Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6366. Prinses Amalia van Oranje. (H.A.)Je veoy avec satisfaction par vos lettres du 5é de ce mois, comment vous travailléz a la poursuitte du temperament proposé, et suis en esperance de quelque bon succes, bien aise que M.r l'ambassadeur d'Angleterre n'y trouve point d'accroche du costé de ceux qui ont a luy commander, et que M.r Boreel en | |
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gouste aussi la conduite. Cependant, vous seréz bien surpris, je m'asseure, de veoir ce que nous contribuons ici de nostre costé, pour rendre cette affaire encore plus facile, et pour ayder le Roy a sortir de bonne grace de l'engagement ou il y a toute apparence qu'il s'est jetté, et a nous rendre une fois ce qu'il nous detient contre toute justice et raison. Vous scauréz done que M.r Destrades, en ayant reçeu des ordres du Roy par une lettre particuliere, m'est venu faire au nom de Sa Maj.té tous les offices convenables en faveur de Beauregard, tant pour son restablissement dans ses charges, que pour l'alloüance de ses legitimes pretensions, suivant l'extraict d'une lettre dudit BeauregardGa naar voetnoot1) envoiée par M.r le Tellier a mondit Sieur Destrades, qu'il a dicté au S.r Rivet, comme vous le pourrez voir ci joinct, avec la copie d'un long escrit apologetique dudit Beauregard sur les accusations qu'on a avancées contre luy, que mondit S.r Destrades m'a aussi faict communiquer, pour y faire respondre comme je le jugerois convenir, estimant tres necessaire que je fisse voir le contraire de ce qu'il pose, et exaggerer le plus qu'il seroit possible les crimes dudit Beauregard pour en informer le Roy, afin que la grace que je luy pourrois faire en suite a la priere, comme il disoit du Roy, obligeast d'autant plus Sa Maj.té. J'ay donc faict mettre en marge de cet escrit les petites observations generales que vous y trouveréz, ne l'ayant pas creu digne d'y respondre formellement, et avec toutes les particularitéz, les preuves, et les circonstances, que nous aurions bien pu faire, et qui rempliroient un volume, mais plustost laisser le tout aux informations que vous pourriéz donner a Sa Maj.té et a Messieurs ses ministres, comme vous avéz faict de temps en temps, et a ce que nos gens a Orange peuvent produire et prouver par leurs verbaux, la ou il s'agit du faict, ce qui est le principal. Je vous prie donc de bien seconder ce que j'ay remarqué sur cet impertinent escrit, et d'exaggerer autant qu'il vous sera possible les crimes et l'impudence de son autheur, que vous connoisséz mieux que personne, afin que le Roy puisse voir que nous aurions tous les sujets du monde de le tenir indigne de nos graces, et de tous emplois, le considerant, comme en effect il est, pour le principal autheur de tous les malheurs de la principauté, non toutesfois avec intention de l'exclurre de nos graces, a la consideration seule de Sa Maj.té pour l'obliger davantage. J'ay donc meurement pensé a cette intercession, et a toutes les raisons, les inductions, et les asseurances que mondit Sieur Destrades m'a alleguées pour me porter a condescendre a la recommandation du Roy, et en ayant aussi deliberé, que ce pourroit bien estre une autre bonne planche pour sortir de nostre malheureuse affaire, et pour rentrer dans la possession de nostre bien, et que le Roy mesme seroit bien aise d'estre delivré de nos importunitéz et sollicitations, pourveu que cela se fist de bonne grace, en le tirant de l'engagement qu'il a avec la Reyne Mere d'Angleterre, le prince de ContiGa naar voetnoot2), et d'autres pour la protection de Beauregard, ce que l'on a asséz pu tirer des discours mesme de mondit S.r Destrades. Que par consequent tant que nous tarderions a relascher en faveur dudit Beauregard, nous reculerions | |
