavoir à la Reyne, et avoir d'elle sa derniere resolution, pourveu qu'il fût de retour le lundy suivant, et il partit d'icy dimanche dernier. Lundy dernier le duc d'Ampuille revint de St. Germain en cette ville, et rapporta à S.A.R. qu'on ne vouloit aucunement entendre à la Cour l'esloignement du Cardinal, et que le Roy avoit dit qu'il ne croyoyt pas qu'il y eust quelqu'un de ses sujects, qui le peust empescher de le conserver. Surquoy son A.R. repartit à luy, que puisque c'estoit la resolution de la Cour, il s'en pouvoit retourner à St. Germain, et ne revenir plus endeça, d'autant qu'il n'y avoit plus d'accommodement à esperer. De fait ce duc s'en retourna le lendemain à la Cour. Mercredy dernier à 4 heures du matin leurs Matés et toutte la Cour partirent de St. Germain pour aller à Melun. Le mesme jour le sr Le Grand, premier valet de chambre de S.A.R. partit d'icy pour aller trouver le duc de Lorraine auquel on croit qu'il porte le traicté en original et les ordres necessaires pour la marche de l'armée de ce duc qu'on attend icy dans trois ou quatre jours au plus tard. Mardy dernier madame de Chastillon revint icy de St. Germain. On asseure que cette dame a esté enfermée près de 3 heures avec leurs Matés seules, et qu'elles avoient parlé de mr le Prince, sur l'esprit duquel on scait qu'elle a un grand pouvoir; le temps nous donnera esclaircissesement de tout. L'armée du duc de Lorraine est à present vers la Ferté Milon. Aujourdhuy à 10 heures du matin le Roy a envoyé des lettres de cachet au Parlement par lesqnelles sa maiesté remet leur deputation à mardy prochain à Melun. Le Parlement de Rouen s'est joinct à celuy de Paris, | |
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ne voulant en aucune façon justifier le Cardinal, ce qui obligera la Cour d'aller en Bourgoigne pour le faire justifier au Parlement de Dijon. L'armée du Maral de Turenne est tousiours à Palaiseau. | |
Paris le 1me de Juyn 1652.Le duc de Lorraine ayant eu advis, que le Maal d'Estrée et le sr de Manicamp avoient assiegé la Villiette et chasteau de Goussy, appartenans à la duchesse de Montbazon, il y envoya le Comte de Ligneville, qui les fit desloger sans trompette et y laissèrent 3 pieces de canon. Le duc a eu un de ses secretaires en Cour, qui a bien donné de l'ombrage à S.A.R., mais il a esté asseuré de ses desseins, qui n'estoient que pour remercier le Roy des estappes, qu'il avoit fait fournir à son armée; neantmons ce secretaire a eu quelques conferences avec le Cardal, et a suivi leurs Matés à leur depart de St. Germain. Dimanche dernier on eust nouvelles, que le Maral de Turenne estoit allé pour assieger la ville d'Estampes. Le mardy on sceut que l'armée dudit Maral avoit planté le picquet devant laditte ville, où son canon estoit arrivé, qui est de 14 pieces, dont il y en a de 24 livres de balle et autres de tout calibre; il a aussy des mortiers, des bombes et des granades; ceux de dedans se defendent vaillamment, et en quatre sorties, qu'ils ont faites, ils ont tué plus de 2000 hommes, et parmy cela plusieurs personnes de condition, et ont encloué deus pieces de canon et ruiné tous leurs travaux. Le Roy et le Cardal ont esté à ce siège, mais n'y ont pas esté longtemps, et s'en sont retournés à Corbeil; on croit que le Cardal menera le Roy en Bourgogne. Le mercredy arriva icy un trompette du Baron de Clinchamp, qui apporta la confirmation de la deffaite de cincq compes d'ordonnances du jour precedent pres d'Estampes | |
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par la cavalerie de mrs les Princes, où le comte de Grandpré y avoit esté blessé à mort. Don Gabriel de Toledo est icy de retour de son voyage d'Espagne, et a logé à l'hostel de Condé 2 jours et alla lundy trouver le duc de Lorraine, auquel il porta ordre du Roy son maistre de le faire haster à se joindre à mrs les Princes sans aucunne condition, et à faute de ce faire, qu'on arrestera sa femme et ses enfans à Bruxelles, et 5 millions, qu'il a en banque, ce qui a obligé ce duc à se haster. | |
Paris le 8 de Juin 1652.Samedy dernier du matin les troupes de mr le Prince se saisirentGa naar voetnoot1), affin d'y reparer le pont sur la Marne, et le garder pour le passage de l'armée Lorraine; mille chevaux detaschés de l'armée du Maral de Turenne, s'advancèrent aussy, mais ils vindrent trop tard de 2 heures, et trouvans la place desia prinse. Dimanche dernier apres disner S.A.R., mrs les Princes, duc de Beaufort avec force Noblesse partirent d'icy pour aller au devant du duc de Lorraine pour le rencontrer. Un gentilhomme de ce duc arriva, qui asseura S.A.R. que son maistre le suivoit, qu'il n'estoit besoing qu'elle passât outre. Sur le soir le duc y vint, où apres les salutations faittes de part et d'autre ils montèrent tous à cheval, et entrèrent en cette ville. Hier au matin l'on afficha en plusieurs coins des rues de Paris des placards imprimés contre mr le Cardal de Rets sous le nom de Coadjuteur: le tiltre en estoit: ‘Advis aux Parisiens’, et le suject estoit que ce prelast estoit cause de la longueur de nos maux parles intrigues, qu'il faisoit jouer tant à la Cour qu'au Palais d'Orleans. Mecredy dernier on apprit que 1500 chevaux | |
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de l'armée LorraineGa naar voetnoot1) la nuict du jour precedentGa naar voetnoot2) avoit fermé l'oeil, un chacun estant alerte; qu'on y avoit rompu le pont. Les compes de gens d'armes de chevaux legers du RoyGa naar voetnoot3), ceux cy ayans refusé audt Cardal d'aller à l'armée du Maal de Turenne. Le mesme jour encore sur le soir les deputés du Parlement revindrent icy de Melun, qui dirent que le jour precedent ils avoient eu audience de leurs Matés sans que le Caral y fust, lesquels avoient estés traitté fort civilement et après avoir fait leur harangue, le Roy leur avoit fait donner des responces par escrit dont ils doivent faire rapport audt Parlement, apres quoy on scaura ce quelle contient. Le sr de Hauteuille, Enseigne des gardes de S.A.R. quelle avoit depesché de Dimanche à minuict au Roy pour luy faire excuse de ce que on avoit tiré pendant que sa Maté estoit dedans son armée devant Estampes, et l'advertir de l'armée du duc de Lorraine, et de ses troupes, dont le subject estoit pour chasser de la France l'ennemy commun. Il revint avant hier en cette ville, qui rapporta que le Roy avoit dit, qu'il scavoit bien, que son bon oncle n'estoit pas cause de cette insolence et qu'il n'en accusoit que quelques insolens dedans Estampes. Aujourdhuy du matin le duc de Lorraine est party d'icy pour faire passer ses troupes; hier au soir on apprit que les assiegés dans Estampes avoient fait encore une furieuse sortie le soir du jour precedent, dont on ne scavait pas les particularités. Aujourdhuy du matin le sr de la Caste, Capne de cavallerie, est arrivé icy d'Estampes qui rapporta que le Maral de Turenne avoit hier apres disnée levé le siège devant cette villa là, et s'estoit retiré avec ses troupes et son canon à Estrechi 3 lieues de là. | |
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Le mesme jour du matin mrs des Enquestes vindrent en la grand chambre où ils demandèrent assés brusquement l'assemblée du Parlement, disans que dans la presente conjuncture des affaires du royaume il ne falloit pas s'amuser à juger de procès, mais songer soigneusement à remedier aux maux, et il fut dit qu'on s'assembleroit le lundy suivant. | |
De Paris le 15e de Juin 1652.La Cour s'est servie de l'entremise du Roy d'Angeterre pour persuader le Duc de Lorraine d'escrire au Roy et le prier de faire lever le siege de devant Estampes, afin de conserver par ce moyen la reputation des armes de sa Maté, ce que ce Duc fit, et le Roy y consentit; le Duc de Lorraine a donné un tel ordre dans son camp que tous les artisans de Paris y portent des marchandises, qu'ils y vendent sans aucun danger. Lundy dernier le Parlement s'estant assemblé en presence de messrs les Princes, on y leut la response du Roy, qui contenoit en substance, que sa Maté desiroit, pour parvenir à une bonne paix et calmer les troubles de la France, qu'on fît une conference, et qu'elle y envoyeroit des deputez conjoinctement avec son Oncle, messrs du Parlement et autres interessez. Il y fut arresté que les mesmes deputez retourneroient vers le Roy afin de demander encore une seule et derniere fois la sortie du Cardinal Mazarin hors de France, sans esperance de retour, sans quoy on n'entendroit à aucune conference. Sur les 10 heures comme ces messrs estoient à deliberer, les prisonniers de la conciergerie firent grand bruit, voulans se sauver; monsr le Prince et monsr le Duc de Beaufort y furent, suivis des gardes de S.A.R. et contraignirent ces mutins de rentrer dans leur taniere, où ils furent enfermez par les guichetiers. On croit que ce tumulte se fit | |
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à l'instigation de quelques partisans de la Cour pour faire rompre l'assemblée, et empescher qu'on ny prist aucune resolution; mais leur dessein ne reussit pas, et (on) ne se separa point que cet arresté n'eust esté conclu. Le mesme jour on a sceu que le Maral de Turenne estoit decampé d'Estrechy et qu'il prenoit sa route vers Melun. Mercredi dernier sur les 7 heures du matin messrs les deputez du Parlement partirent de cette ville pour se rendre à Melun le mesme jour, comme ils firent. S.A.R. ayant mardy dernier envoyé le sr de Vousi vers le Duc de Lorraine pour luy demander 200 chevaux afin de l'escorter le lendemain au camp, et ce Duc luy ayant fait dire que le lendemain il avoit envie de decamper et s'en retourner en Flandres avec ses troupes, S.A.R. partit d'icy le lendemain avec monsr le Prince et le duc de Beaufort, accompagnez de quantité de Noblesse, et se rendirent tous au camp de ce Duc, où apres plusieurs conferences, il s'y fit un traité signé de part et d'autre, dans lequel ce Duc ayant trouvé ses asseurances, s'engagea de faire aller son armée par tout ou les Princes voudroient, apres quoy il leur donna à disner à la soldate; puis ils s'en retournèrent en cette ville sur les 8 heures du soir, laissant ce Duc en son camp, lequel fit partir la nuict suivante 3000 chevaux pour aller du costé d'Estampes, afin de se joindre aux troupes qui y sont et toutes ensemble revenir de deça. On a sceu que mardy dernier il y avoit 7 ou 8 personnes de la part du Cardinal pres de ce Duc pour le gaigner et attirer du costé de la Cour; mais le dernier coup de mardy leur a rompu leurs mesures. Les 3 armées sont composées de plus de 100/m bouches, qui ne vivent que de pillage. Le Cardal a faict declaration en Cour, de ne vouloir pas sortir. | |
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Les Bourdelois ne sont pas bien d'accord et chassent messrs du Parlement. | |
Paris le 29 de Juin 1652.Le 21 du courant il y en eust assemblée de plus de 4000 bons bourgeois, lesquels auimés par le duc de Beaufort estoient tous resolus de se joindre à mrs les Princes. Le mesme jour plusieurs Conseillers du Parlement furent sur les xi heures au Palais d'Orleans, où, apres avoir conferé avec S.A.R., et mr le Prince, ce dernier monta en carosse avecq quelques uns de ces Conseilliers, et alla chez tous les presidents au mortier, lesquels il sceut si bien persuader qu'il les obligea à venir apres midy au Palais d'Orleans, ou estans arrivés ils promirent tous à S.A.R., que sans remise ils s'assembleroient le mardy suivant. Le mesme jour le bruict couroit que la paix estoit faicte avec les Princes; mais cela s'est trouvé faux, tout ayant esté rompu. Neantmoins les Princes, ayans tenu conseil au Palais d'Orleans, le sr de Gaucourt s'en retourna sur ce pas à Melun, ce qui donna encore quelque esperance de paix, outre que l'on aprit alors que dès le jour precedent les presidents au mortier avoient escrit à la Reyne, chacun en son particulier, suppliant sa Maté de se vouloir accorder avec mrs les Princes, veu que si cela ne se faisoit dans tout le jour de lundy, ils ne pourroient empescher, que le lendemain, mardy, le Parlement ne s'assemblast, et qu'on ne prît des resolutions qui pourroient estre tres prejudiciables à la Cour, et pourtant ces lettres n'ont rien operé sur l'esprit de la Reyne et du Cardal, lequel tesmoigne, quoy qu'il arrive, de ne se vouloir esloigner, que par force et par la guerre. Mardy dernier le Parlement s'assembla, où il fut arresté que les mesmes deputés retourneroient promptement devers le Roy pour luy donner advis de la declaration faite | |
