Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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XLV.
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Je choisis le verre le plus clair et sans veines et le plus espais que je puis trouuer des morceaux de grands miroirs de Venise, et il faut l'espaisseur d'environ 2 lignes pour la largeur des verres de 4 pouces comme sont les miens de 22 pieds. Je les fais convexes d'un costè et plats de l'autre ayant pour cela une forme platte faite de la mesme maniere que les creuses. Le costè convexe doibt estre tournè en dehors quand on applique le verre dans la lunette. Or pour former le verre je ne l'applique pas sur une molette comme l'on fait d'ordinaire, parce que j'ay trouuè par experience que tant le ciment que la matiere de la molette si elle est de bois, estant sujette a se retirer, fait souuent plier quelque peu le verre, quoyqu'imperceptiblement, ce qui gaste tout. C'est pourquoy je laisse le verre en sa libertè n'y appliquant dessus qu'une petite pyramide de bois au milieu de lafacon et grandeur a peu pres que voicy, la quelle en travaillant je prends avec trois doigts et sur la fin quand je mesers de 2 mains avec 4. Je ne me suis jusqu'icy servi que de sable tant pour former que pour doucir le verre, quoy que je croye que pour cecy il y auroit d'autres matieres meilleures, comme la spoltiglia dont les faiseurs de miroirs a Venise se servent, qu'on dit estre de l'emeril calcinè, et que je n'ay pu trouuer icy. Apres avoir bien arrondi le verre dans quelque ecuelle fort creuse, et l'avoir rendu egalement espais par tout, je luy donne la premiere forme avec du gros sable sans eau, et puis avec du sable passè par un tamis fort fin, je travaille encore a sec pour oster les marques du sable premier. Puis en mettant de ce sable rendu si fin qu'il s'est pu faire a sec, un peu moins qu'en peut tenir un dez a coudre, j'y adjoute de l'eau, et avec ce sable j'acheve a doucir le verre, a quoy j'emploie quelques 8 ou 9 heures pour chasque costè de ces grands verres. Aux 2 premieres je ne presse quasi point du tout, et puis je commence peu a peu, jusqu'a ce que sur la fin pour la derniere heure, lors que la matiere est devenue toute noire, je presse tant que je puis avec les deux mains. Je fais les tours avec la main fort petits parcourant toute la forme successivement et passant tousjours jusques sur la circonference de la forme du costè ou je suis. Pendant quoy il faut avoir grand soin de conserver bien la matiere, sans pourtant jamais reprendre celle qui se sera attachée sur le bord du plomb, ni mesme de celle qui se sera collée a l'entour du verre, comme il arrive sur la sin, la quelle de temps en temps il faut oster. Le verre estant bien douci ce qui se connoist quand on commence a y veoir les vitres en y regardant directement dessus sans l'incliner, pour le polir je colle un morceau de papier a travers la forme, large comme mon verre. La colle est de l'empois, le papier plustost gros et mollet que dur et deliè, et je chauffe premierement la forme, par ce que le papier en tient mieux. Estant sechè j'en racle les inegalitez et petites ordures avec un cousteau, et puis y ayant raspè dessus du tripoli, je l'y fais tenir en frottant dessus assez fort avec les doigts, jusqu'a ce que le papier en sort bien couvert et egalement. Puis ayant attachè sur le verre une molette de liege de la grandeur et | |
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forme qui est icy a costè, et ayant affermi la forme sur une table en sorte qu'elle ne puisse glisser, je passe le verre sur le dit papier en sa longeur, pressant fortement dessus et cela jusques a ce qu'il soit tout a fait poly et luisant a quoy il faut pres d'une heure pour chaque costè. |
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