Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Mécanique théorique et physique de 1666 à 1695.
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Avertissement.L'idéal de Huygens, comme celui de Descartes son prédécesseur, est de réduire la physique à la mécaniqueGa naar voetnoot1). En face de cet accord sur le but à poursuivre les inévitables différences de vue sur bien des sujets prennent l'aspect de questions de détail. Le père Constantijn se contentait de louer, en prose et en vers, la réduction par Descartes de tous les phénomènes aux mouvements de petites particules, non sans y ajouter avec le léger scepticisme nullement offensant d'un homme du monde: ‘Se non è vero, è ben trovato’Ga naar voetnoot2). Christiaan, à qui incombait le devoir de maintenir cette philosophie corpusculaire en écartant les absurdités manifestesGa naar voetnoot3), s'est acquis de cette tâche avec une persévérance bien néerlandaiseGa naar voetnoot4). Cependant il ne se pique pas d'une conséquence et de convictions absolues. Voyez, à la p. 565 qui suit, le dicton: ‘Al te wijs kan niet | |||||||||
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beginnen’, c.à.d. ‘A force de vouloir être trop sage on ne peut rien entreprendre’Ga naar voetnoot1).
Le mot ‘mécanique’ doit être pris ici dans un sens fort strict: le mouvement, suivant Huygens, provient toujours du mouvement, c.à.d. du choc des atomes. Précisant ce que Descartes avait dit sur la nature des corpuscules Huygens décide qu'il faut leur attribuer une dureté, une infrangibilité et une élasticité parfaitesGa naar voetnoot2). La matière est uneGa naar voetnoot3); seules, la grandeur et la forme des particules varient. Cette forme n'est pas nécessairement simpleGa naar voetnoot4); il peut y avoir des particules-squelette à pores fort largesGa naar voetnoot5), des particules hérissées aussi dont les hérissons tantôt se couchent, tantôt se redressentGa naar voetnoot6). Dans le Traité de la Lumière de 1690 il est même question, exceptionnellement, de ‘particules molles’, mais Huygens ajoute qu'elles se composent de sous-particulesGa naar voetnoot7); la dureté de ces dernières est sans doute absolue ici comme partout ailleurs, conformément aux vues de DémocriteGa naar voetnoot8). Ce sont, aux yeux de HuygensGa naar voetnoot9), des tourbillons, après comme avant l'apparition des ‘Principia’ de Newton, qui produisent la pesanteur et le magnétismeGa naar voetnoot10). | |||||||||
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C'est, du moins en partie, grâce à la pression extérieure - Huygens le dit clairement en 1692 et 1693 - que les corps solides visibles ne se disloquent pasGa naar voetnoot11). Toute explication qui ferait intervenir des forces à distance serait, suivant Huygens, une explication non mécaniqueGa naar voetnoot12). Ceci est conforme à la terminologie dont Newton se sert parfois dans ses ‘Principia’ de 1687Ga naar voetnoot13). Le système moitié cartésien moitié original où Huygens se complaît dans son âge mur peut être représenté par le tableau suivant dont chaque numéro indique une matière fort grosse par rapport à la suivante, mais extrêmement fine par rapport à la précédente:
Les particules de la matière ordinaire n'ont pas de mouvement rapide; celles de l'air p.e., quand il n'y a pas de vent, sont entassées les unes sur les autresGa naar voetnoot14). L'éther transmet la lumière; la terre a une atmosphère d'éther qu'elle entraîne dans sa rotationGa naar voetnoot15). Les tourbillons magnétiques ont pour pendant des tourbillons électriquesGa naar voetnoot16). La matière subtile, dont les particules se meuvent fort librement (comme celles des gaz suivant la conception moderne), cause la pesanteur et l'élasticité apparente des corps tangibles, solides ou fluidesGa naar voetnoot17); les particules de l'air, quoiqu'en repos, ont donc un | |||||||||
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mouvement ‘brownien’ - elles ‘voltigent’, T. XVI, p. 186 -, qu'on peut attribuer aussi dans une certaine mesure à la présence de l'éther mis en branle par la matière subtileGa naar voetnoot1). Il est d'ailleurs possible - et même à une certaine époque à peu près certain aux yeux de Huygens; voir la p. 186 du T. XVI - qu'il y ait encore d'autres matières intermédiaires entre l'air et la matière subtileGa naar voetnoot2). Il se peut aussi que les particules, de l'éther p.e., soient composées de particules plus petites et qu'il y ait un ‘progrès infini de différentes grosseurs de corpuscules’Ga naar voetnoot3). Le mot ‘infini’ ne doit pourtant pas être pris à la lettreGa naar voetnoot3).