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par les srs duc d2Orleans et Prince de Condé, qu'ils mettroient les armes et signeroient les articlcs donnés de la part de sa Maté aux deputés, aussy tost que le Cardinal seroit hors du Royaume, conformement à la declaration du sixiesme de Septembre dernier, qu'aussy tost que ledit Cardal Mazarin seroit hors de la Cour, lesdits srs duc d'Orleans et Prince de Condé envoyeroient des deputez vers le Roy pour pourvoir à ce qui resteroit à faire. Le mesme jour les deputés du Parlement partirent d'icy pour aller à St. Denis, où est le Roy et la Cour, avec ordre de faire diligence et ne se point laisser amuser. Hier on apprit que le Maral de la Ferté estoit arrivé à la Cour, et que ses troupes, qu'on disoit estre de 2500 hommes, estoient deça la riviere, et celles des Princes au dela, qui ruinent et pillent tout et empeschent que rien ne vienne à Paris ny par eau ny par terre; messieurs les Parisiens sont bien fachés de ne pouvoir avoir du pain de Gonesse. Les lettres de Bourdeaux du 20 du courant portent que le Collonel Balthasar avoit deffait avec 100 chevaux et 300 mousquetaires les trouppes conduittes par messrs de Montausier et de Tolleville, au nombre de 2500 hom̄es, ayant esté tué, ou pris, le Marquis de Montausier ayant esté blessé à la teste de 3 coups d'espée, et une mousquetade dans le bras. Le Parlement de Rouan a donné arrest de deffences à la Noblesse de s'assembler, sur peine de la vie. On a nouvelles que les peuples de Malaga, Cordoue et autres villes d'Espagne se sont revoltées, et ont pris les armes à cause que le Roy a haussé le billon de six sur huict. | |
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dagne devoit passer la riviere de Somme le lendemain avec ses troupes, qui consistoient en plus de 12000 hommes, pour venir au secours de messrs les Princes. Mardy dernier du matin les trouppes de messieurs les Princes ayant defilé jusques au fauxbourg St. Anthoine et combatu en retraicte depuis ceux de St. Denis, de St. Martin et du costé de St. Louys, le Maral de Turenne s'estant campé avec les siennes et son canon sur une eminence proche de Charonne, où il s'y rendit un combat aussy chaud et furieux qu'on aye veu de long temps, ayant duré depuis le 7 heures du matin, jusques à 5 heures du soir, ou plusieurs braves hommes furent tuez et blessez; mr le Prince y fit des merveilles, ayant sans cesse combattu, mené tous les escadrons et bataillons à la charge, tué plus de 35 ou 40 hommes de sa main, eu 3 chevaux tuez sous luy sans estre blessé, bien que tous ceux qui estoient autour de luy, eussent esté tués ou blessés; enfin il ne se peut rien adiouster à la valeur de ce Prince, qui avec 4000 hommes en a combattu 12000 et emporté l'advantage sur eux, plus de 1200 du costé de la Cour y ayans esté tuez, et pas 400 des siens; aussy cette action luy a gagné tellement le coeur des bourgeois de Paris, qu'il en est adoré. Sur les 10 heures du matin Mademoiselle s'estant rendue à l'hostel de ville par ordre de mr son pere, elle y harangua si bien en presence du prevost des marchands et des eschevins, qu'ils luy promirent de faire tout ce qu'il plairoit à S.A.R. et de contremander les ordres qu'ils avoient donnez de ne laisser entrer ny sortir ceux, qui estoient du party des Princes, et qu'ils revoqueroient aussy les deffences qu'ils avoient faittes de battre le tambour dans Paris, et la deffence aux bourgeois de prendre les armes pour lesdits Princes. Il fut remarqué le jour du combat que les Capes qui estoient aux portes St. Denis, St. Martin et St, Anthoine estoient mazarins, un capne | |
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de l'armée des Princes tua un cape des bourgeois de la porte St. Martin, qui ne vouloit pas laisser entrer monsieur de Beaufort, qui venoit demander secours aux Parisiens, en quoy il ne réussit pas, personne ne l'ayant voulu suivre. Sur l'apresdisnée le conseil de ville fut assemblé, et il y fut resolu, que soubs le bon plaisir de S.A.R. on envoyeroit un tambour au Maral de Turenne pour le prier de faire une suspension d'armes pour 2 jours, et que les trouppes se retirassent à une lieue les unes des autres, pendant lesquels les deputez du Parlement pourroient revenir et apporter quelque accommodement. A quoy S.A.R. consentit, et aussitost on fit sortir un tambour, lequel estant aupres dudit Maral, et ayant executé sa commission celuy cy tout en colere luy dit qu'il s'en allast se faire etc. et la ville de Parys aussy, et que dans 2 heures il vouloit estre maistre de la Bastille et de l'arsenal, apres quoy il feroit bien danser les Parisieus. Le tambour ayant fait le rapport audit hostel de ville, les prevost et eschevins envoyerent sur le champ prier S.A.R. de venir à l'hostel de ville, pour y donner tels ordres qu'il luy plairoit. Il s'y en alla incontinent, et obligea cesGa naar voetnoot1) de permettre que toutte l'armée des Princes, leur bagage et canon passassent au travers de cette ville. Aussitost les ordres en furent expediés, et on le fit scavoir à mr le Prince sur les 4 heures, qui combattoit encore, dont il fut fort aise, et encore plus lorsqu'il vit sortir 2 à 3000 hommes des bourgeois par la porte St. Antoine pour le secourir. Sur les 8 heures du soir l'armée commença à defiler par cette ville avec le bagage et canon et vint se camper vers le Pré aux Clercs et vers la Marché aux Chevaux, audela du fauxbourg St. Victor, le long de la Seine. Apres cette retraicte on tira quelques volées de canon de la terrasse de la Bastille | |
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sur les trouppes de la Cour, lesquelles defilerent vers St. Denis, ou leur Matez et le Cardal Mazarin retournèrent aussy de Charonne, où ils s'estoient rendus ce jour là pour voir le combat. Par la sortie des bourgeois au secours de mr le Prince, et le canon qu'on fit jouer de la Bastille, et le passage donné aux trouppes des Princes, Paris se declara ce jour la, ce qui a fort outré la Reyne. | |
Paris le 13me Juillet 1652.Le 6 du courant l'apresdinée le corps de ville s'estant assemblé en son hostel, on y confirma la nomination que S.A.R. avoit faitte de mr de Broussel à la charge de prevost des marchands, lequel au sortir dela alla au Palais d'Orleans en prester le serment entres les mains de S.A.R. Le 7 on travailla tout le jour au Palais d'Orleans à la police et reglement du pain tant pour en procurer l'abondance, que pour le mettre à un pris raisonnable. Monsr Servient ayant demandé à la Reyne la recompence de la charge du defunct Marquis de St. Maigrin pour sa vefue, laquelle charge il avoit achetée 450/m ℔ du Mareschal de Schomberch, la Reyne l'envoya au Cardal, lequel l'avoit desia faite donner à son neveu Manchini, qui est à present favory du Roy, et sa Maté ayant commandé à laditte Compe de monter à cheval, affin de le recevoir à laditte charge. Le 9 à 11 heures du soir un courrier arriva à l'hostel de Condé de la part du Comte de Fuensaldagne à mr le Prince, qui rapporta que l'avant garde de l'armée de ce Comte, composée de 5000 hommes, devoit arriver le jour apres à Beauvais. Mardy dernier apres disner il se fit une assemblée au palais d'Orleans, de mesrs de ville, des Collonnels et la plus part des Capes de Paris, où il fut resolu qu'il y au- | |
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roit égalité des Compes et d'hommes, et que chacque jour on tireroit au sort pour les portes que les Capes devroient garder pour empescher les intelligences. Le mesme jour le Marquis d'Yon, frere du Comte de St. Amour, depesché de l'Archiducq Leopold à S.A.R., arriva au soir au palais d'Orleans, qui rapporta qn'il y avoit 5 jours qu'il avoit laissé l'armée dudit Archiduc au dela de la Somme, et qu'il croyoit qu'à present elle seroit vers Beauvais, et que l'Archiduc la commanderoit en personne. Les dernieres lettres de Bourdeaux du 3 et 7 du courant disent que ceux de l'orméeGa naar voetnoot1) estoient demeurez maistres, et triumphans de leurs ennemis, et s'estoient neantmoins contentés de l'expulsion de 14 Conseillers qu'on avoit rappellés, et avoient remis touttes leurs pretentions à la discretion et aux ordres du Prince de Conty. Le Maral de l'Hospital ayant quitté le Gouvernement de Parys, S.A.R. l'a retenu pour soy, et a nommé mr de Beaufort pour son Lieutenant General, et le Marquis de la Boulaye Genèral Major dans laditte ville de Paris. | |
Paris le 20e de Juyllet 1652.Il est certain que le Roy a consenty à l'esloignement du Cardal sur les pressantes instances, qu'il luy en a faittes, et le Parlement a ordonné à leurs deputez de remercier le Roy de la parole par luy donnée pour l'esloignement dudit Cardal. Le 16 du courant l'escuyer du duc de Guise arriva à l'hostel de Condé, portant à mr le Prince des lettres du Roy d'Espagne, et du duc Louys de Haro, son favory, par lesquelles le premier luy mandoit, qu'à sa recommandation il avoit donné la liberté au duc de Guise, lequel avoit | |
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commandement de se rendre à Bourg entre les mains du Baron de Batteville pour y attendre les ordres dudit Prince et se conformer à iceux. Le 17 messrs les Princes s'estans rendus au Parlement, on y leut une declaration du Roy en forme de manifeste contre la personne de monsr le Prince, et 2 billiets envoyez par les susdits deputez, par lesquels le Roy leur commandoit de le suivre à Pontoise, affin qu'ilz peuvent faire tenir et recevoir les intentions des uns et des autres. Il y fust arresté, que l'assemblée seroit remise au 18 et qu'on deputeroit vers mr le Chancelier de France pour le prier d'y venir prendre seance, à quoy seroient aussy conviez tous les Ducs et Pairs, tant ecclesiasticques que laics, et les Conseillers honoraires, affin qu'on ne peust imputer à cette assemblée, de n'estre legitime par le defaut de ceux, qui y devroient estre à fonction de leur charge, et ne pas se retirer, comme ont fait quelques uns, et que pour la seureté de messrs les deputez il leur seroit envoyé escorte pour les conduire de St. Denis en cette ville. Le mesme jour la Cour partit de St. Denis à 6 heures du matin, pour se rendre à Pontoise, ou Manchini, neveu du Cardal, se fit porter tout blessé et mourant, qu'il estoit, et mourut à une heure de la. Le mesme jour monsr le Chancelier fut au palais d'Orleans pour supplier S.A.R. de l'excuser, s'il ne se rendoit au Parlement à l'assemblée, disant qu'estant comme interdict en la fonction de sa charge, on luy avoit fermé la bouche. Le 18 le Parlement s'estant assemblé on y leut une lettre du President de Besmont, qui mandoit, que mrs les deputez avoient ordre de suivre le Roy à Pontoise, surquoy il fut deliberé de les aller querir dans St. Denis à main armée, S.A.R., et mr le Prince estans partis d'icy avec une partie de leurs troupes pour cet effect, et furent tous ramenez icy sur les 6 heures du soir. | |
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Le mesme jour on apprit par un courrier arrivé à l'hostel de Condé, que le Comte de Fuensaldagne avoit pris la ville de Chauny sur Oise et que le duc d'Elbeuff et le sr de Manicamp voulans aller secourir la place avec la Noblesse du pays et quelques troupes commandées, avoient esté battus par celles de ce Comte; le duc, Manicamp et plusieurs gentilshommes faits prisonniers; que le 17e l'armée du duc de Lorraine s'estoit jointe à celle dudit Comte, qui estoit à present de 24/m hommes, et que ce Duc estoit retourné avecq l'Archiducq à Bruxelles. Le 19e le Parlement s'estant assemblé en presence de messrs les Princes, trois advis y ont esté ouverts: le premier qu'on escriroit une lettre au Roy, dans laquelle on feroit entendre à sa Maté, que messrs les Princes, le Parlement, ny la ville, n'envoyeroient plus de deputez, ny n'entendroient à aucune conference, que le Cardal Mazarin ne fust hors de ce royaume. Le 2: de faire mr le duc d'Orleans Lieut Geperal de l'Estat. Le 3: de declarer le Roy captiff entres les mains de l'ennemy commun de la France, et ledit duc Regent. Sur lesquels advis on a commencé à opiner, et demain on continuera. Aujourdhuy le Parlement s'estant assemblé, messrs les Princes presens, et touttes les voix estant colligées, il y a esté arresté, que mr le duc d'Orleans estoit declaré General de la Couronne, pendan tla detention de la personne de sa Maté par le Cardal Mazarin, et ses adherens, avec plein pouvoir de faire et disposer de touttes choses, ainsy que pourroit faire le Roy, s'il estoit en liberté, et mr le Prince General des armées sous l'authorité de S.A.R. Le Mareschal de Turenne est allé au devant du Comte de Fuensaldagne pour le combattre. | |
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Paris le 27e Juillet 1652.Le 21 du courant messrs les Princes tindrent conseil de guerre chez le Baron de Clinchamp, qui n'est pas encore guery de ses blessures, apres quoy ils furent disner chés mr Tuboeuff, et apres disner ils allerent chez mr le Chancelier, ou ils tindrent conseil de finances. Le mesme jour on apprit par lettres de Rouen que l'on y faisoit exacte guarde, et que le duc de Longueville avoit tasché de l'empescher, ou au moins, qu'il n'y eust que 15 ou 16 hommes à chasque porte, mais il n'a rien peu obtenir, et il y a 5 ou 600 hommes à chacune. Le mesme jour sur le soir le Milord Montagu arriva de la Cour icy, lequel demanda à conferer avec madame de Chastillon, sous le bon plaisir de mr le Prince, ce qui luy fut refusé, et S.A.R. ayant apris sa venue, luy envoya en mesme temps un passeport par un exempt avecq commandement de sortir de Paris dans une heure. Le lendemain le Milord Jermin vint aussy icy, et parla à S.A.R. sous pretexte des pensions de leurs Majestés Britaniques, mais en effect pour toucher un mot de quelque accommodement, et il fut renvoyé sans le vouloir entendre sur ce dernier point. Le grand Conseil a voulu aller à Chartres, mais on ne l'a voulu recevoir et ont esté obligez d'aller au Mans, qui les ont receus. La Cour ayant fait demander à la ville de Tours l'entrée, il luy a esté respondu, que le Roy y seroit le bien venu, mais sans le Cardal Mazarin, protestants tous qu'ils periroient plustost, que d'y recevoir ce dernier. Le 22 on commença à rechercher tous les comptables et ceux qui manient les deniers du Roy, pour les obliger de les mettre entre les mains de celuy à qui S.A.R. ordonneroit de les recevoir, et quelques uns ont desia fourny l'argent qu'il devoient. On fit aussy ce jour là per- | |
