Oeuvres complètes. Tome VIII. Correspondance 1676-1684

N^o 2378.
Christiaan Huygens à [H. de Beringhen].
14 décembre 1684.

La minute et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

Monsieur

Vous ne devez pas douter, que je ne ressente encore comme je dois la grace que vous me faites en voulant bien vous entremettre de mes affaires aupres de monseigneur de Louvois. de quelque maniere qu'elles se terminent, je vous seray tousjours extremement obligé de cette faveur, et de ce temoignage de vostre affection. Cependant en attendant la decision la dessus je ne puis m'enpescher de faire reflexion sur ce qu'il y avait dans vostre derniere lettre a mon pere¹⁾ scavoir que j'aurois fait escrire par mr. l'Ambassadeur de France²⁾ que l'air de Paris m'estoit contraire. Comme je n'ay jamais songé a rien de tel je reconnois en cela l'effect des brigues de quelques gens qui ne souhaitent pas que je retourne a reprendre mon poste, parmy ceux de l'Academie des Sciences, ce que je ne puis

1) Nous ne la connaissons pas.

2) Le comte d'Avaux.

[p. 554]

imputer qu'a quelque jalousie assez mal fondée, puis que je n'ay point de querelle ni de demeslé avec personne, et les avis que je recois de mes amis par de la me confirment dans cette opinion. Il est vray, et vous le scavez monsieur, que j'ay essuyè deux ou 3 grandes maladies dans le temps que j'ay demeurè a Paris, mais je les impute plus a un peu trop d'application que non pas a l'air de cette ville, que tant de milliers d'estrangers respirent sans danger. S'il m'arrive que j'y retourne je pourray me menager un peu d'avantage; et je prevois d'ailleurs ce qui ne fait pas moins a la conservation de la santè que je pourray avoir l'esprit plus content et plus en repos que par le passè; a quoy contribueroit, entr'autres choses extresmement le voisinage d'un de mes bons amis qu'on vient de preposer a la Bibliotheque Royale qui est Monsieur Thevenot³⁾. Mais il faut attendre avant que de rien presumer du futur, que la resolution d'en haut soit venue; qui determinera toute chose et a la quelle j'acquiesceray sans peine. Et quand il plairoit au Roy de ne me point rappeller je ne laisseray pas de rester tousjours fort obligè a la bontè de sa Majestè de m'avoir fait jouir de ses bienfaits pendant tant d'années. Il peut y avoir des raisons pour faire qu'on en use de la sorte desquelles je ne veux point m'enquerir, mais je serois faschè qu'on en prist quelqu'une qui n'eust pour fondement que la suggestion de mes envieux. Je m'asseure monsieur qu'il ne tiendra pas a vos bons offices que lon ne me rende justice et en cela et en tout ce qui concerne cette affaire, vous suppliant au reste de croire, que je seray toute ma vie avec beaucoup de respect, et de reconnoissance

Monsieur

Vostre &c.

Celuy qui vous rendra cellecy est Monsieur Friquet habile peintre et tres honneste homme qui est logè a la Bibliotheque du Roy, ou je l'ay estè avec luy, et outre cela mon ami et correspondant pendant mon absence⁴⁾.

3) En succession de de Carcavy, mort en avril 1684.

4) Nous rencontrerons Friquet dans des lettres de 1687 et de 1688, au sujet d'un portrait qu'il avait dessiné de Christiaan Huygens, selon toute probabilité celui gravé par Edelinck et placé en tête du Volume VII de la Correspondance. Nous ne connaissons aucune de ses lettres.