Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Derniere maniere pour expliquer les effets de l'aimantGa naar voetnoot1). Pour mons.r du Hamel.De l' Aimant. Il paroit par les experiences de la limaille de fer repandue sur un carton qui couvre un aimant, ou dans le quel on la enchassè, qu'il y a quelque matiere qui coule a travers et autour de cette pierre; car la disposition de la limaille marque le chemin de ce mouvement, et elle en est esbranlée, ce qui ne se peut que par le moyen de quelque corps qui soit en mouvement. Il paroit de mesme que cette matiere, que j'appelleray magnetique coule a travers du fer qui touche un aimant ou qui en a estè touchè. La forme dans la quelle se dispose la limaille autour de l'aimant enchassè, est telle qu'on voit dans cette figure [Fig. 248]. Mais la circulation de la matiere magnetique[Fig. 248.]
s'estend encore bien plus loin que ne marque la limaille, suivant la bontè de la pierre; ce qui se connoit par le moien d'une eguille de boussole lors qu'on la conduit tout au tour. L'on decouvre de plus par la constante direction de l'aiguille aimanteé, qui se dispose nord et sud; et par les inclinaisons differentes au plan horizontal de cette mesme eguille, dans les divers climats de la Terre, que la Terre de mesme que l'aimant est penetrée par la matiere magnetique, puis que cette eguille incline vers elle de mesme que vers formè en sphere. De sorte qu'on peut considerer la Terre comme un grand aimant | |
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ainsi qu'a fait Gilbert. Et il s'ensuit vraisemblablement qu'elle est solide par dedans, et non creuse ou pleine de matiere mobile, puis qu'elle doit estre traversée de pores droits et permanents ainsi que l'aimant, afin que la matiere magnetique y passe de la mesme maniere conformement à la dite experience. Hors mis le fer et l'aimant tous les autres corps à cette matiere sont egaux. Elle y passe indifferemment en tous sens, et si facilement, que sa circulation par l'opposition de ces corps ne paroit aucunement interrompue, ni l'action de l'aimant sur le fer diminuée, non plus que quand il n'y a que de l'air ou de l'ether entre deux. D'ou il est manifeste qu'elle est composée de particules extremement petites. Mais comme il faut necessairement que les parties solides des corps, comme des metaux ou du verre, empeschent en quelque façon son cours, il faut dire que l'air ou l'ether y apporte aussi de la resistance, et tout autant que les metaux ou le verre. Ce qui ne semblera pas fort estrange si l'on considere que ces corps et tous ceux que nous avons, sont d'une contexture fort rare, et contenants beaucoup plus de matiere etherée que de parties fixes, comme je l'ay demonstrè dans le traitè de la lumiere. Pour le fer la matiere magnetique y passe avec plus de facilitè que par l'éther ou par d'autres corps, et voicy comme cela se prouve. Puis que la mat. magn. du tourbillon de l'aimant agite l'eguille d'une boussole, il est evident que suivant que cette agitation est forte ou foible elle marque la force ou la foiblesse du flux de cette matiere, mais lors qu'on applique un fer a l'aimant armè, en sorte qu'il joigne les 2 avances de l'armure, l'on voit manifestement que cet aimant agite moins vigoureusement l'eguille de la boussole que quand ce fer n'y est point, ou que mesme il est tout a fait desarmè, car cela se connoit aux vibrations plus et moins lentes de l'eguille. Cela marque donc qu'une grande partie de la mat. magnetique circule a travers l'armure et le fer, comme y trouvant le chemin plus ouvert pour continuer son mouvement, qu'a travers la matiere etherée. Or d'icy il s'en suit que la matiere etheree ne se trouve donc point dans les pores | |
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du fer, parce qu'autrement la mat. magn. y rencontreroit le mesme embaras que dans l'air. Les pores du fer donc sont trop estroits pour admettre la mat. etheree; mais ils admettent facilement la mat. magnetique. Donc cellecy est plus deliée que l'autre. La mat. magn. coule donc par les intervalles, et vraysemblablement aussi par les pores de la mat. etheree, puisque les particules de celle cy se touchent, et que les intervalles seuls ne donneroient pas un passage assez ouvert. Mais d'un autre costè il faut que la mat. magnetique soit plus grossiere que la matiere qui cause la pesanteur et d'un