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quisition par tout Paris d'un homme qui avoit 200/m escus des deniers royaux, pour le contraindre à s'en dessaisir; mais on ne le trouva pas. Le Conseil privé a cassé et annullé l'arrest du Parlement du 20 de ce mois, par un autre qu'il a rendu, portant deffenses de recognoistre mr le duc d'Orleans pour Lt General du Roy etc. On a sceu que la Cour ayant escrit au Mareschal de la Meilleraye pour luy demander que le Roy fust receu à Nantes sans conditions; il fist une response dans laquelle il apporta tant de difficultez à disposer les habitans à la reception de Mazarin, qu'il est aise de coniecturer que ce Maral ne desire pas que la Cour l'aille visiter. Le 23 on a eu nouvelles, que les habitans de Melun avoient refusé les portes à mr de Montbas, leur Gouverneur, au retour de la Cour, où il estoit allé, luy disans qu'ils ne vouloient ny garnison ny Gouverneur et qu'ils se garderoient bien eus mesmes. Le 29 le Parlement s'estant assemblé messrs les Princes presens, il y fust arresté que les 50/m escus, destinés pour la teste du Cardal Mazarin, seroient pris sur le fond des boues, et mis en depost entre les mains des banquiers, pour estre donnez à ceeluy ou eux qui feroient le coup. | |
Paris le 3e d'Aoust 1652.Mr de St. Ybart, qui estoit envoyé de la part des Princes vers le Comte de Fuensaldagne, a esté arresté prisonnier à personne par le Maral d'Hocquincourt. Monsr le duc d'Orleans a establi un Conseil où il a mis plusieurs membres des Cours souveraines. Monsr le Chancelier ayant receu lettre du Cardal Mazarin pour revenir en Cour y faire sa charge, et reprendre les sceaux, mr le Chancelier luy a mandé qu'il estoit en Cour, qu'il faisoit sa charge et avoit les sceaux. | |
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On fait un fond de 800/m ℔ pour la subsistance et augmentation des troupes pour delivrer le Roy, et chasser l'usurpation de son authorité. Les trouppes Lorraines, Liegeoises, et Allemandes sont jointes à Fuensaldagne le 28 du passé à Neufchastel, et à Consereuse vers Tinus(?), et le lendemain l'armée commença à marcher en deça. Ou a trouvé un fond de 50/m escus pour la teste de Mazarin, sans le prendre sur les boues. Monsr de Nemours ayant fait appeller en duel mr de Beaufort, ils se sont battus à pied à coups de pistolet, où mr de Nemours a esté tué, et est mort sur le champ. Il y a eu un grand different entre le Prince de Tarente et le Comte de Rieux pour la preseance, où mr de Rieux estant mené chés mr le Prince, et le Prince de Tarente detenu au palais d'Orleans, ce Comte dit quelques paroles qui offensoient mr le Prince, luy disant qu'il voyoit bien qu'il estoit plus pour le Prince de Tarante, que pour luy, et enfin luy dit qu'il n'estoit point son serviteur et qu'il ne le seroit jamais, ce qui obligea mr le Prince de luy donner un soufflet; le Comte luy repartit par un coup de poing, et en mesme temps se recula 2 pas, et mit l'espée à la main; mr le Prince, rien ayant, courut sur luy, et fut un peu blessé à la main, mais estant arresté, on se saisit dudt Comte, qui fut mené à la Bastille; neantmeins mr le Prince sollicite pour sa liberté. Le Parlement de Rouen a deliberé d'envoyer vers le Roy, pour luy demander la paix et la réunion de la maison royale. Que monsieur de Longueville seroit prié de se joindre audit Parlement pour cet effect, et deffences sur peine de la vie de recevoir aucun ordre, que du Roy. Le Comte de Brienne est fort malade à Pontoise, ou est la Cour, et le duc de Bouillon y est aussy à l'extremité d'une fievre pourpreuse. Hier le Parlement s'estant assemblé en presence de | |
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mrs les Princes, il y eust arrest rendu, qui cassa et annulla celuy du Conseil, et continua le resultat de l'hostel de ville. Ce jourdhuy on a sceu que le Maral de Turenne, estant decampé dès hier de son poste pres de Dammartin, estoit à present avec son armée aux environs de cette ville, et que ce matin il avoit fait sommer celuy qui commande dans Charenton, de le luy rendre. Le Comte de Fuensaldagne doit estre aujourdhuy à NanterilGa naar voetnoot1), et aux environs avecq son armée. | |
Paris le 10e d'Aoust 1652.Depuis la mort du duc de Nemours madame la Duchesse, sa femme, s'est retirée dans le couvent des filles de Ste Marie, proche de la Bastille, où elle est inconsolable, ayant eu un amour si fervent pour son mary qu'il ny a point de paroles capables d'exprimer la douleur qu'elle ressent en la privation de ce cher obiet. Le 3e le Mareschal de Turenne fit avancer des trouppes jusques vers St. Denys, ce qui empescha qu'on n'apportast du pain de Gonnesse à Paris. Le 4e on apprit que l'armée du Comte de Fuensaldagne n'avoit pas encore passé FimesGa naar voetnoot2), mais que ce jour elle devroit decamper pour venir en deça et elle avancera, ou reculera au gré de messrs les Princes, aux ordres desquels ce Comte a commandement du Roy d'Espagne, son maistre, d'obeir entierement. Le 6e on apprit de la Cour que, le Maral de Chomberch y ayant esté arrivé depuis quelques jours, le Cardal Mazarin l'avoit voulu obliger de traitter avec luy pour son | |
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Gouvernement de Metz, à quoy ce Maral n'ayant voulu entendre, se retira à sa maison de Nanteuil pour de là retourner en son Gouvernement et s'y maintenir. On sceut aussy que le Cardal avoit fait venir l'Evesque de Metz en Cour pour traitter de son Evesché, mais ledit Evesque voyant qu'on se mocquoit de luy, partit à Pontoise et se retira à son abbaye de Fecain sans avoir pris congé de personne, où S.A.R. luy a envoyé un gentilhomme pour luy dire que s'il continuoit de traicter avecq ledit Cardal, il feroit arrester ses revenus de l'abbaye de St. Germain, et le tiendroit pour son plus grand ennemy. Le 7e on a eu advis que messrs le duc de Bouillon et Comte de Brienne se portoient mieux et estoient hors de danger. Le Mareschal de Turenne a esté en Cour où il a esté fort bien receu, ayant esté visité de la Reyne, et du Cardinal Mazarin. Le mesme jour on fit l'ouverture du nouveau Parlement à Pontoise; ceux qui le composent, sont le premier President, le sr de Novion, et le Congeux President au mortier, et de 8 Conseillers. Le 9 le Parlement s'estant assemblé en presence de mrs les Princes, il y a esté arresté qu'on prendroit chacque semaine 40/m ℔ pour payer les rentes sur les deniers accoustumés, ordonné de plus que touttes les procedures, qui se sont faites et se feront à Pontoise seroient cassées et annullées, et que lundy prochain on s'assemblera pour deliberer sur le reste. Les allées et venues de Berte vers l'Archiducq et le Comte de Fuensaldagne, une trefue de 5 jours finie le 7 de ce mois, font dire à un chacun qu'on traitte de la paix generale, et ce qui en augmente la croyance, est qu'on dit que le Cardal Mazarin s'en va; ie scay bien qu'il y a quelque chose sur le tapis, mais cela estant arrivé si souvent sans rien produire, il m'est impossible d'en dire | |
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quelque chose de certain, outre qu'il y a peu de personnes, qui puissent penetrer dans le conseil des Princes, le temps seul nous en faisant paroistre les effects. | |
Paris le 17e d'Aoust 1652.Depuis la mort du duc de Valois, on attend avecq impatience l'accouchement de Madame, qui est grosse de 7 mois. Les Presidents Bailleil et de Mesme ont refusé d'aller à Pontoise pour estre au Parlement, qui y est establi, quelques promesses et menaces qu'on leur aye peu faire, mesme de brusler leurs maisons, où ils sont retirez. Le 10e on a appris par lettres de Pontoise que le jour precedent sur les 4e heures du soir le duc de Bouillon y estoit mort. On a remarqué que depuis six semaines la plus part de ceux que le Cardal Mazarin avoit mis auprès du Roy pour l'obseder, sont décédez, comme son nepveu Manchini, le Fouilloux et Mademoiselle Noiron, une des filles de la Reyne. Le Roy a envoyé un trompette au duc d'Orleans pour faire deffendre de la part du Roy la vente des statues qui sont dans le logis du Cardal Mazarin; mais S.A. Royale a fait responce, qu'il ne pouvoit empescher cela, à moins que de passer pour mazarin dans l'esprit du peuple, renvoyant le tout au Parlement. Le mesme jour entre une et deux heures apres midy le Cardal de Retz, suivy de 5 carosses, où il avoit près de 30 hommes de main pour se deffendre, fut au palais d'Orleans pour s'y condouloir avec leurs A.R. de la mort du duc de Valois. Le xi on a eu advis que les deputez du Parlement de Pontoise avoient eu audience de sa Maté à huislosGa naar voetnoot1); le | |
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President de Novion portant la parole, avoit fort parlé ledit Cardal et on croit que tout cela avoit esté concerté avec ledit Cardal pour quelques raisons qui ne se descouvrent pas encore. Le mesme jour monsr le duc d'Ampuille arriva icy de Pontoise de la part de leurs Matés vers leurs A.R. pour leur faire les complimens de condoleances sur la mort de mr de Valois. Le duc de Joyeuses y vint aussy de son cheff pour rendre ses devoirs à leurs A.R. Le mesme jour le sr de la Boulay, Capne des gardes du duc de Lorraine, arriva en cette ville de l'armée du Comte de Fuensaldagne, qui rapporta que son maistre estoit prest à escorter 8000 hommes, qui doivent venir pour messrs les Princes, pourveu qu'on luy accordast quelques conditions, ausquelles on ne croit pas que mr le Prince veuille donner les mains, luy estants trop preiudiciables; que le susdit Comte estoit fort malade et en danger de mourir; qu'aussy l'armée estoit encore ez environs de Fimes, et de pont à Vere. Par lettre de Rouen du 12 de ce mois on a appris que la Noblesse de basse Normandie ne vouloit pas monter à cheval pour servir le Roy dans ses armées, sur l'ordre que le sr de Matignon disoit en avoir de la Cour, et disant qu'ils ne marcheront pas sans lettres de cachet du Roy et l'attache de monsr de Longueville, et on croit que la Noblesse de la haute Normandie suivra le mesme bransle. Les 12 et 13 le Parlement s'estant assemblé, monsr le Prince, present S.A. Royale, ny ayant peu assister, à cause de ses goutes dont elle se trouve indisposé des le xie, après qu'on y eust deliberé pendant deux matinées sur l'affaire des Presidens et Conseillers qui composent le Parlement de Pontoise, il y fust arresté, que si dans huitaines ces messrs ne revenoient en cette ville pour reprendre leur seance audit Parlement, ils seroient rayés de la matricule, et qu'on pourvoirroit à leurs charges. | |
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Les srs Baron de Langres, Clerembaut et Chavagnac, maraus de camp, ont quitté le service de monsr le Prince et se sont retirés malcontens, sur ce qu'au prejudice de leurs longs services, monsr le Prince avoit fait monsr de Tarante Lieut General de ses trouppes, lesquelles se dé bandent fort. Le 13 de ce mois messrs de l'hostel de ville receurent des lettres de cachet du Roy, par lesquelles sa Maté leur faisoit deffences sur peine de la vie de proceder à une nouvelle election de Provost des Marchands et Eschevins de Paris, et qu'ils eussent à partir promtement de cette ville pour se rendre près de sa Maté, affin d'entendre ses intentions, lesquelles lettres ayant esté portées le lendemain au Parlement, il y fut ordonné, que nonobstant icelles on procederoit à l'eslection, selon la coustume, le jour de St. Roch, qui est aujourdhuy. Le bureau des Tresoriers de France estably en cette ville receut aussy le mesme jour 13 des lettres de cachet du Roy portans que lesdits Tresoriers eussent à se rendre incontinent à la suitte de la Cour; elles furent portées à la chambre des Comptes, qui leur fit deffenses de sortir de Paris. Le 13 on apprit que le Roy par la responce, qu'il avoit fait donner le jour precedent aux treshumbles remonstrances du Parlement à Pontoise, consentoit à l'esloignement du Cardal Mazarin, bien que sa Maté a eu devoir rendre tesmoignage à un chacun de l'entiere satisfaction, qu'elle a des services dudit Cardal, de sa bonne conduitte et de la protection, qu'elle est resolue de luy departir envers tous et contre tous. Aujourduy apres disné le corps de ville s'estant assemblé en son hostel pour proceder à l'eslection susditte mr de Brousel a esté confirmé Prevost des Marchands, et l'on a crée pour eschevins les srs Gervais, conseiller de ville, et Horry, bourgeois de Parys. | |
