Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5170. Aan H. JermynGa naar voetnoot3). (K.A.)La response que vous avez prins la peine de faire à ma depesche du premier de ce mois, m'a esté rendue par main tierce, ouverte, et leuë, si on a vouluGa naar voetnoot4). C'est un procedé qui desoblige ordinairement le monde, mais, au subject que nous traictons, il m'a tant esté faict de ces petites pieces, et nommement dans l'adresse de vos lettres, que je suis en habitude de les veoir arriver, et en possessionGa naar voetnoot5) d'en faire peu de compte. Ceux qui ne font rien dans leurs jardins que ce que Dieu et les hommes peuvent veoir, ne se mettent point en peine des fenestres de leurs voisins. Ainsi, Monsieur, ne me souciant point que le monde voye ce que j'escris, au contraire n'escrivant presque point qu'afin que le monde voye jusqu'au fonds de mon coeur, je me fasche encor moins de le veoir prendre cognoissance de ce que m'escrivent mes amis. Et peut estre aurez vous prevenu les soings de ces curieux, en communiquant, où vous l'aurez trouvé à propos, la copie de vostre lettre ensemble aveq la miene qu'on se vante icy d'avoir en main en la citant aveq grand bruict - sans la produire - | |
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à mon desavantage, et pour accumulation de nouveau crime, le tout en suitte du traictement que l'on me faict ces beaux derniers huict mois, sans discerner si je parle par ordre, ou de mon chef. Vous sçavez ce qu'il y a à dire, et me tenez, j'espere, assez discret pour considerer mieux que l'on ne veut faire en mon endroict, que c'est mylord Jermin qui m'escrit, mais que c'est la Reine de la Grande Bretaigne qui me faict l'honneur de m'informer de ses sentimens par son entremise. En somme, Monsieur, nous servons, et servons de truchemens, et apres avoir debité fidelement ce qu'on nous ordonne, n'avons plus que faire d'en respondre. A cest effect vous avez veu ma credence; la vostre n'a faict que passer par mes mains vers Madame la Princesse Douariere, qui est à Aix, et peut estre ne manquera pas de quoy justifier ses soustenues et celles de Monseig.r l'Electeur s'il y eschet. Mais il semble qu'enfin Dieu a exaucé les bons et nous a voulu consoler d'un succes d'accommodement provisionnel lequel, si nous sommes sages, pourra coupper broche à la pluspart de tant de fascheuses contestations. Je prens à bon augure que dans le temps mesme que vous dites que S.M. continuoit de faire paroistre ses bonnes et sainctes intentions pour la paix, ceste paix a esté procurée et conclue, madite dame la Princesse ayant esté contente de l'achepter à ses fraiz, en descendant du hault des avantages que le dernier arrest du Grand Conseil venoit de luy donner, et en esgalant la condition des tuteurs paternels aveq celle de S.A.R.le, au mesme niveau que dès le commencement de nos brouilleries j'ay jugé raisonnable, practicable et necessaire. Je n'ay que faire de m'en vanter, comme les fols qui ayment tant ce passage importun: Vous l'avoy-je pas bien dit? Mes escrits en feront foy. Vous les avez veus, et en les conferant aveq ce que l'on vient de conclurre, jugerez mieux que personne, si j'ay enseigné le mauvais chemin, et si en le choisissant d'abord, l'on se fust fourvoyé, veu que l'ayant negligé, au bout de ce meschant compte, nous trouvons nostre Prince pupille en perte evidente de plus de 80 m. livres irrecouvrables pour jamais, à ne parler point de la honte des aigreurs qui s'en sont suivies, et de cest autre plus grand interest que ceste Maison et ce Prince, desjà trop malheureux, vient de souffrir de nos divisions. Vous diriez, Monsieur, qu'apres une transaction si conforme à mes ouvertures, l'on debvroit commencer à vouloir un peu moins de mal à l'auteur et que, si j'ay esté assez malheureux pour n'estre pas compris au commencement, et de là me veoir insolemment sifflé par ceux qui pour le moins debvoyent un peu de civilité à mes honestes intentions, le succes de la fin me mettroit hors de reproche et d'execration. Mais certes, tout au rebours, il semble que c'est à cest heure mesme que l'on commence à m'en vouloir, comme qui en embrassant les propositions d'un homme de bien l'envoyeroit pendre pour ses peines. Voulez vous tout sçavoir? Ce pauvre traicté a