mouvement moins viste, puisque l'experience fait voir que la pesanteur des corps, quoyque situez dans le tourbillon de l'aimant, demeure tousjours la mesme. Il ne faut pas au reste trouver estrange ces divers degrez de petitesse puisqu'en diminuant aussi bien qu'en croissant la progression possible est infinie. Pour ce qui est du mouvement de circulation de la matiere magnetique a travers l'aimant, je crois qu'on ne le peut supposer qu'en un seul sens, c'est à dire que cette matiere entre par un costè et qu'elle sort par l'autre opposè; d'ou elle retourne par dehors, et tout autour de la pierre, pour rentrer derechef par le premier costè. Car il est contre toute apparence de raison qu'elle puisse couler par deux mouvements contraires, comme l'a supposè Mr. des Cartes. Car quand cela se pourroit faire ainsi au dedans de l'aimant, en supposant avec luy des canaux tournez en vis droites et gauches, il arriveroit tousjours que les particules de la matiere magnetique estant sorties hors de la pierre, se rencontreroient en l'air, et qu'en se heurtant les unes les autres, elles empescheroient et destruiroient les tourbillons contraires. Pour ne rien dire de la difficultè, ou mesme de l'impossibilitè de la generation de ces canaux en efcroues, et des particules canelées, de la maniere qu'il a voulu l'expliquer. Pour moy je ne trouve pas qu'il soit necessaire de supposer aucune forme determinée aux particules de la mat. magnetique, puisque les phenomenes s'expliquent aussi bien sans faire cette hypothese. Mais quant a l'arrangement de quelques particules mobiles de l'aimant et du fer que se rencontrent dans leur pores et sur les quelles la mat. magnetique qui y passe fait impression j'ay des raisons tirées des experiences qui m'obligent de l'admettre. Car pour ce qui est du fer l'on voit qu'une plaque mince et large estant toucheé en divers endroits par un aimant, la matiere magnetique y coule par autant de differents tourbillons, comme il paroit par les figures de la limaille semeé sur le papier qui couvre cette plaque. Ce qui marque une disposition permanente des pores du fer causeé par les tourbillons de l'aimant. Car si ces pores estoient indifferemment ouverts à tout mouvement de la mat. magnetique, elle passeroit d'un tourbillon dans l'autre, et confondroit toutes ces differentes traces. De mesme dans l'aimant, quoy qu'on ait cru longtemps que ses pores demeuroient inalterables, des nouvelles experiences ont fait connoistre qu'il souffroit la mesme impression et changement que le fer; sçavoir une pierre foible par l'approche d'une beaucoup plus forte. Car cellecy est capable non seulement de changer a l'autre en un | |
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instant la vertu des poles c'est a dire de faire couler la matiere magnetique du sens contraire à celuy dont elle alloit, mais de luy imprimer des pores dans le sens que l'on veut, et de rendre aussi quelques fois ces pores tortus; ce qui paroit assez par la disposition de la limaille. Or ces effects qui sont communs a l'aimant et au fer et sur tout le dernier, ne se peuvent concevoir qu'il ne soit arrivè du changement à l'arrangement de leur particules, et partant il faut qu'ils en aient qui soient mobiles et capables de changer de position par l'action de la mat. magnetique. Mais comme il ne paroit pas que le fer, ou l'aimant foible, recoive du changement en toutes ses parties, (car mesme la trempe de l'acier n'est point altereé en l'aimantant) il est croiable que ce sont seulement les petits brins ou poils exterieurs des corpuscules du fer ou des parties ferrugineuses de l'aimant, qui sont ainsi esbranslees par la matiere magnetique; qui les abbatant toutes d'un mesme sens, s'ouvre par là des passages plus aisez qu'ils n'estoient. Et il est evident qui ces mesmes brins doivent alors estre comme herissez a l'encontre de la matiere magnetique qui voudroit couler du sens contraire, et qu'ils luy doivent boucher une partie des pores. Dans le fer ces particules mobiles sont bien plus facilement remuées et renversees par la mat. magnetique, que non pas dans l'aimant. Et la difference paroit en ce qu'il faut un aimant bien plus fort pour effectuer le dit changement du cours de la mat. magnetique dans un aimant foible que dans un fer aimantè, quoy qu'ayant plus de vertu que cet aimant, c'est à dire à travers du quel il circule plus