Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659

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N^o 519.
Ism. Boulliau à [Christiaan Huygens].
27 septembre 1658.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Elle est la réponse au No. 516. Chr. Huygens y répondit par le No. 545.

A Paris le 27. Septembre 1658.

Monsieur

Je vous supplie de m'excuser si je n'ay fait aucune response a vostre precedente lettre, les affaires que j'ay eües, & l'absence de Monsieur Carcaui sont cause que je n'ay pu le faire, ny auoir aucun esclarcissement de luy, soit pour le nom de l'autheur, qui ne veut point estre cognu, comme ledit Seigneur Carcaui m'a cy deuant dit; soit pour l'estat de tous les problemes. Je scauray a son retour de la campagne ce qu'il pourra ou voudra m'en dire.

Je vous remercie de tout mon coeur de la part que vous m'auez faicte de l'inuention du centre de grauité des segmens du solide descrit par la cycloïde. Je la communicqueray a Monsieur Carcaui & je scauray de luy si quelquun la trouuee.

Je vous remercie aussi de vostre imprimé qui contient la description de vostre Horologe dont l'inuention est admirable; je le verray et l'estudieray des demain & je rendray a Monsieur Chapelain l'exemplaire que vous luy enuoyez.

Je vous donneray icy aduis, que Monsieur le Prince Leopold de Florence¹⁾, ma fait l'honneur de me faire donner aduis par Monsieur l'Abbé de Bonzi²⁾ Resident de Monsieur le Grand Duc³⁾ en cette Court, qu'ils auoient trouué dans l'vn des cabinets de Son Altesse les 4. derniers liures des Coniques d'Apollonius Pergaeus qu'ils alloient faire imprimer. Monsieur l'Abbé de Bonzi n'a pu me dire en quelle langue; mais comme sur cette faueur que m'a faicte Monsieur le Prince Leopold de me faire donner cet aduis je luy escrit & l'en ay remercié, j'ay supplié Son Altesse de me faire la grace de me faire scauoir en quelle langue il s'est trouué parmi les Manuscrits de Son Altesse Monsieur le Grand Duc; j'en auray response dans le 20. d'Octobre, & je ne manqueray pas de vous faire scauoir ce que j'en auray appris.

Je vous conjure de mettre au plustost au jour vostre systeme de Saturne, afin que le public puisse jouir de vos jnuentions. Je vous suis tresobligé de la continuation

1) Leopoldo de Medicis, 5e fils du Grand-duc Cosimo II de Medicis et de Maria Magdalena d'Autriche, naquit le 6 novembre 1617 à Florence, où il mourut le 10 novembre 1675. Il cultivait les sciences, surtout la physique et l'astronomie, et fonda le 19 juillet 1657 avec l'aide de son frère aîné, le Grand-duc Fernando II, l'Académie del Cimento. Le 12 décembre 1667 il fut créé Cardinal par le Pape Clément IX.

2) Monseigneur Bonzi était le petit-fils du Cardinal de même nom: il était né à la fin du 16^e siècle et s'occupait de sciences; il était en relation avec Galilei.

3) Fernando II de Medicis. Voir la Lettre N^o. 236, note 2.

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de vostre bonne volonté & de la faueur qu'il vous plaist de me faire en me donnant des verres pour adjuster vne grande Lunette comme la vostre; j'en conserueray la memoire toute ma vie, & la gratitude deüe a vn don si exquis; car je me recognois incapable de vous pouuoir rendre aucun seruice qui puisse egaler vne telle courtoisie.

Monsieur Golius m'a faict aduertir par Monsieur Bigot, que lon voit l'estoile, qui se monstra en 1601. in eductione colli Cygni⁴⁾ qui fut obseruee par les Astronomes⁵⁾ de ce temps la, & qui depuis estoit deuenue si obscure & si peu apparente que je n'ay jamais pu la descouurir qu'auec les Lunettes. Jl est vray qu'elle paroist a present & je la voy tres claire de la 3^e. grandeur. Jl y a 12. jours que regardant la constellation du Cygne je m'en apperceus, mais je ne fis pas dessus assez de reflexion. Jl y a lieu de croire que cette estoile se trouuant dans la voye lactee, la matiere lumineuse de cellecy se sera conglobee au tour de cette estoile, & il est tres probable que cette voye lactee fournit la matiere a telles generations: nous en auons l'exemple en l'estoile de 1572.⁶⁾ & en celle de 1604.⁷⁾ qui parurent dans cette belle escharpe lumineuse; & je croy, autant que la cognoissance de l'homme peut s'asseurer, que la derniere Comete estoit de cette matiere, qui sortit par l'impulsion de quelque moteur de la voye lactee meridionale pour sen venir dans la boreale; & la remarque est belle que si elle a continué son chemin, elle s'en est allee dans le lieu de l'estoile de 1572. Il faut considerer tous les jours cette estoile, qui n'est pas nouuelle, mais qui est deuenue plus lumineuse, & obseruer si elle diminuera encores vne fois. Les Sieurs Claramontius⁸⁾

4) Voir la Lettre N^o. 518, note 10.

