Rembrandt Harmens van Rijn. Deel 1. Ses précurseurs et ses années d'apprentissage
(1863)–Carel Vosmaer– Auteursrechtvrij
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Avant-propos.Il faudra s'abstenir encore d'écrire une histoire de l'art Hollandais. Ce que les biographes du 17e et 18e siècle, crédules et superficiels, nous ont transmis sur le sujet est entaché d'une foule d'erreurs. Ils sont incomplets dans ce qu'ils donnent, comme par ce qu'ils omettent. A tout moment il nous faut reviser leurs dates, leurs données et leurs jugements, et à chaque pas on se voit arrêté par les grandes lacunes, qu'ils ont négligé de combler. Non seulement les artistes connus sont présentés dans un jour fade et douteux, ou entièrement faux, mais il nous manque des noms, des périodes entières. Ordinairement on n'aborde notre école, que par le commencement du 17e siècle, précédé seulement alors de quelques noms isolés, tels que Lucas van Leyden, ou Scorel. Tout ce qui précède cette Genèse en est encore à, l'état de chaos. Cependant il est prouvé que chez nous aussi le monde artistique est bien plus ancien que la tradition officielle le rapporte. Une activité continue a de longue main développé notre art. Nous pouvons montrer des miniatures, dont quelques unes remontent au 10e siècle; des comptes du 14e siècle mentionnent une foule d'artistes et d'artisans | |
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occupés à Utrecht, à Gouda, à IJsselstein, à Schoonhoven, à faire des peinturesGa naar voetnoot1, des tapisseries, des orfèvreries, des broderies, pour les seigneurs de Blois. Au 15e siècle même activité; la gravure sur bois surgit, partout naissent des ateliers typographiques, fournissant des livres illustrés par la xylographie; puis on trouve les peintres, les sculpteurs mentionnés en bon nombre dans les villes de Haarlem, Leyden, Delft. De nos jours des peintures reparaîssent partout de dessous le badigeon des murs d'église ou de cloître, peintures appartenant en grande partie au 15e siècle, et dont l'histoire est encore entièrement à faire. Enfin il y a le 16e siècle, dont l'art ne nous est connu que fort incomplètement. Voilà, des lacunes dont l'existance même ne nous est révélée que depuis peu. Aussi le scalpel de la critique et la pioche du pionnier, voilà, ce qu'il nous faut. A nous la double tâche, - et c'est en général celle de notre siècle - de balayer les fables que nous ont laissées nos prédécesseurs, et d'entasser de nouveaux matériaux, afin que nos successeurs puissent en faire une histoire entière et vraie. Tout ce qui nous est permis, c'est en quelques cas de faire des monographies. C'est ainsi que déjà Jan Steen a été dignement étudié et réhabilité par M. van Westrheene, de la main de qui on peut espérer aussi une étude sur Paulus Potter. Sans compter la série d'ouvrages sur les eaux-fortes de Rembrandt, de nombreuses études détachées sur ce maître ont vu le jour. | |
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Nous y distinguons, après que M. Rammelman Elsevier a le premier ouvert de nouvelles voies pour la biographie du maître, celle de M. Scheltema; un très bon travail de M.E. Kolloff, dans le Histor. Taschenbuch de Von Raumer, 1845; celles de M.C. Blanc; et la récente étude sur la femme de Rembrandt, de M.W. Eekhoff. Ils ont contribué à débarrasser le côté biographique des fadaises traditionnelles; tandis que M. Blanc a popularisé l'oeuvre gravée de Rembrandt par la reproduction photographique qu'il a commentée, et par son catalogue raisonné. Tout cependant a été surpassé par les excellentes et vigoureuses études de M.W. Bürger sur l'art Hollandais et le phare, qui en est le centre lumineux. Je m'associe avec une vive et entière sympathie à ses vues larges et profondes sur l'art, celui des Provinces-Unies, celui de Rembrandt. C'est un hommage qu'on lui doit, et que je m'empresse de lui rendre, qu'à de rares exceptions, nul écrivain n'a mis à, l'examen de notre école, surtout de la pleïade rembrandtique, tant de talent, tant de sagacité, une méthode aussi hardie et indépendante que M. Bürger. Nul n'a approfondi tellement ce génie tout particulier de Rembrandt, ainsi que ses principes, l'homme et ses oeuvres, surtout ses peintures. Cependant, à mesure que ces études croissent en valeur, le besoin se fait sentir d'un livre, embrassant et cet homme et son oeuvre. Il semble que le temps est venu, non pas de clore les investigations spéciales, mais de faire un essai de synthèse. En attendant avec impatience que M. Bürger achève son grand travail promis, je vais publier mon étude sur le même sujet. Voici le point de vue d'après lequel elle est conçue. J'ai désiré d'abord, montrer la connexité de Rembrandt | |