de matiere magnetique. Car cela fait voir que dans l'aimant ce n'est pas la seule force du cours de la matiere magnetique qui repugne à prendre une circulation contraire, ou differente de la premiere, comme l'on pourroit se l'imaginer, mais que la disposition interieure des pores, scavoir ces particules herissees, y contribuent aussi. Et elles resistent si fortement dans un bon aimant, que les fort petits morceaux ne souffrent point le changement de pores par l'approche d'un autre aimant, quelque vigoureux qu'il soit. Il n'est pas mal aisè maintenant de comprendre de quelle maniere s'engendre le tourbillon de l'aimant. Car il est vraisemblable que lors que ces pierres commencent à se former dans les mines de fer, (car c'est de la qu'on les tire) la mobilitè des particules qui se herissent est plus aisee que par apres; et que le flus continuel de la matiere magnetique du tourbillon de la Terre range ces particules peu à peu suivant la direction du mouvement qu'elle a, se faisant ainsi avec le temps quantitè de pores droits a travers la pierre. De sorte qu'y pouvant passer en plus grande quantitè et plus facilement qu'elle ne fait à travers d'autres corps, et a travers l'air et l'ether mesme, elle se suit l'une l'autre, en se detournant mesme de son chemin pour entrer dans ces pores de l'aimant par la raison que l'on verra cy apres; mais rencontrant au sortir la matiere etherée, ou autre, qui empesche en partie son cours, elle se repand de tous costez, et pour conserver son mouvement rapide elle forme un tourbillon autour et a travers la pierre. Car il faut sçavoir que le mouvement de tourbillon ou circulation se forme fort | |
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facilement dans une matiere liquide qui va avec beaucoup de rapiditè, sur tout quand en chemin elle trouve tant soit peu d'obstacle. Car conservant autant qu'elle peut son mouvement, elle se met a tourner en elle mesme et ainsi n'en communique point ou peu à la matiere qui enferme le tourbillon. L'on remarque quelques fois ce mouvement en l'air en ce qu'il fait tourner des corps legers en rond. On le voit aussi bien souvent dans l'eau des rivieres, aupres des arches d'un pont, ou quand on l'agite avec des rames. Enfin l'on sçait que les planetes sont portées dans un tourbillon autour du soleil, et les satellites des planetes au tour d'eux dans des tourbillons particuliers. Mais tous ces tourbillons dont je viens de parler vont simplement en rond. Celuy de l'aimant est d'une forme particuliere, parce que la matiere magnetique ne pouvant circuler a travers l'aimant que suivant la direction de ses pores, qui sont en lignes droites paralleles, elle ne peut aussi continuer cette circulation qu'en retournant tout autour de la pierre par dehors. Je dis tout autour parce que le chemin seroit plus long si elle s'en revenoit toute d'un costè pour rentrer par celuy du pole opposè. Mais il reste a expliquer une circonstance assez estrange de ce tourbillon de l'aimant et dont la cause servira ensuite a faire comprendre celle des principaux phenomenes; scavoir comment la matiere magnetique qui s'ecarte bien loin tout au tour apres en estre sortie, va pourtant retrouver le costè opposè de la pierre pour y entrer et continuer ainsi sa circulation. J'ay vu un excellent aimant qui faisoit remuer l'eguille d'une boussole a la distance de deux pieds et d'avantage, de sorte que la mesme matiere magnetique qui passoit à travers cette pierre, qui n'estoit pas si grosse que le poing, s'estendoit au dehors dans un tourbillon de plus de 4 pieds de diametre. Comment est ce donc qu'elle se ramasse à chaque fois pour repasser par l'aimant? Il faut pour cela considerer que la matiere magnetique estant en plus grande quantité dans le tourbillon de l'aimant qu'elle n'est d'ordinaire autour de nous dans le tourbillon magnetique de la Terre, elle chasse necessairement et tient escartée une partie de la matiere etherée. Qui ayant de la pesanteur (comme nous sçavons par des experiences certaines comme celle du siphon qui coule dans un lieu vuide d'air, et autres) fait effort pour rentrer dans sa place; de mesme que l'air, lors qu'on l'a tirè hors de quelque vaisseau, s'empresse pour y retourner, ou de mesme que dans un vase plein de dragee de plomb entremeslee d'eau, si en quelque endroit vers le fond l'on escartoit la drageé, elle feroit effort pour