L'ère critique ou l'art et le culte

[p. V]

A

MONSIEUR

D.P.G. HUMBERT DE SUPERVILLE.

TRIBUT D'ESTIME

ET

D'AMITIÉ.

[p. VII]

Préface.

Les hommes sont meilleurs, ami, que tu ne crois.

Mais le sort est sévère.

C'est lui qui teint de vin ou de lie à son choix

Le pur cristal du verre.

Laissons gronder en bas cet orage irrité

Qui toujours nous assiège;

Et gardons au-dessus notre tranquillité

Comme le mont sa neige.

Victor Hugo, les voix intérieures.

[p. IX]

Préface.

‘Comment se fait-il que personne, jusqu' à ce jour, n'ait dit toute cette confusion et les tourments qui en résultent; que nul jeune homme n'ait raconté les longs ennuis de son intelligence, les ennuis éternels de son coeur? et que, parmi tant de confessions égoïstes aucune n'ait dit ce que souffre aujourd' hui le penseur et le poète, comment le doute tue le poète, comment la poésie même en appelle aux mathématiques pour se soutenir; enfin l'immense appareil de phrases sacrifiées de nos jours pour ressusciter la victime^(*).’ - Ce que Monsieur Chasles veut qu'on fasse, nous l'avons tenté. Toutefois qu'on ne se méprenne pas sur notre pensée. Nous ne sommes pas de ceux qui cherchent un remède au

(*) Le triomphe de l'art; revue de Paris, 1837.

[p. X]

malaise général ou qui en murmurent. Nous ne faisons que constater un fait. Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu insister davantage sur notre sujet, voilà aussi pourquoi nous invoquons si souvent des voix étrangères et contemporaines.

L' épigraphe que nous avons choisie apprend ce que nous entendons par les expressions, ère organique, ère critique, que le lecteur rencontrera souvent dans cet opuscule: l'explication de ces mots se lit au front de notre livre.

Enfin, qui sait si dans cette méditation, cette rêverie, ou comment voulez-vous? d'un esprit flottant éminemment influencé par les idées de son siècle, ballottè continuellement par tous les vents qui soufflent autour de son pauvre navire, qui sait si on ne trouvera pas un long tissu d'aberrations de l'intelligence, une pensée égarée, une foi mal assise!...

Attendons!

Leyde, Juillet 1837.