Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6320. Aan Prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot1). (H.A.)aant.Je n'ose pas nier que de temps à autre je me suis doubté de quelque quenë d'accroche dont on pourroit avoir dessein de traverser la belle esperance de ces deux ordonnances seau au privé, voyant, comme tout le monde m'en exaltoit le succes pour chose rare et de peu d'exemple; mais je doibs ce tesmoignage à la verité, que tout du long je n'y ay apperceu qu'un procedé sincere et du tout reel. En suitte les deux depesches en parchemin me furent monstrées signées par le Roy, en la forme qui va cy joincte par copie avec sa traduction. V.A. s'estonnera aussi bien que moy de ce qu'elles sont sans date, et sur la fin abregées par des etc. Mais enfin c'est le stile de ceste cour, et là dessus seulement dans l'office du signet on faict une nouvelle extension en deux plus grands parchemins, auxquels finalement le celebre seau privé doibt estre appliqué. Ce qui, peut estre, se pourra encor expedier aujourdhuy chez le mylord RobertGa naar voetnoot2), garde dudit seau, moyennant encor deux autres memoires qu'il a fallu .....Ga naar voetnoot3) dudit office pour estre presentez audit Seigneur, qui est officier punctuel, nommement où il y [a] de si grosses sommes, toutes les petites ayants [à] passer par le mesme circuit de formes et form[alitez], de sorte qu'il ne me va rester que de satisfaire [les] droicts de toutes ces depesches qui monteront à ..... quelque somme selon les reglemens qui en sont [en] usage audelà, desquels je croy que V.A. juge[ra] bien qu'il convient s'estendre un pen, s'agissa[nt] de la part d'un Prince et en matiere non ordin[aire]. Ce qui regarde la reconnoissance qu'on doibt à M.r le secretaire Bennet, qui est personnage de train illustre, me tient le plus en peine. Sa condition et le zele avec lequel il a tousjours agi requieren[t] autre chose que le commun des officier[s] du Roy, mais je pretens faire sentir aux gens que quand nous serons mis en estat de toucher en effect ce que jusques à present nous ne possedons qu'en parchemin, on traictera genereusement ceux qui auront obligé S.A. de leurs bons offices, et en attendant verray s'il y a moyen de s'acquitter envers ledit S.r secretaire d'une paire de gants de cinq ou six cens francs. En des rencontres comme celles là, j'auroy fort besoin des sages directions de V.A. et me trouve incommodé de n'en pouvoir estre instruit à temps. Il faut donc que j'agisse de mon chef selon les occurrences, et ce que je puis juger appartenir à l'honneur du Maistre que je sers. Pendant quoy je ne laisse pas souvent de songer avec regret qu'il nous faut tant faire de depence pour n'obtenir que ce qui est à nous en pleine proprieté, mais je doibs aussi me consoler par les exemples de beaucoup | |
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d'autres que je voy icy courrir apres le rembourssement de grosses sommes genereusement fournies au Roy en ses dernieres adversitez, et estre bien contents d'en laisser perdre beaucoup plus que les tiers et les moitiez entre les mains de ceux qui les servent dans ces miserables poursuittes. V.A. se souviendra de ce que j'ay eu l'honneur de luy mander en ma derniere d'un discours de M. le comte de S.t Albans. Je ne manquoy pas dès le lendemain de l'aller prier de me dire ce qu'il pouvoit avoir de bon sur le coeur, mais il me respondit que le soir d'auparavant estoit le premier qu'il s'estoit hazardé au serein depuis sa maladie - qui n'[a] esté que de la goutte - pour faire ouverture [de] son project au Roy, sans l'approbation du[quel] il me dit qu'en vain me romproit il la teste de sa pensée, quoyqu'à son advis, la plus utile du monde, mais qu'ayant demeuré à White[hall] jusques vers minuict, il n'avoit pu trouver