Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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§ 8. Stevin et Galilée.Tant Stevin que Galilée ont été mentionnés dans le chapitre précédent. Nous aurions pu, en l'honneur de la Flandre et de l'Italie, ou plutôt par respect pour la chronologie, puisque l'un et l'autre sont antérieurs à MersenneGa naar voetnoot1) - et a fortiori à Descartes - faire mention de l'influence de ces hommes de bien sur Constantyn et Christiaan avant de tourner les yeux sur Mersenne. D'autant plus que la Pièce de 1646 ‘de Catena pendente’, où Stevin est mentionné (et qui se rattache à ses ouvrages), ne fut pas écrite pour Mersenne, et qu'il en est de même de la Pièce subséquente ‘de Motu naturaliter accelerato’ de la même année qui traite de la théorie de la chute des corps d'après GaliléeGa naar voetnoot2). Nous ne l'avons pas fait puisque l'influence de ceux qui parlent ou qui écrivent à un jeune homme est plus directe que celle des auteurs dont il lit les oeuvres, et que d'autre part la correspondance avec Mersenne fait suite à celle, déjà ancienne, du Minime avec le père Constantyn, tandis que nous n'avons pas de lettres de Constantyn à Stevin et à Galilée ou d'eux à Constantyn. Dans le cas du premier, ceci s'explique aisément par le fait qu'en 1620, date de la mort de Stevin, Constantyn n'avait que 23 ans. Dans sa correspondance il le mentionne rarementGa naar voetnoot3) et le fait qu'il possédait des manuscrits de StevinGa naar voetnoot4) ne prouve pas qu'il l'ait connu personnellement. Dans son fragment d'autobiographieGa naar voetnoot5) il appelle Stevin, après avoir parlé élogieusement de son plaidoyer pour le ‘sermo patrius’Ga naar voetnoot6), ‘quondam familiarem amicum’ | |
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de Hugo GrotiusGa naar voetnoot7) amené par son exemple à écrire, non pas en latin, mais en hollandais, son ‘Inleydinge tot de Hollantsche Rechtsgeleertheyt’ (1631). Comme il ajoute (en 1631, d'après Worp): ‘[hanc] operam ante annos quindecim [donc à l'âge de 20 ans] ardentibus votis ab eodem Grotio expetivi’, il semble qu'en 1616 déjà il était - tout en écrivant fort souvent lui-même en latin ou en français - plus ou moins partisan du nationalisme linguistique de Stevin. Ce qui pourrait s'expliquer par le fait qu'il le connaissait personnellement. Ceci nous semble toutefois peu probable parce qu'il n'en fait pas mention. Comparez ce que Christiaan écrira en 1653 au cousin D. de Vogelaer à propos de A. de Bie: ‘Indien Mijn Heeren van Amsterdam soo een man Professor maeckten, en lieten hem lessen doen in onse Tael, gelijck oock te Leyden geschiet, het soude aen geen studenten noch toehoorders gebreeckenGa naar voetnoot8). Ick hoope dat het daer noch toe komen salGa naar voetnoot9)’. Personnellement, Christiaan n'a pas éprouvé le besoin de se servir dans ses calculs de ‘onse Tael’ (notre langue).
De fait, ce qui est une idée dominante chez Stevin n'en est pas une chez des personnages à tendances internationalistes comme le furent Constantyn et Christiaan. Il n'en reste pas moins qu'ils comprenaient le bonheur qu'il y a pour une nation d'avoir une langue à elle et de s'en servir e.a. dans l'enseignement à côté du latin (ceci évidemment pour l'enseignement supérieur) et dans tout ce qui concerne la jurisprudence. On a pu constater plus haut (Lettre LXXV) qu'en écrivant à son frère Constantyn sur un procès Christiaan se sert de notre langue.
La Pièce ‘De Catena pendente’ est immédiatement précédée dans le T. XI, comme dans le Manuscrit 17, par une autre Pièce, plus courte, intitulée ‘Mechanica Elementa’ apparemment suggérée tant par la lecture de Stevin que par celle d'ArchimèdeGa naar voetnoot10): elle a trait à l'équilibre de la balance et fait voir que déjà en ce temps Christiaan s'intéressait à la question de savoir comment la vérité fondamentale du rapport inverse, dont l'expérience n'a jamais permis de douter, pourrait être établie en partant de certaines hypothèses. On constate ici sa soif de logique; comparez le dernier alinéa du chapitre ‘Mon | |
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Archimede’. Par cette soif il fe distingue non seulement de son père, nous semble-t-il - malgré ce que celui-ci disait sur la logiqueGa naar voetnoot11) - mais aussi de ses frères. Et cependant, la logique de la Pièce ‘de Catena pendente’ n'est pas impeccable jusqu'au bout. Voyez la note 11 de la p. 43 du T. XI. Christiaan s'est trompé en pensant qu'on peut remplacer les poids dont la suspension rend la corde parabolique par certains parallélépipèdes ou anneaux: en 1668 il dut noter ‘non sequitur neque est verum’. Tant il est vrai que le désir d'arriver à des conclusions remarquables peut conduire à des généralisations illogiques. C'est, croyons-nous, e.a. la conscience de sa faillibilité qui a toujours conservé à Christiaan la vertu de la modestie. On peut y voir une cause - quoique ce ne soit pas la seule - qui l'empêcha souvent de publier ses decouvertes. Il n'a d'ailleurs jamais songé à faire voir le jour aux ‘Juvenilia’ du Manuscrit 17. À la première page il avait même écrit: ‘Puerilia pleraque’ et nous n'osons pas affirmer que la correction en ‘Juvenilia’ est de sa main. Il ne faut pas s'étonner de voir que sa critique d'une thèse de Galilée sur la chute des corps est aussi sujette à caution ou plutôt fautive. Cela n'a pas été remarqué dans notre T. XI mais Dijksterhuis l'a relevé dans son ‘Val en Worp’Ga naar voetnoot12). Huygens attribue à Galilée l'opinion que dans un milieu résistant la vitesse est indépendante de la grandeur du corps qui tombe, opinion qu'il combat à bon droit. Mais c'est ce que Galilée fait lui-même aussi, un peu plus loin. Dans le passage incriminé il n'entendait apparemment parler que d'une chute dans le videGa naar voetnoot13). Le père Constantyn avait été mêlé dans des négociations avec Galilée. Par ses conversations avec son père Christiaan le savait assurément fort bien. Mais ici ce n'est pas encore le lieu d'en parler puisque pour le moment il n'est question ni d'optique ni de la question des longitudes et de la mesure du temps. |
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