Volledige werken. Deel 11. Brieven en dokumenten uit de jaren 1862-1866
(1977)– Multatuli– Auteursrechtelijk beschermd
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Bruxelles, le 23 Mars 1864. Ma Stéphanie chère! Ma Loutjou! Il y a deux jours que je suis de retour à Bruxelles. Ces deux jours j'ai eu un mal de tête affreux. Aujourd'hui à force des compresses d'ammoniaque le mal va mieux, mais je me sens si faible. Ce sont les nerfs qui me jouent ce tour là. Tu as raison, mon ange, ma tête brûle et il y a beaucoup de tourments cachés là-dessous. Pour calmer mon agitation je me figure d'être auprès de toi; j'entends ta douce voix que j'aime tant, et je vois tes yeux qui m'électrisent. Enfin, tu es mon idole! Dekker est resté en Hollande pour ses affaires. En quittant mon mari j'étais plus triste que jamais. J'ai un pressentiment sinistre. Dieu veuille qu'il ne se réalise pas. Ta bonne lettre du 10 Mars m'a tellement émue que toute mon âme en vibrait. Tu me donnes sans cesse le grand baume du coeur blessé. Sais-tu bien, en lisant ta lettre je me suis dit: Quel ange que ma Loutjou! Comme elle me comprend et qu'elle sait consoler. Oh, il faut être juste, moi qui ai beaucoup de souffrances, c'est vrai, mais en revanche j'ai un bonheur inouï: le noble coeur de ma Stéphanie qui m'est si dévoué. Oui, mon enfant, je vis en toi, il me serait impossible d'aimer plus passionnément ma Nonni quand elle sera grande que toi. Tu dis dans ta lettre: ‘Seule ta foi dans l'avenir te soutient, et l'immense amour dont ton coeur est rempli pour ton mari et tes enfants.’ Il y manque quelqu'une, car moi je t'aime autant que mes enfants, et pour le moment que leur âge ne permet pas d'être pour moi, ce que j'attends d'eux, c'est à toi, mon enfant, que je fais acte d'adoration, car toi tu me soutiens. C'est toi qui me donnes le courage. Toi es la principale de mes enfants. J'ai le coeur rempli de toi, autant que de mes enfants. J'espère de tout mon coeur que mon Edouard et ma gentille Nonni t'imiteront, alors je serai très heureuse, et eux ils pourront avoir une grande satisfaction. Car ce n'est pas peu de chose de contribuer au bonheur de quelqu'un ou d'adoucir ses peines. Ne me dis jamais plus que tu ne peux rien pour moi, que tu es impuissante, toi qui es la poësie de ma vie. Je te gronderai, si tu m'en parles encore une seule fois. Merci, mon enfant, du saint message d'aller visiter en ton nom la tombe de ta mère. Mon coeur en était touché au plus vif. Dekker m'a trouvée en pleurs, et lorsque je lui disais la cause de mes larmes, il m'a embrassée tendrement, il a compris plus que jamais sur | |
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quoi était fondé mon grand amour pour toi. Je viens de visiter ton père, il se portait très bien. Il est toujours si aimable pour les enfants. Je lui ai raconté de la Hollande. Monsieur a envie d'y aller, moi je déteste ce pays froid où les personnes n'ont presque pas de coeur. La familie où j'ai logé est très bonne, mais très exceptionnelle. La soeur de Madame Hotz est une jeune personne de 22 ans qui m'aime beaucoup; elle a la faculté d'inspirer les sentiments les plus doux sans dire une syllabe. Je n'ai jamais vu quelque chose de pareille. Je crois que son éducation est négligée, qu'elle n'est pas très intelligente, et pourtant on est portée de l'aimer. A la longue cela m'ennuyerait de ne jamais entendre une idée; mais ce qui est vrai, sa présence silencieuse vous fait du bien. Mon séjour en Hollande m'était très pénible. Au commencement wilde ik er me over heen zetten, maar op den duur lukte 't niet. De grieven die wij in Holland ondervinden zijn te menigvuldig dan dat wij er ons niet onophoudelijk aan zouden kwetsen... |
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