Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5363. Aan prinses Amalia van OranjeGa naar voetnoot2). (K.A.)Je rens graces à Dieu de tout mon coeur de la nouvelle qui nous vient que V.A. rentre tout de bon aux apparences d'une reconvalescence parfaicte, jusques à se disposer au dernier remede des malades relevez, qui est le changement de l'air. Il est vray que V.A. le va cercher plus loing que nous ne le souhaitterions pour les interests de la Maison, mais cest autre bon subject qui l'y convie si puissamment, nous ferme la bouche et faict terminer toutes nos pensées dans les voeux et les prieres à Dieu, qu'il vueille benir ce voyage de l'un et l'autre succes que V.A. s'en propose. Le Roy de la Grande BretaigneGa naar voetnoot3) qui est icy depuis quelques jours, m'en parle tout de mesme, avec des expressions fort vives de son affection pour V.A. et pour la prosperité de la Maison de Brandenbourg. C'est un Prince plein de generosité et de toute autre belle qualité requise en une personne de sa condition, et la douceur de sa conversation seulement oblige tout le monde à l'aimer. Il m'honore en particulier d'une bonté dont je me reconnois tres indigne, parle fort sagement sur le subject de nos brouïlleries passées, dit les avoir tousjours detestées et travaillé à les faire cesser; que c'a esté tres-mal faict à des personnes interessées de les susciter dans la Maison et sans subject, en avouänt pleinement ce que je luy ay representé, que le Prince demeurant orphelin du costé paternel, debvoit estre pourveu de tuteurs de celuy là mesme d'où provient tout le bien, et qu'il n'y avoit rien de si aisé que d'ajuster cela entre V.A. et la Princesse Royale, dont les interests sont debrouïllez de part et d'autre, chascune estant assignée pour son douaire, et ne restant plus que le soin du pupille. Il tesmoigne enfin d'avoir apprins de sa soeur aveq beaucoup de satisfaction que l'on s'est entendu, continuant tousjours de dire, que cela eust esté facile, sans faire deschirer la Maison par advocats et procureurs, qui a esté chose honteuse et n'a servi que de matiere de contentement à ceux qui se resjouïssent de la voir par terre. Quand je luy ay dit que nous avons besoin de son authorité, pour faire durer la bonne intelligence dont les fondemens sont posez, il m'a asseuré qu'il y tiendra tousjours la main en telle sorte qu'on remarquera que c'est tout de bon qu'il l'entend ainsi. C'est grand domage que V.A. n'a occasion de s'aboucher aveq ce Prince; elle en demeureroît extremement satisfaicte, et il le seroit autant de son costé. Je voy que son intention est bien de passer en Escosse, mais comme l'on sçait que ses adversaires le guettent vers tous les ports de la coste, il sera bien necessaire d'attendre que la saison plus avancée et la mer plus rude les en fasse desloger. Cependant il ne manque pas de gens qui aimeroient mieux de vivotter aveq luy dans les ayses, et dans la subsistence des pensions qu'ils luy mangent; mais | |
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j'espere qu'ils ne seront point escouttez. Icy il passe le temps en d'assez bonnes compagnies qui s'y trouvent, et la dance n'y manque pas, ce Prince s'en acquittant de meilleure grace que qui que ce soit, comme il a l'oreille toute bonne, entend et affectionne la musique de passion, de mesme que le feu Roy son pere. La PrincesseGa naar voetnoot1) se trouve reglement à la fontaine au bois, où il y a plus grande presse que jamais, nonobstant les incommoditez de tant de pluyes, qui nous rabattent beaucoup de la bonté des eaux. Je m'y lave la rate comme les autres, esperant d'en recueïllir quelqu' allegement, et puisque j'y suis engagé, me dispose à parachever comme il faut, pour apres faire ce à quoy je suis deputé aux terres de S.A. en Luxembourg, qui ne sont qu'à peu de journées d'icy, et ont besoing d'estre un peu examinées de près. En suitte de mes ordres je doibs passer de là à Moers, oû peut estre je pourray rendre quelque bon serviceGa naar voetnoot2). Tout ce que je regrette là dedans, c'est qu'à mon compte le commencement du voyage de V.A. doibt prevenir la fin du mien. Ce que je la supplie de n'attribuer point à la consideration de mes interestsGa naar voetnoot3), qu'en tant que je souhaitterois recevoir l'honneur de ses commandemens et benedictions sur moy et ma famille à son depart, et luy tesmoigner de bouche avec combien de zele et d'affection je poursuivray le succes de ses desseins en quelque part qu'elle aille; quand mesme elle pourroit avoir trouvé dans son coeur de m'exposer aveq mon fils, ensemble aveq le president DedelGa naar voetnoot4), en raillerie et passetemps à ceux que V.A. sçait s'y attendre de bon coeurGa naar voetnoot5). J'ose toutefois repeter icy, que je ne sçaurois apprehender ceste disgrace de la bonté de V.A. tant qu'il luy plaira de tourner la veuë, non pas sur mes services, qui ne meritent pas son souvenir, mais sur les asseurances qu'elle m'a tantGa naar voetnoot6) reïterées de sa bonne volonté aux occasions qui pourroyent survenir. Car, pour tout dire, cela concerne V.A., et de si près, que voyant ceste affaire tirée en longueur, j'ay souvent souhaitté n'avoír point donné à parler au monde en l'entamant; les meilleurs serviteurs de V.A. et mes amis jugeans, qu'elle ne debvoit point estre comprise dans le rang des affaires fascheuses que V.A. a eu raison d'esloigner de son lict d'infirmité. Je ne sçaurois empescher les gens de discourrir; suffit que ma conscience me tesmoigne que là oû il y est allé du service de V.A., je n'ay jamais rien trouvé de fascheux; et c'est veritablement la disposition que je pretens garder jusques au bout. V.A. me fasse la grace de s'en tenir tres asseurée, et que jamais je ne cesseray de prier Dieu pour la grandeur et prosperité de sa precieuse personne et de ceux qui ont l'honneur de luy appartenir. Spa, 3e Aoust 1654. |
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