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Paris le 24 d'Aoust 1652.Le 17 il y a eu grande conference chez Made d'Eguillon, entre elle, mr de Chasteauneuff et le Comte de Chavigny, celuy cy faisant les allées et venues de là au palais d'Orleans, où estoient mrs les Princes. On n'a rien peu penetrer dans cette conference. Le mesme jour mr le Chevalier et mr de Chasteauneuff receurent lettres de cachet du Roy par lesquelles sa Maté leur commandoit d'aller en Cour. La ville de Montrond est fort pressée par le Comte de Palvau; le 19 on a appris icy que le mesme jour le Roy estoit party de Pontoise et que le Cardal l'avoit traitté avant son depart. Ledit Cardal partoit le mesme jour pour aller à Meaux, escorté de 1000 chevaux, choisis dans l'armée du Roy, conduits par le Maral de la Ferté et que sa Maté prenoit la route de Compiegne, et que le Cardal prendroit la mesme route pour sortir de ce Royaume, que celle qu'il tint lorsqu'il y rentra, et qu'il se devoit retirer à Dinan au pays de Liége. Le 20 le Marquis de Jersé partit de St. Cloud avec 800 chevaux pour aller au secours de Montrond, et se joindre à quelques autres troupes levées vers les frontiers de Berry. Les lettres de Bourdeaux, receues le 21, confirment la levée du siege de Villeneufue d'Agenois, que le Comte d'Harcourt assiegea par deux fois. Le 21 on sceut que le Cardal avoit couché la nuict precedente à Fresne et qu'il prennoit le chemin de Chasteau Thiery où il se doibt abboucher avec le duc de Lorraine. Le mesme jour on a nouvelles que le Comte de Fuensaldagne se portoit mieux, et que le duc de Lorraine ne s'estoit point accommodé avec la Cour, comme on avoit dit. Ce jourdhuy on a nouvelles que 4000 chevaux de l'armée du Comte de Fuensaldagne estoient partis pour le | |
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secours de Montrond, et que le Maral de Turenne les suivoit; le duc de Lorraine suivra aussy ce Maral, et ainsy la guerre sera du costé de Berry; le bruit est grand que le Cardal Mazarin retourne à Compiegne où leurs Matés arrivèrent le 20 de ce mois. | |
Paris le 7 Septembre 1652.Le 31 d'Aougst à sis heures du soir il y eut grand bruit aux fauxbourgs St. Marcel et St. Victor, par quelques trouppes de messrs les Princes, qui voulurent forcer des barricades, que les Bourgeois gardoient, ou il y eust près de 40 soldatz, tant tuez que blessez, et 2 ou 3 bourgeois tuez et blessez; mais monsr le Prince appaisa ce tumulte, et contenta lesdits bourgeois, faisant prendre 2 soldats qui avoient esté autheurs dudit desordre. Les lettres de Bourdeaux, arrivées icy le jer du courant, disent qu'ils ont nouvelles de St. Sebastiaen, que mr de Guise s'y estoit embarqué pour venir à Bourg, et qu'il emmenoit force argent d'Espagne à mr le Prince; disent aussy que madame la Princesse estoit fort malade audit Bourdeaux. Le 3 le Parlement s'estant assemblé, messrs les Princes presents, il y eust arrest rendu, portant que sa Maté sera treshumblement remerciée par deputez dudit Parlement, de ce qu'il luy a pleu accorder l'esloignement du Cardal Mazarin, et la supplier de vouloir donner la pais à son Royaume, et revenir à Paris; que mr le duc d'Orleans seroit prié d'escrire au Roy, que luy et mr le Prince declarent, qu'ils posent les armes presentement, en envoyant par sa Maté les ordres necessaires pour les trouppes françoises, qui sont soubs leur commandements, et passeports pour les estrangers, et accordant une declaration d'amnestie generale en bonne forme, et que les compagnies souveraines assemblé en l'hostel de ville seroient conviés de faire pareille deputation vers sa Maté. | |
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Le 4 S.A.R. et mr le Prince se rendirent aux chambres des Comptes et Cour des aydes, ou il fut arresté, que les Procureurs Generaux des deux compagnies iroient a Compiegne pour y demander des passeports, affin de deputer vers sa Maté; le mesme jour entre midy et une heure les deputés des six corps des marchands eurent audience de S.A.R. à laquelle ils demandèrent la paix, et qu'il leur fut permis d'aller vers sa Maté pour le supplier de revenir dans Paris; à quoy S.A.R. respondit qu'il faisoit tout son possible pour l'obtenir à tout le royaume; qu'ils sçavoient ce qui s'estoit passé pour cet effect au Parlement, à la chambre des Comptes et Cour des aydes; qu'elle se rendroit aussy à l'hostel de ville, affin que tous ensemble ils pussent deputer vers le Roy pour le supplier de venir dans Paris, et y porter d'autant plus sa Maté, qu'elle verra qu'ils sont tous bien unis, laquelle response satisfit lesdits deputés. Le mesme jour mr le Prince eut nouvelles que sa fortresse de Montrond avoit esté mise entre les mains du Comte de Paluau le premier de ce mois par le Marquis de Persan, suivant la capitulation faitte entre eux, n'ayant peu estre secourue ledit jour. On a nouvelles le mesme jour de Bezançon, que le Comte d'Harcourt estoit passé par là, il y a quelques jours, pour aller à Brisac, et on a sceu depuis son depart de Guienne, que les srs de Tracy et de Bougy avoient eu ordre de la Cour de l'arrester dans Agen; mais en ayant eu le vent, il les a prevenus. | |
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Chasteauneuff, qui estoit present, se chargea d'envoyer une lettre, que ledit duc escrivoit à sa Maté, et d'en procurer la responce. Le 7 de ce mois le sr de Monterau que son A.R. avoit depesché au duc de Longueville, il y avoit plus de sis semaines, pour conferer avec luy, revint de Rouen en cette ville, et rapporta que ce duc estoit inesbranlable, et qu'il demeuroit neutre, quoyqu'il eût levé un regiment d'infanterie et un de cavallerie sous la commission du Roy. Le 8 monsr de Turenne ayant envoyé 500 chevaux à Charenton pour enlever le bagage de l'armée des Princes, S.A.R., en ayant eu advis, y envoya 200 chevaux pour garentir ledit bagage, lequel arriva au fauxbourg St. Victor avec peu de perte; ces 500 chevaux poursuivirent led. bagage jusques à la teste dudit fauxbourg, mais craignant, que tout Paris fondît sur eux, ils se retirèrent apres avoir perdu 7 ou 8 des leurs tuez, et environ 20 prisonniers, qu'on emmena en cette ville. Le mesme jour mr de Chasteauneuff vint au Palais d'Orleans, où il donna A.S.A.R. la responce, que la Reyne faisoit à la susditte lettre au duc de Lorraine, qui portoit en substance, que sa Maté aggreoit la mediation de ce duc pour la paix, mais qu'il faloit, qu'au prealable il separast ses troupes de celles de messrs les Princes, ausquels, disoit elle, en faisant justice, elle feroit bien rendre l'obeissance, qu'ils doivent au Roy. Monsr le Prince s'est posté avec ses trouppes à Grosbois, Brie Comte Robert, et aux environs. On a eu nouvelles de Bourdeaux que le duc de Guise estoit arrivé au Bourg, où mr le Prince de Conty, l'ayant sceu s'y rendit à l'instant où le Baron de Bateville remit ce duc entre les mains de ce Prince. Il a emmené 200/m escus à monsr le Prince d'Espagne. Le 9 monsr le Cardal de Retz partit d'icy pour aller en Cour, suivy de plus de 20 carosses et escorté par un exempt | |
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et 4 gardes de S.A.R. de laquelle il avoit pris congé le jour precedent, et ont ordre de le ramener endeça, et estant là, il doit parler hautement et librement dans la harangue, qu'il fera à sa Maté. Le 10 on a eu advis que les deputez, que le duc de Lorraine avoit envoyez en Cour, avoient estés parfaitement traittés et renvoyés dans les carosses du Roy, ce qui faisoit croire à Compiegne, que ce duc n'estoit pas contre la Cour. Le xi monsr le duc de Lorraine vint de l'armée en cette ville, et fut au palais d'Orleans sur les 7 heures du soir, et en sortit 2 heures après, et alla souper avec monsr de Chevreuse. Le lendemain S.A.R. et le duc de Lorraine furent proche de Charenton, où monsr le Prince s'y rendit de l'armée; on y proposa une ligue offensive et defensive entre messrs les Princes et le Duc, qu'on croit devoir estre signée bien tost. Saditte A.R. revint icy sur les 10 heures du soir, comme aussy mr de Lorraine. Le mesme jour les deux semestres de la Chambre des Comptes s'estants assemblés, il y fut arresté que conformement à la volonté du Roy translation de laditte Chambre seroit faitte de Paris à Pontoise. Le mesme jour S.A.R. est allé voir le duc de Lorraine, lequel est indisposé, et on luy prepare un logement au palais d'Orleans. Le 13 du matin le courier que S.A.R. avoit envoyé en Cour dès samedy dernier, en revint sans apporter des passeports, lesquels ont aussy estés refusés à l'hostel de ville et aux compagnies souveraines. Le courrier rendit à sadte A.R. la responce du Roy à la lettre, qu'elle luy avoit escritte, qui est comme un manifeste, laquelle luy reproche tout ce qu'elle a fait, luy disant par un excès d'aigreur, que la mort de son filz, le duc de Valois, est une punition visible de Dieu pour s'estre ligué avec les | |
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plus mechants de tous les hommes, entendant parler de mr le Prince. Ce jourdhuy matin S.A.R. est allée à la maison de la Folie de Jeay, où mr le Prince se doibt rendre pour conferer ensemble sur les pretensions du duc de Lorraine, et taschcr à luy donner contentement. | |
Paris le 21e Septembre 1652.Le 14 sur les 5 heures du soir mr le Cardinal de Rets revint de Compiegne en cette ville avec les deputez du Clergé de Paris. Ce Cardal receut le xi de ce mois le bonnet de Cardal de la main du Roy; le lendemain il fit sa harangue, au nom dudit Clergé, à sa Maté, et eut une conference particuliere avec la Reyne, laquelle, dit on, fut fort touchée, jusques à tirer des larmes de ses yeux, de la harangue que luy fit le doyen de Nostre-Dame, luy representant les profanations et sacrileges commis par les gens de guerre. Après touttes les harangues faittes, la Reyne fit dire ausdits deputez, que le Roy leur feroit donner sa responce par escrit. Le 15 sur le midy le susdit Cardal de Retz vint au Palais d'Orleans pour y remercier leurs A.R. de sa promotion au Cardinalat, desqelles il fut tresbien receu. Le mesme jour le sr de Joyeuse, Baron de St. Lambert, partit d'icy pour se rendre à Compiegne, le mesme jour depesché du duc de Lorraine à la Reyne, à laquelle ce duc demande, qu'il plaise au Roy de donner une amnestie generale en bonne forme pour messrs les Princes, et ceux qui ont suivy leur party, et qui ont deputé des hommes de probité pour travailler avec luy à la paix generale, ledit sr de Joyeuse estant chargé des articles du traitté fait entre messrs les Princes et ledit duc, pour les faire voir a la Reyne. Le 16 Madle et mr de Lorraine furent au camp où mr | |
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le Prince leur donna à disner, il y eut trèues de 5 heures, obtenue par cette Princesse du Maral de Turenne, pendant lequel temps il ne fut tiré d'aucune part, et elle alla à cheval avec made la Comtesse de Fiesque, et made de Bonnelle visiter tout le camp; elle en revint sur le soir en cette ville, comme aussy le susdit duc qui commence gouster la douceur et plaisirs de Paris. Le duc de Witenberch est arrivé à l'hostel de Condé indisposé d'une fievre tierce. La nuict du 17e ou 18e l'armée de messrs les Princes fut sous les armes, à cause que les troupes du Maral de Turenne faisoient mine de vouloir defiler, il y eut quelques escarmouches de part et d'autre, dans lesquelles le Marquis de Loresse, de la maison de Montmorency, fut tué à costé de mr le Prince, et le sr de Tuband blessé; il y en eust 4 ou 5 tués de la part dudit Maral et environ 20 prisonniers, le reste fut recogné dans les retranchements. Le mesme jour il est arrivé à Paris 5 à 6000 moutons et 4 à 500 beuffs. Cette semaine le procureur Genl de la Chambre des Comtes est revenu de Compiegne en cette ville, avec ordre du Roy à la compagnie de ne bouger de Paris, sa Maté se contentant de l'obeissance, que ceux qui la composent ont fait paroistre de vouloir transferer à Pontoise conformement à la volonté du Roy. Le 18e sur les 4e heures du soir le susdit sr de Joyeuse revint de la Cour en cette ville, qui confirma le bruit, qui avoit couru le jour precedent, que la ville de Dunquercque estoit rendue à l'Archiducq le 16e de ce mois. Le 19e le duc de Beaufort revint de l'armée pour parler à S.A.R., le quel duc retourna au Camp vers la minuit, et mr de Chavigny y fut trouver mr le Prince le 18e, d'où il revint le mesme jour, et y retourna encore le 19, comme aussy mr de Gaucourt. On conjecture par toutes ses allées et venues, qu'il y a quelque traitté de paix sous le tapis. | |
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Le 20e de grand matin le sr Chanut, qui vint icy de Compiegne avec le susdit sr de Joyeuse pour certificier la Cour de ce que diroit le duc de Lorraine s'il a des pouvoirs pour faire la pais generale, est party de cette ville pour se rendre audit Compiegne d'où il doit estre de retour icy le 21; on croit, qu'il apportera des passeports pour ceux que S.A.R. voudra deputer au Roy. On a fait plus garde aux portes de cette ville depuis hier et l'on garde seulement les extremités des fauxbourgs; hier apres disner mr le Prince vint icy pour conferer avec S.A.R. et mr de Lorraine sur le suiect des affaires presentes, et apres que ce Prince eust assisté au Conseil, qui se tient au Palais d'Orleans et ordonné d'autres, il retourna d'icy au camp sur les 9 heures du soir. Ce matin à 6 heures le susdit sr de Joyeuse est party d'icy pour aller en Cour, ayant ordre du Duc de Lorraine de presser ses expeditions et se rendre prestement en cette ville. L'on tient pour certain que la Cour part aujourdhuy de Compiegne pour venir à Mante, sur ce, dit on, que le Prince de Ligne est en marche, il y a trois jours, avec 5000 chevaux pour venir en deça. | |