reprendre sa place que l'eau auroit occupée. Or les pores magnetiques de l'aimant et du fer n'ayant de l'ouverture que pour admettre la matiere magnetique et non pour l'etherée, que nous avons dit estre plus grossiere il s'ensuit que cette matiere en pressant la mat. magnetique qui circule autour de l'aimant doibt l'obliger de rentrer dans les pores de la pierre; parce que s'il en sortoit de la matiere magnetique sans que de l'autre costè il en rentrast, cette matiere sortie devroit encore chasser de sa place autant de matiere etheree, la quelle il faut considerer estre presseé par sa colomne de mesme que l'air, et apparemment par une colomne encore plus pesante, suivant les inductions que l'on tire des experiences. Je ne m'arresteray pas icy a parler des causes de la pesanteur dont j'ay traitè dans | |
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un autre escrit, et que je conçois de la mesme maniere qu'elle est expliquee par M. Rohaut dans sa Physique, ou il produit une experience considerable que je luy avois communiquee. Je diray seulement que les matieres qui ont moins de mouvement au tour du centre de la Terre sont pesantes à l'égard de celles qui en ont d'avantage. Et que suivant cela il est convenable que la matiere etherée soit pesante à l'egard de la mat. magnetique, que nous avons dit estre plus subtile, et agitée a travers elle avec grande vitesse. C'est donc par la raison de pesanteur et de pression que la matiere du tourbillon de l'aimant, quoyque fort ecartée au dehors de la pierre, est contrainte de se ramasser pour y rentrer. Toutefois comme apparemment elle n'y rentre pas toute, et qu'elle doit perdre quelque partie de son mouvement, en traversant la matiere etheree et l'air, il faudroit que bientost le tourbillon deperist, s'il ne venoit continuellement de la nouvelle matiere avec du mouvement pour suppleer ce qui s'en perd. Mais d'ou vient cette continuelle recrue? Je dis que ce ne peut estre que de la matiere magnetique qui circule dans le tourbillon de la Terre, tirant du Nord au Sud, ou du Sud au Nord. Parce que si l'on vouloit qu'il y eust de cette matiere agiteé en tous sens autour de nous, et avec grande vitesse, elle empescheroit necessairement l'effect de celle du tourbillon de la Terre qui cause la constante direction de l'eguille aimantée vers le pole, ce qui est contraire à l'experience. Et il ne faut pas trouver estrange que la matiere du tourbillon terrestre, ne coulant ainsi que d'un sens, par exemple du Nord au Sud, puisse entrer dans l'aimant, quelque position qu'il ait, parce que necessairement il y a tousjours une partie de son tourbillon dont le mouvement s'accorde avec celuy du tourbillon de la Terre, comme il seroit aisè de montrer; ce qui fait que la matiere magnetique de l'un et de l'autre s'unissent facilement en cet endroit pour entrer ensemble dans l'aimant, y trouvant de la place ouverte, et estant comme l'on vient de voir. Que si l'on demande comment se conserve et se continue le grand tourbillon magnetique de la Terre, l'on peut dire avec assez de vraisemblance, que par la force du mouvement journalier de la terre autour de son axe, il se dissipe quelque partie de la matiere magnetique de son tourbillon, et que pour occuper la place de cellecy il en vient de nouvelle par l'un ou l'autre des poles, où ce mouvement journalier n'a point de force. Ayant vu jusqu'icy ce que la raison fondée sur quelques phenomenes de l'aimant, nous oblige de supposer touchant la matiere et le mouvement des tourbillons magnetiques et touchant la qualitè des pores de l'aimant et du fer; examinons en suite comme les causes des autres phenomenes en peuvent estre deduites. Et premierement ce qui regarde la direction de l'aimant ou de l'eguille aimantée, tant à l'egard de la Terre qu'autour d'un autre aimant; en quoy il y a peu de difficultè. Car si l'eguille ou l'aimant mobile est situé en sorte que ses pores magnetiques soient a peu pres paralleles et dans le sens que coule la matiere magnetique du tourbillon de la Terre ou de l'aimant fixe, il est clairGa naar voetnoot1) que cette matiere conservant autant qu'elle peut son premier cours, doit faire quelque effort pour disposer les pores de l'eguille | |
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ou de l'aimant mobile suivant la direction de ce cours. Ainsi si l'aimant mobile B [Fig.
[Fig. 249.]
