Briefwisseling. Deel 3: 1640-1644
(1914)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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2470. Aan prinses Amalia van Oranje. (H.A.)*Vostre Alt.e aura veu par celle que j'eus l'honneur de luy escrire du camp à Pont, le 2e de ce moisGa naar voetnoot1), comme noz ouvrages commençoyent à y paroistre de telle sorte, qu'insensiblement cela eust peû ressembler aux rudimens d'un siege de Gelder, mais que la pluye commençoit à nous y incommoder. Ceste pluye vers le soir se redoubla tellement, et durant toute la nuict aveq le jour d'apres aveq encor une autre nuict et demi jour, fut accompagnée par 24 heures de suitte d'un si espouvantable orage, qu'il n'y avoit tente qui soustinst le bransle; et le lendemain matin desjà tout le plus hault païs fut si inondé, et le bas si rempli de grosses eaux, qu'enfin il ne se trouva presque plus ou mettre le pied, tout estant bouë et maraiz incroyable; les travaulx d'ailleurs se trouvants esboulez par de grands espaces, et les chemins si gastez, qu'on ne voyoit pas comme il seroit possible que les vivres, dont avions desjà assez grand besoin, pourroyent passer, il fut resolu par force, et en pliant soubs la main de Dieu, de desloger le lendemain, qui fut hier, lorsque la pluye continuant tousjours, on eut toutes les peines du monde à raccommoder les chemins aveq force fascines, pour y passer le canon et le bagage, qui, partants à l'aube du jour, n'arriverent que tard au quartier, quoyqu'il n'y eust qu'une demie heure de chemin. Les trouppes commencerent à marcher sur le midy, et filants par d'effroyables passages, qu'il n'avoit esté possible de bien accommoder, les dernieres n'arriverent qu'à dix heures du soir au quartier toutes sales et baignées depuis la teste aux pieds. Ce quartier avoit nom het Hertevelt, et fut couvert de la cavallerie logée à Nijkercken. L'arrieregarde de tout escheut par ordre au regiment de feu M. le comte Henry, qui ayant presté 200 mousquettaires à six compagnies de cavallerie pour faire la retraicte par un passage de rue tout plein d'eau, et quelques petits ponts, qui se debvoyent abattre, et puis lesdits mousquettaires estre prins en crouppe par les cavaliers, cela fut si mal et imprudemment executé par celuy qui commandoit à ceste cavallerie que, comme, au lieu de maintenir ce passage aveq les mousquettaires, il les eust tous prins en crouppe d'abord, l'enemi sorti tant de Strale que de Gelder, ne manqua pas de les charger au dos comme il pouvoit; ce que la cavallerie et ladite mousquetterie, hors de posture de combat, ne soustenant gueres bien, quelques honestes officiers y furent abandonnez, et aussitost enveloppez des enemiz, nommément les S.rs de HaucourtGa naar voetnoot2) et OostrumGa naar voetnoot3), capitaines de cavallerie, et le lieutenant de ce dernier, qu'on a tenuz pour morts toute la nuict passée et aujourdhuy, jusques à ce qu'un trompette revenu vient d'anoncer qu'ils ne sont que prisonniers dans Stralen et sans blessure. - A un autre passage, et où toutes les trouppes avoyent à filer, les ennemiz avoyent pointé deux pieces de canon dans le païs rompu, où il n'estoit possible d'aller à eux, mais on leur respondoit toute l'apresdisnée de deux pieces de nostre costé, sans que de part ni d'autre cela fist autre effect, que de la blessure de peu de soldats, et celle du major du nouveau regiment d'EerenreiterGa naar voetnoot4), qui eut le genouïl brisé d'un coup de | |
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mousquet. Car hors de ces broussailles les enemiz en tiroyent continuellement et ne laisserent pas d'y en recevoir de nostre costé. - Aujourdhuy nous avous encor marché le chemin d'une demie heure, jusques à ce lieu, d'où demain nous passerons vers Rhijnberck, pour adviser de là en hors ce qu'il conviendra entreprendre pour le plus grand service de l'Estat. Si la nouvelle de la prinse d'Arras, qui vient icy de quelques endroicts, demeure veritable, cela pourra donner matiere d'assez de nouvelles deliberations. - On veut dire qu'aujourdhuy l'armée de l'enemy auroit passé la Meuse; mais ils avouëront bien que ce n'est pas celle là qui nous a chassé, ains le Dieu des armées immediatement, contre qui il n'y a point d'effort. - S.A. et Monseigneur le Prince Guillaume, qui approcha hier des premieres volées de canon de sa vie, se portent esgalement bien, graces à Dieu. - J'ay receu aujourdhuy, ce qu'il y a eu pour moy au pacquet du S.r de Heenvliet, mais le reste estant allé à V.A. à Buren, où nous ne sçavons pas si ces lettres les doibvent encor cercher, S.A. souhaitte fort de veoir ce qu'il contient. Une partie vient de rapporter que l'enemi a faict deux ponts sur la Meuse, mais qu'il est demeuré aveq son gros entre Rurmonde et Venlo, sans que rien ayt passé la rivière. Au camp aen den Reurderbergh, le 5e d'Aoust 1640 |
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