Oeuvres complètes. Tome XVIII. L'horloge à pendule 1666-1695
(1934)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Objections de Roberval contre les démonstrations de l'auteur de l'‘Horologium oscillatorium’ et réponses de Huygens. | |
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Avertissement.Les principes dont Huygens part dans son ‘Horologium oscillatorium’ donnèrent lieu à de célèbres controverses.
Parmi les lecteurs compétents beaucoup sans doute se contentèrent d'admirer l'oeuvre; témoin les paroles de Viviani citées par Huygens à la p. 51 du Manuscrit E: ≪ Vinc. Viviani nel ragguaglio delle ultime opere del Galileo. 1674Ga naar voetnoot1). ‘La medesima passione volle ancora con sottilissimo progresso autenticare quel sublime ingenio di Christiano Ugenio nella opera sua due anni sonoGa naar voetnoot2) publicata e con stupor de' Matematici applaudita, trattante del moto de' Pendoli’. C'estoit de demontrer que les vitesses acquises par des plans diversement inclinez, mais d'egale hauteur perpendiculaire, sont egalesGa naar voetnoot3) ≫. | |
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Toutefois la critique elle aussi - comment en eût-il pu être autrement? - ne tarda pas à se faire jour. Ce qui paraît être resté inconnu à tous ceux qui s'y sont intéressés, p.e. à J.L. LagrangeGa naar voetnoot1), ainsi qu'à nous-mêmesGa naar voetnoot2), c'est que les premières objections furent faites par Roberval. Ces objections, datant déjà de 1670, furent inscrites par Huygens, avec ses réponses, dans le Manuscrit D. Comme nous l'avons dit à la p. 36 qui précède, une partie des théorèmes avaient été rédigés en 1670. Huygens, rétabli de sa maladie (p. 36) et n'ayant pas encore quitté Paris, paraît les avoir communiqués à Roberval ainsi que, peut-être, à quelques autres membres de l'Académie. La réponse à la 7ième objection fait voir qu'il a apporté ensuite un changement au début de la Pars Quarta; il a supprimé la deuxième des trois hypothèses qui s'y trouvaient primitivementGa naar voetnoot3). Ces objections amènent le lecteur à se demander quelles étaient en général les opinions de Roberval mécanicien. Malheureusement nous n'en sommes pas très bien informés, l'ouvrage principal de Roberval sur la mécanique, qui comme beaucoup d'autres de ses écrits n'avait pas été imprimé durant sa vie, étant perduGa naar voetnoot4). Nous | |
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ignorons aussi, ce qui est particulièrement regrettable, si Huygens avait reçu en 1665 ou plus tard un ‘traitè de Roberval des pendules isochrones’ (voir la note 3 de la p. 54 qui précède) et en quelle manière Roberval a parlé en ou vers 1671 à l'Académie des Sciences sur les centres de percussionGa naar voetnoot5). Cependant la remarque de Huygens de 1693 (septième alinéa de la p. 402 du T. X) fait voir que fort probablement Roberval n'a rien dit de bien important. Selon P. Tannery en 1666 il était ‘déjà éteint’Ga naar voetnoot6). Il est vrai que F. Vernon dit de lui en 1670Ga naar voetnoot7) qu'il ne publie rien mais qu'à l'Académie il ‘discourseth much & is a very plausible speaker and of acute reasoning’. Roberval, nous l'avons dit à la p. 352 du T. XVI, avait trouvé dès 1646 la place du ‘centre de percussion ou d'agitation’ dans le cas d'un secteur de cercle tournant dans son plan autour d'un axe passant par le centre du cercle. Il n'était pourtant pas convaincu, ne voyant apparemment aucune raison théorique pour l'admettre, que le centre de percussion fût identique avec le centre d'oscillation. Il inclinait plutôt à croire - ce que son ami Mersenne jugeait aussi possible (T. XVI, p. 351) - que cette identité n'existe qu'à peu près. Or, qu'est-ce en somme que le centre de percussion? Nous avons vu (p. 57, note 6) que Fabry dit que lorsqu'un obstacle arrête le corps au centre de percussion, il perd tout son mouvement et que ce centre (p. 56) est situé sur une droite D telle que les moments de tous les ‘impetus’ ou quantités de mouvement de part et d'autre de cette droite sont égaux. Cette dernière formule est claire dans le cas d'une surface plane symétrique tournant autour d'une droite située dans son plan et perpendiculaire à son axe de symétrie; d'après les exemples que Fabry (ou Mousnier) en donne la droite D est alors une parallèle à l'axe de rotation et le centre de percussion occupe | |
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évidemment sur elle une situation centrale. Cependant Fabry semble vouloir donner une définition générale. Formulée correctement, celle-ci devrait être la suivanteGa naar voetnoot1): ‘Lorsqu'un corps suspendu en un point tourne autour d'un axe passant par ce point, le centre de percussion se trouve sur une parallèle à cet axe telle que la somme algébrique des moments des quantités de mouvement de tous les points du corps autour de la parallèle est nulle; on suppose le corps arrêté par l'obstacle à l'instant où son
centre de gravité est aussi bas que possible; le point de suspension, le centre de gravité et le centre de percussion sont alors par hypothèse situés sur une même ligne droite.’