249] est a costè de l'aimant fixe A, qui peut aussi representer la Terre, les pores de l'un et de l'autre deviendront paralleles, mais herissez en de sens contraires, parce que la matiere magnetique les traverse par mouvements contraires, ce qui est marquè dans la figure par la disposition des petites flesches. Que si l'aimant CD est situè a costè de A, mais en sorte que ses pores soient herissez du mesme sens que ceux de A; il est certain que la matiere magnetique qui est sortie du pole E de cet aimant, ne peut entrer par le pole D de l'aimant DC, a cause du flux contraire de la matiere magn. qui en sort, mais elle s'unit avec la mat. magnetique du tourbillon de l'aimant DC qui coule entre cet aimant et l'aimant A. Et ayant passè avec elle à travers CD, elle continue d'aller avec la matiere de cette pierre qui coule de D vers G, s'unissant derechef avec la matiere du tourbillon de A, qui va du mesme costè, et ainsi elles rentrent ensemble par le pole F. De sorte que le chemin de la matiere magnetique a travers les deux pierres est suivant la ligne courbe EHCDGKFE. Et parce qu'elle tasche tousjours de rendre autant qu'il se peut son cours approchant du droit, elle fait un continuel effort pour redresser cette ligne courbe, en detournant le pole D vers G et C vers H. La limaille de fer repandue sur le carton qui contient les aimants A et DC dans cette disposition, fait voir le passage de la matiere magnetique comme il est icy marqué. Et cela confirme ce qui a estè dit cy devant, que la matiere du tourbillon magnetique de la Terre entre dans l'aimant, quelque position qu'il ait pour suppleer ce qui se perd de matiere et de mouvement du tourbillon de l'aimant. Il paroit au reste que la situation qu'affectent deux aimants disposez l'un a costè de l'autre et avec leur axes paralleles comme icy A et B, c'est d'avoir leur pores herissez en de sens contraires, et les mouvements de la matiere magnetique de mesme contraires l'un a l'autre. Et c'est la mesme chose quand l'aimant B est suspendu par un fil directement au dessus de A, d'ou l'on voit pourquoy un aimant estant couppè suivant | |
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l'axe, et sa moitiè suspendue au dessus de l'autre, elle se tourne d'un demi tour, et apres cela se tient arrestée. L'on pourroit demander icy pourquoy une eguille et mesme tout autre corps leger se trouvant dans le tourbillon d'un aimant, et avec la libertè de pouvoir mouvoir, n'est point emportè du costè que coule la matiere du tourbillon, puisque elle va toute d'un costè; de mesme que l'air ou l'eau courante emporte les corps qui nagent dedans. Mais il faut se souvenir que nous avons montrè cy dessus que la matiere magnetique hors de l'aimant coule a travers les intervalles et les pores de la matiere etherée; de sorte que cette eguille et les corps qui sont dans le tourbillon d'un aimant, ne sont pas seulement entourez de la matiere magnetique de ce tourbillon, mais encore de la matiere etheree qui a ses particules beaucoup plus grosses. Et quoy qu'une partie de cette matiere soit chasseé par la matiere magnetique, il en reste tousjours assez pour retenir ces corps, qu'elle environne, dans leur place. A quoy il faut adjouter que les moindres corps visibles sont des grosses masses pesantes a l'egard de la matiere magnetique, qu'il faut concevoir d'une subtilitè et liquiditè toute autre que ne sont les liqueurs que nous sommes accoutumez de voir. Laquelle liquiditè merveilleuse, et la consequence que j'en veux tirer, se peuvent confirmer par un effect de la liquiditè de la matiere etherée; qui est que dans un vaisseau de verre d'ou l'on a retirè l'air, et qui n'est rempli presque que de cette matiere etherée, qui sert a la propagation de la lumiere et qui passe facilement a travers le verre et toute sorte d'autres corps; que dans ce vaisseau disje une petite plume tombe aussi viste qu'un morceau de plomb. Car de la il est manifeste qu'un mouvement assez viste de la matiere etheree, ne seroit pas capable d'emporter une plume. Et puisque la matiere magnetique est encore plus subtile, il n'est pas estrange qu'elle n'entraine point l'eguille ou autre corps leger par son courant, sur tout les trouvant entourez d'une matiere plus grossiere. Il faut encore considerer que ces corps sont tres ouverts a la matiere magnetique, et qu'elle y passe a travers avec la mesme facilité qu'a travers la matiere etheree qui les environne et qui auroit la mesme raison d'estre emportée. Voions en suite ce qui regarde cette sympathie et antipathie apparente de l'aimant avec un autre aimant ou avec le fer; Et premierement pourquoy les poles de mesme nom estant approchez les aimants se chassent l'un l'autre. J'appelleray l'un des poles Entrant et l'autre Sortant, suivant ce qui a estè dit que la matiere magnetique entre par l'un et sort par l'autre. Il y a deux cas icy a considerer l'un quand les poles sortants sont approchez, comme aux aimants A et B [Fig. 251], l'autre quand ce sont les deux poles entrants comme dans A et C. Dans le premier il est manifeste que les deux tourbillons s'empeschent l'un l'autre de faire leur circulations dans leur cours et etendue accoustumée, car il est certain qu'ils ne se peuvent nullement penetrer, estant composez de matiere liquide toute pareille. Partant pour conserver la rondeur de leur mouvement ils font effort pour eloigner leur aimants. Et il faut noter que la matiere magnetique a bien plus | |
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[Fig. 251.]
