Le théâtre villageois en Flandre. Deel 2
(1881)–Edmond Vander Straeten– AuteursrechtvrijLoo.Sous la dénomination de Ghesellen van den abatemente, une société d'acteurs organise, pour la première fois, le 10 juin 1422, une série de représentations bibliques. C'est sans doute à l'occasion d'une procession ou d'un ommegang. Le 22 février 1423, les exhibitions ont lieu devant la maison échevinale. On voit les mêmes compagnons faire liesse, le mardigras, en 1425. En 1427, ils jouent un exemple, c'est-à-dire une pièce symbolique avec des personnages agissants, par opposition aux représentations précédentes, qui, probablement, avaient eu lieu au moyen de rouleaux à inscriptions et à emblêmes. Une de ces exhibitions a pour sujet, en 1428, la Passion de Jésus-ChristGa naar voetnoot(2). En la même année, les archers, accompagnés de musiciens et d'acteurs, se rendent au grand concours de tir d'Ypres, où ils disputent le prix d'adresse à trente-cinq sociétés. En 1429, le dimanche qui précéde le mardi-gras, on verse le vin d'honneur à Charles van Pollinchove, dont les compagnons organisent des ébattements. Est-ce le seigneur de Pollinchove dont-il est question ici? Loo touche à Pollinchove. | |
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En 1434, c'est le tour des ghesellen de Dixmude, qui donnent des exhibitions bibliques, des divertissements, ghenouchten. Ces acteurs étaient sans doute constitués en confrérie. En 1443, ceux de Loo apparaissent, pour la première fois, avec une appellation spéciale. Ils forment deux associations, dont l'une se nomme Groenaerts, l'autre Royaerts. Tour à tour ou simultanément, ces ghesellen contribuent, chaque année, à embellir la procession du Sacrement. L'une de ces gildes joue, en 1448, la Naissance de N.-S.Ga naar voetnoot(1). Une troisième gilde se montre à la procession, en 1450: elle a pour dénomination Jonc van Zinne. Toutes les pièces exhibées, à cette occasion, sont religieuses, gheestelyke spelen. Celles du mardi-gras ont naturellement un autre caractère. Au mardi-gras 1460, surgit une quatrième société, appelée: Nutghenouchten. Elle contribue aussi à la décoration de la procession. Son existence n'est qu'éphémère. On a vu, plus haut, les Groenaerts prendre d'abord le titre de Ghesellen van den Groenen. En 1460, les Royaerts s'institulent Ghesellen van den Royen. Groenen est probablement une opposition à Drooghen, d'où Drooghenboome, dénomination assignée à plusieurs confréries dramatico-religieuses du XVe siècle. Le terme de Royaerts proviendrait-il du nom de leur organisateur ou protecteur, le seigneur Van Roye, ou bien du costume écarlate qu'ils portaient? Si le Drooghenboome signifie l'arbre de la Rédemption, la Croix, n'y a-t-il pas eu, comme dans le mystère d'Oberammergau, issu des pièces mystiques du moyen-âge, un Groenenboome, ou arbre du Péché originel, | |
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celui où Eve cueillit la pomme fatale? La parole est toujours à MM. les académiciensGa naar voetnoot(1). L'appellation de ghesellen van Rhetoricke n'est employée qu'en 1467. Les Royaerts et les Groenaerts célèbrent, en 1489, les bienfaits de la paix, lors du traité signé à Montils-les-Tours. On retrouve les deux gildes à Nieuport en 1490, 1526, 1536, 1548 et 1549. Les danseurs à l'épée se mettent de la partie en 1495. Voici ce que contient la chronique manuscrite de Loo, à la Bibliothèque de Courtrai: ‘1500. Peu après, les trois chambres de rhétorique (de Loo), sont établies par l'archiduc, et sanctionnées par les chambres de Gand et d'Ypres. La localité semble alors reprendre vie, puisque, depuis les dernières révo- | |