Supposons l'axe de rotation, passant par le point de suspension A, perpendiculaire au plan du papier [Fig. 1]. Soit p la plus courte distance de la parallèle à l'axe A passant par le centre de percussion P et du vecteur représentant la vitesse v d'un point quelconque situé à la distance r de l'axe A. Soit AP, situé dans le plan du papier = L. Il faut suivant notre définition que ∑mvp = 0, m étant la masse d'un point; ou bien ∑mrp = 0, puisque la vitesse angulaire est, à un instant quelconque, la même pour tous les points. Le bras de levier p est positif pour les moments agissant dans un sens, négatif pour ceux qui agissent dans l'autre. Or, on a pour tous les points du corps p = L cosα - r. En substituant cette valeur de p dans la formule précédente, on obtient L = ∑mr2/∑mr. cosα ou L = ∑mr2/Mb, M étant la masse totale et b la distance du centre de gravité du corps au point A en vertu de l'hypothèse faite sur l'instant et la place de l'arrêtGa naar voetnoot2). Ainsi | |
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défini, le centre de percussion coïncide donc avec le centre d'oscillation. Nous avons remarqué (p. 58) qu'en 1664 - tout aussi bien qu'en 1690, p. 462 du T. IX - Huygens semble admettre généralement cette identité des deux centresGa naar voetnoot3) puisqu'il dit que Fabry, cherchant le centre de percussion pour un cercle oscillant dans son plan, aurait dû trouver ce centre à une distance de ¾ du diamètre du point de suspension, c.à.d.à l'endroit qu'occupe, suivant le calcul de Huygens, le centre d'oscillationGa naar voetnoot4). Il est vrai qu'on peut également supposer qu'en 1664, partant d'une définition telle que celle donnée ici, Huygens n'ait calculé la situation du centre de percussion que pour le cas du cercle (et peut-être pour quelques autres surfaces oscillant dans leur plan); mais cela paraît plus difficile que d'établir la formule générale et on n'en trouve rien dans les manuscrits. Nous ignorons si Roberval est parvenu, soit avant soit après avoir vu la formule générale de Huygens pour le centre d'oscillation, à une formule identique pour le ‘centre de percussion ou d'agitation’Ga naar voetnoot5). La 13ième et 14ième objection font voir qu'il admet que les propositions de Huygens de la Pars Quarta, nommément la Prop. IV, c.à.d. celle qui donne la formule générale pour le centre d'oscillation, sont ‘forsan verae’, mais qu'il les suppose découvertes par l'expérience et pourvues ensuite de ‘demonstrationes qualescunque’. Nous croyons pouvoir en conclure que Roberval, | |
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s'il n'était pas tombé lui-même - rien ne l'indique - sur la formule générale pour le centre de percussion, croyait du moins - après avoir vu la formule de Huygens pour le centre d'oscillation - à la possibilité de trouver pour le centre de percussion une formule identique, de sorte qu'il soupçonnait que Huygens avait en réalité établi sa formule pour le centre de percussion et que, constatant expérimentalement, comme Mersenne et d'autres, que dans quelques cas ce centre coïncide, absolument ou à peu près, avec le centre d'oscillation, il avait ensuite adroitement choisi certaines hypothèses douteuses afin d'arriver ainsi à une formule du centre d'oscillation identique avec celle du centre de percussion. Dans les calculs de 1664 (T. XVI) il n'y a absolument rien qui pourrait faire naître l'hypothèse que Huygens aurait trouvé une formule générale pour le centre de percussion avant de trouver une formule identique pour le centre d'oscillation. C'est exclusivement sa remarque dans le livre de Fabry qui fait voir que dès 1664 il a eu, paraît-il, la conviction bien arrêtée de l'identité des deux centres. Il est impossible de savoir si cette remarque, qui semble impliquer la connaissance précise de la situation du centre de percussion, date d'avant ou d'après le jour (proche du 10 octobre 1664, voir la p. 462 du T. XVI) où il trouva la formule générale du centre d'oscillation. A propos de cette remarque de Huygens nous ajoutons encore l'observation historique que dès 1647 Mersenne (Nov. Obs. phys. math. T. III, p. 119) dit ‘autorem appendicis Physicomathicae [sic] de centro percussionis [c.à.d. Fabry, ou Mousnier], in isto centro reperiendo à prop. 17 & deinceps [c.à.d. à partir de la proposition où ils commencent à considérer les surfaces oscillant dans leur plan] aberrasse; hoc est cùm ad laeuam & dextram corpora vibrantur, eo teste qui solus ratione vibrationes istas definiuit’; à la p. 118 il a nommé Roberval, cependant nous n'oserions dire s'il parle ici de lui ou, ce qui semble plus probable, de Descartes: comparez les p. 352-353 du T. XVIGa naar voetnoot1). | |
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Dans l'objection de Roberval on peut donc distinguer deux éléments de valeur différente. Il se trompe en considérant les fondements du calcul de la Pars Quarta comme douteux aux yeux de Huygens lui-même. Mais il ne dit point d'absurdité en émettant l'hypothèse que Huygens a trouvé la formule générale pour le centre de percussion d'abord. Nous ne pouvons même affirmer certainement - quelqu'improbable que la chose nous paraisse - qu'il n'en a pas été ainsiGa naar voetnoot2).
Les autres objections de Roberval ont peu de valeur et portent à croire - voir notamment la 11ième objection, où il compare entre elles des grandeurs incomparables - que la perte de son Traité de Mécanique n'a pas eu de conséquences fort fâcheuses pour le développement de cette science. Nous renvoyons pour ces objections aux notes des p. 451-456 qui suivent. Il est juste d'ajouter que très probablement les objections n'ont pas été faites en latin: nous ne les possédons, paraît-il, que dans la forme que Huygens leur a donnée. |
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