Briefwisseling. Deel 3: 1640-1644
(1914)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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2376. Aan prinses Amalia van Oranje. (H.A.)*La derniere que j'eus l'honneur d'escrire à V.A. fut une petite lettre d'EeckelooGa naar voetnoot1), que j'espere que V.A. aura receuë sans empeschement. - Le lendemain, qui fut hier, nous marchames dès la poincte du jour sur la piste de Monsieur le comte Henry, qui partit ce mesme jour, à sçavoir à deux heures apres minuict, de Maldeghem et, pour toute diligence qu'il pût faire, n'arriva qu'à onze heures du matin au canal de Bruges, où d'abord il se saisit d'une maison retrenchée de quelque ouvrage de terre, et ceinte d'un bon fossé marescageux, au deça dudit canal, nommée Het Hollanders huijs, qui ne voulut point se rendre qu'apres quatre coups de canon tirez dessùs. Apres quoy un lieutenant reformé qui y commandoit quelques quarante soldats, voyant noz gens aller à luy, teste baissée demanda quartier. Sur ces entrefaictes les pontons, à faire le pont, furent approchez du canal, les trouppes rangées, et le canon avancé par des mauvais passages d'eau, où les chevaulx en avoyent jusqu'à la selle. Mais bientost après il se trouva quatre compagnies de l'enemy à l'opposite et quatorze ou quinze compagnies de cavallerie, dont le nombre alloit tousjours grossissant, de sorte que leur canon aussi se plantant, ils firent des puissantes salves et descharges dans noz bataillons, qui se tenoyent là à descouvert, les enemiz au contraire ne monstrants que les bords des chapeaux. Le noeud de l'affaire est donq là, que S.A. ayant esté informé tout l'hiver passé, que par delà le canal il n'y avoit que la terre rase, et une digue eslevée de pardecà, comme on y est arrivé, on a trouvé tout au rebours, que pardelà il y a une digue bien haulte, escarpée en forme de parapet, tout ce qui se peut avantageusement, et rien du tout en deçà. Cette enorme fausseté enfin nous a causé des succès tout contraires à noz grandes esperances; car, comme j'ay dit, les forces de l'enemy croissant d'heure à autre, derriere un ouvrage aussi bon qu'un rempart, et la chose ne se pouvant tenter en aucun autre endroict, à cause des grandes eaux, qui se trouvent du long de ce canal, en sorte que les chevaulx mesmes ont peine à y guayer, toute l'apresdisnée d'hier noz trouppes se sont veuës exposées à la merci d'une tirerie infinie de l'enemy, sans s'en pouvoir ni defendre, ni ressentir en une escarmouche si inesgale. Ainsi pense-on qu'il y pourra avoir environ soixante ou soixantedix soldats que blessez que tuez, bien qu'à la verité les blessez font le plus grand nombre, et n'oseroy encor determiner ce nombre pour verité absolue. Le pis de la conclusion est, qu'il n'y a rien de reüssi, et qu'au lieu de passer les pontons, on a esté obligé d'en laisser quelques trois ou quatre sur le bord du canal, ne s'estants peu retirer, apres que leur chariage a esté demonté par le canon de l'enemyGa naar voetnoot2). Le canon pourtant en a esté ramené ceste nuict, Monsieur le comte Henry ayant receu ordre dès hier au soir, de se retirer vers Male, à un quart d'heure de son poste. En ceste retraicte le coronel EerenreiterGa naar voetnoot3) qui estoit chaudement dans ladite maison occupée, le canon de l'enemy la perçant à outrance, a esté blessé d'un coup de carabine | |
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à la cuisse. Entre les morts il n'y a que le capitaine WaesGa naar voetnoot1), sans aucun autre officier que j'aye peu apprendre. - Monsieur de Brederode et M. Knuijt furent hier vers le soir envoyez deliberer aveq Monsieur le comte Henry, sur ce qui se pourroit encor tenter la nuict; mais la chose fut trouvée hors d'apparence. Incontinent apres que S.A. eut receu les premiers adviz de ceste difficulté, il fit faire halte à l'armée dans la bruyere, où elle loge à present, et envoya dire à M. le comte Guillaume et à Messieurs les Estats, logez à l'Escluse, qu'ils voulussent se trouver icy aujourdhuy, comme ils vienent d'arriver, Monsieur le comte Guillaume ayant laissé son quartier à Stamperhoeck en bon estat, et Mess.rs les Estatz ayants donné ordre à l'Escluse, à nous en faire venir de vivres. Pendant quoy on delibere ce qui reste à faire pour le plus grand service de l'Estat. - En toutes ces marches nous avons eu un extre[me]ment beau temps, sans guere de chaleur, qui dure encores et, graces à Dieu, S.A. se porte des mieux. - Je supplie tres-humblement V.A. de ne vouloir pas laisser tomber mes lettres en autres mains que les siennes, que je baise en toute submission. Monsieur le comte Henry, qui a partout agi d'un excellent courage et jugement, s'en est revenu aveq les trouppes, et disne presentement aveq S.A. Au camp près de Maldeghem, le 22e de May 1640. |
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