[Fig. 252.]
de force pour elargir le passage ou elle coule resserrée, que pour pousser directement quelque corps; scavoir par la mesme raison qui donne de la force au coin. Que si les deux poles entrants sont rapprochez, qui est l'autre cas, il paroit derechef que la matiere magnetique des aimants A et C doit aller l'une de ça l'autre de la pour entrer chacune dans le sien en suivant le mouvement de son tourbillon, de sorte que ces tourbillons estant pressez et contraints, s'efforcent, ainsi que dans le premier cas, de rendre leur mouvement plus libre, et partant poussent chacun leur pierre pour rendre le passage entre deux plus ouvert. Ce pressement des tourbillons paroit visiblement par la limaille de fer repandue autour des deux pierres. Il reste a rendre raison de l'attraction, et comment le seul aimant et le fer sont attirez par l'aimant, pendant que d'autres corps n'en ressentent du tout l'action, qui est le principal de tous les phenomenes. Il est certain qu'un aimant ou du fer ne s'efforce pour s'approcher et se joindre a un aimant que lorsque la matiere magnetique qui sort de l'un entre par l'endroit voisin de l'autre, car cela se voit par la disposition de la limaille qu'on repand tout autour et par la direction d'une eguille de boussole. Ainsi si deux aimants A et B [Fig. 252] sont situez avec leur axes dans une mesme ligne droite, et les poles de different nom tournez l'un vers l'autre, ces aimants s'attirent reciproquement, et l'on reconnoit que la matiere magnetique y passe a travers et a l'entour conformement a ce qui est marquè dans cette figure, laquelle il est a propos d'examiner devant que de rendre raison de l'attraction. L'on y voit que dans la ligne des axes la matiere magn. coule tout droit d'une pierre à l'autre; mais des deux costez de cette ligne, elle forme comme un ventre ou fuseau fort enflè. Or il faut noter que toute la matiere magnetique de ce fuseau entre dans la pierre B; ce qui peut sembler | |
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assez estrange, puisque elle avoit desia pris le chemin de s'en ecarter. Mais la raison de cet escart, et de ce qu'elle retourne pour entrer dans l'aimant B, s'explique par les fondemens cy dessus posez. Car premierement, puisque la matiere magn. passe en plus grande quantitè par l'aimant A, qu'elle ne scauroit passer par l'air ou l'ether qui est entre les deux pierres, elle se diffond necessairement au sortir de A. Mais parce que par la pression de l'ether que la matiere magnetique retient hors de sa place, elle est contrainte de rentrer toute, ou peu s'en faut, dans l'un ou l'autre des aimants, suivant ce que nous avons dit cydevant de la conservation du tourbillon magnetique, et que les pores de l'aimant B sont proches et disposez pour la recevoir, la pression l'oblige d'y prendre son chemin, plustost que celuy qui la conduiroit à rentrer par le pole opposè de l'aimant A. lequel chemin pourtant est pris par la matiere qui sort un peu plus loin de l'axe de cet aimant, comme aussi par une partie de celle qui a traversè l'aimant B. car il est necessaire qu'il en entre de B dans A tout autant qu'il en est entrè de A dans B. Mais cette matiere qui sort de B ne rentre dans A qu'apres un grand detour, et elle se plie en dedans des deux costez vers le fuseau susdit, parce que le tourbillon de l'aimant B la portoit a rentrer par le pole entrant de cette pierre, mais elle est contrainte de s'en detourner, a cause qu'une grande partie des pores est occupee par la matiere qui vient de la pierre A. Or pour ce qui regarde l'attraction reciproque de ces deux aimants, il faut se souvenir de ce qui a estè dit cy dessus, que la matiere magnetique du tourbillon d'un aimant escarte de sa place et tient suspendue quelque partie de matiere etherée qui a cause de son poids tasche de se remettre dans sa place. Car la mesme chose arrive à l'egard de ce tourbillon a travers les deux aimants, mais l'effort de la matiere etherée ne se fait pas icy en vain. Car puis qu'en rapetissant ce tourbillon elle reprend autant de sa place, et que cette contraction du tourbillon se fait par l'approximation des pierres sans empescher la circulation libre de la mat. magn. par toutes les deux à cause de la disposition de leur pores, l'autre matiere savoir l'etherée ne manque pas de