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tousjours, et que cependant les pertes, les dommages, et les prejudices pour le Prince croistroient tousjours a mesure que nous perdrions du temps. Que l'amnestie ayant esté ci devant generalement arrestée sans l'intervention du Roy, et mesmes signifiée audit Beauregard, bien qu'il s'en soit encore rendu indigne depuis, on la pourroit estendre jusques a present en la consideration de Sa Maj.té au regard dudit Beauregard, ce qui obligeroit particulierement un grand Prince, la faveur et protection duquel est fort importante a mon petit-filz. Qu'il ne seroit donc pas mauvais d'embrasser cette occasion, et de faire voir au Roy, combien nous deferons a son desir, mesme au prejudice de nostre honneur, de nos interests, et de nostre conscience mesme en ce qui touche Beauregard, l'homme du monde en soy le plus indigne de nos graces, et de nos bienfaicts. Je me suis donc enfin laissée aller a cette dure resolution, et ay escrit au Roy la lettre dont vous trouveréz ici la copieGa naar voetnoot1), que mondit Sieur Destrades mesme a bien voulu prendre la peine de coucher. J'avoüe que je n'ay jamais rien faict si fort a contrecoeur, ni avec tant de repugnance. Mais je m'y trouve forcée par la consideration des advantages que nous en pouvons tirer, en obligeant si franchement un Roy, duquel depend le restablissement de nos affaires, et qui dans d'autres rencontres, j'espere, nous pourra faire voir des effects de sa bienveuïllance et protection royale, considerant comme nous avons sacrifié et abandonné nos propres interests a sa seule consideration. Vous scavéz combien de temps, d'expediens, de moiens, et de frais excessifs nous avons emploiéz inutilement pour sortir de cette affaire sans aucune apparence de bon succes. Il faut tascher quelque extraordinaire, et qui sans doute estonnera plusieurs, et tascher de tirer quelque grand bien de ce que nous faisons mesmes a contrecoeur. Je m'asseure que quand vous auréz bien consideré le tout, et une infinité d'autres bonnes raisons qui se pourroient ajouster ici, sur lesquelles vous feréz bien reflection selon vostre connoissance et vostre prudence, vous tomberéz de nostre advis, et attendréz avec nous le succés de cette affaire, et que le Roy, voiant que nous luy accordons des choses injustes en soy pour luy complaire, nous fera voir aussi les effects de sa generosité et justice, en des choses tres justes et raisonnables. Je vous prie donc de bien seconder nos bonnes intentions, et de faire hautement sonner a la cour et ailleurs, ou vous le jugeréz a propos, que nous ne considerons en tout ceci que le Roy seul, et son intercession, sans laquelle nous n'aurions jamais voulu oublier les maux que ledit Beauregard nous a causéz. Ce que M.r Destrades a aussi promis d'escrire de bonne encre a Sa Ma.té. Vous pourréz aussi en donner avis a vos amis d'Orange, et les asseurer que tout ce que je fais est pour le restablissement de leur repos, et que je ne les abandonneray jamais, quelque grace que je fasse aux criminels. Faictes moy sçavoir de temps en temps ce qui se passera sur cette affaire, comme je ne manqueray pas de vous donner part de la response du Roy dés que je l'auray reçeüe. Cependant, si vous venéz a avoir audience de S.M.té, pour luy faire ouverture de nostre autre affaire, comme M.r de Lionne vous l'a conseillé, je ne trouveray pas mauvais que vous fassiez en passant un compliment de ma part sur le sujet de l'accouchement de la Reyne, si vous le jugéz a propos et de saison. J'ay faict voir a M.r Destrades les extraicts des lettres d'Orange que | |
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vous avéz envoiéz a M.r de Lionne, et la copie du memoire que vous y avéz joinct. Il trouve cette procedure de la RedonnetGa naar voetnoot1) fort estrange, et ne doute point que le Roy n'en fasse justice, comme de toutes autres insolences contre ses ordres expres ..... Quant a Sylvius je ne sçay quelle raison il a de se plaindreGa naar voetnoot2). On n'a jamais empesché, ni on n'empesche pas encore son frere de faire les fonctions de ses charges et on ne luy en oste point les droicts. Et pleust a Dieu qu'il s'en fust acquitté comme il devoit. Il sçait bien en sa conscience quel sujet il m'a donné d'user de confiance envers luy, comme si nous ne le connoissions pas depuis longtemps. Au reste je n'ay pas peur de ses menaces, non plus que des leçons qu'il me pourroit procurer d'Angleterre ....... A la Haye, ce 11e Decemb. 1664. |
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