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lutions, elle compte plus de quatre cents jolies constructionsGa naar voetnoot(1).’ En 1503, les gildes fêtent le retour d'Espagne du roi, et, en 1507, ils se joignent aux Jonc van Zinne et à ceux du Marché-aux-oeufs, peut-être les Jonge Royaerts cités en 1475, pour augmenter l'éclat des réjouissances publiques, à l'occasion du mariage conclu entre le prince héréditaire et la fille du roi d'Angleterre. Aux solennités qui marquent, en 1508, le traité célèbre d'alliance signé entre la France, l'Espagne, l'Angleterre et l'empereur des Romains, les deux associations de Loo, Royaerts et Groenaerts ou Jonc van Zinne, organisent des représentations populaires. Elles remportent, en 1514, le deuxième prix au concours de Wervick, et, à leur retour, le magistrat de Loo leur verse le vin d'honneurGa naar voetnoot(2). | |
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Les rhétoriciens figurent à la procession de la Sainte-Croix à Furnes, en 1493, 1514 et 1515. Nouvelle excursion à Wervick par les trois gildes, en 1516. Trois ans après, elles fêtent l'élection d'un souverain (1519). La société de Dixmude vient, en 1524, à Loo, se joindre aux rhétoriciens de cette petite cité, pour célébrer la victoire de Pavie. Aux deux années suivantes, les Groenaerts donnent deux représentations à Furnes. En 1527, divertissements organisés par les trois associations réunies, à l'occasion de la naisance d'un prince. En 1523, la gilde-mère d'Ypres, Alpha en Omega, reconnaît l'existence légale de celle de Loo. Grandes réjouissances en 1529, à l'occasion de la paix de Cambrai. On donne, entre autres, des illuminations, des représentations scéniques, et des séances de chantGa naar voetnoot(1). Comme tous les corps constitués, les Groenaerts se choisissent, le mardi-gras, un évêque, lequel fait, en 1533, son entrée solennelle à Loo, et y reçoit, à titre de gracieuseté, quatre cruchons de vin, offerts par la ville. En 1538, les confrères: Zorgheloose de Furnes, ainsi que | |
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ceux de Forthem, hameau situé entre Furnes et LooGa naar voetnoot(1), viennent donner des ébattements. Il y a de grandes fêtes rhétoricales et musicales, à l'occasion de la paix. L'année suivante, les danseurs à l'épée de Leysele, d'après une ancienne coutume, aident à l'embellissement de la procession. La comptabilité communale de Loo a fréquemment enregistré, aux années précédentes, la participation des danseurs à l'épée à la solennité de la procession, sans citer leur provenance. Ici, devraient se placer les détails, puisés à la même source, de l'excursion des Royaerts à Gand, en 1539, où, comme nous l'avons vu, au volume précédent, ils se sont produits au célèbre landjuweel de la grande cité. Ces détails n'existent pas, soit que la gilde ait pris tous les frais à sa charge, soit que le magistrat, mécontent de la hardiesse des doctrines émises par elle dans ses pièces, ait jugé convenable de ne rien lui accorder. Comme leurs confrères de Leffinghe, les Royaerts, tout en protestant de leur fidélité à l'empereur Charles-Quint, émettent les idées les plus hardies au sujet de la religion catholique. Ces idées se glissent même dans la moralité, notamment par ces vers significatifs contre les bulles papales concernant les indulgences: Als ic dies tot vele menschen om raed ga,
Raden my soms anders duegden te copene,
Of in zeker bullen te hopene....
La moralité se termine par des considérations purement chrétiennes, mises dans la bouche de ‘Force de l'Esprit:’ Voor den menschentroost om sterven duechdich,
Wy Christum Jesum, elc byzonder, vaten,
Als Royaerts van Loo, u dienstbaer ondersaten.
La reponse Int vroede, à la question concernant ‘l'Animal le plus puissant du monde,’ renferme ces vers énergiques: Hoe Adam, Samson Hercules machtich,
David, Salomon van wyzer nacye,
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LOO.
Blason des Royaerts. (Confrères rouges?) 1539 | |
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Sent Jan de dooper, Helyas vul gracye,
Die ic aider crachtigst nochtans anschauwe,
Verwonnen duer twyf, zo ghevic solvacye
Dat er ter woerelt meest fortsen verwint de vrauwe.
Remarquons aussi ce passage de la strophe finale: Want Carolus ons Keyser crachtig gheresen,
Es zoo verwonnen van trauwelick wezen,
Dat de Lee doch doerven zyn presencye.