failli de tomber à terre pour l'amour de moy qui vaulx le peu que vous sçavez et ne merite pas d'estre consideré en de si illustres articles, jusques à ce que Madame la Princesse Douariere, pressée du depart hasté de Madame l'Electrice sa fille et du desir de faire quelque fin d'affaires avant que de sortir d'icy, et de la justice de mon interest en ce qu'on taschoit à outrance d'inserer au contract à mon prejudice, s'est laissé emporter au destroit de tant de circonstances fascheuses et contradictoires à la bonté de son naturel, et apres m'avoir faict exhorter - malade que j'estois - à son exemple, de donner quelque chose à la concorde, pour laquelle j'avois desjà tant contribué, a accepté quelques passages ambiguz et hors de con- | |
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gruïté, desquels l'on s'est voulu tenir satisfaict à mes despens de part et d'autre, sans avoir le temps de m'ouïr parler, qui en tout cas ne sçaurois perdre mon droict par la stipulation de qui que ce soit. Encor, Monsieur - et voyci de quoy vous estonner - j'entens que S.A. estant partie, apres avoir cedé et le possible et l'impossible, l'on n'a pas faict difficulté de chicaner par je ne sçay quel desadvoeu de quelques paroles accordées solennellement premierement en ce qui touche le principal ingredient du traicté qui est la repartition des voix et puis dans ce miserable article dont la reflexion me touche, mais duquel, comme je viens de dire, tout le contenu ensemble ne deroge en rien à la verité de mon droict duquel je vous informeray icy, et vous en rendrois juge volontiers, si ce n'estoit chose indigne de vostre attention, parce qu'il n'y va que de mes interests. Enfin, Monsieur, voyci la recompense de ces travaux qui autrefois ne vous ont pas depleu, et que la Reine a voulu honorer de son approbation, en tant qu'au travers des foiblesses du raisonnement elle a veu paroistre les bonnes et sinceres intentions de l'auteur, qui ne se repent pas encor de ses debvoirs pacifiques, osant bien continuer de dire entre Dieu et sa conscience, que c'est le bien, l'honneur et le service de la Maison qu'il a tousjours eu devant les yeux, et qu'apres y avoir donné la meilleure partie de son aage, il est bien resolu d'y employer encor tout ce qui en reste, n'en desplaise à ceux qui tant s'estudient à donner de l'interpretation sinistre à tout ce qu'il dit et faict, et quelque jour ne seront pas trouvez avoir esté plus serviteurs de la Princesse Royale que luy, pour avoir tasché de la diviser avec ses proches, où mon unique visée a tousjours tendu à les consolider en amitié inviolable, pour de quoy justifier la bienseance et la necessité j'ay tant produict de raisons et de raisonnemens, que si ceux qui maintenant en faisant la paix, ne cessent de maudire le premier pacificateur, en eussent contribué le quart de leur costé, il y a longtemps que nous aurions anticipé ceste concorde, et lors ils m'eussent faict cognoistre qu'ils y avoient de l'inclination, au lien de ceste aversion continuelle dont ils se sont rendus visiblement coupables, en ne refusant pas seulement de tenir la main aux debvoirs que j'y rendois, mais en descriant mesmes et en traversant de tout leur pouvoir les propositions qu'aujourdhuy ils justifient de leur adveu. Apres tout cela, Monsieur, où diriez vous qu'il est possible que la malice soit allé cercher les moyens de tenir ceste Princesse en aigreur contre moy? Ay-je jamais traicté sa personne illustre de termes mal convenables à la profondeur du respect que je doibs à sa haulte naissance? Il y a quelques jours que l'on a commencé à dire qu'ouy. Vous en souvenez vous? Non, Monsieur, la calomnie ne le prouvera jamais, non plus que le jugement d'un homme sain ne le sçauroit concevoir. Je ne fay point difficulté de vous demander si j'ay servi ou desservi le feu Roy d'immortelle memoire. Ceux qui presentement font gloire de me persecuter le plus en sçavent quelque nouvelle aveq vous. D'autres diront ce que j'ay faict ou non faict pour le service de sa posterité royale; d'autres - et j'appelle icy une nuée de tesmoings - comme je me suis comporté en l'endroict de ses subjects de toute condition par un peu de credit que j'ay eu, tant que l'occasion en a duré, et, comme elle s'est trouvée expirée, par des charitez continuelles et journallieres envers ceux que la calamité publique a portez à m'en requerir. Dieu sçait que cela ne cesse point, quelque mal qu'on m'en recompense, mais le tout est fort peu seant en ma bouche, et je vous demande pardon de ce que | |
