(Rires.) Rentré dans son craton, il se met dans un état peut-être un peu trop civilisé; il ordonne à un jeune page, petit garçon d'une familie noble, dont le titre correspondrait, en France, à celui de chevalier, il ordonne à ce jeune page de lui ôter ses bottes; l'enfant s'incline. Le prince lui dit: sais-tu bien que je peux te tuer?
- Oui, Monseigneur.
- Mais c'est la vérité; j'ai le droit de vie et de mort sur toi.
- Comme vous le dites, Seigneur.
Le prince exaspéré de ce calme, il aurait peut-être mieux aimé être contredit, ordonne à son page de lui apporter son kriss. L'enfant prend l'arme, l'offre à son seigneur, le manche en avant, et lui présente sa poitrine. Le pancyrien saisit l'arme des mains de son page et le tue raide. (Mouvement.)
Eh bien, ce pancyrien, je l'ai connu à Malte et je dois le dire, j'ai aimé eet homme; c'est de ses yeux que, pour la première et peut-être pour la dernière fois de ma vie, j'ai vu couler des larmes javanaises. (Sensation.) Ne vous en étonnez pas; les larmes sont une invention de l'Occident, de l'Occident si fertile en inventions pour remplacer le sentiment par des manifestations!
Pour ne pas obliger M. le Président à me rappeler au règlement, j'abrége.
De toutes parts. - Non, non, parlez.
M. Douwes Dekker. - Je vous remercie du fond du coeur de votre bienveillance; mais en voulant tout dire j'aurais trop à dire. Je me permettrai seulement de vous lire l'épilogue d'un livre que j'écrivis, il y a quatre ans, le voici:
‘Mon livre est mauvais, d'un méchant style, il n'y a pas d'harmonie entre les diverses parties... l'auteur est incapable, pas de talent, pas de méthode... Bien, bien... très-bien, mais le Javanais est maltraité. ‘Car voici le mérite de mon livre: toute réfutation est impossible. ‘Plus on sera mécontent de mon ouvrage, plus je m'en féliciterai; car la chance d'être écouté sera d'autant plus grande que votre mécontentement sera plus vif. Je veux être lu, je le veux...
‘Et vous que j'ose déranger dans votre repos, anciens gouverneurs généraux ou ministres, ne comptez pas trop sur l'incapacité de ma plume. Elle pourrait s'exercer au point même de faire croire à la vérité!
‘Alors je demanderais un mandat de représentant pour protester