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avec ce qui l'a précédé; exposer les agents qui l'ont formé; les prémisses dont il est la conséquence logique. Puis étudier l'artiste dans sou entourage, - ses contemporains, ses amis, ses antagonistes; le mouvement intellectuel de son temps, le parallelisme de l'art et de la littérature de son pays. En même temps étudier l'homme dans l'artiste. C'est en un mot l'explication du phénomène artistique que j'ai cherchée; les causes dont il est le résultat, son essence même et les effets qui à leur tour en devront ressortir, c'est à dire sa signification pour nous et pour l'avenir. Le génie même, pour être compris, a besoin d'être éclairé par les causes qui ont concouru à sa formation. C'est le sujet qui compose cette première partie. Je n'en dirai pas davantage ici. Cependant il y a quelques petites observations dont j'ai préferé ne pas charger le texte, et que j'ai voulu traiter dans cet avant-propos. D'abord c'est l'année et le lieu de naissance du maître. Quant à l'année il y a deux versions. Orlers a dit 1606, et cette date a été acceptée jusqu'à ce que M. Scheltema ait fait remarquer que dans le registre, où furent notés les mariages annoncés, on a constaté, apparemment de la bouche même du futur, qu'il était âgé de 26 ans. Voici la notule: 10 juin 1634, Rembrand Harmensz. van Rijn, de Leyden, âgé de 26 ans, etc. Donc M. Scheltema en tire la conséquence qu'étant à ce moment âgé de 26 ans il faut qu'il soit né en 1608. En effet si l'on soustrait les 26 ans de l'année 1634, on trouve naturellement 1608. Cependant avant d'examiner, s'il faut en croire Orlers ou le greffier, qui a noté la donnée de Rembrandt luimême, il y a une autre observation à faire. | |
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C'est que dans le cas donné l'opération indiquée ci-dessus ne donne pas la date juste. Remarquons d'abord que Rembrandt est né le 15 juin, (suivant d'autres juillet, donc en tout cas après le 10 juin) et que la note est redigée le 10 juin; c'est-à-dire quelques jours ou quelques semaines avant son anniversaire. Si du 10 juin 1634 on compte en arrière 26 années, on arrive au 10 juin 1608, mais à cette date (dans l'hypothèse de 1608) il ne serait pas encore né, comme il ne serait venu au monde que le 15 juin ou juillet. Une autre preuve va affirmer l'incorrection de cette manière de soustraire. Nous sommes au 10 juin 1634, et Rembrandt dit avoir 26 ans; alors il va sans dire que le 15 juin suivant (ou juillet, ce qui revient toujours au mênie) il aurait 27 ans; faites la soustraction, 15 juin 1634 moins 27 cela fait 15 juin 1607, pour la date de sa naissance. En acceptant pour le moment l'exactitude de la note du registre des mariages, c'est là la seule manière pour arriver à une date juste. Ainsi suivant ce registre il faudrait pour la date de sa naissance 1607 et non 1608. Une circonstance curieuse vient encore confirmer cette date. Suivant ce registre le 10 juin 1634 il aurait 26 ans, donc le 10 juin 1631 il aurait 23 ans. Mais voilà que nous possédons une estampe de Rembrandt, un de ses portraits (le no. 7 de Bartsch et Claussin) où se trouve écrit de sa main, Rt. f. 1631 aet. 24. Maintenant alors de deux choses l'une; ou cette inscription a été mise avant, ou après son anniversaire. Si elle a été mise avant, elle est en contradiction avec l'âge que Rembrandt dit avoir en 1634, lors de son mariage. Si après, elle concorde avec cette dernière. De là la présomption qu'elle a été mise après l'anniversaire, c'est-à- | |
