Poèmes(1895)–Emile Verhaeren– Auteursrecht onbekendLes bords de la route. Les Flamandes. Les moines Vorige Volgende [pagina 219] [p. 219] Aux moines Moines venus vers nous des horizons gothiques, Mais dont l'âme, mais dont l'esprit meurt de demain, Qui retrempez l'amour dans ses sources mystiques Et le purifiez de tout l'orgueil humain, Vous marchez beaux et forts par les routes des hommes, L'esprit encor fixé sur les feux de l'enfer, Depuis les temps lointains jusqu'au jour où nous sommes, Dans les âges d'argent et les siècles de fer, Toujours du même pas sacerdotal et large. Seuls vous survivez grands au monde chrétien mort, Seuls sans ployer le dos vous en portez la charge Comme un royal cadavre au fond d'un cercueil d'or. [pagina 220] [p. 220] Moines - oh! les chercheurs de chimères sublimes - Vos rêves, ils s'en vont par delà les tombeaux, Vos yeux sont aimantés par la lueur des cimes, Vous êtes les porteurs de croix et de flambeaux Autour de l'idéal divin que l'on enterre. Oh! les moines vaincus, altiers, silencieux, Oh! les géants debout sur les bruits de la terre, Faces d'astres, brûlés par les astres des cieux, Qui regardez crier autour de vous les foules Sans que la peur ne fasse un pli sur votre front Ni que le vent d'effroi n'en fasse un dans vos coules; Oh! les moines que les siècles contempleront, Moines grandis, parmi l'exil et les défaites, Moines chassés, mais dont les vêtements vermeils Illuminent la nuit du monde, et dont les têtes Passent dans la clarté des suprêmes soleils, Nous vous magnifions, nous les poètes calmes, Et puisque rien de fier n'est aujourd'hui vainqueur, Puisqu'on a déchiré les lauriers et les palmes, Moines, grands isolés de pensée et de coeur, Avant que la dernière âme ne soit tuée, Mes vers vous bâtiront de mystiques autels Sous le velum errant d'une chaste nuée, Afin qu'un jour cette âme aux désirs éternels, [pagina 221] [p. 221] Pensive et seule et triste, au fond de la nuit blême, De votre gloire éteinte allume encor le feu, Et songe à vous encor quand le dernier blasphème Comme une épée immense aura transpercé Dieu! Vorige Volgende