Hof van Beroep Elisabethstad 7 december 1954
Overgenomen uit ‘Revue Juridique du Congo Belge’ 1955, Nr 1
DROIT CIVIL ET DE PROCEDURE CIVILE. - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF. - APPEL (Mat. civ.) - LANGUES. - Emploi des langues en Justice. - Etat actuel de la législation.
Il résulte, tant du texte de l'article 3 de la loi du 18 octobre 1908, que des travaux préparatoires, de cette loi, que pour passer de l'ordre des principes dans celui des institutions judiciaires, les garanties données aux belges et aux congolais en matière linguistique par cette disposition, nécessitent les décrets expressément prévus à cet effet.
Le législateur de 1908 n'a pu vouloir créer le chaos; il a entendu que l'emploi des langues en justice reste réglé par les dispositions alors en vigueur, jusqu'à l'intervention des décrets prévus.
Il n'appartient pas aux Tribunaux de se substituer au législateur pour établir des régles nouvelles.
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Le Ministère public représenté par M. le Substitut du Procureur général Janssens, a donné l'avis suivant:
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Sur la régularité de la procédure:
L'expédition produite révèle que le jugement dont appel a été rendu en langue néerlandaise à la demande de l'appelant, demandeur originaire. Or, par un Arrêt récent dans une affaire analogue (arrêt du 9 novembre 1954 dans l'affaire Soc. C. c/S. R. no 2774) la Cour de céans a déclaré le jugement rédigé en cette langue nul, pour irrégularié de la procédure.
La matière étant d'ordre public la question doit être soulevée même d'office.
Constatons d'abord, par souci d'exactitude, que, contrairement à ce qui est affirmé dans le jugement entrepris, le défendeur, appelant actuel, n'a pas marqué accord sur la demande de son adversaire, ayant, du reste, fait défaut en premier degré.
Dans son avis émis concernant la régularité de la procédure dans la prédite affaire Soc. C. c/S., le Ministère public a déjà longuement exposé son point de vue sur la question de l'emploi des langues au Congo en matière judiciaire et a conclu à la régularité de la procédure suivie. Actuellement, malgré la décision contraire de la Cour en la dite affaire, j'estime qu'il n'y a pas lieu à modification de cet avis qui peut être tenu pour ici reproduit.
Aux motifs qui y ont été exposés je désire simplement ajouter, pour préciser davantage mon opinion sur la question, que, même en admettant avec la Cour que le principe de la liberté dans l'emploi des langues proclamé dans la Charte ne s'applique point aux affaires judiciaires, - ce qui n'est pas mon avis, - il faut constater que la décision de la Cour déclarant que la langue française reste. à l'heure actuelle, la seule langue des juridictions européennes au Congo Belge, ne repose que sur une tradition. Ce n'est en effet qu'au seul Conseil Supérieur jugeant comme Cour d'Appel que, du temps de l'Etat Indépendant du Congo, l'emploi de la langue franҫaise a été légalement imposé (Décret du 4 mai 1891 - art. 21, Voir M. Halewyck ‘La Charte Coloniale