Album Joannis Rotarii (Johan Radermacher)

[fol. 146r]

[94. Lucas de Heere, Gedicht over het devies van Thomas Gresham.]

Poeme Heroique Sur la devise De Monsieur Thomas Gressem Chevalier. Par L. Dhere Peintre Gantois.

[Links:]

Un jour je contemploy le superbe portique
Dedie aux marchans et ala Republicque
Par vous Noble seigneur qui servez D'ornement
A vostre nation, comme ce bastiment
Decore ceste ville (ou toutte chose abonde)
Mieulx que nont fait jadis les miracles du monde
Qui nont peu resister au temps rude et mauvais
Au lieu que vostre ouvrage est durable a jamais
Et regardant depres ses membres et parties
Tout lordre la mesure avec les symmetries
Tellement observez q'un Vitruve ou un tel
Je trouveroit a mordre en cest oeuvre immortel
Je marestoy pensif a vostre bel'devise
Ayant FORTUN AMY sur qui chascun devise
Cherchans en leurs Esprits si lon ne pourroit point
S'esclarsir orendroit dun si notable point
La me vint au cerveau mainte chose diverse
Comme lentendement du monde se disperse
Mais rien ne me pleust tant, de tout que javoy feint
Que l'exposition quun songe ma depeint
Or il mestoit advis que je vey comparoistre
Unne femme assez belle, et facile a cognoistre
Dun Regard fort hardy, riante bien souvent
Ayant aisles au dos qui tournent a tout vent
En un habit legier comme lantique Robbe
Et si tenoit encor en main un petit Globe,
Avec un gouvernal: Bref ceste femme estoit
Habillee en tel point quelle en tout resembloit
A ceste vieille idole, inconstante importune
Quon Apelle en commun la deesse Fortune
Cheminant de vitesse et venant devant vous
Dun regard asseure et dun parler plus doulx
Vous poursuivoit ainsi, je Suis la grand deesse
Du monde universel souveraine maistresse,
Conduisant toute chose ainsy quun Gouvernal
Conduit une navire: Et suis en generall
Celle qui octroyant aux uns des benifices
Des sceptres des estatz, des honneurs, des offices
Soit quun tel le merite ou ne merite point
Aussy dautre ceste quant la haine me point
Contre lhomme esleve et fust il un grand Prince
Je le rue alemieus, et toute sa province
Bref, je fay toute chose et en despose aussy
Selon mavolonte Laquelle regne ainsy
Mais entre mes plus cheres, *a un* je suis favorable
Je T'ayme mon Gressem d'un amour perdurable
Promettant de te faire au monde plus heureux
Plus riche et plus puissant que tous tes bons ayeux
Et je tappreste encore ung siege et haulte place
Aupres des plus grand dieux parlaide et bonne grace
dune grande deesse a qui tu es subiect
Pouquoy cest abon droit que suivoit ton suject
Tu me veus tel honneur et louenge divine
Comme a ta favorite et la seulle origine
Et ta prosperite disant FORTUN AMY
monstrant or que tu es de la fortune amy
Elle est du tout a toy Et tu es tout a elle
Comme l'enseigne aussy ta devise tant belle

[Rechts:]

Ayant ainsi parle il survint a l instant
Un grave personnage, a levoir bien constant
Dun mantien gracieux, benin scavant modeste
vestu en Philosophe alavenant du reste
Icelluy sattachant a fortune disoit
Avec la gravite que luy appertenoit
Escoute moy parler sur ces propos frivoles
Que toy fortune as dict, *.........* parolles
Je monsteray a loeil, Que tu mens et fais tort
Au grand dieu tout puissant lequel par son effort
Et par sa main soyneuse estant leternel pere
Sagement il gouverne et conduit tout laffaire
des humains icy bas: qui donne les honneurs
Les Richesses les biens, les estats, les faveurs
Envoyant daultre part la perte et la misere
A l'un se monstrant doux a l aultre plus severe
Par son hault jugement que nul homme congnoit
Si estre toutesfois quil est saint juste et droit
Or cest luy seul Gressem, qui ta monstre sa face
Plus douce qua beaucoup: Or de sa seulle grace
Qui ta tant enriche de si grand dons exquis
Pouquoy cest a lui seul auquel lhonneur et pris
doit estre attribue non pas a ceste Idole
Qui se nomme fortune, et qui le monde affolle
Qui nest rien q ung pur songe: et pourtant qui n'a pas
Aucun pouvoir, de quoy on doive faira cas
Comme lenseigne bien ta devise, et lexhorte
Qui se doit lire ainsy FORTUNA, MY et porte
Prenant lun mot latin et laultre ^Lmot^L gregois
Ferme les yeux fortune Et se vaut en francois
Comme si l'on disoit Tay toy et ayes honte.
Car de toy vanteresse on ne tient plus de conte
Ains le Dieu Eternel s'adore en lieu de toy
Comme autheur de tout bien, selon sa sancte loy
Or ceste raison la plus belle et plus notable
Vous estoit (Monseigneur) sur tout tresagreable
Ce qui ma mis au coeur en mon joieux reveil
Dun faire a ce matin quelque plaisant recoeil
Et de vous lenvoyer. que sil nest en ta sorte
Que je veux Toutefois l'honneur que je vous porte
Ma forcé de lofrir a voz pieds tel quil est
Masseurant (Monseigneur) quil est bien sil vous plaist.

[fol. 146v]

Sur la devise du Sire Thomas Grescham FORTUNAMY

Poeme de Lucas Dehere paintre faict par mon instinct

Est a scavoir que ledit Grescham en sa jeunesse practiquant la marchandise et merceries de draps de soye il se paint ledit mot de 9 lettres diversses pour ciffre secrete selon la costume de chasque mercier Puis parvenant a plus grand estat il le retient pour sa devise en tour de scel [.........]