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dire après qu'il eut accompli sa 24e année. En ce cas là, il est permis de faire la soustraction, 24 de 1631 reste 1607. De deux manières différentes nous venons donc toujours à l'année 1607, et nous possédons deux documents émanés de Rembrandt lui-même, qui fixent sa naissance à, 1607. Ainsi 1608 étant désormais hors de cause, on n'aura qu'a opter entre 1606 et 1607, c'est-à-dire entre Orlers et Rembrandt. J'avoue que le choix est assez difficile. L'autorité de Orlers est respectable. Comme il est la source première et presque unique pour les particularités de la naissance et de la jeunesse de notre peintre, je tiens à bien constater la mesure de confiance, qu'il est permis d'avoir en lui. Dans la seconde édition de son livre, Description et histoire de la ville de Leyden, édition de 1641, il a augmenté la notice des hommes célèbres, qui avaient vu le jour dans cette ville, de quelques noms, qui ne pouvaient se trouver dans la première édition de 1614, et entre autres celui de Rembrandt. Pour ce qui plaide en faveur de l'exactitude des renseignements que Orlers a pu prendre dans sa ville, remarquons qu'il avait passé sa vie dans cette ville, que dès 1631 il fut un des bourguemestres, que son livre est plein de données authentiques, qu'il communique les ordonnances, les listes de tous les magistrats, de tous les fonctionnaires publics. Il a donc dû avoir sous la main les pièces authentiques, les archives de la ville. Il se peut donc qu'il ait consulté les registres à sa disposition, pour trouver la date de naissance de Rembrandt. Ce qui prouve encore qu'il est bien renseigné, c'est qu'il est le premier qui ait dit que Rembrandt est né dans la ville de Leyden, fait dûment prouvé de nos jours. Quant à la justesse des données émanant de Rembrandt lui-même, on pourrait croire même chez lui à une erreur. | |
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Mais dans le cas présent il s'est prononcé deux fois, et si l'on veut supposer une première erreur de sa part, ou de la part de l'écrivain qui dressa l'acte, il est, quant à la seconde erreur, impossible de ne pas admettre que Rembrandt, griffonnant sous son propre portrait Rt. f. 1631, aet. 24, ait parfaitement bien su ce qu'il fit. C'est par ces raisons que je me vois forcé de pencher pour cette donnée et de poser comme année de naissance 1607.
Certes l'importance de cette question n'est pas grande; mais comme il faut mettre une date, il vaut toujours mieux avoir la vraie. Quant au lieu de sa naissance il ne reste plus aucun doute à cet égard. Ceux que M. Linck a émis dans la livraison III et IV de l'Archiv f.d. zeichn. Künste de MM. Naumann et Weigel, 1859, devront disparaître pour M.L., à la lecture des pièces authentiques. De même son argument tiré de l'eau-forte, dite le moulin de Rembrandt, n'a aucune valeur, vu que ce nom ne lui a pas été donné par l'auteur, ni dans son temps, mais par les écrivains et dans les catalogues du 18e siècle. Ce moulin ne représente pas plus le moulin de Rembrandt, que celui dans le paysage montagneux, gravé par M.Ch. Jacque, et qui porte ce titre. Ces points régiés, il faut que pour les lecteurs étrangers j'ajoute un mot sur ce nom de Rembrandt. Quelques auteurs étrangers seulement et entre autres M. Bürger et M. Blanc ont compris, ce qui n'était pas douteux pour un Hollandais, que Rembrandt est un prénom. Mais la majorité le regarde comme un nom de familie, auquel on juge alors convenable d'ajouter un prénom paul, que répète encore avec tous les vieux contes absurdes le cata- | |
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logue du musée de Dresden de M. Schäfer. Quant à ce nom de rembrandt on le trouve fréquemment même au 15e siècle. Il est écrit quelquefois rijnbrandt; les noms de rem, remmert, rembert, reijer en sont tous des abbréviations ou variantes qui constituent au fond le même nom. Avec le mot de brand sont composés une foule de noms analogues, tels que gerbrand ou garbrand, wijbrand, ijsbrand, wolbrand, sibrand, Il faut tenir compte aussi de la coutume ancienne de se nommer d'après le père; ainsi le père ayant nom Pierre, le fils se dit Jean fils de Pierre (Jan Pietersz[oon]). Ce ne fut que dans le premier quart du 17e siècle, qu'on commença plus généralement à ajouter à son nom un nom générique, pris ordinairement de la ville natale, d'une seigneurie, d'un métier, de l'enseigne ou emblême que portaient souvent les maisons, et qui devint à l'aide du temps le nom de familie fixe. Ainsi le nom de van Rijn ne se trouve dans les actes, qu'après 1600; et Rembrandt suivant l'usage commun se nomme d'abord Rembrandt Harmensz. (fils de Harmen). Comme enfin divers actes constatent que notre peintre n'avait d'autre prénom que Rembrandt, il serait à désirer qu'à la fin, on vit disparaître des catalogues et biographies, celui de Paul, qu'il n'a jamais porté. C'est aussi absurde que si l'on disait Guillaume Raphaël, ou Théophile Voltaire!