Paris le 28e Septembre 1652.Le 22 de ce mois apres midy mr de Chavigny et quelques autres confidens de mr le Prince se rendirent aux jesuites de la Rue St. Antoine, où se trouva aussy le Duc de Lorraine, où ils eurent une longue conference. Le 23 le Procureur du Roy se plaignit de ce que messrs les Princes, pendant qu'ils traictoient de paix, faisoient advancer des troupes ennemies dans le Royaume, commandées par le Prince de Ligne; on sema en suitte des billets par Paris de mesme substance, qui donnèrent lieu à l'assemblée du Palais Royal, qui s'y tint le lendemain. | |
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Le mesme jour apres midy le Cardal de Rets, le Duc de Lorraine, et mr de Chasteauneuff se rendirent aux jesuites du fauxbourg St. Germain, où ils eurent une longue conference ensemble. Le 24e à 8 heures du matin il s'assembla dans la sale des gardes du Palais Royal environ 200 personnes, tant marchands qu'artisans, dont le sr Prevost, Conseiller Clercq en la Grande Chambre et intendant de la Duchesse d'Eguillon, estoit le cheff, lequel s'estant mis dans une chaire à precher ceux qui se trouvèrent là, il y leut un mandement du Roy, qui contenoit que sa Maté estant bien informée de la bonne intention de la plus part des bourgeois de sa bonne ville de Paris, elle permettoit, mesme commandoit à ses fidellea suiects de s'assembler, armer et saisir des postes advantagieus de la ville, pour sortir de l'oppression où ils sont, et se remettre en liberté, faire main basse sur ceux, qui les voudroient empescher et mesme se saisir des cheffs des factions. Il harangua enfin trois quarts d'heure, apres quoy plusieurs signèrent une forme d'union par laquelle ils demandoient que le Roy fût recen dans Paris sans condition, et pour leur signal ils mirent du papier blanc aux cordons de leurs chappeaux pour contrecarrer la paille. S.A.R. en ayant esté advertie y envoya le Mareschal d'Estampes, lequel ils receurent fort bien. Il entendit le subiect de leur assemblée, et en revint faire rapport à S.A.R., donna aussy tost les ordres pour empescher, que ce mal n'allast plus avant. Ces gens là sortirent sur le midy dudit Palais Royal, donnant du papier dans les bouticques de St. Honnoré, et à ceux qui passoient pour en mettre sur le chappeau; mais peu s'en servirent, plusieurs allèrent en troupe à la porte St. Antoine pour s'en saisir, affin d'empescher qu'on ne portast des vivres au camp de messrs les Princes, à quoy ils ne reussirent pas; enfin ce tumulte ne dura que peu d'heures et le papier disparut avant la nuict tant | |
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par la presence de S.A.R., qui alla par les rues, que par celle de Madamoiselle, qui fut audit Palais Royal, et dans tout ce quartier là pour rasseurer le peuple sur l'esprit duquel elle a un merveilleux pouvoir. On a remarqué que les principaux de cette faction estoient marchands interessez dans les prêts et plusieurs commis de partisans. Le mesme jour le corps de ville s'estant assemblé dans son hostel pour remedier au susdit disordre, il y fut arresté qu'on envoyeroit vers les principaux chacun en particulier, pour leur dire qu'on oublioit ce qui s'estoit passé, mais s'ils continuoient le lendemain leur assemblée, on feroit main basse sur tous ceux, qui s'y trouveroient; de plus on y ordonna, qu'on ne laisseroit entrer aucun homme dans la ville sans passeport. Le mesme jour monsr de Broussel et les 2 nouveaux eschevins se rendirent au Palaix d'Orleans où ils (sé) demirent de leurs charges entre les mains de S.A.R. Le 25 les deputés des six corps des marchands obtindrent des passeports de S.A.R. affin d'aller trouver le Roy pour luy demander la paix et son retour dans Paris. Le 26 monsr le Prince jetta 500 hommes dans Brie Comte Robert, et la Cour en ietta 600 dans Lagny. Le mesme jour monsr le Prince revint icy de l'armée malade, et mr de Lorraine est allé au camp pour y commander en absence de monsr le Prince. Hier S.A.R. ayant appris par des lettres interceptées, qu'on vouloit faire entrer dans Paris de nuict des troupes par la porte de la Conference, affin de se saisir de Louvre et l'Arsenal et autres postes dans Paris, elle envoya ses ordres pour faire doubler les gardes partout. Monsr le Prince a aujourdhuy eu nouvelles par un courier expres, que made la Princesse, sa femme, estoit accouchée à Bourdeaux d'un filz, et qu'elle et l'enfant se portoient bien, ce qui l'a fort resiouy et s'en porte mieux. Le sr Prevost, cheff de l'assemblée du Palais Royal a | |
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quitté la partie et s'en est allé à Pontoise depuis deux jours, où est la Cour etc. | |
Paris le 5e d'Octobre 1652.Le 28e du passé le sr Coulon, Conseiller au Parlement fust au Palais d'Orleans, où il dit tout haut à S.A.R. que madame d'Eguillon, les srs de Rohan Chabot, Chavigny et Goulas avoient trainé l'assemblée, qui se fit au Palais Royal le 24 Septembre, et qu'il en avoit des preuves et tesmoins en main, ce qui estonna fort ceux qui l'entendirent; neantmoins on a sceu depuis, que c'estoit une pure calomnie inventée par les ennemis de mr le Prince. Le mesme jour 800 chevaux de messrs les Princes furent voltiger aux environs de St. Denis sur le bruit qui avoit couru que la Cour y venoit. Le 29e sur le soir les srs le vieux premier echevin et Procureur du Roy de la ville revindrent icy de la Cour, rapportèrent à S.A.R. que la Reyne les avoit parfaittement bien receux, leur tesmoignant qu'elle desiroit passionnement ramener le Roy dans Paris, où la Cour estoit mieux, qu'en tout autre lieu, et on leur donna le jour precedent 28e la responce du Roy par escrit. Le mesme jour il y eust des lettres interceptées, que quelqu'un escrivoit de Paris au Cardal Mazarin, lesquelles furent portées à mr le Prince, par lesquelles on mandoit à ce Cardinal qu'il tînt bon, et que monsr le duc d'Orleans vouloit la paix. Le Parlement a donné arrest de justification en faveur du duc de Beaufort pour la mort du duc de Nemours. Le premier de ce mois le duc de Guise est arrivé en cette ville, et alla descendre chez mademoiselle de Pons, sa maistresse. La premiere visite qu'il rendit, fut à mr le Prince, comme à son liberateur, de là il alla rendre ses debvoirs à leurs A.R. Le lendemain ce duc estant sur | |
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le perron de la cour du palais d'Orleans, il harangua le peuple, qui estoit là en grand nombre pour le voir, auquel ce duc fit recit de toutes ses advantures avec une eloquence admirable. Le mesme jour le marquis de Joyeuse revint de la Cour en cette ville, comme aussy les deputés de six corps des marchands. Ce Marquis apporta à S.A.R. quelques propositions de paix particulière entre la Cour et messrs les Princes, sans parler aucunement de la generale, et lesdits deputez n'eurent pour responce, que celle qu'on avoit donnée aux susdits srs le Vieux et Procureur du Roy; seulement on y adiousta, que pour recevoir le Roy avecq le respect, qui luy est deu, il ne faloit pas souffrir dans la ville les cheffs de la rebellion. On a nouvelles qu'on a mandé à la Cour la Comtesse de Bossu femme du duc de Guise, le Roy commandant à tous les Gouverneurs des lieux, où elle passera, de bien recevoir ‘sa chere et bien aymée cousine, la duchesse de Guise.’ Le duc de Lorraine parle fort de s'en aller avecq ses troupes pour les mettre en quartier d'hyver; il offre à S.A.R. de luy prester 200/m escus pour faire des recreues moyennant qu'elle luy donne bonne caution bourgeoise. Le 2e de ce mois le duc de Joieuse vint icy de la Cour, tant pour voir mr le duc de Guise, son frere, que pour rendre une lettre de la Cour à S.A.R. par laquelle on luy mande qu'elle declare ce qu'elle desire pour parvenir à un accommodement. Le mesme jour le Comte Varsowits, Bohemien, arriva icy de Clermont travesty, affin de recevoir les ordres de mr le Prince pour la route de 2000 chevaux, que ce Comte a levez en Allemagne pour ce Prince. Le 3me le Parlement s'estant assemblé, S.A.R. y fit le rapport de la proposition, qu'on luy avoit envoyée de la Cour, surquoy ayant esté deliberé il fut dit, que S.A.R. seroit supplié d'en- | |
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voyer sa declaration au Roy, et que les deux anciens eschevins avec le procureur du Roy de la ville de Paris retourneroient le lendemain à la Cour, où ils ne demeureroient que deux fois 24 heures, pour sçavoir la derniere resolution de sa Maté, apres quoy on adviseroit à ce qui seroit necessaire. Pendant laditte assemblée il y eust du bruit dans la grande sale du Palais, causé par des gens neant, paiez pour crier: ‘vive le Roy et Mazarin, et point des Princes’, lesquels furent bien frottez par les marchands sortans de leurs bouticques avec des ausnes et bastons; on en prit le cheff et deux autres qui furent menés dans le 4me membre des enquestes, où ils furent interrogés, et confessèrent, qu'une certaine damoiselle Guerin, veuve d'un advocat, leur avoit distribué de l'argent pour ce suiect, laquelle on fut chercher chez elle; mais on ne l'y trouva pas, s'estant esvadée; on croit qu'elle s'est sauvée au Palais Royal. On a fait le procès à ces hommes, qui sont dans la Conciergerie, qui doivent estre pendus. Ce jourd'uy à 6 heures du matin un courier estant arrivé à S.A.R. luy a apporté la nouvelle du decampement de l'armée du Maral de Turenne. Soudain elle et le duc de Lorraine allerent à l'hostel de Condé pour en donner advis à monsr le Prince; ce Maral est du costé de Corbeil, on ne scait pas encore bien le detail de sa sortie. Aujourdhuy encore sur les 9 heures du matin les srs de la Serre et de Joyeuse sont partis d'icy pour aller en Cour, le premier de la part de S.A.R. et l'autre du duc de Lorraine. Ils y portent les articles sur lesquels S.A.R. consent à la paix, qui sont 3; le premier qu'on donne une amnistie generale en bonne forme, le 2 qu'elle soit verifié au Parlement séant en Paris, et le 3e que le Roy donne une declaration pour la reunion des Parlements de Paris et de Pontoise. Tant il y a que nous n'avons jamais approché de la paix, comme on fait aujourdhuy, et on ne | |
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croit pas que la semaine prochaine se passera sans sçavoir ouy ou non. | |
Paris le 26 d'Octobre 1652.Le 21e du courant le Roy entra dans Paris les 9 heures du soir parmy une foule incroyable de peuple, qui faisoieut retentir l'air des cris de: ‘Vive le Roy.’ Sa Maté estoit à cheval, pour estre veue d'un chacun, elle passa par la porte de la conference au jeu et carillon de toutes les cloches de Paris depuis 2 heures apres midy jusqu'à son arrivée qui fut suivie d'un salve de 20 pieces de canon qu'on tira de Grève. Le mesme jour le Cardal de Rets vint au Palais d'Orleans et persuada S.A.R. et le fit trouver bon à made. Sur la minuict le Duc d'Ampuille revint aussi trouver sadte A.R. et à la quelle il apporta un ordre afin qu'il s'en allast le lendemain; mais ce Duc asseura made de la part du Roy et de la Reyne qu'elle pouvoit demeurer icy avec sa famille et ses domestiques en toute seurté et y faire ses couches en repos. Le 22e à 6 heures du matin S.A.R. partit d'icy avec ses gardes et alla à Montrond où mr de Chasteauneuff luy donna à disner apres quoy elle alla coucher à Limours. Le mesme jour les 2 Parlements de Paris et de Pontoise se rendirent par deux differentes montées en la gallerie des peintures du Louvre où le lict de justice estoit preparé. Le Roy n'y demeura guere et parla encore moins. On y verifia l'amnistie en la forme qu'on la demandoit, une declaration qui excluoit quelques uns de ladte amnistie, une autre faisant commandement à 8 ou 9 membres du Parlement de se retirer à 10 lieues d'icy, comme aussy aux Ducs de Beaufort, de Rohan, de la Rochefaucaut, aux srs president Perrot, intendant de mr le Prince, et Peins Tresorier de France. Le mesme jour on envoya des | |
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billets à mesdames de Montbazon et de Castillon, de Fresgne, de Bonnel et de Frontenac, portant commandement de se retirer, et on cherche madlleGa naar voetnoot1) par tout Paris pour luy envoyer l'ordre de se retirer en son maison de Bois-le-Vicomte à 6 lieues d'icy, où tout son train est desia allé; mais pour sa personne elle est invisible depuis le soir du 21 de ce mois. Le 23 sur les 11 heures du matin le duc d'Ampuille partit d'icy escorté d'un exempt et de 12 gardes du corps pour aller trouver S.A.R. à Limours, où sadte A.R. se fait garder par le Regt de Valois, qui estoit a Charenton. Le 24e un courrier depesché de Limours par le Duc d'Ampuille à la Reyne arriva sur le 9 heures du matin au Louvre, où ayant donnée ses lettres il y demeura jusques à deux heures apres midy, qu'on luy donna la responce et s'en retourna audt Limours. L'on remarque de l'estonnement parmy les bourgeois et le peuple de Paris à cause de la retraite de S.A.R. et du Duc de Beaufort. Le 25 sur les 2 heures apres midy un exempt et 4 gardes du corps se rendirent par ordre du Roy à l'hostel de Condé, en firent sortir tous ceux qui y estoient, mesmes les femmes, à la reserve du concierge et de sa famille, et sont à present les maistres dudt hostel. Le 26 on a sceu que le sr Goulas, Secre des Commandemens de S.A.R., estant arrivé le 24 du courant à Limours sans commandement de son maistre, en avoit esté fort mal receu et en suitte poussé à bout par le Duc de Beaufort, qui luy reprocha, comme on dit, et luy marqua toutes ses perfidies et trahisons dont il s'estoit servy pour tromper S.A.R. On ne scaura le detail de ce demeslé que quand le Duc d'Ampuille reviendra icy, où il est attendu ce jourd'huy, et sy S.A.R. partira dudt Li- | |