occasion d'entretenir le Roy en particulier, à quoy il ne cesseroit de travailler, pour en apres m'expliquer son songe qu'il continuoit de juger le meilleur de tout ce qui se pouvoit projecter. Je ne sçay où il en est, et jusques ores j'attens la response de cest oracle en vain. Peut estre qu'aujourdhuy je trouveray encor moyen d'en sçavoir quelque chose, si je puis l'attrapper, car icy aussi bien qu'en France, les cours du Roy et des Reines s'amusent souvent à des divertissemens de petites rejouïssances à la campagne, tantost chez l'un, tantost chez l'autre, et les capellines emplumées des dames y sont fort de sa partie. Sans m'amuser cependant à la chimere dudit S.r comte, j'ay passé mon chemin, et me suis adressé il y a desjà quelques jours au Roy par le memoire cy joinct, dont M. Bennet s'estant voulu charger, il m'a rapporté que S.M. en a trouvé le contenu fort juste de parler et faire parler à M. de Comminges qui devoit venir en cour se descharger de son compliment sur la reconvalescence de S.M. En mesme temps ledit S.r Bennet auquel je tesmoignay que je seroy bien ayse d'estre porteur de la lettre qu' escriroit le Roy à mylord Holles m'a promis de procurer que cela s'expediast ainsi. C'est donc en ceste attente que je commence à me disposer au depart pour aller conclure en France, comme V.A. me l'ordonne, et comme j'espere qu'il luy plaira de me le prescrire en termes bien formels, une chose si delicate requérant bien sa deliberation toute serieuse, et ne pouvant dependre de mon seul petit jugement. Par la derniere lettre du S.r Guiran joincte icy par copie V.A. verra, comme il est m[al] venu à propos que ma derniere du 17e Juille[t] luy a esté rendu tard. Je suis en peine de la f ..... de cest arrest que M. de Lionne luy a dit [avoir] conceu, comme il avoit ereu le devoir faire, qui sont des raisons qu'on a accoustumé de donner à la fiere cour de France. Il faut maintenant attendre en patience ce qu'on nou[s] voudra donner. Je ne sçay à qui ni à quoy imputer que depui[s] pres d'un mois il ne me vient rien des S.rs de Lubieres et Sauzin. J'apprchende fort que ces mauvaises gens n'interrompent les pacquets. Pour suppléer à ce defaut, j'envoye à V.A. les advis qu'un advocat fort zelé me donne de temps à autre de ce qui se passe en ce malheureux trou d'Orange, ou enfin je prevoy que les bons subjects ne pourront plus durer, ne sachant en quels termes assez doux et peu estonnans on pourra leur mander que tout l'espoir de leur delivrance de l'oppresseur sera eschoué. Il sera necessaire qu'en ce cas là V.A. ayt la bonté de parler à eux, et encor ne sçay-je comment cela pourra operer en leurs esprits affligez et consternez au dernier point. Si ce que cedit advocat dit en une de ses lettres, | |
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de ce qu'on a esté ouvrir les archives du Prince, et que le commandeur de Gaut en a emporté des papiers, est veritable, ce sera chose terrible, et qui dorenavant pourra nous faire avoir encor plus de compassion du Prince que de ses subjects. Car les mal intentionnez à ce compte là ont moyen de nous nuire à toute outrance. Je n'ay personne à qui demander où se gardent ces archives. Je les aymeroy mieux aux Indes qu'en un chasteau qui gemit soubs la domination estrangere. Tout cecy me faict extremement souhaitter les informations de Sauzin, et j'advouë que ces outrages tous les jours croissans au prejudice de mon Maistre me touchent et m'affligent autant et plus, que s'il y alloit de mon interest. - L'advocat Taradel, qui a esté un des plus affrontez à Orange par Bedarrides m'a envoyé sa presente requesteGa naar voetnoot1), et M. le comte de Dona vers qui il s'est retiré a voulu prendre la peine de me la recommander, mais je ne voy pas que V.A. ayt à prendre de grandes resolutions là dessus. Il