Ainsi que la vie de la plupart de nos peintres, celle de Rembrandt a eu beaucoup à souffrir des biographes. Le vrai et le faux y sont tellement mêlés qu'il importe de faire la critique des sources. | |
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Tout ce qui a été écrit sur sa vie pendant le 18e et la première moité du 19e siècle, est généralement très erroné. Dès Houbraken les erreurs commencent et se multiplient. Il n'y a que très-peu de sources imprimées qui soient valables. En premier lieu Orlers, contemporain, demeurant dans la même ville. Il est le premier qui fait mention du peintre, dans la seconde édition de son livre, édition parue en 1641. Ce qu'il dit des peintres est (comme il le dit lui-même) littéralement pris de Van Mander. Mais où celui-ci (mort en 1607) cesse, cette source lui fait défaut. Il a dû alors s'informer ailleurs. Où? Il est vraisemblable qu'il prit ses renseignements dans la ville ou qu'il fouilla ses archives, comme il fit pour d'autres parties de son livre. On peut donc en croire Orlers jusqu'à preuve contraire. Il importe de faire connaitre les expressions mêmes de notre premier témoin, l'ancien bourguemestre. Voici la traduction littérale de ce qu'il rélate sous le titre de: | |
Rembrandt van Rijn.‘Fils de Harmen Gerritszoon van Rijn et de Neeltgen Willems van Suydtbrouck, est né dans la ville de Leyden le 15 juillet de l'an 1606. Ses parents l'ayant envoyé à l'école pour lui faire apprendre dans le temps la langue latine et pour le conduire après à l'académie Leydoise, afin qu'ayant accompli son âge il pût servir la ville et la république de sa science, il n'y eut nulle envie ni désir, parceque ses tendances naturelles le portaient | |
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toujours vers l'art de peindre et de dessiner; pourquoi iceux ont été forcés de reprendre leur fils de l'école, et de le conduire et le mettre en apprentissage chez un peintre suivant son désir, afin d'apprendre chez lui les premiers fondements et les principes. Suivant cette résolution ils l'ont couduit chez le peintre de mérite maître Jacob Isaacksz. van Swanenburch, pour être enseigné par lui, chez lequel il est resté à peu près trois années; et comme pendant ce même temps il avait tellement progressé que les amateurs de l'art en étaient tout émerveillés, et qu'on put voir assez qu'avec le temps il deviendrait un peintre éminent, ainsi son père a trouvé bon de le mettre en pension et le conduire chez le peintre renoramé p. lasman, demeurant à Amsterdam, afin que par lui il fût conduit et enseigné encore plus loin et mieux. Ayant été chez celui-ci environ six mois, il a trouvé bon d'étudier et d'exercer la peinture seul et à sa propre guise; et y a si bien réussi qu'il est devenu un des peintres les plus renommés de notre siècle. Comme son art et son ouvrage plaisaient extrêmement aux habitants d'Amsterdam, et comme il était maintes fois sollicité d'y faire soit portraits, soit d'antres tableaux, il a trouvé convenable de se transporter de Leyden à Amsterdam, et est parti par conséquent d'ici vers l'année 1630, et y a pris sa demeure, et y réside encore dans cette année 1641.’
La deuxième source par ordre de temps serait Het gulden Cabinet, du notaire de la ville de Lier, maître Cornelis de Bie, livre de 1661, qui cependant ne contient à l'endroit de R. que quelques vers qui ne nous apprennent rien. La troisième source c'est Simon van Leeuwen. Dans sa description de la ville de Leyden, de 1672, il ne consacre à la inention des artistes nés dans cette ville que | |
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quelques phrases très succinctes, une douzaine de lignes, qu'apparemment il puisa dans le livre de Orlers, qu'il utilisa pour la fabrication du sien. Il est à remarquer qu'à l'endroit de Isaac Nicolai (van Swanenburch) et de son fils Jakob il ne dise rien à l'égard de l'apprentissage de Rembrandt chez ce dernier; et qu'au contraire il soit le seul qui jamais ait remarqué, comme il dit dans la vie de Joris van Schooten, que celui-ci ‘fut le maitre de Rembrand van Rijn et Jan Lievensz.’ Dans sa notice sur Rembrandt il ne dit que ‘né dans la ville de Leyden le 15 juillet 1606, mort depuis peu.’ Quiconque a vu dans van Leeuwen la place minime qu'occupent ses notes sur les artistes de Leyden et l'insignifiance de leur contenu, ne peut attacher une grande importance à son dire. Que Rembrandt ait fréquenté l'atelier de van Schooten, ni Orlers qui est bien informé, ni aucun auteur contemporain, ne viennent appuyer cette assertion; et le seul témoignage de van Leeuwen ne saurait suffire à l'admettre. C'est pour cela que nous ne comptons pas van Schooten parmi les maîtres de notre peintre. La quatrième source est très-intéressante, parcequ'elle provient d'un peintre, d'un contemporain, d'un homme qui a connu de près la Hollande et ses artistes. C'est le livre de Joachim Sandrart. Sandrart, noble de naissance, vit le jour à Frankfurt sur Main, le 12 mai 1606. Sur la renommée de Honthorst il alla à Utrecht, fréquenta son atelier, voyagea en Angleterre, repassa par la Hollande et l'Allemagne, se rendit vers 1628 à Venise, à Florence, à Rome et resta dans cette ville quelques années. Là il demeura avec Claude le Lorrain et fut très-familier avec les membres du club Hollandais (de Hollandsche bent); puis encore avec Pous- | |
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sin, Merian, Elsheimer, van Laar, auquel il prodigua les louanges comme à un des premiers maîtres. Les frères Both, Goudt etc., sont de ses amis. Pendant les années 1635 et 1636 il était à Amsterdam, fréquentant les plus célèbres littérateurs, savants et artistes de cette ville. Il doit avoir connu Rembrandt, qu'il trouva alors dans toute la forte jeunesse de son talent. Aussi lui consacra-t-il une notice très-détaillée, résultat de ses propres observations, et qui par là nous est d'une immense valeur. Dans la seconde partie de cet ouvrage je me propose de mettre en scène les contemporains de Rembrandt, avec leurs opinions sur ce peintre ainsi que leurs relations avec lui. Là je donnerai en entier les observations de Sandrart, dont pour le moment je n'ai voulu que constater la haute valeur. Une cinquième source nous est fournie par le livre de Samuel van Hoogstraten, Inleyding tot de Hooge schoole der schilderkunst, édité à, Rotterdam en 1678. S. van Hoogstraten est fils de Theodoor ou Dirk, et né à Dordrecht en 1627. Il reçut d'abord les leçons de son père et à la mort de celui-ci en 1640, ayant alors 13 ans, il passa chez Rembrandt. A la page 257 de son livre il dit ‘l'ingénieux Rembrant, après la mort de mon père Théodore, mon second maître.’ Il mourut en 1678. Dans ce livre, où l'on trouve une foule de choses curieuses, il ne donne que ses propres impressions, idées et expériences. Ce qu'il dit de Rembrandt a une grande valeur comme provenant d'un homme qui l'a connu de près; c'est donc une source authentique, où nous ne trouvons point de détails biographiques il est vrai, mais qui nous fournit en revanche des données sur les opinions du fameux maître, et quelques jugements d'un contemporain sur celui-ci. Je n'ai pas encore nommé Houbraken. Celui-ci a écrit un demi siècle après la mort de Rembrandt, et son livre | |
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est tellement rempli d'erreurs et de contes qu'on ne saurait en faire usage que préparé par des études plus sérieuses. Toutefois en s'armant d'une critique soupçonneuse on trouvera dans Houbraken quelques détails qui n'ont besoin que d'être dégagés d'erreurs palpables. Houbraken fut élève de Hoogstraten et c'est par cette voie que des notions vraies peuvent étre parvenues jusqu' à lui, quoi'qu'il les ait altérées. C'est avec lui que commence cette manière anecdotique d'écrire l'histoire des arlistes, méthode qui prétend s'appuyer de l'opinion que le trait distinctif des artistes est d'être d'originaux extravagants, joignant presque toujours la rudesse à la brutalité. Joignons à ces sources biographiques contemporaines les lettres de Rembrandt, les données contenues dans ses oeuvres, les mentions que font de lui les poètes de son temps et enfin les pièces authentiques dont une partie a été publiée de nos jours par Josi, M.M. Immerzeel, Elsevier et Scheltema. A ces dernières, j'ajouterai quelques-uues qui m'ont été communiquées par M. Rammelman Elsevier avec une obligeance et un soin qui ont droit à ma vive reconnaissance. En étudiant ces actes et regis tres j'ai reconnu qu'il en est plusieurs qui n'ont pas été publiés, qu'on n'a pas assez fouillés, et aussi qu'il reste encore quelques erreurs à relever. Dès lors j'ai cru qu'il était indispensable de soumettre toutes ces pièces à un nouvel examen et qu'il serait utile d'en publier les parties les plus intéressantes.
P.S. Après avoir terminé ce volume et préparé les études pour le reste de la vie de Rt., j'ai fait connaissance avec le travail remarquable de M. Kolloff (cité pag. III). L'étrange coïncidance d'idées, de plusieurs explications ou conjectures, parfois de méthode m'impose le devoir, de déclarer que seulement après avoir acquis ces résultats analogues j'ai fait la connaissance de l'exellent article de M. Kolloff. |
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