Poèmes(1895)–Emile Verhaeren– Auteursrecht onbekendLes bords de la route. Les Flamandes. Les moines Vorige Volgende [pagina 186] [p. 186] Les crucifères Avec leur manteau blanc, ouvert ainsi qu'une aile, On les voit tout à coup illuminer la nuit Dont le barbare et grand moyen âge crénèle Le monde, où rien d'humain ni de juste ne luit. C'est eux, quand l'Occident s'arme contre l'Asie, Qui conduisent l'Europe à travers les déserts; Et les peuples domptés suivent leur frénésie, Emportés, dans leur geste, au bout de l'univers! C'est eux, les conseillers des pontifes suprêmes, Qui démasquent le schisme et qui fixent les lois, Qui se dressent debout, sous leurs vêtements blêmes, Pour tirer d'adultère et de stupre leurs rois! [pagina 187] [p. 187] C'est eux, qui font flamber les bûchers d'or superbes, A la gloire du Christ et des papes romains, Où les feux rédempteurs échevèlent leurs gerbes Et se nouent en serpents autour des corps humains! C'est eux, les patients inquisiteurs des foules, Qui jugent les pensers et pèsent les remords, Avec de noirs regards traversant leurs cagoules Et des silences froids comme la peau des morts! C'est eux, la voix, le coeur et le cerveau du monde. Tout ce qui fut énorme en ces temps surhumains Grandit dans le soleil de leur âme féconde Et fut tordu comme un grand chêne entre leurs mains! Aussi, vienne leur fin solennelle et tragique, Elle ébranle le siècle et jette un deuil si grand, Que l'Histoire rebrousse en son cours héroïque, Comme si leur cercueil eût barré son torrent. Vorige Volgende