Mes loisirs
(1832)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Sa voix.Enfin j'ai entendu sa voix! Ma prière est exaucée. J'ai entendu sa voix, et dans sa demeure encore! Oui, cette sonnette que sa douce main a si souvent pressée, ces dalles que ses pieds délicats ont foulées tant de fois, c'est moi qui l'ai pressée, c'est moi qui les ai foulés aussi à mon tour! J'ai demandé sa mère. Je me tenais dans le vestibule; la porte de la chambre où j'avais si souvent vu l'aimable fille était ouverte, et je voyais | |
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la lumière immobile d'une lampe, car il faisait tout noir déja, qui donnait sur le mur; et elle était là! Elle a dit à la domestique. ‘Ma mère est montée, que Monsieur passe au Salon!’ A ces paroles je tressaillis! J'avais entendu sa douce voix dire: ‘Ma mère!’ j'étais exaucé! puis: ‘Ma mère est montée! - A ce mot mes yeux étincelaient d'un bonheur angélique, et je sentais une larme d'amour prète à m'échapper. Sa mère est montée, moi, on me fera monter en attendant chez la fille. Grand Dieu! pour la première fois que j'entre en cette maison, je serai seul avec celle que j'adore; je pourrai lui parler à loisir, à loisir mes yeux pourront savourer ses charmes, mon oreille savourer sa voix qui s'échappe douce, comme les sons d'une flûte qui glissent sur un liquide miroir! Mais non: “Que Monsieur | |
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passe au Salon!” Ma sentence était prononcée. - Tout s'évanouit et un nuage obscur et hideux m'a dérobé soudain cette douce illusion, que dorait un beau soleil d'espérance. C'est comme si elle me disait: Malheureux! va te pendre!’Ga naar voetnoot(1) Alors, larme d'amour! larme, que l'espérance avait fait naître! tu t'es changée en torrent, mais ta douceur n'était plus, ton amertume seule était restée. J'aurais eu de la peine à cacher mon trouble à sa mère, heureusement elle m'a fait attendre; j'avais le temps de me remettre un peu. Malheureux sisyphe parvenu pres-qu'au sommet, était-ce donc cette voix pure, brise parfumée! qui devait me re- | |
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plonger en ce profond abyme! Jeune fille! si tu savais combien je devins triste alors, combien cet espoir, allumé aussi vite qu'éteint, fit peine à ma jeune ame, oh! tu te serais montrée à moi un seul instant, ne fût-ce qu'en passant devant moi comme une ombre, en allant prévenir ta mère de ma présence; tu aurais dû me dire quelque chose, tu m'aurais donc parlé, et mon espérance n'aurait pas été déçue; j'aurais été heureux! mais, maintenant!.... Fille céleste! aux blonds cheveux, séparés avec grâce sur ton front blanc et pur! pourquoi fallait-il me couronner d'épines si aigues, pourquoi m'as-tu trompé si amèrement? A cette voix qui reproche, il me semble que j'entends une voix qui murmure tristement et d'un ton qui par sa tendresse s'efforce de consoler celui auquel elle vient de faire verser tant de | |
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larmes: ‘pardonnez moi, c'était à mon insu!’ - J'ai pardonné.
Juillet 1831. |
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