Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Des rumeurs, des parfums, des faisceaux de bougies,
Un orchestre en émoi, les riantes magies
Des glaces, des bijoux; d'étincelants cristaux,
L'argent et l'or prenant mille formes charmantes,
Sur des plats de vermeil des cuisines fumantes,
Un déluge de vins de Rheims et de Bordeaux;
S'éblouissant du luxe et du fracas, des femmes,
Resplendissant essaim, se livrant aux réclames
De fâcheux qu'on adore et qui feignent l'amour;
Femmes et jeunes gens, le sourire à la bouche,
Le bonheur dans les yeux, comme le daim farouche
Bondissant, s'attirant, s'évitant tour-à-tour;
Fières de leurs enfants, caressantes, parées.
Les mères surveillant les walses effarées,
Habiles à surprendre un regard gracieux,
Et, voulant pour leur fille une opulente tête,
Ardentes à tenter leur dernière conquête,
A réveiller l'amour dans l'azur de deux yeux;
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Puis des vieillards cloués près de leur table verte,
Fuyant avec dédain cette jeunesse alerte,
Victimes de l'a-tout, esclaves du jeton;
D'autres, ambitieux, pressant le cours des choses,
Effeuillant les destins de notre Europe, roses
Qui sommeillent encor dans leur frêle bouton;
Enfin, sous tous ces jeux, cet or, ces fleurs, ces danses,
Longs cercles parcourus sur de molles cadences,
Sous ces bruyants éclats, ces doux airs enivrants,
Sous ces seins haletants où frémissent les blondes,
Sous ces gilets brochés de fleurs, ces nobles ondes
De moire et de velours aux longs plis murmurants,
Des larmes, du bonheur détruit, du deuil qu'on cache,
Des blessures qu'on plâtre et des chagrins qu'on tàche
D'éteindre, d'étourdir, d'assoupir, de tromper;
De tendres coeurs brisés, des amours impossibles,
Des tombes fraîches et des peines indicibles,
Des souvenirs amers qu'on voudrait dissiper;
Voilà le monde! - Heureux, qui dans le port tranquille
D'une sainte amitié trouve un charmant asile
Et coule loin des grands des jours longs et pieux;
Heureux, qui met en Dieu sa seule confiance,
Et qui bénit la femme, ange de délivrance,
Dont la douce vertu sait nous ouvrir les cieux!
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