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mours mardy prochain, comme le bruict en est, pour s'en aller à Bloys et de là en son Gouvernement de Languedoc. | |
Bourdeaux le 31 Octobre 1652.Les 30 messrs du Parlement estans assemblez, pour faire la reunion que leurs Altesses avoient desirée de la grande et petite Fronde, environ 150 de l'armée, tous armez, allèrent au Palais leur dire qu'ils scavoient bien, qu'il leur avoit envoyé l'amnistie; mais que s'ils entreprenoient de la verifier sans le consentement de monsr le Prince, qu'il n'y alloit pas de moins que de leur vie, de sorte qu'ils se separèrent sans prendre aucune resolution. Ensuitte ils allerent chés mr le Procureur General, auquel ils dirent, que s'il apportoit aucune amnistie au Palais, que sa vie n'estoit pas en seureté, et firent deffense à tous imprimeurs d'en imprimer aucune, à peine de la vie. L'apresdinée ils rencontrèrent mr Andraut, Conseiller au Parlement, et luy dirent qu'ils scavoiont qu'il estoit deputé vers le Roy, mais que s'il faisoit quelque chose contre la bourgeoisie, on s'en prendroit à sa vie et à ses biens. Ce Conseiller leur ayant respondu avec mespris, ils se jetterent sur luy l'espée à la main, et avec des pistolets, dont il fut blessé au costé, dequoy s'estant allé plaindre à mr le Prince de Conty, il n'en eust aucune satisfaction que des tesmoignages de displaisir de ce qui s'estoit passé. On asseure de plus qu'il y a traicté entre les OrmistesGa naar voetnoot1) et les Anglois, dont les gens de bien apprehendent la descente dans la Guienne. Madame la Princesse et monsr le Duc d'Albret, son dernier né, se portent mieux. | |
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Paris le 2 Novemb. 1652.Le 27 Octobre on a sceu par lettres de Soissons qu'outre le Prince de Ligne don Antonio de la Quera s'estoit joint avec ses troupes à celles de mr le Prince et que par ces joinctions son armée estoit renforcée de 12/m hōes. Le 28 le Duc d'AmvilleGa naar voetnoot1) et mr le Tellier revindrent de Limours en cette ville, qui rapporterent le traitté signé de S.A.R., dont les conditions sont, qu'elle ira demeurer où il luy plaira, et reviendra à la Cour, si elle veut, sans qu'il soit besoing qu'elle en aye la permission du Roy, qu'elle jouira de son appanage, que touttes ses pensions luy seront payées, et que les assignations pour les pensions de Made luy seroient remises sur le mesme fonds qu'on avoit distrait pendant nos mouvemens moyennant quoy S.A.R. retire ses troupes de celles de mr le Prince, qui iront prendre leur quartier d'hyver en Languedoc ou marcheront en Catalogne, s'il en estoit besoing, sans qu'on les puisse obliger à combattre contre mr le Prince. On ne croit pas que le duc de Beaufort aye accepté l'amnistie, mais on scait bien qu'il a refusé 100/m qu'on luy offroit de la Cour, pour aller commander l'armée navalle. Il prit conjé de S.A.R. à Limours le 28 du passé sur les 4 heures du soir, et s'en alla sans qu'on aye encore sceu quel costé il tournera. On a eu nouvelles depuis que ledt duc de Beaufort est retourné vers S.A.R. Le 30 sur le soir on eut advis que le mesme jour mr le duc d'Orleans estoit party de Limours pour aller tenir sa Cour à Blois. Enfin voila en peu de temps une cheute bien estrange, d'un fils, frere et oncle de Roy et maistre de la ville de Paris, lequel a esté contraint en sortant de Paris de prendre un passeport comme une personne particuliere, pour s'en aller à Limours de peur d'estre enlevé en chemin. | |
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On tient pour certain que Barcelone est rendu aux Espagnols dès le 15e Octob.; que la guarnison qui y estoit a esté conduite par les montagnes pour retourner en France, ayant eu une marche de 15 jours a faire. D'autre costé on a nouvelles que la ville et le chasteau de Casal sont entre les mains du duc de Mantoue, n'y ayant plus que la citadelle, qui tient encore pour le Roy, laquelle est battue par 9 endroits de 6 pieces de canon à chacun. Le traité que le duc d'Orleans a signé est conditionel. Il ne demande rien pour luy, mais il desire que l'on donne satisfaction à ses amis, comme on luy a promis; ses troupes doivent estre 15 jours dans les villes sur la riviere d'Oise, pour s'y refraichir, apres quoy elles iront au premier ordre en Italie, ainsy qu'on est convenu avec luy. Le 30 un gentilhomme de S.A.R. arriva icy de la Champagne, qui rapporta que mr le Prince avoit fait passer son armée à Pont à Vere pour s'avancer vers Cambray afin de joindre toutes les forces que le Roy d'Espagne luy donne, et que led Prince s'estoit abouché avec le Comte de Fuensaldagne et celuy là faisoit garder le susdit Pont à Vere, ce qui faisoit croire, que son dessein estoit de revenir sur ses pas. S.A.R. a protesté, que si le cardinal Mazarin revenoit aupres du Roy, comme le bruict en est grand, qu'elle n'auroit aucun commerce avec la Cour non plus que de Turc à More. Hier, dernier Octob., un courier arriva en Cour sur les 3 heures du soir, qui rapporta que la citadelle de Casal estoit rendue aux Espagnols. Le 31e made de la Vieuville eut le tabouret chez la Reyne en qualité de Duchesse. Le 1e Novembre on a eu nouvelles que Malle alloit à St. Forieau, qui luy appartient. Le mesme jour (on) apprit que mr le Prince avoit pris Chasteau Pourcien et qu'il assiegeoit Rethel pour prendre ses quartiers d'hyver en ce pays là. | |
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Les dernieres lettres de Bourdeaux du 24e du passé disoient que made la Princesse y estoit malade à l'extremité, comme aussy le duc d'Albret son filz dernier né. | |
Paris le 9 Novemb. 1652.On ne voit pas grande apparence d'accommodement avec mr le Prince, quoyque quelques uns croyent que le president Viole qui vint hier au soir d'aupres de luy, porte quelque esperance de paix; neantmoins on parle de le declarer criminel de lèse Majesté et de confisquer tous ses biens; sa maison de Monron est presque rasée, il y a 3000 paisans qui y travaillent tous les jours. Le Roy devoit aller jeudy au Parlement pour y faire verifier la declaration contre mr le Prince, et plusieurs edicts; mais cela a esté remis apres la St. Martin, y ayant plusieurs du Parlement absens à cause des vacations. Le Roy et la Reyne ont esté visiterGa naar voetnoot1) cette semaine, où le Roy ne tint pas long discours; la Reyne luy dit qu'elle en avoit bien du suiet, et ensuite tindrent plusieurs autres discours. Madamoiselle de Chevreuse est morte mardy dernier, n'ayant esté malade que quatre jours de la petite verole avec une fievre pourpreuse; elle avoit 140/m ℔ de rente. Mr le cardal Mazarin ne peut revenir parceque monsr le Prince tient tous les passages fermés, et monsr le Maral de Turenne n'est pas assez fort pour les ouvrir. Le Roy veut qu'on tire des registres du Parlement toutes les procedures et declarations qui y ont esté faites contre ledt Cardal. MadameGa naar voetnoot2) est accouchée ce matin d'une fille. | |
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Paris le 16e Novembre 1652Le 9e du courant sur le soir le Comte de Tavanes, le Chevelier de Roquelaure, et quelques Officiers revindrent icy de l'armée de mr le Prince, laquelle ils ont quittée par sa permission, ce Prince leur ayant dit à tous en general, que quiconque avoit du bien, pour empescher qu'il ne fût confisqué, pouvoit se retirer d'aupres de luy. Le duc d'Angoulesme a fait son accommodement avec la Cour par sa demission du Gouvernement de Provence, moyennant laquelle on luy donne celuy d'Auvergne avec la survivance de sa charge de collonnel de la cavalerie legère de France, et celle du duché d'Angoulesme, qu'il tient par engagement pour le duc de Joyeuse, son gendre. Mr le Chancelier de France est receu Duc et Pair, et made sa femme a eu le tabouret chez la Reyne. On a nouvelles certaines, que le sr de St. Aunais, Gouverneur de Laucate, estant malcontent de la Cour, s'estoit declaré pour mr le Prince, et que le Roy d'Espagne luy donnoit 50/m escus pour pourvoir et munir la place des choses necessaires. On dit aussy que le Gouverneur de Colioure dans le Roussillon s'est accommodé avec le Marquis de Mortare, General de l'armée Espagnole. On a aussy apris que le sr de Bougy, Maral de bataille en l'armée du Roy en Guienne, commandée à present par le duc de Candale, a esté pris par le sr Balthasar, Maral de camp en celle du Prince de Conty, et que ledit sr de Bougy a esté mené prisonnier de guerre à Bourdeaux. Le 11e apres souper monsr le duc d'Auiou donna ballet et bal dans le Louvre au Roy et aux dames de la Cour, où on passa la nuict à danser et à se resiouir. Le mesme jour on eust nouvelles que mr le Prince avoit pris Ste Menehould par composition. Le mesme jour madame la duchesse d'Orleans se trouva | |
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fort mal la nuict d'une defluxion, qui luy estoit tombée sur la poitrine; elle fut saignée le pied en l'eau: elle se porte à present mieux. La Reyne ayant fait envoyer des billets à tous les ducs et pairs, qui sont icy, affin de se trouver au Parlement lorsque le Roy y iroit pour tenir son lict de justice; le duc de Guise a prié sa Maté de l'en dispenser, disant qu'estant si fort obligé à monsr le Prince, il ne pouvoit assister où l'on vouloit verifier une declaration du Roy contre luy. La reyne luy respondit qu'il fist ce qu'il voudroit. Le 12e sur le soir on apprit que le bruyt qui avoit couru par Paris 4 ou 5 jours durant de la deffaitte du Mareschal de Seneterre, de sa blessure, et mesmes de sa mort, estoit faux, par lettres venues de Bar-le-duc du 6e de ce mois, qui disoient, que ce Maral y avoit passé ce jour là et qu'il alloit vers Nancy. Le 13e monsr de Chasteauneuff receut une lettre de cachet du Roy, par laquelle sa Maté luy commandoit de sortir de la Cour et se retirer à Bourges; il partit d'icy le lendemain, et s'en alla coucher en sa maison de Montrouge pour de là passer plus outre. Le mesme jour le Roy fut au Parlement, où il tint son lict de justice pour y faire verifier la declaration par laquelle les Princes de Condé et de Conty, duchesse de Longueville, le Prince de Tarante, duc de la Rochefou caut, leurs fauteurs et adherens, sont declarez, pour les causes y contenues, criminels de Lèze Maté, que leur pro cès leur sera fait et parfait, et que tous leurs biens, meu bles et immeubles seront confisqués au Roy. Les dernieres lettres de Bourdeaux du 7e de ce mois portoient, que la fortresse de Blaye estoit investie par le sr Marcin, et par le Baron de Batteville, General Espagnol, lequel avoit fait descendre à terre pour cet effect 4000 hommes de ses trouppes; mais qu'on ne croyoit pas qu'ilz s'attachassent à cette place là, ayant quelque autre dessein. | |
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Le mesme jour sur les 2 heures apres midy les enfans du sr de St. Aunais, qui estudioient au college d'Harcourt, en furent enlevez par ordre du Roy et menez prisonniers à la Bastille. Le Commandeurs de Jars et de Souvre ont aussy receu des lettres de cachet du Roy par lesquelles il leur estoit enioinct de sortir de la Cour; on croit que beaucoup d'autres le suivront bien tost. | |
Paris le 11e Janvier 1653.Le 5e de ce mois le bruict estoit grand à la Cour, que la ville de Rhetel estoit assiegé par les trouppes du Roy; mais cela ne se trouve pas veritable. Le Cardinal de Rets est tousiours au Bois de Vincennes, où un exempt boit et mange d'ordinaire avecq luy, et ledit Cardinal ne boit ny ne mange rien, que l'exempt n'en ayt premierement gousté. Plusieurs personnes vont audevant de Mazarin, surtout ceux qui veulent estre employés dans les affaires. Il y a icy des deputés de Bretagne, qui se plaignent de ce que le duc de Vendosme leur empesche le commerce avecq le Bourdeaux pour le trafficq des vins. Les lettres de Bourdeaux du 30e Decembre disent, qu'il y estoit arrivé une flotte d'Hollande de 150 navires marchands, pour acheter les vins Bourdelois, et qu'on y attendoit encore une seconde. On croit que l'accommodement du Compte d'AugnonGa naar voetnoot1) est fait et conclu. Leurs Matés ont donné main levée à la Princesse de Tarante de tous les biens que jouissoit son mary, qui estoient confisqués au Roy. | |