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la contraincte de l'indignation m'y emporte. Ce que j'en puis deduire, c'est qu'à mon advis il n'est pas imaginable pourquoy ceste affection si inveterée et à laquelle j'advouë que le merite et les civilitez de la nation m'ont beaucoup obligé, viendroit à me manquer purement et uniquement à l'endroict de ceste excellente Princesse, fille et soeur des Roiz et Princes que j'ay tousjours tant reverez, et mere du precieux heritier de ceste Maison à laquelle et moy et mes enfans avons de si forts attachemens. Seroit-ce l'honneur, le prouffit ou le plaisir qui me donneroit ces mauvaises pensées; car ce sont là les trois grands et principaux motifs des actions humaines. Je prie la malice d'inventer quelque couleur à ceste rhetorique. J'advouë, Monsieur, que j'en suis à bout de mon Latin, et à moins que de me destiner aux petites maisonsGa naar voetnoot1), ne voy pas qui me puisse taxer aveq apparence de ce qu'on se plaist à m'imposer. A Dieu ne plaise que j'en impute, ou que jamais j'en aye rien imputé à S.A.R.le. C'est trop peu de chose pour elle que de me sçavoir au monde. Si ceux qui l'en ont informée ainsi m'ont voulu representer tout More et tout Infidele, au lieu de Chrestien, qu'en puis-je mais? A luy la vengeance qui se l'est reservée. C'est tout le ressentiment que je suis resolu d'en tesmoigner mesmes, si c'est peu des obligations que je pense que m'ont quelques uns de ceux qui les recognoissent si mal aujourdhuy, je leur en rafraischiray la memoire par de nouveaux services si je puis, et peu à peu, Dieu m'aydant, les forceray à confesser que ny pour le tres-humble service que j'ay voué à la Pr. R.le, ny pour le bien que j'ay tesmoigné leur vouloir, je n'avoy pas merité le salaire qu'on me donne en saulce de vinaigre et de fiel. Voyci une trop longue histoire, Monsieur, mais de laquelle, au sortir de ma fiebvre, j'ay creu une fois me debvoir descharger envers vous, qui, pour toutes les mauvaises impressions qu'on tasche de vous donner de moy, n'avez jamais voulu dissimuler la profession de nostre anciene amitié. Je ne sçay si vous trouverez à propos d'envoyer encor ceste lettre pardeça comme l'autre. En tout cas j'en feray tirer bonne copie authentiqueGa naar voetnoot2), pour m'en servir ou defendre au besoin, puisque desormais le verité est subjecte à tant de bizearrie (?), qu'il fault quasi tousjours sçavoir ce qu'on a jamais escrit ou dit. Pour achever de vous accabler de mauvais papier, voyci un autre chargé d'aussi beaux vers latins qu'est ceste prose, mais contenant à peu pres les mesmes expressionsGa naar voetnoot3). Si vous avez quelqu'ami de lettres qui se plaise en ces enthousiasmes, il m'y trouvera en chemise, sans fard ni affectation, car ce sont des petits memoires que je consacre, au moyen du talent que Dieu m'en a donné, à ceste partie de la posterité qui par affection ou par autre lien a de l'interest en mon honneur. Icy je vous demande grace de toute la faulte universelle, et pour me haster de vous delivrer, me declare en un mot, qui part du bon du coeur ..... 22 Aug. (1651), HofwijckGa naar voetnoot4). P.D. Je vien de recevoir une copie de la response qu'il a pleu la Reine de faire à Madame la Princesse dans laquelle je remarque aveq beaucoup de | |
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satisfaction, comme la haulte prudence de S.M. maintient tousjours son esprit royal dans la belle assiette, qui est la vraye et sincere disposition à la concorde entre les Princesses belle-fille et mere. En effect, Monsieur, S.M. a tout dit en peu de paroles; au moyen de la concorde et amitié reciproque toutes difficultez deviendront aisées, et le rebours rendra difficile et ruineux au pupille tout ce qui ne l'est ny ne le doibt estre. J'espere qu'on voudra considerer ceste leçon de part et d'autre, et la practiquer aveq emulation. Au moins est ce bien mon dessein d'y cooperer de tout mon pouvoir. |
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