Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend7110. S. Chieze. (L.B.)Vostre lettre du 16 et 28 Febvrier arrivée le 19 du courant m'apprend la ridicule proposition de Don Manuel de Lira laquelle j'ay trouvé imprimée dans le paquet de l'Estat, et je ne suis pas moins indigné que vous de l'impudente maniere de ces gens icy à debiter leur fausse marchandise, et faire passer pour une satisfaction reelle ce qui est en soy un traitement reellement injurieux. Les 100 m. livres qu'il dit que le Roy a assigné à S.A. sur chasque retour de gallions, ne sont autre chose que les 30 m. patagons, à quoy par decret du 16 Feb. 1677, contre lequel je crie despuis deux ans, il pleut à S.M., ou plustost à M.r Don Juan, de reduire les 70 m. qui par autre decret de 1672 m'avoyent esté assignez à chasque venue de flote. Encor cella pourroit-il estre tolerable dans la calamité du tems, si ces sorte[s] d'assignations estoient courantes, mais il est constant qu'il n'en faut jamais rien esperer - à moins qu'on ne vous donne quelque bonne caution executable pardela - car outre l'experience du passé, la misere presente est si grande icy, que je puis vous dire avec verité, et par d'infinis exemples, qu'un payement de 500, voire de cent pistolles, embarrasse plus le president de Hazienda que ne faisoit jadis un deboursement de 100 m. escus. Le credit du Roy en vers les gens d'affaires ne sauroit estre retably par tout l'argent que les galions porteront cette année pour S.M.; encor y at-il bien de gens qui craignent non sans fondement une saisie generalle de toute la flote. Jugez, Monsieur, ce que les creanciers du dehors ont à esperer. Il est deu à l'Empereur pres de deux millions de subsides, deux fois autant aux Alliez, dont on a jusques icy amusé les ministres par des assignations en papier sur la prochaine flote, pour les tenir en haleine pendant la guerre. Maintenant que la paix est faite, cette hypotheque est autant plus onereuse que cette Couronne se croit hors d'obligation envers tous, et pense n'avoir que trop satisfait à tout par les places qu'elle vient de perdre. - Si S.A. peut demeurer nantie de celle de Maestricht, et que l'apparat de l'offre de Don Manuel de Lira, qui fait son mestier, ne fascine pas les oreilles de pardela, ces gens icy penseront serieusement à donner quelque satisfaction effective à S.A., ainsy qu'elle aura peu voir par mes deux dernieres, que je priay M.r de Zellem de vous remettre. Mais si le malheur du tems oblige à déguerpir, et nous remet sur nouveaux frais, à la discretion et à la bonne foy des Espaignolz, tenez vous pour dit que vous ne sortirez jamais de leurs mains, et que mon sejour en cette cour ne sera que de l'argent perdu. Le seul expedient qu'il y auroit à mon avis dans cette extremité, ce seroit d'obliger cette Couronne de remettre à S.A. par maniere d'engagement, sous la garantie de l'Estat, ou tout autre meilleure caution, les licentes d'Anvers qui valent - à ce que me dit ces jours passez un de mes amis du Conseil de | |
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Flandres, qui a tousjours esté de cet avis - six mille escus par mois. Ce mesme ministre m'a dit avoir indiqué d'autres effects pardela pour le restant de la debte. Mais comme je viens de vous dire, Monsieur, tout cella depend de la disposition qu'il y aura chez vous touchant Maestrit, dont toutes les lettres de Bruxelles du dernier courrier anoncent la prochaine restitution, moyenant 50 m. escus, qu'on est apres à boureiller(?). Car par les sentimens que je vas discouvrant ici, si pardela l'on demeuroit ferme sur ce point, je me fairois plus fort dans la suitte d'emporter cette place que non pas d'arracher un denier de l'argent des gallions. Par les derniers avis des Indes on espere qu'ils seront de retour pour tout le mois de May. Je seray regulier à l'avenir à vous adresser successivement mes depeches, Monsieur, comme je l'ay esté jusqu'icy, envers S.A., et si l'on prend la peine de joindre les lettres que j'ay escrit depuis huit ans et demi, vous y trouverez sans interruption la suitte de l'histoire, ou pour mieux dire, de la fable de ma negociation, puisque ce n'est icy qu'une illusion eternelle et amusement sans fin, auxquelz vous connoistrez pourtant, par cette lecture, que je ne me suis pas laissé tromper longtems. Je n'ay point receu la lettre que vous dites que S.A. m'escrit; peut estre aurat-elle trouvé à propos de la faire suspendre jusques apres avoir receu ma response sur celle du 16 Janvier. Je n'ay pas vu M.r Don Juan du depuis; je n'ay pas deu le voir aussi. Ce prince n'a pas de moindres embarras au dedans qu'au dehors. Points de meditation pour la premiere veüe, au coin de vostre feu. Apres avoir deploré dans le tems l'abandonnement, pour ne dire les ruines, d'Orange, je n'ay pas douté que le comte d'AuvergneGa naar voetnoot1) n'y eut de bons exacteurs, mais je me suis consolé de ce dernier dans la pensée, que S.A. n'en avoit pas de moins diligens dans le marquisat de Bergopson. - J'avoue que je ne saurois revenir de la douleur de voir que malgré mes avis et ceux des intendans de Bourgoigne, a quella paz tan atropellada, n'a pas donné lieu d'inserer dans les traittez de Nimegue une clause touchant le sinte(?) d'Auxerre et autres restitutions à faire à S.A. dont les Francois ne voudront pas se donner pour entendus. Mais leur domination me fait bien revenir du sentiment ou j'estois jadis, opposé comme vous, Monsieur, à la vente des biens de Bourgoigne, sans quoy S.A. n'en tirera jamais que du chagrin et un tres modique revenu, avec perte de ses droitz, quelques habiles que soyent les personnes qui s'offrirent pour une ferme generalle. J'avoue pourtant que pour ce dernier les Francois sont plus propres que les Bourguignons, à cause qu'ils sont plus pecunieux et plus entreprenans. Les anciennes prerogatives de la Maison de Chalons ont de tout tems exigé ce nombre d'officiers dont vous vous plaignez, de meme que la situation et vastitude de ces domaines demanderont incessamment de courvées et de reparations, ainsi que ce vous soit, Monsieur, une muraille de bronze, que S.A. ne peut s'establir un revenu fixe qu'en les vendant. Voila mon heresie qui va bien encor plus haut, sed reprimam me. Je me consolerois tres facilement du surceoy on supression de gages et pensions en Orange et Bourgoigne, si cet ordre de S.A. n'induisoit - comme | |
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il fait - son tresorier à me nier les alimens. Ce qui m'oblige, Monsieur, de recourrir à vous pour le remede, y ayant plus d'un an que j'en suis privé sans apparence de pouvoir tirer des Espaignolz aes laquei pretium. Je me recommande donc à votre charitable intercession ..... Madrit, le 23e Mars 1679. Apres cette lettre escrite j'ay receu visite de M.r Maniol conseiller de Flandres, qui m'a dit que leur Conseil s'estoit assemblé extraordinairement ce matin, sur une nouvelle qu'ils avoyent receu de ceux du Pays bas, qui dit que Maestricht se devoit restituer dans huit jours, moyenant 50 m. escus, dont on les obligeoit d'estre caution sans specifier envers qui. Tirez moy s'il vous plait de peine à votre tour, Mons.r, car j'avoue que cet avis m'etourdit. |
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