5) Voyez entre autres:
Joannis Keppleri Sacrae Caesar. Majest. Mathematici, De Stella tertii honoris in Cygno, quae vsque ad annum m.dc. fuit incognita, necdum extinguitur, Narratio Astronomica. Ad Illustrem et Generosum Dn. Dn. Joannem Fridericum Hoffmannum, L.B. &c. Sac. Caes. Majest. à Consilijs Aulae Imperialis, &c. Pragae, ex Typographia Pauli Sessii. Anno m.dcvi. in-4^o.

6) C'est l'étoile nouvelle de Tycho Brahé dans la constellation Cassiopeia.
Tycho Brahé, De nova et nullius aevi memoria prius visa stella anno 1572. Nov. primum conspecta, Contemplatio Mathematica. Hafniae. 1573. in-4^o.

7) C'est l'étoile nouvelle de Kepler in Pede Serpentarii.
Joannis Keppleri. Sac. Caes. Majest. Mathematici De Stella nova in pede Serpentarii, et qui sub ejus exortum de novo iniit, Trigono Igneo. Libellus, Astronomicis, Physicis, Metaphysicis, Meteorologicis & Astrologicis Disputationibus, ἐνδόξοις & παϱαδόξοις plenus. Accesserunt I. De Stella incognita Cygni: Narratio Astronomica. II. De Jesv Christi Servatoris Vero Anno Natalitio, consideratio novissimae sententiae Lavrentii Svflygae Poloni, quatuor annos in usitata Epocha desiderantis. Cum Privilegio S.C. Majest. ad annos XV. Pragae Ex Officina calcographica Pauli Sessii. Anno m.dc.vi. in-4^o.

8) Scipione Chiaramonti (Claramontius) naquit le 22 juin 1565 à Cesena et y mourut le 3 octobre 1652. Il fut professeur de mathématiques à Pise, mais vécut ordinairement à Cesena, où il était membre du conseil. Ayant à l'âge de 80 ans perdu son épouse Virginie de Albatibus, il entra dans les ordres. C'était un antagoniste acharné de Galilei.

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& Licetus⁹⁾ s'ils viuoient encores, que pourroient ils alleguer pour sauuer les opinions d'Aristote¹⁰⁾ de l'incorruptibilité & ingenerabilité des cieux; & que diront ceux qui le tiennent pour infallible dans les choses naturelles. Si nous auions la veue assez bonne je croy que nous verrions souuent des mutations dans le ciel. Je vous souhaitte tout bonheur & je suis

Monsieur

Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur Boulliau.

9) Fortunio Liceti, fils du célèbre médecin Giuseppe Liceti, naquit le 3 octobre 1577 à Rapallo (près de Gênes) et mourut le 17 mai 1657 à Padoue. Professeur de logique à Pise en 1600, puis de philosophie aristotélique en 1605, il devint péripatéticien obstiné, ce qui le fit nommer en 1609 professeur à Padoue: il vint à Bologne en 1631 et fut appelé à la chaire de médecine de Pise en 1645.

10) Voir les ouvrages:
Sc. Claramontius: Antitycho, in qua contra Tychonem Brahe et nonnullos alios, rationibus eorum ex opticis et geometricis principiis solutis, demonstratur Cometas esse sublunares, non coelestes. Venetiis 1621. in-4^o.
Apologia pro Antitychone suo adversus Hyperaspisten Joanni Kepleri. Venetiis. 1626. in-4^o.
Difesa di S. Chiaramonti da Cesena al suo Antiticone, e libro delle tre nuove stelle d'alle oppositione dell' autore de due massimi sistemi Tolemaico e Copernicano; nella quale si sostiene, che la nuova stella del 72 non su celeste, si defende Aristotile, ne suoi principali dogmi del cielo e se refuitano i principia della nuova filosofia, e l'adotto in difesa e prova del sistema Copernicana. Firenze 1633.
De Terra vnico centro motvs singularum Coeli particularum Disputationes Fortvnii Liceti Genvensis ex Le Com. In Bononiensi Archigymnasio Philos. Eminentis Eminentissimo Principi Antonio Cardinali Barberino. S.R.E. Camerario dicatae. Vtini. Ex Typographia Nicolai Schiratti. mdc.xi. Svperioribvs annventibvs. in-4^o.