Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Préface.La Nature agit par des voies si secrettes & si imperceptibles, en amenant vers la Terre les corps qu'on appelle pesants, que quelque attention ou industrie qu'on emploie, les sens n'y sçauroient rien decouvrir. C'est ce qui a obligé les Philosophes des siecles passez à ne chercher la cause de cet admirable effet, que dans les corps mesmes, & de l'attribuer à quelque qualité interne & inherente, qui les faisoit tendre en bas & vers le centre de la Terre, ou à un appetit des parties à s'unir au tout. ce qui n'estoit pas exposer les causes, mais supposer des Principes obscurs & non entendus. On peut le pardonner à ceux qui se contentoient de pareilles solutions en bien de rencontres; mais non pas si bien à Democrite & à ceux de sa Secte, qui aiant entrepris de rendre raison de tout par les Atomes, en ont excepté la seule Pesanteur; qu'ils ont attachée aux corps terrestres, & aux Atomes mesmes. sans s'enquerir d'où elle leur pouvoit venirGa naar voetnoot1). Parmi les autheurs & restaurateurs modernes de la Philosophie, plusieurs ont bien jugé qu'il faloit etablir quelque chose au dehors des corps, pour causer les attractions & les fuites qu'on y observe: mais ils ne sont allez guere plus loin que ces premiers, lors qu'ils ont eu recours, les uns à un air subtil & pesant,Ga naar voetnoot2) qui en pressant les corps les fist descendre; (car c'est supposer desja une pesanteur, & il est si fort contre les loix de la Mechanique de vouloir qu'une matiere liquide & pesante presse en bas les corps qu'elle environne, qu'au contraire elle devroit les faire | |
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monter, estant supposez sans aucun poids en eux mesmes, tout ainsi que l'eau fait monter une phiole vuide qu'on y enfonce:) les autres à des esprits & à des emanations immaterielles;Ga naar voetnoot3) ce qui n'eclaircit de rien, puisque nous n'avons nulle conception, comment ce qui est immateriel donne du mouvement à une substance corporelle. Mr. Des Cartes a mieux reconnu que ceux qui l'ont precedé, qu'on ne comprendroit jamais rien d'avantage dans la Physique, que ce qu'on pourroit raporter à des Principes qui n'excedent pas la portée de nostre esprit, tels que sont ceux qui dependent des corps, considerez sans qualitez, & de leurs mouvements. Mais comme la plus grande difficulté consiste a faire voir comment tant de choses diverses sont effectuées par ces seuls Principes, c'est à cela qu'il n'a pas fort reüssi dans plusieurs sujets particuliers qu'il s'est proposé à examiner: desquels est entre autres, à mon avis, celuy de la Pesanteur. On en jugera par les remarques que je fais en quelques endroits sur ce qu'il en a escrit; aux quelles j'en aurois pû joindre d'autres. Et cependant j'avoue que ses essais, & ses vuës, quoyque fausses, ont servi à m'ouvrir le chemin à ce que j'ay trouvé sur ce mesme sujetGa naar voetnoot4). Je ne le donne pas comme estant exemt de tout doute, ni à quoy on ne puisse faire des objections. Il est trop difficile d'aller jusques là dans des recherches de cette nature. Je crois pourtant que si l'hypothese principale, sur la quelle je me fonde, n'est pas la veritable, il y a peu d'esperance qu'on la puisse rencontrer, en demeurant dans les limites de la vraye & saine PhilosophieGa naar voetnoot5). Au reste, ce que j'apporte icy, entant qu'il ne regarde que la cause de la Pesanteur, ne paroitra pas nouveau à ceux qui auront lû le Traité de Physique de Mr. RohaultGa naar voetnoot6); | |
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parce que ma Theorie y est raportée presque entiere. Car ce Philosophe ayant vû mon Experience de l'eau tournante, & ayant entendu l'application que j'en faisois, (ainsi qu'il le reconnoit avec ingenuité,) a trouvé assez de vraisemblance dans mon opinion, pour la vouloir suivre. Mais parce que parmy mes pensées, il mesle aucunement celles de Mr. Des Cartes, & les sienes propres, & qu'il omet plusieurs choses qui apartienent à cette matiere, dont il y en a qu'il ne pouvoit pas sçavoir, j'ay esté bien aise qu'on vist comme je l'ay traitée moy mesme. La plus grande partie de ce Discours a esté écrite du temps que je demeurois à Paris, & elle est dans les Registres de l'Academie Royale des Sciences, jusques à l'endroit où il est parlé de l'alteration des Pendules par le mouvement de la Terre. Le reste a esté adjouté plusieurs années apres: & en suite encore l'Addition, à l'occasion qu'on y trouvera indiquée au commencement. |
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