Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6024. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot1).Comme je vis que le Roy, en acceptant ces deux lettresGa naar voetnoot2) - je n'avoy faict que luy montrer les deux premieres dans ma main - ne me respondit que bonnement de la teste et des yeux, comme en attendant, et jugeant bien que j'avoy dessein de parler d'autres choses, je passay outre, et luy dis que V.A. avoit tant de respect pour S.M. que je voyoy bien que c'estoit là ce qui l'avoit empeschée de faire mention d'aucune affaire en pas une de ces lettres; mais que cependant elle n'avoit pas laissé de me tesmoigner, qu'elle seroit bien aise s'il estoit possible, qu'à ceste occasion j'eusse l'honneur de rememorer un peu à S.M. l'estat de nos affaires d'Orange, qui estoit tel, qu'à mesure du temps que Monseigneur le Prince demeuroit exclus de sa maison, le desordre et les confusions s'y augmentoient miserablement; qu'il en souffroit en sa justice et en ses domaines. Pour la justice, qu'il estoit arrivé qu'un marchand y ayant faict battre quelque monoye, dont le tiltre et la valeur intrinsique avoit esté cavillée, soit avec raison ou à tort, nous figure de proces; toute la somme, montant à cinq ou six mille livres, avoit esté saisie et confisquée par le commandeur de Gaut, et ensuitte ces baisses (?) de monoye fracassées et ouvertes par violence, et les engins et outils emportez hors de la principauté, ou encor à present on menaçoit de les faire biffer et mettre en pieces, si bien que, la Monoye du Prince estant demeurée close et hors de fabrique depuis tout ce temps là, les fermiers du revenu estoyent à la veille d'en venir pretendre un rabait excessif de leur ferme. Icy le Roy m'interrompit, disant que ceste chose là n'estoit pas nouvelle, mais qu'il avoit appris, il y avoit desjà quelque temps, que c'estoit que nos gens s'estoyent meslez de contrefaire ses pieces de cinq sols. Je repliquoy que la chose venant à estre examinée, S.M. s'en trouveroit mieux informée et à son contentement. Mais qu'en tout cas, quand il se trouveroit à dire sur la valeur ou la non valeur de nostre monoye, que c'estoit au Parlement d'Orange que la connoissance en appartenoit, et qu'il ne falloit point doubter que ce Parlement ne s'y portast avec toute rigueur et exactitude, n'y ayant personne plus interessée que S.A. leur Maistre dans la reputation de sa monoye; qu'il estoit permis à tous autres Princes de defendre des monoyes estrangeres .....Ga naar voetnoot3), mais qu'on ne pouvoit pas comprendre par quelle raison S.A. pouvoit estre empeschée de prendre connoissance du faict de ses propres subjects, et en suitte violemment troublée au plus incontestible de ses droicts. Touchant son domaine qu'outre ce que j'avoy à diverses fois remonstré à | |
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M. le Tellier de ce que nous y souffrions de par le commandeur de Gaut, nous avions à faire à Orange à un certain Beauregard, thresorier de S.A., homme tres fourbe et de mauvaise foy, qui avoit pretendu et encore estoit apres à faire passer en ses comptes par autorité du commandeur divers postes, desquels il avoit bien veu ne pouvoir venir à bout en raison ni en justice, montans lesdits postes à plus de quarante mille livres, qu'il s'estoit proposé de justifier par certaine lettre de feu la Princesse Royale, laquelle lettre non seulement on avoit trouvée remplie par luy mesme sur un blanc seing de ladite Princesse, tant pour le regard de cest argent, que pour d'autres benefices qu'il avoit lourdement inserez, mais mesme absolument destruite par une lettre effective et veritable de S.A.R., escritte environ deux mois apres, par laquelle il se trouvoit qu'elle suspendoit toutes pretensions, et en particulier celles dudit Beauregard, jusques à ce qu'elle auroit eu loisir d'en examiner tout