Oeuvres complètes. Tome XVIII. L'horloge à pendule 1666-1695
(1934)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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A Louis XIV le Grand Roi de France et de Navarre.C'est principalement à la France, Grand Roi, que nous devons la renaissance et le rétablissement en ce siècle de la Géométrie: ici naquirent ceux qui les premiers renouvelèrent et rappelèrent à la vie, en y consacrant une grande, et la meilleure, partie de leurs forces, cette science oubliée et pour ainsi dire ensevelie. Suivant leurs traces des hommes fort ingénieux, partout en Europe, la développèrent ensuite avec un tel succès que peu de choses, semble-t-il, ont été laissées à découvrir aux générations futures, tandis que les résultats obtenus par les anciens ont été dépassés de beaucoup. Dans cette science que j'ai toujours beaucoup admirée et aimée, je me suis proposé surtout, toutes les fois que je m'y adonnai, la considération de problèmes dont la solution serait utile soit pour la commodité de la vie soit pour la connaissance de la nature. Mais c'est lorsque je tombais sur des sujets où l'utilité était unie à une difficulté de les tirer au clair qui exigeait des raisonnements subtils que | |
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Lvdovico XIV, Franciae et Navarrae regi inclyto.RENATAM, Rex maxime, restitutamque hoc saeculo Geometriam, Galliae praecipue debemus. Hinc enim orti, qui magna meliorique suiparte deperditam, ac veluti sepultam, instaurarunt primi, & in lucem reduxerunt. Quorum vestigiis insistentes, ita eam deinde, per totam Europam, excoluere viri subtilissimi, ut pauca jam posterorum industriae ab his relicta videantur; veterum vero inventa longissime praetervecti sint. In hac fcientia, quam semper admiratus sum & amavi plurimum, quandocunque ad em animum applicui, illa mihi prae caeteris proposui investiganda, quae vel ad vitae commoda, vel ad Naturae cognitionem, reperta prodesse possent. Tunc verò optimè operam me collocasse existimavi, cum in ea incidissem, in quibus utilitas cum inve- | |
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j'avais l'impression de m'y appliquer le plus avantageusement. Et s'il est permis de joindre au présent don quelque recommandation afin qu'il ne paraisse pas tout-à-fait indigne de Ta grandeur, j'ose dire n'avoir nulle part eu mieux l'occasion de tendre avec succès vers le double but dont je parlais que dans le cas de l'invention de mon Horloge. En effet, comme il s'agit d'une part d'une invention mécanique, mais que de l'autre, et de beaucoup la plus importante, c'est une construction basée sur des principes géométriques, il faut savoir qu'en cette dernière qualité elle exigeait le recours nullement aisé aux artifices les plus abstraits de l'art, de sorte que parmi tous les sujets auxquels j'ai voué jusqu'ici une étude tant soit peu profonde, j'attribue sans hésiter la première place à cette spéculation-ci. Quant à l'utilité de mon invention, il n'est pas nécessaire, Puissant Roi, que je me serve de beaucoup de paroles pour la faire voir. En effet, non seulement Tu as pu constater par une expérience journalière, depuis que mes pendules ont mérité d'être reçues dans les appartements intimes de Ton palaisGa naar voetnoot2), de combien elles surpassent les autres horloges, mais de plus Tu n'ignores pas les usages plus spéciaux auxquels je les destinais dès le commencement. Je veux parler des services qu'elles peuvent rendre tant dans les observations célestes que dans la mesure des longitudes des différents lieux par lesnavigateurs. En effet, suivant Tes ordres nos Horloges ont été envoyées par mer plus d'une fois; d'autre part on en peut voir un assez grand nombre destinées à l'usage | |
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niendi difficultate, ac subtilitate aliqua, conjuncta foret. Quod si commendationis nonnihil accersere muneri nostro permittitur, ne prorsus indignum tua magnitudine appareat; non alias felicius, quam in hoc Horologii invento, utrumque illud me consecutum esse profiteor. Etenim, cum ex parte mechanicum fit inventum; ex parte altera, eaque multò praecipua, geometricis principiis constet; id quod ad hancGa naar voetnoot1) attinet, non levi conamine, ex intimis artis recessibus petendum fuit: adeo quidem, ut inter omnia, quae impensiore studio hactenus pertractaverim, haud dubie primum huic speculationi locum tribuam. Quaenam vero in his sit utilitas, non est quod multis, Rex potentissime, ostendere tibi laborem. Non solum enim diutinâ experientiâ compertum habes, ex quo regiae tuae penetralibus recipi meruere Automata nostraGa naar voetnoot2), quantum, aequabili horarum demonstratione, caeteris hujusmodi machinationibus excellant: sed & potiores usus eorum, quibusque jam inde à principio mihi destinata fuere, non ignoras. Illos scilicet, quos & in Caelestium observationibus, & in Longitudinibus locorum inter navigandum dimetiendis, praestare apta sunt. Tuo enim jussu, non semel, per mare vecta fuere Horologia nostra. Tuis auspiciis eadem nec pauca, Astronomiae | |