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Le Parlement fut hier assemblé où il fut arresté qu'on feroit derecheff des remonstrances verbales au Roy, tant pour le retour des membres exilés d'iceluy, que pour le payement des rentiers. On eust hier nouvelles de Rheims du 8e du courant qu'on alloit assieger Rhetel, et que le canon et munition de guerre en estoient partis le jour precedent, et que ce jour là il partoit encore du pain de munition pour l'armée du Maral de Turenne. On offre au Cardinal de Rets la liberté s'il veut aller à Rome en ambassade avec les pensions ordinaires; on attend tous les jours le Cardinal Mazarin. On dit que Mazarin a esté entierement défait en Guienne par le duc de Candale, et mesme qu'il est blessé de cincq coups, tant d'espée que de pistolet. | |
Paris le 18 Janvier 1653.Sur la nouvelle, arrivée à Paris, que le Pape avoit fait maittre en arrest tous les parens du Cardal Mazarin, le Roy fit commandement à l'Archevesque de Paris de se retirer à Rets en Bretaigne; mais luy s'en estant excusé à cause de son indispositon, il a eu permission de s'en aller en une mesme sienne maison, nom̄ée Noysy à 5 ou 6 lieues de Paris. Les lettres de Bordeaux du 8e du courant disent, que la ville de Sarlat s'est rendu au sr Marchin, ayant composé avecq luy, pour s'exempter du pillage, de luy donner 45/m ℔ et qu'ensuite il avoit sommé Bruie la Gaillarde; elles disent aussy que monsr le Prince de Conty a couru risque d'estre poignardé dans l'hostel de ville de Bourdeaux et les jeunes Princes et Princesses de Condé et Longueville d'estre enlevez par 500 chevaux, qui attendoient pres laditte ville, et qu'à present lesdits Princes et Princesses se faisoient garder soigneusement. | |
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On mande aussy que le Collonnel Balthasar estoit allé faire une course jusques aux portes de Bayonne, et qu'à son retour il avoit fait rencontre d'un convoy, qui portoit des ammunitions dans la ditte ville et qu'il l'avoit deffait et pris. Le duc d'Esdiguieres, Gouverneur du Dauphiné, a escrit à la Cour qu'il estoit adverty que tous les Princes d'Italie estoient solicités de faire la guerre à la France, et qu'il fondroient sur cette province, c'est pourquoy il demandoit des trouppes et ammunitions pour se defendre. Le Roy d'Espagne a envoyez par Ste Sebastien 150/m piatesGa naar voetnoot1) pour les pensions de monsr le Prince, les ducs de Vendosme et St. Simon, pretendant faire payer aux Hollandois les droits des vins à Blaye, lesquels les marchants u'ont encore chargez. Le Prince de Condé a dit aux François, qui sont pres de luy, que s'ils ont quelque sentiment pour la France, ils se peuvent retirer pour n'estre plus Espagnols. Ledit Prince a fait bruler aux environs de Guise quelques villages apartenans audit ducq, le taxant d'ingratitude, et aussy quelques villages apartenans au comte de Grandpré, lequel il dit estre traitre. Le Mareschal de Turenne ne va voir son Eminence, que bien accompagné, de crainte qu'on ne le face arrester; il est certain, qu'il a eu quelques differents avecq le Maral de Seneterre et que le Cardal les a accommodé. L'Ambassadeur de Savoye dit que le Roy d'Espagne promet l'infante d'Espaigne en mariage à son maistre. Le Prince Thomas offre d'aller commander l'armée en Piedmond. On traitte le mariage de sa fille avecq le Marquis de Bade. Monsr le President de Maison et mr de Bourdeaux mar- | |
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chandent et font offre l'un sur l'autre par la surintendence de France. Le Chevaller de Chaune, qui est dans la citadelle d'Amiens fait mine de se vouloir declarer pour mr le Prince, comme aussi fait le sr de Manicaut, Gouverneur de la Feré. Le Marquis de Noirmoutier, Gouverneur du mont Olimpe et le Comte de Bussy Lamet tesmoignent aussy estre mescontens et se vouloir declarer contre la Cour. Le Prince d'Harcourt, qui est dans Montreuil fait le mauvais, et veut qu'on donne les provisions du gouverment de Brisacq à son oncle. Le Marquis de Carrassena, Gouverneur de Milan, traitte avec les Grisons. Le Pape aprehende une ligue qu'on veut faire en Italie pour remettre Casal au pouvoir de la France, il a envoyé un exprès en Espagne pour demander la demolition de la citadelle. Les Venetiens et le duc de Florence s'interessent pour eest effet. On attend lundy prochain le Cardinal Mazarin et on dit que le Roy doit aller en Guienne pour remettre cette province en obeissance. | |
Paris le 28 Fevrier 1653.Le 23e du courant le grand ballet du Roy, intitulé les Heures de la nuict, fut dansé en la salle du petit Bourbon, où la Royne, le duc d'Anjou, le Cardal Mazarin, tous les Ambassadeurs et quantité de Seigneurs et Dames assistèrent; mais le Prince Thomas, les Princesses de Carignan et Louyse, femme et fille de ce Prince ne s'y trouverent pas, pour ne point avoir le deplaisir d'estre precedez au bal par les nieces du Cardal. Apres que le ballet fut finy, le bal commença, duquel l'ouverture (se) fit par le | |
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Marquis de Roquelaure, qui mena la duchesse de MerceurGa naar voetnoot1), qui fut trouvé estrange, d'autant que d'ordinaire c'estoit le Roy qui le faisoit; le duc d'Anjou suivit ce Marquis, menant la damoisselle Manciny, niece dudit Cardal, et le Roy fut le troisjesme, qui menoit la damlle MartnozzyGa naar voetnoot2), aussy niece. Apres les rangs ne furent pas observez, et vers les cincq heures du matin, tout estant asschevé, chacun se retira chez soy pour prendre du repos, laissant la Cour fort partagée de qui c'estoit passé en ce bal. Les lettres de Bourdeaux du 17e du courant portoient que 2500 Irlandois, venus de St. Sebastian, estoient debarquez à Bourg avec 60/m escus qu'ils avoient portez au Prince de Conty; que la flotte Espaignolle, qui estoit audit St. Sebastian, n'attendoit que le vent pour entrer dans la riviere de Bourdeaux. Le 24e on sceut que monsr le Prince avoit pris quelques chasteaux, qui l'empeschoient deslarger ses quartiers en Champaigne, et que le Comte de Fiesque, luy avoit apportez de Bruxelles 200/m escus, pour faire ses recreues d'infauterie, à quoy il ne s'endort point. Les nom̄ez Vinouel et Joly, dont a esté parlé à l'ordinaire precedentGa naar voetnoot3), ayans esté trouvez saisis d'un manifeste de mr le Prince, lequel ils apportoient à Paris pour le faire imprimer secrettement et semer les copies par valr (?) et aussy de plusieurs lettres à des particuliers de diverses conditions de cette ville; que de plus ledit Jolly avoit contrefait un passeport, signé Le Tellier avec lequel il avoit desia fait plusieurs voyages à Paris, et la Reyne voulant qu'il fussent pendus, quelques officiers des gardes et des autres corps, on dit à sa Majté que si on les faisoit executer, ils n'avoient que porter leurs testes audit Prince, qui sans | |
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doutte traitteroit de mesme tous les officiers de l'armée du Roy qui tomberoient entre ses mains. Tout le carnaval passé on a fait plusieurs vols de nuict, et ce par hommes bien faits et armez, qui prennoient aux dames dans leurs carrosses leur pièreries et aux hommes leur manteaux, chapeaux et bourses au retour de ces assemblées. Le chevalier du guet a eu ordre d'y prendre garde et se doit donner un arrest par lequel sera defendu de porter espée, poignard, ny pistolet nuittament à pène d'estre pendu le lendemain sans autre forme de procès. L'abbé de la Riviere estant entré en carrosse dans la cour du Palais d'Orleans pour l'inprudence de deux Suisses qui avoient la garde à la porte, et estant descendu de carosse avec le Marquis de Seneterre allèrent se promener dans le jardin, de quoy son A.R. ayant eu avis, envoya ordre à un officier de ses gardes de Suisses d'oster les armes et les couleurs à ces deux Suisses là, ce qui a esté executé. Le 25e on a eu nouvelles que le Comte de Briolle, allant assieger le chasteau de Termes en Champagne avec des trouppes de monsr le Prince et une piece de canon de 24 ℔ de balle, a esté surpris et defait par le Comte de Grandpré et le sr de Beaujeu; plusieurs de mr le Prince ont esté tuez, 200 faits prisonniers et la piece de canon mené à Sillery, le comte de Briolle s'estant sauvé. Le Marquis de Figuieres, Gouverneur de Verdun, a envoyé icy pour demander au Roy 40/m escus pour faire reparer les fortifications et 700 hommes pour mettre dans la citadelle, ou à faute de ce, qu'il ne pouroit pas respondre de tenir la place trois mois, estant desia investy par les lieux que le Prince de Condé tient autour de laditte place. On a eu nouvelles que le Prince de Tarante est parti d'aupres mr le Prince, et qu'il estoit arrivé à la Haye, d'où on croit qu'il ira en Allemaigne pour en remener des trouppes. | |
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Paris le 7e de Mars 1653.Le 28 du passé mr de Lionne fut remis en sa charge de Secretaire des Commandements de la Reyne; il receut de la main du Roy le Cordon Bleu, à cause de la charge de Commandeur et Prevost et maistre des ceremonies de l'Ordre, dont il a donné à mr de Vrilière, qui s'en est deffait volontairement, la somme de 84/m escus. Depuis peu de jours mr Le Tellier a esté aussy honoré du Cordon Bleu par le Roy, ayant presté serment entre les mains de sa Maté de la charge de grand Thresorier de l'Ordre, vacante par la mort du Comte de Chavigny, moyennant 200/m ℔ qu'il a donné. Les lettres de Bourdeaux du 24e du passé portoient que la solemnité du baptesme du second filz de mr le Prince s'estoit faitte le 18 fort magnificquement, où le premier Jurat le tint sur les fonts comme parrain au nom de la ville et me de Longueville comme marraine, et fut nommé Louys de Bourdeaux. On fit des grandes resiouissances et force feux d'artifices, dans l'un desquels on brula l'effigie du Cardal Mazarin; - qu'on avoit envoyé 2500 Yrlandois au sr Balthasar, Mareschal de camp, et qu'on y avoit nouvelles de St. Sebastiaen, que la flotte Espagnolle, commandée par le Marquis de Ste Crois, en partiroit au plustost pour estre au 15e de ce mois dans la reviere de Bourdeaux avec 5000 Yrlandois et 3000 Liegeois qui ont esté embarquez à Duynkercke. Dimanche dernier le sr de Monterau, gentilhomme ordinaire de S.A.R., fut arresté icy, et mené prisonnier à la Bastille: on n'en scait pas encore le suiect. Le sr de Bourdeaux, Intendant des Finances, et qui avoit le fond de l'espargne, a eu ordre de se deffaire de sa commission et la mettre entre les mains du sr Herward, auquel le Roy l'a donné. Le Roy ayant donné le Gouvernement de Limousin au | |
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Mareschal de Turenne, et s'y rencontrant un obstacle, qui le peut empescher d'en jouyr.... Touttes les lettres de Normandie, Bretaigne et Picardie arrivées icy portoient, qu'il y avoit eu un furieux et sanglant combat entre la flotte Angloise et la Hollandoise et que les Hollandois avoient eu du pire, y ayans perdu plus de 60 vaissaux (il est abusé en son calcul). Hier le Roy dansa son grand ballet pour la 6e fois, voulant que la pluspart des bourgeois de Paris participassent à cet aggreable divertissement. | |
Paris le 14e Mars 1653.Le Cardinal Mazarin s'estant souvenu, qu'autrefois le Marquis de Jerzé luy avoit presté 20/m ℔, quoyque celuycy soit engagé dans le party de monsr le Prince. il n'a pas laissé de commander au sieur Colbert, qui manie son argent, de payer cette somme là à celuy qui avoit le billiet dudit Marquis, ce qui a esté executé depuis peu de jours. Il est certain que la Cour a envoyé ordre au duc de Longueville de venir icy, lequel s'en est excusé sur ce que sa presence estoit necessaire dans la presente coniuncture, où il est à craindre que les Anglois ne fassent descente. On dit mesme, que les petits Estats de Normandie devoient deputer à sa Maté pour la supplier de laisser ce duc danz la province. Depuis que le sr Burin est de retour en cette ville, il a esté voir le Cardinal Mazarin, où il luy a fait rapport de ce qui s'estoit passé en sa prison, et des paroles que monsr le Prince l'avoit chargé de dire, qui estoient que si la Cour vouloit entendre à une paix generale, il en avoit plein pouvoir du Roy d'Espagne. A quoy le Cardinal a respondu, que ce Prince feroit mieux de songer à la sienne que d'offrir à s'entremettre de celle de son maistre. | |
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Samedy dernier sur le soir le Roy s'estant trouvé un peu indisposé et ayant passé la nuict assez inquietement, on le saigna le Dimance matin. 'A present sa Maté se porte bien, Dieu mercy, et on croit que cette incommodité luy estoit venue pour s'estre trop fatigué en dansant si souvant son grand ballet, lequel selon toutte apparence est finy. Les lettres de Bourdeaux du 3e de ce mois portoient qu'on y avoit eu nouvelles, que les deux regiments du sr de Montpouillan, l'un de cavallerie et l'autre d'infanterie, avec tous leurs officiers avoient quitté le party du Prince de Condé, et s'estoient jettés dans les trouppes du Roy, dont ledit sr de Montpouillan, qui estoit audit Bourdeaux, en tesmoignoit un extreme desplaisir, et que le Prince de Conty avoit fait commandement au Baron de Chambret de sortir de Bourdeaux où il cabaloit les esprits des habitans pour les attirer au party de la Cour. Lundy dernier le Mareschal de Turenne partit d'icy pour aller voir le duc et la duchesse de la Force, qui sont en leur maison de la Boulay en Normandie; on croit que ce Mareschal ira jusques à Rouen pour y visiter monsr le duc de Longueville. On me mande de Ste Menehould du 6e du courant, que l'Intendant de monsr le Prince avoit esté par son ordre avecq le Comte de Meilleraye dans les chasteaux de Chalerange, Grand Pré, Aultry et Cernay, pour y faire inventaire des graines et des munitions; qu'on avoit fait deffenses aux Capuchins, qui sont à Ste Menehould de ne plus confesser; que plusieurs soldats de cette guarnison là la desertoient, y en ayant eu plus de 200 depuis deux mois qui s'en estoient fuis; que ledit Prince se preparoit à se mettre bien tost en campagne; qu'il attendoit 6000 hommes d'Allemagne, et qu'il estoit seul à Stenay, toutte sa maison estant en d'autres quartiers ez environs. Les lettres de Dole en la Franche Comté, datées du | |
