Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend4952. Aan P. CorneilleGa naar voetnoot1). (K.A.)aant.J'ay prié M. FloridorGa naar voetnoot2) de suppleer aux defaults de ma plume, et de vous tesmoigner de bouche à quel point j'estime ce precieux gage d'amitié que vous m'avez faict la faveur de m'envoyer par sa main, mirabile visu coelatumque novem Musis opusGa naar voetnoot3). A tel monarque tel orateur. Je dis serieusement, que pour oser m'expliquer envers un si grand et souverain auteur, j*ay creu avoir besoin d'un acteur royal. Et certes cestuy cy vous a si bien estudié, et a la langue si duitte à vos merveilleuses expressions, que pour peu qu'il oublie de la part de qui il parle, vous le verrez debiter des pensées dignes de vous et qui vous asseureront en termes quasi vostres, que je suis vostre tres-acquis et tres-constant admirateur. Apres cela en vain, Monsieur, me marquez vous de vos enfans d'eslite. Il n'y a rien dans ceste Medée incomparable qui ne surpasse les derniers efforts de qui que ce puisse estre; mais vous n'avez rien faict qui cede à la Medée. Son malheur est, quod inter paria legitur, nec possit eminere, et ce vous seroit quelque sorte de felicité, si vous osiez quelquefois faillir et donner de l'ombre à vostre gloire. C'en est mon sentiment, et vous auriez subject de le mespriser; mais la voix d'un grand peuple m'advouë, et je vous entretien du discours de toute la Hollande, totis huius concussi viribis orbis. Permettez moy la dessus de revenir à mon premier tesmoing. S'il nous faict justice, et à vous, Monsieur, et à soy mesme, il ne se lassera jamais de vous reciter, quel a esté l'applaudissement de nos theatres, quand il vous y a recité, ou, si ceste phrase m'est permise, quand il y a parlé CorneilleGa naar voetnoot4). Ce que j'en ay osé dire pour ma part en deux miserables epigrammesGa naar voetnoot5) ne m'en faict pretendre aucune dans les authoritez qui soustienent ceste versification de dedans nostre septentrion. Je pourroy vous citer des suffrages d'importance, Monsieur, et dans le respect desquels vous trouveriez quelque subject de satisfaction; mais encor un coup vueillez tout sçavoir de M. Floridor, et s'il daigne me nommer in hac nube testium, aymez sa bonté en tant qu'elle se rapporte à la vostre et paria tecum facit. Que si j'ay la presumption d'y adjouster un mot de mon chef, ce sera pour vous rendre graces et en mon nom et de par ce monde boreal, de ce qu'en vos dernieres editions vous avez voulu considerer nostre faiblesse et nous esclarcir par avance de quelques passages d'auteurs modernes ou anciens qui nous descouvrent en aucune sorte | |
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les arguments que vous traictezGa naar voetnoot1). Il y avoit longtemps que nous trouvions cela à dire à ce que la France produict aujourdhuy pour le theatre. Car en effect, Monsieur, les hommes ne sont pas tous sçavans ou devins, et fault de necessité qu'ils soyent l'un et l'autre pour tantost cognoistre vostre histoire et tantost vostre fable, cette ingenieuse fable dont vous controllez si heureusement jusqu'à la fatalité des evenemens, ces belles circonstances que vos mesmes auteurs vous envieroyent s'ils devenoyent vos lecteurs. Et, pour achever, combien pensez vous que, nonobstant le veritable charactere que je vous ay donné icy, vehemens et liquidusGa naar voetnoot2), comme parle le docteur de la poesie, combien dis-je pensez vous qu'il nous eschappe d'excellentes poinctes, combien laissons nous tomber de roses à terre, durant la belle nuit des intrigues de vos premiers actes, où il est presque impossible que nous comprenions rien qu'à reculons, et en recapitulant le passé aveq tant de peine, que ceste attention mesme nous trouble et interrompt le plaisir et les graces du present, et qu'en suitte nous ne goustons ni ne penetrons quasi rien qu'à bastons rompus. Voyci comme je raisonne: S'il est malseant d'illustrer une piece de theatre par le recit preallable de son subject, comme nos anciens maistres l'ont practiqué reglement, il ne faut donc pas que l'on me represente aucune histoire que je cognoisse, ou que je soye deux fois spectateur d'une mesme piece de Monsieur Corneille, ce que vous auriez grand' peine à me persuader! Enfin, j'ay deschargé ma bile, Monsieur, et tiré mon coup; mais sachez que c'est en Parthe, et que je ne suis pas homme à vous combattre qu'en fuyant. Adde supercilio nubemGa naar voetnoot3), et je me rends; da pro ratione voluntatemGa naar voetnoot4), et je demeure sans replique. Plustost que d'entrer en ceste lice si mal armé, praetulerim scriptor delirus inersque videriGa naar voetnoot5). J'ay honte de me veoir eschapper tant de Latin en une lettre! Mais l'estroitte amitié que vous me tesmoignez d'entretenir encor aveq nos Muses romaines, par un eschantillon que j'admire, me faict esperer que vous en excuserez les saillies en un estranger qui en France passeroit justement pour eluctantium verborumGa naar voetnoot6), et icy aymeroit mieux vous entretenir en toute autre langage qu'en cestuy ci, dont il n'a jamais veu le païs natal. Je vous le confesse à ma honte, Monsieur, et dans ceste confession me haste de finir ce meschant prosne. C'est trop gesner tant de charité, qu'asseurement vous mettez en oeuvre pour concevoir ce que je pretens vous dire, quand je vay au delà des asseurances, que seules je suis capable de vous donner en bonnes paroles françoises, non pas de la cour, mais du coeur, qu'aux occasions de vostre service en de mon pouvoir je seray trouvé sans reserve et avec toute sorte de passion ..... 31e May 1649.
P.S.
Comme il y a longtemps que vous m'avez veu tout nud, je n'ay plus honte de vous descouvrir le bout de mes ongles. Voyez, s'il vous plaist, comme en ce papier j'en ay employé quelqu'un à esgratigner nos infames parricides de delà la merGa naar voetnoot7). Je ne sçay si en de rencontres si hautement tragiques que, peut estre, vous n'en avez jamais traicté de plus horrible, difficile an facile est versus non scribereGa naar voetnoot8). Pour moy desultoria sunt haec momenta, ainsi que j'ay nommé le reste de mes folies. Et donne vous bien garde d'imaginer que j'entre jamais en mon cabinet pour faire des vers, cela ne sort que par boutades, dans l'embaras de la cour et de mes charges, inter strepitus nocturnos atque diurnos, rerum fluctibus in medijs et tempestatibus urbis verba lyrae motura sonum connectere conor et cogorGa naar voetnoot9). Et il y paroist. Ces passages anglois sont tirez du merveilleux livre de ce pauvre RoyGa naar voetnoot10); quoyque, peut estre, vous n'en entendiez pas le baragouin, j'ay creu les debvoir faire servir à fonder les articles de mon recit. |
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