Le théâtre villageois en Flandre. Deel 2
(1881)–Edmond Vander Straeten– AuteursrechtvrijEenaeme.Le 31 juillet 1434, des jongleurs viennent donner des divertissements. Le 17 août de la même année, des Gezellen bruxellois organisent une representationGa naar voetnoot(1). Environ le mardi-gras de l'an 1448, des jeunes amateurs d'Audenarde et d'autres encore, donnent, à quatre ou cinq reprises, des ébattementsGa naar voetnoot(2). En 1478, les Kersauwieren (Confrères de la Marguerite), d'Audenarde, et les Pax-vobianen (Confrères ayant pour devise Pax vobis), de Pamele, organisent des représentationsGa naar voetnoot(3). | |
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Jos Maes, Anvers. | |
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Jos Maes, Anvers. | |
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Les mêmes sociétés réapparaissent en 1483Ga naar voetnoot(1). A la suite de ces constatations, dues à l'obligeance de M. Edmond Beaucarne, un vide de trois siècles environ se produit, moins, sans doute, par l'inaction des ghesellen de la rhétorique, que par l'absence de documents relatifs à leurs travaux. Ici s'offre une bannière intéressante, qui nous transporte au milieu d'une contrée magnifique, remplie de souvenirs légendaires, dont quelques-uns ont été utilisés pour la scène, par nos campagnards lettrés. La gravure est à deux faces. Elle décèle une coquetterie élégante qui contraste avec la grossièreté naïve des autres pièces de ce genre. Eenaeme possédait une abbaye de bénédictines, dont le prélat, riche et puissant, n'eût point toléré, dans son domaine, la circulation d'une image religieuse où les marques de sa noblesse princière et les emblêmes de sa suprématie spirituelle n'eussent point paru entourées d'un certain attrait artistique. La dimension de la petite bannière est de dix-huit centimètres en hauteur, et de vingt-quatre centimètres en largeur. On en verra ci-contre une reproduction exacte. A l'une de ses faces, se présente, à vol d'oiseau, le riant côteau qui domine Eenaeme, la vieille église de Saint-Laurent, parée de son drapeau de fête, et autour de laquelle s'accomplit l'ommegang annuel; l'immense domaine de l'abbaye, avec ses bâtiments ruinésGa naar voetnoot(2); l'Escaut qui la sépare de vastes prairies, où l'on se livre aux travaux de la fenaison: faucheurs d'herbes, chariots emmenant les parties séchées, cruches d'eau apportées pour étancher la soif des ouvriers. Sur le tout, Saint-Laurent, patron du village, tenant, dans la gauche, un livre ouvert où plonge son regard, et, dans la droite, un énorme gril, les armes de l'abbé regnant, Rodoan, ornées d'une crosse et campées sur une banderole, où on lit: Eenaeme. Coelvm non solvm, 1596. | |
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A la face opposée, on aperçoit les campagnes fertiles de Bevere et les riches prairies d'Eyne; les ruines de l'abbaye d'Eenaeme et l'Escaut qui serpente à côté; l'église du village; les récoltes en pleine maturité; des pèlerins qui dansent aux sons de la cornemuseGa naar voetnoot(1); une table longue où l'on boit et l'on mange; deux couples, dont l'un se bat aux bâtons, l'autre aux poingsGa naar voetnoot(2). Sur le tout, les armes de la commune, munies d'une couronne comtale à neuf perles, et dont la banderole porte: Diligite altervtrvm. Eenaeme; le Christ, imité de Sadeler, tenant un globe surmonté d'une croixGa naar voetnoot(3). Dans le coin infé- | |
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rieur gauche, la signature monogrammatique du graveur, qui n'a pu été déterminée jusqu'ici. Est-ce De Thielt, d'Ypres, auteur de la bannière de N.D. de Kerselaere? En somme, une idylle en partie double: les fêtes pittoresques de la nature, et les fêtes traditionnelles du culte. On pourrait encore ajouter: les fêtes luxueuses de l'industrie et du commerce, car il s'agit ici d'une des plus célèbres foires des Pays-Bas. La bannière, attachée à une verge ayant à son sommet un plumet de couleur, s'étalait non-seulement sur le chapeau des pèlerins, mais s'exhibait au local où se donnaient les représentations relatives au patron du village. En 1755, les Constminnende Iveraers der vlaemsche redenconst, sous l'invocation de Saint-Laurent, jouent trois fois, du 20 au 27 juillet: Martelie, doodt van den H. Laurentius, onder den tyrannigen Keyzer Valerianus, tragi-comédie. En 1770, les Iverige minnaers van Rethorica mettent en scène trois fois, du 7 au 14 octobre: De wonderlyke trouwe en de bekeeringe van Clodoveus. L'argument de cette pièce offre les armes de Charles de Colins d'Hertvelde, prélat de l'abbaye d'Eenaeme, avec la devise: In pondere et mensura. Le graveur en est P. Wauters, à Gand. Comme il a été dit, les représentations de la pièce de Saint-Laurent dégénèrent, au commencement de ce siècle, en scandaleuses parodies, que l'on court voir, non pour céder à un attrait de curiosité, mais pour se complaire dans l'étalage d'indécentes farces. Les amateurs d'Audenarde y affluent. |
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