faudra qu'il se contente des satisfactions que la cour de France pretend donner aux excedez par les reprimendes faictes et à faire. La belle presence de S.A. en son portraict continue de faire icy beaucoup de bonnes operations; un seigneur de la chambre du lict du Roy n'a pas feint de luy dire devant ceste peinture, que la Maison d'Orange souffrant seule aujourdhuy pour son service et ses interests, cela ne pouvoit plus se supporter ainsi sans une grande tache à l'honneur de Sa Maj.té, et un autre, que V.A. connoit mieux que le premier, adjousta qu'il s'asseuroit, que si à la Maison Basse du Parlement on proposoit le rembourssement des deniers des Princes d'Orange elle y consentiroit volontiers, mesmes avec les interests, desquels il n'estoit pas raisonnable que ce brave jeune Prince demeurast accablé, etc. Il y a quelques jours que la Reine me surprit d'une infinité de complimens sur le subject de ce portraict, en s'estendant beaucoup sur les louanges de V.A. qu'elle dit avoir tousjours entendu fort renommer. Adjousta aussi qu'elle estoit apres à persuader le Roy de se faire peindre en mesme tableau avec elle, pour ainsi l'envoyer en Hollande, à quoy je la prioy fort de vouloir tenir la main. Je verray icy comment SylviusGa naar voetnoot2) qui proteste tousjours si haut de la fidelité de son frere l'advocat, entreprendGa naar voetnoot3) le laver des vilainies que V.A. trouvera dans ces lettres d'Orange, où à mon advis il jouë le personnage d'un traistre, si ces rapports sont veritables. Au moins il ne l'est que trop qu'il n'a bougé d'avec le commandeur de Gaut, jusques à le conduire hors de la principauté, qui est bien le debvoir d'un advocat general envers la personne employée dans l'oppression de son maistre. Mylord GerardGa naar voetnoot4) est un des Seigneurs que j'ay dit dessus avoir parlé avec tant d'affection et d'avantage pour les interests de S.A.A. ce matin je luy en ay faict compliment, et il m'a respondu qu'il espandra volontiers la derniere goutte de son sang pour le service de ce joli Prince qu'il a esté si ayse de veoir en peinture, et aux parents de qui il a de si eternelles obligations. Quand nous avons parlé des seaux privez que j'ay obtenu pour nos capitaux, il m'a dit que si l'on propose la chose au Parlement, il veut perdre la main droitte | |
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si un seul de tous les membres du Parlement s'y oppose, les interests et tout compris, n'y ayant aucune raison imaginable pourquoy le Prince en porteroit la charge. Son fils, dit il, a huict ans, et quand il en aura un peu d'avantage il pretend l'envoyer servir à S.A., dont la personne en ce tableau luy semble la plus ravissante de toutes celles qu'il a jamais ven. Au reste que dans sa condition il a moyen de nous servir en deux qualitez distinctes, l'une comme membre du Parlement, où il a force alliez et amis, qui le seconderont volontiers, et l'autre comme seigneur de la chambre du lict, et que je puis asseurer V.A. que dans pas une de deux il ne nous manquera aux bonnes occasions. La Reine, en galoppant hier avec le Roy et toute la cour, comme elle se tourna soudainement pour veoir si le Roy la suivoit de près, et negligea l'appuy de sa posture, tomba de son cheval qui de bonne fortune s'arresta tout court. On la saigna hier au soir pour cela, mais tout à ce matin elle n'a faict que s'en railler, disant que la saignée avoit esté resolue, pour s'estre trouvée un peu fiebvreuse trois ou quatre nuicts de suitte. Aussi remonta-elle promptement sur le mesme cheval, et dit que maintenant elle a plus d'envie de cest exercice que jamais, bien qu'elle m'ayt avoué de s'estre un peu incommodée à la teste et à l'espaule droitte. A Londres, ce 8 Aoust / 29 Juill. 1664. |
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