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3e de ce mois, portoient que le Comte d'Harcourt ayant assiegé Beffort avecq 500 hommes de pied et 300 chevaux, tirez de la garnison de Brisac, il avoit esté contraint d'en lever le siège et de se retirer. On a nouvelles de Bourgogne, que le Comte de Bouteville, Gouverneur de la Bellegarde pour le Prince de Condé, avoit enlevé tous les grains et les vins de l'abbaye de Cisteaux, lesquels il avoit fait conduire dans sa place, et qu'il avoit pris un convoy, qui venoit de Beaune auec 50 bons bourgeois dudit lieu, qui avoient esté commandés par le duc d'Espernon d'escorter ledit convoy, desquels ce Comte pretendt tirer bonne rançon. Lundy dernier se fit enfin l'ouverture du bureau estably à l'hostel de cette ville pour le payement des rentes desquelles on recevra deux quartiers et demy sur les gabelles, les aides et le clergé, celuy qui se doit faire sur les tailles n'estant pas encore reglé. Le xie le grand maistre de l'artillerie partit d'icy pour aller trouver le Maral de la Meilleraye son pere, qui est à Nantes, ayant le jour avant son depart esté presque toutte la matinée enfermé avecq le Cardinal Mazarin. Les lettres de Bourdeaux du 6e disoient qu'il y avoit grand bruit dans la ville que ceux du quartier St. Michel, la plus part tonneliers, s'estoient souslevez contre les ormistes, les premiers demandans la pais et l'amnistie, s'estans mis sous les armes pour cet effect, et que les autres battoient le tambour par touttes les rues, et avoient fait revenir les 2500 Irlandois, qui estoient auparavant à Bourdeaux, lesquels on avoit mis aux Chartreux et à l'Ormont pour reprimer lesdits tonneliers. Par lettres de Ste Menehould du 10e du courant on me mande, que quelques Officiers dudit lieu estoient allés en Flandres y recevoir des recreues, qui estoient grosses; que le Prince de Condé pretendoit commander cette campagne 14/m chevaux et 10/m hommes de pied; que ce Prince | |
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estoit tousiours à Stenay avec mesme barbe qu'il avoit lors qu'il partit de Paris, qui estoit tellement creue qu'il en estoit meconnoissable; qu'il avoit receu 300/m patacons de Bruxelles; qu'il donnoit 15 Pistoles à ses Capitaines pour chaque chevalier lesquels ils devroient monter, armer et botter, et que le Marquis de Feuqueries faisoit sans discontinuation travailler aux fortifications de Verdun, quoyqu'il n'aye point d'argent de la Cour. | |
Paris le 21e Mays 1653.Le 14e du courant le sr de Croissil, confident de monsr le Prince et l'un des Conseillers du Parlement exilez à l'arrivée du Roy dans Paris, fut arresté sur les 6 heures du matin en cette ville, et mené prisonnier dans la Bastille; il eut le temps de brusler ses papiers et chiffres avant que l'exempt Papillon eût enfonsé la porte, qu'il avoit barricadé. Le mesme jour sur le soir à la levée du Conseil d'en hault le Comte de Brienne, Secretaire d'Estat, fust trouver le duc d'Ampuille, favory du Roy, qui estoit au Louvre, auquel il fit commandement de la part de sa Maté de se retirer de la Cour, et en mesme temps fust envoyé ordre à l'archevesque de Bourges, son frere, de se retirer en son Evesché; on pretexte cette disgrace du refus qu'ils ont fait de la demission du Gouvernement de Limousin en faveur du Mareschal de Turenne, lequel ils maintiennent pour leur nouvau pupil. Le duc d'Angoulesme, n'ayant pas voulu donner sa demission du Gouvernement de Provence pour, touttes les recompenses, qu'on luy a offert, on n'a pas laissé d'en expedier les provisions pour le duc de Mercoeur, auquel elles ont esté envoyées despuis peu de jours. Le 15e le contract de mariage du Prince Ferdinand, Marquis de Bade, avecq la Princesse Louyse fut signé par | |
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leurs Matés, le duc d'Aniou, les Prince et Princesse de Carignan, pere et mere de l'espouse, comme aussy par elle, et par le sr Craps, Ambassadeur et Plenipotentiare de leurs Altesses pour ce suiect, et par tous les plus grands seigneurs et dames de la Cour. La duchesse d'Angoulesme porta la queue de la robe de la fiancée, qui estoit tres richement vestue et avoit pour plus de 600/m ℔ de pierreries sur elle, touttes appartenantes à la Princesse sa mere. On me mande de Ste Menehould du 13e que le sr de Becherelle, cy devant Gouverneur de Dampuillers, avoit esté pris à vingt lieues de Paris vers Provins par un party de monsr le Prince, et mené audit Ste Menehould. Les lettres de Bourdeaux du 10e disent que les Ormistes, ayans esté par touttes les rues au nombre de 900 hommes armés, pour faire publier, que ceux qui parleroient d'amnestie ou de paix sans les Princes seroient chassés de la ville. Ce desordre fut appaisé, le Prince de Conty ayant exilé de laditte ville 10 ou 12 bourgeois, entre lesquels estoient trois tresoriers de France, accusés d'avoir distribué de l'argent à plusieurs pour fomenter le dernier soulevement. Le 17e le Chancelier s'estant rendu en la grand chambre, on y fit aussitost assembler le Parlement, auquel ayant presenté les lettres de cachet du Roy, portants ordre au Parlement de faire le proces audit sr de Croissil, il y eut arrest rendu sur le champ, par lequel il fut jugé, que son proces luy seroit fait et parfait, et à cette fin ledit Chancelier, le President Bellievre et les srs Servin et Douget, Conseillers en la grande chambre, estoient nommez ses Commissaires. Sur la nouvelle qu'on eust icy, que les Espagnols approchoient de Calais, le Comte de Charrault, qui en est gouverneur, y est allé en diligence. Le 18e le Roy partit d'icy pour aller à Fontainebleau | |
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voir pescher les estangs viviers dudit lieu, et n'y devoit sejourner que 4 ou 5 jours. Le mesme jour la grand chambre de l'edict et des tournelles s'estans assemblées, on y leut une declaration du Roy, portant l'amnistie generale de tout ce que pourroit avoir fait le Comte d'Augnon et ceux qui l'ont suivy contre le service du Roy pendant ces mouvemens, laquelle declaration fut verifiée en laditte grand chambre. Ce Comte ayant fait son traitté avecq la Cour par l'entremise de l'evesque de Xaintes, le Roy luy donne le gouvernement du chasteau de Saumur, 500/m ℔ pour le dedommager, le baston de Mareschal de France; pour la prestation des serments de laquelle charge il ne sera pas obligé de venir en Cour, mais on deputera quelqu'un pour le recevoir de luy, auquel sa Maté permet aussy d'achetter la duché de Mayenne, dont sa Maté le fera Duc et Pair, ce Comte n'estant pas tenu de rendre Brouage à celuy que le Roy y envoyera, qui doit estre le sr de l'Estrade, qu'au prealable les dittes conditions ne soient executées en bonne foy. Les lettres de Bourdeaux du 13e portoient que tout y estoit en grande tranquillité et union, mr le Prince de Conty les ayant persuadé de prester unanimement derescheff serment de n'entendre jamais à aucune paix, que conioinctement avec les Princes. Le 20e le Roy revint en cette ville. On fait icy une exacte recherche des officiers de guerre du Prince de Condé et on en prend quasi tous les jours, qu'on mene à la Bastille. On me mande de Ste Menehould du 17e qu'un party de 20 maistres estoit revenu de Tougny, village par de la la Marne, d'où ils avoient emmené tout le bestail et que le sr de Planchette, Capitaine au regiment de Condé, en estoit party despuis quatre jours avecq 8 ou 10 cavalliers et estoit allé vers Paris, pour tascher d'y prendre quelque prisonier. | |
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De Londres.
Les lettres de Londres disent que les Anglois ont perdu 5 a 6 mille hommes de leur flotte, au dernier combat et qu'ils ont 50 navires en mer, et y en doivent avoir 50 autres à la fin d'Avril prochain. | |
Paris le 28 Mars 1653.On tient pour certain que les srs de Miossan et de Palluau ont esté faits Mareschaux de France. Les lettres de Bourdeaux du 17e du courant portoient que tout y estoit calme, que plusieurs vaisesaux chargez de bled estoient arrivez au cap de Busch et qu'on y avoit nouvelles que l'armée navalle d'Espaigne estoit partie de St. Sebastien pour entrer dans la Riviere de Bourdeaux. Le 24e un courrier rapporta en Cour la mort du Cardl de Lion, archevesque dudit lieu, Primat des Gaules et grand Aumonier de France. On a envoyé de la Court depuis quelques jours un passeport au duc de la Rochefaucault, qui, ayant accepté l'amnistie, a eu permission de venir en ceste ville, pour s'y faire traitter de la blesseure qu'il a en l'oeil: cest un seigr d'intrigues et grand negotiateur. Le bruit est grand icy que les srs de Marchin et Balthazar traittoient leur accommodement avec le Roy. On adjouste que le Prince de Conty recherche l'amnestie et qu'on luy promette de se retirer en une sienne abbaye, qui est en Languedoc; que la duchesse de Longueville demande à se retirer en un couvent à Bourdeaux, et que me la Princesse offre de quitter Bourdeaux pourveu que on luy donne retraitte en quelque ville, pour elle, ses enfans et tous ses domestiques; que la ville de Bourdeaux doit aussy envoyer des deputez en Cour pour s'accommoder. Le Marquis de Jersé, le sr de Romainville et quelques | |
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autres confidens du Prince de Condé sont icy despuis quelques jours incognus. Au commancement de cette semaine les Colons et Capus suisses, qui sont au service du Roy, ont depesché un expres à Mrs des Cantons auquels ils devoient une copie des offres qu'on leur a fait des revenus de Dauphiné et du Limouzin pour les satisfaire. Le premier President, garde des seaux, ayant demande pour son fils les benefices vaquans par la mort du sr de Montblin, son parent, le Cardal Mazarin l'a refusé, disant quon scavoit bien que son fils estoit secrettement marié avec mle de Congy. Le 26 on meubla au bois de Vincennes l'appartement du feu Comte de Chavigni, qui en estoit Gouverneur, pour mrs les Commissaires deputez pour faire les proces au sr de Croissil, d'où ils ne sortiront qu'ils ne l'ayent instruit. Le 27 le seigr Voisin, Conseiller au Parlement de Bourdeaux et un de ses deputez en Cour, fut mis dans la Bastille. Par lettres de Bourdeaux du 20e on escrit que ceux de Bourg ont coulé à fonds un vaisseau du duc de Vendosme. Les srs Milet et Domilier sont envoyé de la Cour vers le General Rosa, auquel ils portent ordre de lever des trouppes et de lettres de change pour 400/m ℔ pour payer les levées. On mande de Ste Monehould du 24e que mr le Prince a fait mettre le sr de Becherelle prisonnier dans la citadelle de Stenay et jure qu'il luy fera pendre si on ne relasche le seigneur Croissil; que ce Prince se prepare pour se mettre en campagne et qu'il veut prevenir le Roy. Les Éuesques proposent de fournir au Roy le tiers de leur revenu de trois premieres années de la jouyssance de leurs benefices à condition qu'ils pourront nom̄er chacun un coadiuteur. | |
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La charge de grand maistre de la maison du Roy doit estre donné à mr le duc Guise. Le sr de l'Estrade porte le Cordon Bleu au Comte d'Oignon avec 540/m ℔ pour son dedommagement tant de Brouage que des vaisseaux qui sont mis entre les mains de mr de Vendosme et prendre possession de tout pour mr le Cardal; ledit Comte doit aller demeurer à Venise. Sa Maté a donné à l'Evesque de Xaintes 30/m ℔ pour avoir fait ce traitté. On propose à mr le Comte d'Harcourt le gouvernement de Bourgoigne et celuy de Bellegarde et Auxonne, et de remettre mr d'Espernon en Guienne. On a envoyé vers mr le duc d'Anville luy demander la demission du gouvernement de Limozin pour le Maral de de Turenne, pour l'obliger à reprendre la conduitte de l'armée contre mr le Prince. Le Cardal Mazarin veut encor faire venir 6 nieces ou cousines pour les marier. Ledit Cardal a traitté de la charge de General des Galeres pour mr de Mercoeur, avec le duc de Richelieu; il offre 300/m ℔ le restablissement du gouvernement du Havre, et le tabouret à sa femme. Messrs de la ville de Paris donnent aujourdhuy à diner au Cardll Mazarin.
Londre le 28.
Les Flamans ont pris quelques vaisseaux Anglois dans les Indes Occidentales, et mesme une petite isle aupres d'Antigo. Le Mylord Muskery, venant d'Espaigne vers Irlande, s'est rendu aux Parlementaires, disant que le clergé Espaignol l'avoit menacé de le massacrer et que les Portugais ne l'ont pas voulu recevoir, si est ce que lesdits Parlementaires l'ont mis en arrest à Dublin ne se fians pas à ses paroles. |
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