Les Royaerts remportent, au susdit landjuweel, un quatrième prix, consistant en trois coupes d'argent, pesant chacune un marc troisch. On y lit: Ic verrycke de Royen. Ces coupes figurent dans les cortèges, portés par trois pucelles. On les conserve jusqu'au siècle dernier. Quant au blason, dont un fac-similé est donné ci-contre, il représente une fontaine jaillissante, sur laquelle plane le Saint-Esprit, et qui, au côté inférieur, offre un rouleau avec la devise: Ic verrycke de Royaerts. Plus bas encore, les armoiries de la localité. En la même année 1539, les Royaerts participent à un concours poétique de Thielt. En 1540, la gilde fait rayer le poste consacré, aux registres des comptes communaux, concernant sa rétribution d'usage accordée aux RoyaertsGa naar voetnoot(1). Une entente cordiale a lieu bientôt, et, en 1541, les Royaerts reçoivent une rétribution de quarante sous, pour jouer la pièce de Griseldis. Ils copartagent encore, en 1542, les faveurs accordées par la commune, aux deux autres sociétés de rhétorique, à l'occasion d'une solennité particulière de ces associations. Ce n'est pas tout. Les Royaerts remportent successivement des prix en 1545, à Bruges, en 1546, à Beveren et à Ypres, et, | |
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en 1547, à Isenberghe. En ces deux dernieres localités, la distinction suprême leur échoit. Ces victoires ne tardent pas à stimuler l'ardeur des autres sociétés avoisinantes. En 1547, onze chambres de rhétorique viennent participer à Loo, à un concours solennel. Ce sont: Audenarde, Ypres, Nieuport, Furnes, Dixmude, Poperinghe, Hondschote, Bailleul, Beveren, Messines et OostvleterenGa naar voetnoot(1). Des rhétoriciens non désignés se rendent en 1548, à Dixmude, avec quatre autres sociétésGa naar voetnoot(2). D'année en année, les trois gildes continuent d'une façon assez monotone à se recréer, le mardi-gras, et à embellir les fêtes de l'ommegang traditionnel. La Passion est la pièce de leur répertoire qui obtient le plus de vogue. Jonc van Zinne la donne encore en 1561, avec le concours de plusieurs autres compagnons. | |
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En 1550, les Groenaerts remportent une victoire à Beveren avec l'Enfant prodigue. De retour à Loo, ils exhibent, pour leurs concitoyens, la pièce couronnée. De temps à autre, des observations sont faites, par les commissaires préposés à la vérification des comptes communaux, au sujet des dépenses faites en vins de présents. Les évènements politiques nécessitent sans doute de fortes économies. En 1587, ces remontrancs prennent le caractère d'une véritable prohibition, et, en marge de la rétribution annuelle, lors de la Saint-Nicolas, et au mardi-gras, se trouvent ces mots: ‘On n'offrira plus rien aux chambres de rhétorique.’ Un chômage succède à cette interdiction rigoureuse, et c'est à peine si, au XVIIe siècle, nous remarquons quelques rares exhumations de pièces scéniques. On en donne, par exemple, en 1613, en 1641, 1642, 1665 et 1668. A cette dernière date, se place la construction d'un théâtre spécial pour les représentations données à la procession du SacrementGa naar voetnoot(1). En 1662, la gilde-mère Alpha en Omega reconfirme les réglements de la chambre de LooGa naar voetnoot(2). Nous assistons en quelque sorte à l'agonie des représentations rhétoricales à Loo. Quelques pièces emblématiques, d'année en année, souvent de trois en trois ans, puis des traductions françaises, enfin le retrait du subside communal, voilà, en définitive, les seuls faits à enregistrer. | |
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On imprime les arguments aux frais de la ville. Les dédicaces sont soigneusement contrôlées en haut lieu, et il faut constituer, à Bruxelles, un délégué spécial pour l'interprétation des programmes. L'une des dernières pièces mentionnées, est, selon les comptes communaux, de Erstelde OnnoozelheytGa naar voetnoot(1), qui n'est autre, sans doute, que Genoveva. Une fusion des associations existantes s'opère. La demande s'en étant faite en haut lieu, une réponse favorable ne tarde point de suivre, avec une restriction formulée dans le document suivant daté du 9 juillet 1726: ‘Le magistrat de la ville et comté de Loo, suppliant pour unir et incorporer, en vertu de leur decret ci-attaché sous son cachet secret, les trois confréries de poésie ci-mentionnées, en un seul corps, permet néanmoins à ceux qui ne souhaiteraient d'entrer en ladite union, de s'en déporter, sauf à payer leur part et contingent des dettes communes de leurs confrères respectifs, contractées avant leur sortie; ordonne à tous ceux qu'il appartiendra de se régler selon ceGa naar voetnoot(2).’ Un imprimé sur parchemin, conservé à l'hôtel-de-ville de Loo, établit clairement cette fusion. L'entête porte: Statuten der oude geconfirmeerde tytelgilde van Royen, geseyt Fonteynisten, Cruysbroeders al in 't groen (société de l'arbalète), | |
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met die van Sinne Jonc (société de Sainte-Barbe, ou de l'arquebuse), gheconfirmeert te Brussel, 9 Juli 1726. Un landjuweel est organisé en 1741. Audenarde y assiste. Loo prend part au concours de Bailleul, en 1769, à celui de Poperinghe, en 1782, et à celui de Courtrai, en 1783. Le décret du 17 août 1769 vient donner le coup de grâce à ces représentations languissantes, qui, il est vrai, peuvent avoir été reprises dans la suite, mais toutefois sans l'intervention précuniaire de la commune, qui cesse de fait, en 1770, comme le démontre l'extrait ci-dessousGa naar voetnoot(1). Les dernières représentations dont on se souvienne, ont lieu en 1827. Le théâtre, dit-on, subsiste encore. |
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