Volledige werken. Deel 11. Brieven en dokumenten uit de jaren 1862-1866
(1977)– Multatuli– Auteursrechtelijk beschermd
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Bruxelles, le 7 Mai 64. Ma Loutjou! mon ange! Me voilà toute joyeuse! Ton père m'a dit: ‘Je suppose que Stéphanie reviendra dans une dizaine de jours.’ Je ne pouvais croire mes oreilles. Toi! te revoir! Causer avec toi, quel bonheur! J'ai oublié pour un moment mes soucis. Je ne rêve que de toi, ma poësie! Si tu savais comme je t'aime. Tu me diras beaucoup de choses, n'est-ce pas, mon enfant? Tu me diras que tu es la fiancée la plus heureuse, la plus adorée! Je me reposerai dans ton bonheur. Oh, je languis de te revoir. Il me semble que les jours seront si longs qui me séparent encore de ma Melattie. Je suis jalouse de ton fiancé, pour la seule raison que personne que lui ne pourra plus contribuer à ton bonheur. Lui seul a le pouvoir de te rendre heureuse. Ton salut est dans ses mains. Qu'il apprécie bien son trésor!! Dekker a été ici pour quelques jours. Jeudi il est parti pour la Hollande. Il n'y a rien de décidé quant à notre position, mais il est certain qu'il nous faut absolument un changement. Si l'éducation d'Edouard ne demandait pas de rester en Europe, je partirais pour les Indes. Là je saurais bien me donner une existence convenable. Mon mari souffre tant qu'il ne peut nous retirer de cette position affreuse. Mon coeur en est navré. Les hommes génials sont quelquefois plus impuissants que les plus simples des hommes. Il leur faut quelquefois un guide et pourtant tout doit ressortir d'eux mêmes. Sais-tu, je suis très contente que mon Edouard ne sera jamais un génie. Moi qui ai la plus grande vénération pour les génies, je les plains de tout mon coeur; je ne les crois pas heureux ni pour soi-même ni pour les autres. Mon petit Edouard a le caractère si heureux; il ne demande que du bonheur et il sait en jouir. Ma Nonni est plus sensible et je crois qu'elle a la tendance pour jouir de la poësie de la vie... |
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