produire son effect, en faisant cette approximation, ou en faisant sentir sa pesanteur lors qu'on retient les pierres. Et parce que c'est dans l'espace entre les deux aimants que la matiere magnetique occupe plus qu'ailleurs la place de la matiere etherée qu'elle a chassée, il s'ensuit que la diminution de cet espace par l'approche des pierres, donne sur tout lieu a la descente de cette matiere etherée. Et c'est aussi la raison pourquoy deux aimants s'attirent d'autant plus fort qu'ils sont plus proches l'un de l'autre, estant tousjours posée la mesme disposition que nous venons de voir. Sçavoir parce que la mat. etherée en est d'autant mieux chassée de l'espace entre deux, et que par consequent elle gagne plus de place en faisant diminuer cet espace, que si la matiere magnetique en occupoit une moindre partie. Que si les deux aimants sont situez comme dans cette autre figure [Fig. 253] en sorte que leur axes soient paralleles et a costè l'un de l'autre et le pole sortant de B tournè du costè du pole entrant de A, il paroit derechef qu'il se fait un tourbillon | |
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commun par les deux pierres d'une grande partie de la mat. magnetique, et que par leur approche ce tourbillon doit diminuer d'estendue, et partant tout le tourbillon
[Fig. 253]
composè chasser moins de mat. etherée de sa place qu'auparavant, d'ou s'ensuit, par les mesmes raisons que dans le cas precedent, que la pression de la mat. etherée fera approcher ces pierres, ou qu'on sentira sa pesanteur si on les empesche. Il faut noter au reste qu'ily a grande difference entre cette maniere d'expliquer l'attraction de l'aimant et celle de des Cartes, qui veut que le flus de la matiere magnetique chasse l'air d'entre les deux aimants pour se procurer un cours plus libre, et que tout estant plein dans le monde, cet air pour trouver ou se mettre pousse les aimants vers le lieu dont il est sorti. Car premierement je ne suppose pas, ni n'ay pas besoin de supposer la plenitude absolue du monde, et mesme je la tiens impossible puisque tous les petits corpuscules de la matiere la plus fine, mesme selon des Cartes, sont de figure irreguliere et en mouvement. De plus je dis que ce n'est pas l'air mais une matiere bien plus subtile qui est chassée par la matiere magnetique, puisque dans des vaisseaux vuides d'air les aimants s'attirent de mesme qu'ailleurs. Et en sin j'attribue une pesanteur à cette matiere subtile qui pressant le tourbillon de deux aimants, l'oblige a se reduire a une moindre estendue et a moins de matiere par l'approche de l'un à l'autre. Mais pour montrer en mesme temps la principale difficultè que je trouve dans l'opinion de des Cartes, je dis que l'air ou mesme la matiere etheree estant chassée d'entre deux aimants par la mat. magnetique, elle trouveroit tousjours, sans faire nul effort, sa place dans l'espace que cette matiere magnetique ou autre qui luy est succedée, aurait quitté. Car il n'y a d'ailleurs aucune necessitè qui oblige les aimants a venir remplir l'espace d'ou l'air est chassè, puisque cet espace est occupè par la matiere magnetique qui l'est venue chasser. Il reste a expliquer pourquoy le seul aimant et le fer sont attirez par l'aimant, et cela est aisè par ce qui a estè etabli cy devant touchant les pores de ces corps et ceux des autres, sçavoir que les pores de l'aimant et du fer admettent seulement la matiere magnetique ou d'autre plus fine au lieu que tous les autres corps sont par tout penetrez par la matiere ethereé, en sorte que les passages par ou elle passe occupent une partie beaucoup plus grande de leur masse apparente que ne font leur parties constitutives. Car ces corps estant tels, ils ne sont autres a l'egard de la mat. magnetique que l'ether mesme, estant traversez par elle avec egale facilitè. De sorte qu'un tel corps estant proche d'un aimant, son tourbillon diminue de mesme que si ce corps | |