Il est évident que le Huygens auteur et propagandiste de ce système n'est pas Huygens tout entier. Dans l'‘Horologium oscillatorium’ ainsi que dans toutes les autres Pièces du T. XVIII, comme nous l'avons observé aux p. 45 et 470 de ce Tome, la mécanique des atomes ne joue aucun rôle.
Quant au présent Tome, il ne contient pas seulement des Pièces où la théorie des atomes prédomine, mais aussi, comme le Tome précédent dont nous venons de parler, des Pièces phénoménologiques ou, si l'on veut, descriptives. D'ailleurs, dans les Pièces qui traitent de la mécanique des atomes, comment séparer l'explication de la description? Force est de commencer, si l'on veut procéder méthodiquement, par dire quel est le groupe des phénomènes observables que la théorie des particules se propose d'embrasser. Ce n'est qu'après avoir montré ou rendu plus ou moins probable qu'elle l'embrasse en effet, qu'on peut se hasarder à prédire, à l'aide du système explicateur, de nouveaux phénomènesGa naar voetnoot4).
Il ne pouvait être question dans la théorie du mécanisme universel de forces accélératrices préexistantes. Au contraire, chez Huygens ce sont les mouvements, tant dans les collisions que dans les rotations des corpsGa naar voetnoot5), qui engendrent les forces. En | |||||||||
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ce sens sa conception est plus ou moins le contrepied de celle de NewtonGa naar voetnoot6). Il est vrai que dans la mécanique classique du dix-huitième siècle on a fini, contrairement aux vues de Newton, par considérer les forces agissant à distance comme absolument ‘mécaniques’Ga naar voetnoot7). Vers 1850 Helmholtz, partisan lui aussi de l'idée que tous les phénomènes physiques doivent être réduits à la ‘mécanique’Ga naar voetnoot8), ne parle que de forces conservatives agissant à distanceGa naar voetnoot9). Chez Huygens, premier auteur (consultez le quatrième alinéa et la note 2 de la p. 164 qui suit) qui ait tâché de donner une forme exacte au principe de la conservation des ‘vires’Ga naar voetnoot10), de pareilles forces, nous l'avons dit, n'existent pointGa naar voetnoot11). | |||||||||
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Il mérite sans doute d'être observé que c'est apparemment - le contexte l'indique - Huygens le phénoménologue qui énonce en 1693 le principe en question. Il n'affirme pas en cet endroit que tout ‘effectus editus et exstans’ est une énergieGa naar voetnoot1) qu'on pourrait appeler actuelle. Mais l'axiome, appliqué à la collision de deux ou plusieurs particules, dit que la somme de leurs forces vives demeure constante, ce qui n'avait été démontré jadis (Prop. XI du Traité ‘De Motu Corporum ex Percussione’, T. XVI, p. 73) que pour le choc central de deux sphères homogènesGa naar voetnoot2). Et en admettant qu'il n'existe aucune énergie qu'on pourrait appeler potentielle, l'axiome affirme - ce que Lasswitz dans sa ‘Geschichte der Atomistik’ dit, non sans raison, être l'opinion de HuygensGa naar voetnoot3) - que la force vive totale des particules qui constituent l'univers garde constamment la même valeur. Toutefois il ne faut pas, nous semble-t-il, en exposant les idées de Huygens, tâcher d'être plus conséquent qu'il n'a pu l'être lui | |||||||||
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même. Pour Huygens phénoménologue les pressions extérieures, p.e. celles des dents des roues d'une horloge les unes sur les autres, les tensions des cordes, la force de la gravité etc. ont évidemment la même importance que pour Archimède, pour Héron et PappusGa naar voetnoot4), pour Stevin ou pour Newton. Et le travail de ces forcesGa naar voetnoot5), tel qu'il se manifeste p.e. par l'élévation d'un poids, produit un ‘effectus editus et exstans’, équivalent à ce travail, sur la nature duquel l'axiome de 1693Ga naar voetnoot6) ne se prononce pasGa naar voetnoot7). |
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