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des astronomes et placées sous Tes auspices dans ce merveilleux Observatoire que Tu as récemment fait construire avec une libéralité insigne et surpassant celle de tout autre roi. Toutes les fois que je réfléchis à ces choses, je me félicite hautement du bonheur qui m'est échu de faire cette invention dans le temps de Ton règne. Personne, sachant combien cette invention Te doit, ne demandera donc, me semble-t-il, pour quelle raison j'ai cru devoir vouer à Ton auguste nom les spéculations qui contiennent la théorie et la description de mon instrument. Or, on trouvera encore bien plus naturel que je Te dédie ces pages lorsqu'on aura appris que c'est grêce à Ta magnificence que je jouis du loisir de méditer tranquillement sur ce sujet ainsi que sur d'autres. En effet, il me fallait d'une part faire voir dans une certaine mesure l'utilité de ce loisir et d'autre part témoigner quelque reconnaissance pour Tes nombreux et continuels bienfaits. Je sais bien que, Te vouant aux grandes affaires, celles dont il convient à un homme si haut placé de s' occuper, Tu n'es nullement libre, quelle que soit la capacité de Ton esprit, de fixer Ton attention sur des spéculations de ce genre. Toutefois j'ose penser, Grand Roi, que ceci ne T'empêchera nullement d'accepter mon don avec quelque plaisir et d'approuver mes efforts, puisque nous voyons que ce qui Te plaît le mieux c'est ce qui a le plus d'utilité publique, et que Tu ne souhaites rien davantage que de faire prendre un grand essor aux meilleures sciences, de les voir s'enrichir par de nouvelles découvertes. Ceci en effet est abondamment prouvé par | |
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usibus dicata, visuntur in praeclara illa Uraniae arce, quam insigni nuper magnificentia, quantaque antehac regum nemo, exaedificandam curasti. Quae quoties mecum reputo, toties de fortuna hujus inventi, quod in tua tempora inciderit, non parum mihi gratularisoleo. Nec jam requiret quisquam, opinor, qui quantum tibi illud debeat intelliget, cur lucubrationes has, quibus rationem ejus omnem descriptionemque explicui, augusto Nomini tuo inscribendas duxerim. Ac minus etiam id mirabitur, qui mihi, ad haec atque alia meditanda, tranquillum otium benignitate tua contigisse didicerit. Namque & hujus, ut mihi aliquatenus apud te ratio constaret, adnitendum erat; & quoquo modo conandum, ut, multis continuisque à te beneficiis affectus, nonnulla grati animi significatione defungerer. Scio equidem, rebus maximis, negotiisque iis intento, quae in illo rerum fastigio positum agitare convenit, haudquaquam tibi liberum esse, ut ad hujusmodi contemplationes animum, alioqui rerum omnium capacem, advertas. Sed non ideo minus grata haec fore, minusve tibi probatum iri arbitror, Rex augustissime; cui illa maxime placere videmus, quae plurimum publicè prosunt; neque aliud magis curae esse, quam ut nova incrementa sumant optimae disciplinae, novisque illustren- | |
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cette grande et extraordinaire libéralité avec laquelle Tu protèges ces sciences et ceux qui y excellent; libéralité que les très grands frais des guerres, bien qu'ils surpassent énormément les dépenses ordinaires, ne diminuent en rien et que les confins de la France, Ton royaume, ne limitent point. Ce qui prouve clairement que Ton but n'est pas seulement d'augmenter le bonheur de ceux qui vivent sous Ta domination, mais encore de rendre le monde entier, partout où il se montre digne de Tes bienfaits, plus savant, plus civilisé, plus heureux. Peut-être les monuments littéraires tels que celui-ci contribuerontils eux aussi quelque chose à cette gloire, qui est Ta gloire la plus véritable et la plus haute: ils pourront sans doute, tout en démontrant à la postérité qu'en ce temps les études et les arts fleurissaient, lui faire voir que cette floraison est due avant toutes choses à Ta sagesse et Ta grandeur d'âme. | |
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tur inventis. Hoc enim satis declarat eximia illa tua, ac singularis, tum in ipsis promovendis, tum in his qui cognitione earum praeminent remunerandis, liberalitas. Quam non immensae, ac solito majores, bellorum impensae quidquam imminuunt: non Galliae tuae fines circunscribunt. Ut plane te hoc agere appareat, quo non solum sub imperio tuo viventes, sed & Orbis universus, quacunque beneficio tuo dignus est, te regnante, eruditior, ornatior, feliciorevadat. Cui verissimae praeclarissimae que gloriae tuae, ita aliquid fortasse etiam haec literaria monumenta conducent; ut, si viguisse hoc tempore studia ista, artesque, posteris testari possint, simul illos edoceant, tuae hoc virtuti, atque animi magnitudini, ante omnia acceptum ferendum esse. Lutetiae Parisiorum; XXV. Mart. A. ciɔiɔclxxiii. |
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