Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6362. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot1). (H.A.)Je venoy de faire mettre au net un discours où j'ay compris tout ce que presentement il y a de raisons à considerer en nostre grand' affaire, comme bien à propos m'est venue celle que V.A. m'a faict l'honneur de m'escrire du 20e de ce moisGa naar voetnoot2), par laquelle voyant qu'elle n'improuve pas l'expedient dont j'ay parfois faict mention en mes projets, et auquel les discours de M. de Lionne ont donné quelque nouvel acheminement, je me suis promptement adressé à M. l'ambassadeur d'Angleterre selon l'ordre de V.A., et apres luy avoir communiqué ce qui est de ses sentimens, nous nous sommes amplement entretenus sur toute la matiere, et de peur qu'il ne reculast comme pour consulter l'oracle de Mons.r le chancelier ou chose semblable, où on ne feroit que perdre le temps, je luy ay faict veoir par mondit discours le peu d'apparence qu'il y auroit de reuscir, si nous continuions la demarche qui jusques ores nous a esté si inutile, et comme il est absolument necessaire de changer de route et nous gouverner en biaisant selon le vent qui souffle. Ce qu'il aGa naar voetnoot3) si bien consideré et prins en si bonne part, sans me mouvoir aucune difficulté du costé de son Maistre, | |
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qu'enfin nous avons conclu et arresté que je sonderois M. de Lionne sur ce dernier expedient, pour par apres resoudre ensemble ce qui pourroit rester à faire. Dès le lendemain donc de bon matin qui fut hier, j'ay esté trouver ce ministre et pour le peu de temps qu'il peut me donner dans l'embaras de tant d'autre monde qui devoit luy parler, luy ay dit en substance qu'il devoit me considerer en ce long exil comme un prisonnier enfermé que les ennuis de sa longue misere font resver jour et nuit aux moyens de s'en retirer, qu'en suitte ayant pensé à par moy à ce qu'il m'avoit dit dernierement que nous pourrions nous accommoder non pas aux ordres, mais à la priere ou requeste du Roy, auquel je voyois bien qu'il falloit coucher une planche pour sortir un peu de bonne grace d'un mauvais engagement, sans d'autre costé faire tort ou prejudice au Prince mineur, ce qui n'est pas dans le pouvoir de la Tutele, je venois luy proposer un expedient que j'esperois qu'il ne trouveroit pas mal sortable de part et d'autre, à sçavoir que le Roy se disposast à nous faire la restitution toute absolue et sans aucune condition, et cela estant faict, comme de nostre mouvement et sans contrainte - que les Tuteurs ne peuvent jamais recevoir - nous declarassions, que pour complaire ceste fois à S.M. si nous venious à commettre un gouverneur, de quoy peut estre nous aurions peu besoin, le premier seroit catholique romain, par où le Roy obtenant ce qu'il a tant voulu, et en quoy cependant nous ne pouvons concevoir qu'il ayt aucun interest, je jugerois que nous aurions aussi mis à couvert le droit du Prince, pour lequel il ne faudroit point trouver estrange que nous aurions tousjours soin de protester pour nostre descharge. Il me respondit qu'il voyoit que j'avois envie de faire selon le proverbe italien, de sauver ensemble le choux et la chevre, que c'estoit bien faict à moy, que j'avoy raison de m'ennuyer d'une si longue poursuitte et au reste que je me donnasse un peu de patience, jusques à ce que M. le Tellier, incommodé d'une sciatique, revinst à la cour; qu'il avoit envie d'un peu conduire cest affaire là avec luy. Icy par ce malheur ordinaire en ceste maison là nous fumes interrompus, et je fus obligé de faire place à mylord de FitshardingGa naar voetnoot1), envoyé du Roy d'Angleterre qui devoit estre suivi de l'ambassadeur de Mantouë, etc. Ainsi V.A. void comme me portant avidement à une fente où il semble que le jour paroissant me faict concevoir quelqu'esperance pour ma sortie de ceste prison, je n'ay encor rien avancé que comme de mon chef, sans que V.A. soit engagée, que lors, peut estre, que l'on m'en requera. Et d'ailleurs que j'ay tasché de restreindre nostre concession seulement au premier gouverneur en cas qu'on y en mette un, croyant qu'on viendra assez à temps à se relascher davantage s'il le faut. Et c'est ce que V.A. trouvera ainsi specifié dans la conclusion de mondit discours, dont une copie va cy joincteGa naar voetnoot2), ce que j'espere que V.A. n'aura pas desagreable, pouvant bien considerer comme n'ayant que cest affaire en teste je ne puis cesser de m'occuper l'esprit à recercher les moyens de m'en delivrer, tant pour l'honneur et les interests de mon Maistre que ceux de mon petit particulier. J'attendray ce que me produira la communication de ces deux ministres et ensuitte ce qu'il plaira à V.A. d'en juger | |
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pour me regler à l'advenant quand il sera question de demander là dessus audience au Roy duquel enfin il faudra que parteGa naar voetnoot1) le dernier arrest. Dieu scait combien il me tarde. Je ne doubte pas que V.A. ne songe à faire pousser nostre affaire en Angleterre et ne puis pourtant m'empescher de le luy rememorer; les voilà à la veille du Parlement. Il est vray que la conjuncture du temps est peu heureuse, et que les affaires de la guerre y occuperont bien le monde, mesme que les propositions d'argent y monteront assez haut sans que les nostres s'y joignent; mais je n'estime pourtant pas que le Roy voudra manquer à la parole qu'il m'a tant donnée, ni mesme M. le chancelier qui est punctuel et, à tant que j'ay pû observer, tousjours gayement porté au service de Vos Altesses. Que si done il plaist à V.A. d'en escrire un mot de sa main à l'un et à l'autre, comme tous deux luy ont escrit à mon depart, je m'asseure que ceste semonce portera beaucoup de coup, et moy mesme, si V.A. le juge à propos, oseray bien si avant me prevaloir de la familiarité, dont M. le chancelier m'honore, que de luy en dire quelque chose de mon costé, et mesmes aussi à M. Bennet, qu'il importe de tousjours reconnoistre et tenir en bonne humeur. Mon homme de pardelàGa naar voetnoot2) m'escrit continuellement comme il ne cesse de solliciter quelques officiers des finances, qui y peuvent le plus, et sont fort de ses amis, et ceux cy travaillent aussi sans relache aupres du grand thresorier. Mais il n'y a moyen de le disposer à aucune assignation que la chose, dit il, n'ayt passé au Parlement. Je vien de recevoir la depesche cy joincte de M. de Chambrun, laquelle V.A. prenant la peine de considerer, je croy qu'elle ne trouvera point de difficulté à consentir à ceste demande. Ce qui se peut faire en accordant par un petit acte que cest advocat puisse vacquer à la charge du garde de la Monnoye durant l'indisposition de cestuy ci. A Paris, ce 28e Nov. 1664. |
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