Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5964. Aan M. le Tellier. (H.A.)aant.Le subject du premier des trois articles au memoire dont j'ay esté obligé de vous importuner il y a quelque temps a faict tant de bruict en Hollande, et y a causé un si sensible deplaisir, que je ne puis m'empescher de vous donner à penser, ce qu'on y dira de la nouvelle que je vien de recevoir d'Orange, portant en substance, que non seulement le S.r de Beauregard, thresorier de S.A. Monseigneur a emporté ses comptes à trois journées hors de la principauté pour les exhiber à Mons.r de Bezons, intendant pour le Roy de la justice en Languedoc, mais que cestuyci mesme les ayant examinez auroit marqué ses sentimens sur les articles en controverse, dans une lettre escrite à M. le commandeur de Gaut, avec ordre ou instance de faire veoir le tout à ceux du Parlement et du Bureau, pour faire clorre lesdits comptes en conformité de sesdites remarques. Il est vray, Monsieur, que nos gens ayans entrepris de travailler à l'audition desdits comptes avec soin et attention, et mesmes ouy le Sieur de Beauregard tout du long contre les oppugnations et de l'advocat et procureur general de S.A., ont jugé en droict et conscience, comme desjà avoyent faict les gens tenans le Bureau des le mois de Janvier passé, que le comptable doibt rapporter des ordres plus authentiques de S.A. qu'il n'a sceu exhiber, et que cependant lesdits articles seront tenus en souffrance, mais pour cela l'estrange et impertinente forme d'agir en ce particulier ne lairra pas de choquer toute la Tutele au dernier point, en ce qu'un officier de S.A. auquel vous avez veu, Monsieur, | |
[pagina 499]
| |
que Madame la Princesse Douariere a faict donner toute sorte d'asseurance de sa bonne volonté, et de la justice mesme qui luy seroit rendue sur ces comptes, a osé les mettre entre les mains d'un officier estranger; et cestuyci en prenant connoissance sans connoissance, c'est à dire sans ouïr personne du costé de S.A. seule interessée n'auroit pas faict difficulté de la condamner en une somme de plus de 40000 livres, et de prescrire cest arrest à des officiers du Prince, dont les ordres et instructions expresses portent qu'ils ne doibvent se mesler en aucune maniere du faict de ses domaines. Je sçay, Monsieur, que ledit thresorier en prenant son recours ailleurs qu'à son Prince faict semblant d'avoir besoin d'autre protection, pour avoir servi Madame la Princesse Royale, mais d'un costé la susdite declaration de Mad.e Dame la Princesse Douariere destruict absolument ce faux pretexte, et faict bien veoir que par ces destours il ne tasche qu'à faire valoir par surprise aupres du Roy et de Messieurs ses ministres ce que sa conscience luy dicte assez ne se pouvoir obtenir en justice, comme il vient de paroistre maintenant, toute la difficulté desdits articles en controverse ne partant principalement que du soupçon d'une lettre remplie d'incongruitez visibles sur un blanq seing de sadite Alt.e Royale. De l'autre costé s'il est question d'honorer la memoire de ceste grande Princesse, et de n'abandonner pas ceux qui ont affectionné son service, il semble que sans en importuner S.M.té tres-chrestienne, il est bien raisonnable de s'en reposer sur les soins et les tendresses du Roy de la Grande Bretaigne, propre frere de la defuncte et tuteur du Prince son fils; raison que la derniere fois que j'eus l'honneur de vous veoir vous me tesmoignastes de si bien gouster, que vous me fites la faveur de me promettre de la rapporter en mes propres termes, comme j'ose m'asseurer que vous aurez la bonté de vous en souvenir. J'espere en suitte, Monsieur, qu'apres avoir faict souffrir tout ce que vous sçavez, et dont les enemis mesmes de la Maison d'Orange ne peuvent comprendre la raison, en se representans ce qu'elle a tousjours tasché de meriter à l'endroict de la France, on voudra une fois trouver juste et equitable de laisser S.A. et sa Tutele disposer de son bien, de sa maison, de ses officiers et de leur administration, sans plus prester l'oreille à des brouïllons qui ne se soucient pas de veoir oppresser les droicts et l'autorité de leur Prince naturel, pourven qu'ils puissent trouver leur compte dans la confusion. Je conclus de ceste sorte avec d'autant plus d'empressement, parce qu'on me mande que ledit thresorier se voyant frustré de ce qu'il s'estoit proposé par sesdites menées, auroit bien eu l'audace de menacer ceux qui n'ont pû trouver ni son procedé bien loyal, ni ses pretensions fondées, de ce qu'il les prendra tous à partie, appellera de leur arrest au Roy, et pour cest effect se rendra au premier jour en ceste cour, où encor que je n'apprehende pas qu'il soit ouy en une poursuitte si extravagante et si inique, je ne puis laisser, Monsieur, de vous faire veoir comme cela et tout ce que dessus se rapporte à la declaration cy joincte, qu'il y a peu de jours qu'il me fit insinuer et confirmer icy de bouche avec mille protestations plausibles par un sien ami resident en ceste ville. En quoy vous remarquerez, s'il vous plaist, la mesme bonne foy dont il a usé envers Madame la Princesse Douariere, apres avoir protesté de demeurer fort satisfaict de sa susdite declaration couchée si expressement en sa faveur. En me hastant d'achever ceste lettre, que la grande importance du subject | |
[pagina 500]
| |
m'a empesché d'abbreger, je ne feray plus rien, Monsieur, que de vous supplier tres-humblement de vouloir aussi vous souvenir favorablement des deux autres articles de mondit memoire, et de ne me refuser jamais la grace de me croire ..... A Paris, le 15e Nov. 1662. Apres avoir tant outré vostre patience je ne laisse pas de debvoir à la priere du S.r de Chambrun ministre à Orange la justification dont il s'est trouvé obligé de m'instruire par l'extraict des registres du Parlement cy joinctGa naar voetnoot1), de peur qu'on ne travaille à vous surprendre d'impressions sinistres et non conformes à la verité, comme asseurement si le thresorier s'oublie si avant que d'encore remuer de nouveau, ce sera par son ancien artifice, en faisant sonner la haine qu'il veult qu'on croye que ceux de la religion auroyent contre luy, là où en ceste derniere controverse il s'est veu condamné par des conseillers de l'autre, noz Princes mesmes n'ayans jamais souffert que sur ce point là il fust faict aucune distinction entre leurs subjets. |
|