un mot de vers. Elle se définit par le poème où elle figure, elle sonne par le vers où elle est. Elle n'existe que par l'oeuvre où elle fait sa partie. Vous la connaissez mieux par ce poème que je ne la connais, moi qui ai vu dedans comme une motte de terre jetée faisait des ronds et du trouble. Vous savez toujours tout mieux que nous. Et toi, mon ami, sous prétexte que tu fus mon précepteur quand je n'étais que le dauphin du royaume encore, tu sais toujours tout mieux que moi. J'ai vieilli, mon ami, depuis l'âge que je recevais tes leçons. Nous avons vieilli. J'ai connu des réalités qui n'étaient pas dans nos vieux livres de classe. Eloi, j'ai connu des hommes qui ne te ressemblent pas. Heureusement qu'il y a deux races d'hommes. Et j'ai connu la deuxième race des hommes. J'ai connu des hommes qui ne connaissent pas par des livres. J'ai connu les hommes qui connaissent les réalités. J'ai connu aussi les hommes qui ne connaissent rien. Hommes merveilleux. Hommes sincères. Hommes précieux. Soutiens solides et véritables ornements de ce royaume. Hommes frais. Hommes nouveaux. Hommes neufs. Connais tout mon bonheur, Eloi. Et connais tout le bonheur de ces hommes. Ils sont ignorants. C'est à dire que leur mémoire n'est nullement préoccupée. Ils sont ignorants. Hommes frais. Troupes fraîches. Mémoires non encore fatiguées. Papier blanc. Toile bise. Hommes admirables, et tels que tu ne les connais pas, car tu n'as jamais connu que des élevès, dont moi. Hommes qui ne furent jamais élèves, car pendant que leur corps, soumoisement, avait l'air de suivre, leur âme libre faisait une perpétuelle école buissonnière. Hommes admirables, et pendant que pour nous, hommes fatigués, élèves et
maîtres, la Voulzie est une rivière à mettre et mise en alexandrins, pour eux la Voulzie est une rivière commune, la Voulzie est une rivière comme une autre, de la vraie eau coulant entre deux berges vraies d'herbe vraie sur un vrai fond de terre et de vase; et pendant que nous on ne peut pas prononcer devant nous le nom de Voulzie sans que nous fassions au moins un imperceptible signe de reconnaissance, et pendant que nous la première fois qu'on nous dit: C'est la Voulzie, nous demeurons stupides comme si nous n'eussions jamais envisagé cette éventualité, au contraire ces hommes ignorants, vraiment sages, vraiment neufs, entendent prononcer le nom de la Voulzie comme un nom parfaitement nouveau, et quand ils ont admis