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n'y estoit point, et la matiere etheree ne pouvant faire diminuer ce tourbillon en faisant approcher d'avantage le corps, il s'en suit qu'elle ne doit faire aucun effort pour cela. Quand je dis que les pores de l'aimant et du fer excluent la mat. etheree, je n'assure pas pour cela que cette matiere n'y trouve quelques passages, car il y aurait des experiences pour prouver le contraire, et j'en ay fait qui sont voir, que dans le fer il y a des pores par ou mesme peut passer l'eau estant extremement pressée, ainsi qu'elle l'est en s'enslant par la gelée. Il faut donc s'imaginer que le fer et l'aimant, dans la plus grande partie de leur corps, et ou la matiere est homogene, ont des pores trop estroits pour admettre la matiere etheree et que cette matiere y passe pourtant en beaucoup d'endroits au lieu que d'autres corps l'admettent partout. Et cette difference peut bien estre la raison pourquoy le fer est plus fort et plus mal aisè a estre rompu qu'aucun autre corps que nous connoissons, sçavoir par ce que la pression de la mat. etheree doit contribuer plus a tenir les parties du fer unies que celles des autres corps dans les quels elle a partout des passages libres. Que si l'aimant est plus cassant que le fer, c'est à cause du meslange des parties pierreuses qui entrent dans sa composition. L'aimant armè de fer de la maniere que l'on sçait et quiest representè dans cette figure [Fig. 254], sçavoir, avec deux placques appliquees contre les poles A et B, lesquelles[Fig. 254.]
ont par en bas les avances ou pattes C, D, attire incomparablement plus fort un autre fer E, qu'on luy applique, que quand il est sans cette armure, dont la cause est que la matiere magnetique s'ouvrant sans peine les pores du fer et y passant beaucoup plus facilement que dans l'air elle vient fondre pour la plus grande partie du costè de l'armure, et du fer E, par le moyen duquel la circulation se fait d'un pole à l'autre sans passer par l'air. Si l'on vient donc à retirer tant soit peu ce fer d'avec les avances CD, il est certain que le cours abondant de la matiere magnetique doit chasser fortement la matiere etherée d'entre deux; laquelle pouvant reprendre sa place en faisant approcher le fer E contre l'armure, elle ne manque pas par sa pesanteur de faire cet effort; et il est clair que par là mesme elle doit continuer de les tenir joints. L'on peut voir la verité de ce que j'ay dit que la mat. magnetique se detourne en quantitè pour couler a travers l'armure et le fer E, en ce que l'éguille d'une boussole estant approchee de l'aimant en cet estat est agiteé avec bien moins de vigueur et fait des vibrations bien plus lentes que lors qu'il n'est point armè, et que son tourbillon est estendu tout au tour à l'ordinaire. Il est vray aussi que l'augmentation de force à l'aimant armè ne vient pas du contract plus parfait du fer auec le fer, que de l'aimant avec le fer, comme l'a cru M. des Cartes, qui s'est fiè en cela à des experiences peu | |
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exactes (Gilbert a cru la mesme chose). Car il est vray qu'en interposant une feuille mince de talc entre le fer de l'armure et le fer E, ils s'attachent presqu' aussi fortement l'un a l'autre que quand ces fers se touchent, et incomparablement plus que le fer ne s'attache a la pierre nue. Pour bien armer un aimant il faut que les 2 plaques appliquees contre les poles occupent entierement ces deux costez de la pierre, qu'elles la touchent le plus qu'il se pourra, et qu'elles soient un peu espaisses sur tout vers le milieu, parce que cela fait qu'une plus grande partie de la matiere magnetique est recueillie pour circuler par les avances de l'armure au lieu que quand ces plaques sont minces, elle les traverse dans leur epaisseur en tendant outre. Il faut aussi que le fer E ait de la profondeur et à peu pres la figure que est icy marquée, qui represente une demi-ovale parce que, sans cette profondeur, la mat. magnetique qui vient en quantitè et avec impetuositè par un costè de l'armure, traverseroit en partie le fer E de haut en bas, et trouveroit de l'obstacle en circulant en sorte par l'air; au lieu que trouvant assez de fer pour s'y estendre, elle y circule sans en sortir et rentre toute par l'autre avance de l'armure. ce qui tient le tourbillon de l'aimant plus ramassè qu'il ne seroit autrement. J'ay trouvè qu'en faisant faire l'armure de la maniere que je viens de dire, un aimant pesant moins d'une livre et 1/2 a levè jusqu'à 28 livres, qui avec son armure assez bien faite a l'ordinaire, n'en levoit que treizeGa naar voetnoot1). |
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