le detail, son secretaire encor en vie presentement attestant hautement, que luy, ni le comte de S.t Albans n'avoient aucune cognoissance de ceste premiere lettre supposée, de sorte que c'estoit sans raison et hors de tout propos que ce mauvais subject s'avançoit à reclamer une protection estrangere, en presupposant que S.M. entendoit de faire executer tout ce qui avoit esté ordonné par Mad. la Princesse Royale. Icy le Roy me dit, qu'il estoit pourtant ainsi que la Princesse Royale s'estoit servi de cest homme là. Je repartis de ne le sçavoir que trop bien, mais que certainement ceste Princesse ne l'avoit pas si bien connu que nous, qui l'avions conservé il y avoit longues années, et qu'à la fin ilGa naar voetnoot1) estoit descrié et reconnu tant chez nous qu'en France mesme pour un fourbe tres-accompli, et qu'au reste j'avoy souvent tesmoigné à M. le Tellier, que je ne pouvoy assez m'estonner pourquoy on souffroit que S.M. fust importunée de ces choses, veu que par une ambassade formelle de S.A.E. de Brandenbourg dont M. le prince Maurice de Nassau estoit le chef, il avoit esté contracté entre le Roy de la Grande Bretaigne et le reste de la Tutele un accord mutuel, par un article très-expres auquel il estoit dit en substance, que toutes les choses ordonnées par la Princesse Royale, et qu'elle avoit droict d'ordonner, sortiroyent leur entier effect, de sorte qu'on ne pouvoit doubter que ledit Roy de la Grande Bretaigne, auteur de cest accord, frere de la Princesse defuncte et tuteur de son enfant, n'eust assez de soin de veoir executer les choses de ceste nature, sans que personne autre ne s'en mist en peine. Mais qu'au fond ce n'estoyent icy que des inventions de gens de mauvaise foy qui ne cessent de chercher des destours par où ils se puissent soubstraire du respect et de la loyale obeissance deue à leur maistre, pour faire leur main dans la confusion; enfin que ces desordres ne cesseroyent jamais, tant qu'Orange se verroit gouverné par plus d'une seule authorité. Par quoy je retournay à supplier tres humblement S.M. qu'elle voulust considerer toutes ces choses en sa grande bonté et justice, et de nous faire une fois jouer des effects de sa parole royale. Le Roy respondit avec un visage serein et debonnaire qu'il estoit tousjours prest de le faire, et qu'il ne cherchoit que d'obliger V.A., mais que je sçavoy bien à quoy il se tenoit, à sçavoir qu'il desiroit que nous eussions à mettre un gouverneur catho- | |
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lique dans la place; qu'il avoit fort souvent passé cest affaire par son esprit, sans pouvoir juger pourquoy on hesitoit là dessus. Je repliquoy qu'en effect je sçavoy bien que la chose demeuroit accrochée sur ce point là, mais que je croyois aussi que S.M. se souvenoit des bonnes raisons que j'avoy si souvent et si amplement deduittes contre ceste proposition, qu'au fonds comme V.A. n'avoit pas la moindre pensée d'introduire aucun changement à Orange en ce qui regardoit les deux religions qui tousjours ont esté maintenues en bonne concorde à Orange, il ne sembloit pas qu'il importast grandement de quelle religion seroit le gouverneur. Le Roy m'interrompant, et soubsriant, de mesme qu'il avoit envie d'ayder à nous donner un bon conseil - comme durant toute ceste audience il me monstroit un visage fort doux et amiable - me dit: Pourquoy ne voulez vous donc pas y mettre aussi bien un catholique qu'un autre? J'alloy, dis-je, en dire la raison à V.M. et elle est si pregnante, qu'en tout ce qui s'est passé M. le Prince n'a pas eu si grand interest qu'en ce seul point icy. C'est, Sire, que la Tutele, selon droict, n'est pas en pouvoir d'accepter une condition prejudiciable à l'autorité de son pupille. Là dessus le Roy se teust tout court. A Paris, le 2e Febvrier 1663. |
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