Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5810. Vial de DaillonGa naar voetnoot3). (H.A.)La joye que l'Eglise d'Orange avoit conçeüe de mon arrivée a esté bientost suivie du regret de m'en voir sortir le lendemain pour prandre ma retraitte dans la maison de Mons.r de Montieres mon beaupere, ou je suis à present. Pour vous informer à fons du sujet de ceste conduite, je vous diray, Monsieur, qu'estant arrivé prez d'Orange le onziesme du courant, Mons.r de Chambrun le filsGa naar voetnoot4), qui me vint trouver au lieu ou j'estois, prit la peine de porter à Mons.r de Gaux l'ordre que j'avois obtenu à Paris dont je vous envoye une | |
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coppie. Apres l'avoir lu il dit qu'il me seroit permis a demeurer dans Orange sous certaines conditions, que je n'y prescherois point tout le tams de mon passeport, et que pour un jour ou deux je ne recevrois point de visites, et ne sortirois pas de ma maison. J'entre dans Orange sur sa parole. Mais une heure apres il donna la pene à Monsieur de BeaufainGa naar voetnoot1) de me venir dire qu'il trouvoit à propos que je me retirasse à Bagnols chez mon beaupere, tandis qu'il escriroit à Paris pour savoir de quelle maniere j'avois obtenu ce passeport. Il dit pour appuyer sa conduite que mon passeport estoit signé de Monsieur de Brienne, et qu'il avoit receu du Roy un ordre verbal de ne recevoir aucun ordre dans Orange qui ne fut signé de Mons.r le Tellier, qu'il estoit espié par des personnes qui luy rendoient des mauvais offices à la cour, que depuis peu Mons.r le Tellier luy avoit fait des reproches qu'il favorisoit les Huguenots, et qu'il n'avoit pas exactemant procedé en la demolition des bastions de la ville et des fausses murailles. Item que le parti du comte de Dona se resjouïroit trop, si j'estois dans Orange comme autresfois. Que pour toutes ces raisons il ne pouvoit pas recevoir mon passeport, mais qu'il escriroit pour moy à Monsieur le Tellier et qu'il obtiendroit plus sans doute que je n'avois obtenu moy mesme. Voilà, Monsieur, les raisons dont on a couvert le refus que l'on a fait de me souffrir dans Orange. A quoy il faut ajouster pour vous dire le segret que quand Mons.r de Chambrun le fils monta au chasteau pour faire voir mon passeport à Mons.r de Gaux, il y trouva le Sieur Silvius avocatGa naar voetnoot2) et le Sieur d'Alançon conseillerGa naar voetnoot3), qui l'avoyent devancé sur le bruit de mon arrivée, et que le landemain le Sieur Silvius le pereGa naar voetnoot4) s'addressant audit Sieur de Chambrun dans le grand tample à la presance de quelques personnes luy tint ce langage: Je vois bien que l'on se cache de moy et que l'on fait les affaires de Mons.r Vial sans ma participation, mais si l'on m'en eut parlé, les choses ne seroyent pas allées comme elles vont. Il ne pouvoit pas mieux descouvrir la vraye cause du changemant qui a paru dans la conduite de Mons.r de Gaus. Quoy qu'il en soit, il a falu sortir d'Orange le jour apres celuy de mon arrivée, et je suis venu à Bagnols avec toute ma famille, d'ou j'espere de partir bientost pour aller voir mon pere en Daufiné. Je suis tres marri, Monsieur, d'estre encore une seconde fois le sujet de la haine des mal intentionez et d'accroistre en ma personne le nombre des plaintes et des injustices, mais je n'en say point la cause et je ne souhaitte autre chose que de me tirer de la presse pour n'augmanter pas les malheurs qui sont desja asses grans. Je me suis donné l'honneur d'escrire à S.A.M. pour l'informer de toutes ces choses et pour savoir d'elle, comme elle desire que je me conduise. Je vous supplie, Monsieur, d'avoir la bonté de luy faire tenir ma lettre, et de me donner à mesme tams vos sages avis, afin que je ne face aucun faux pas dans une affaire si surprenante. Je laisse à vostre prudence et à vostre bonté le soin d'avertir Monsieur le comte | |
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de Brienne et Monsieur le marquis de RuvignyGa naar voetnoot1) de ce qui se passe, pour leur faire savoir le refus que l'on a fait de recevoir un ordre que le premier a obtenu et signé et que l'autre a sollicité. Car il est juste qu'ils en soyent informez, puisque Mons.r de Gaux en escrit expressemant à Mons.r le Tellier. Si Monsieur de Beringen le savoit aussi, il ne manqueroit sans doute pas a faire valoir un passeport auquel il a beaucoup contribué. Si j'eusse eu plus de loisir que je n'ay pas, je me serois donné l'honneur de leur en escrire. Mais j'espere que toutes choses reussiront beaucoup mieux par vostre sage conduite à laquelle je me confie absolumant. Je vous asseure, Monsieur, que je m'estimeray heureux, si je puis me mettre en repos pour faire ma charge avec liberté, et puisque cela ne se peut faire en Orange, je tascheray de me retirer ailleurs et de suivre la vocation que Dieu me presante dans la maison de S.A.M. Je ne demande si ce n'est que l'on m'ouvre la porte, et il semble bien cruel de me refuser ceste petite libertéGa naar voetnoot2). Le tams ne me permet pas d'informer Monsieur le comte de Dona de ce dernier accidant. Je vous seray infiniment obligé s'il le peut savoir par quelcun des vostres, et apprandre à mesme tams la continuation de mes tres humbles respects. Je vous demande pardon de la liberté que je prans, et souhaitte avec passion que le Seigneur vous amene bientost en ce pay, afin que vostre presance termine toutes nos miseres et nous rende nostre premiere tranquillité. C'est de la bonté de Dieu et de vostre ministere que tout le monde attend ceste grace, et moy particulierement qui ay l'honneur d'estre avec tout respect ..... A Bagnols, ce 14 May 1662. |
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