Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
[pagina 492]
| |
2227. J.L. CalandriniGa naar voetnoot1). (L.B.)Je prens la hardiesse de vous faire la presente, à l'occasion du porteur d'icelle, mon filz Francois - lequel j'envoye s'exercer en Amsterdam en nostre vocation - pour vous presenter nos tres-humbles baysemains et services. Et ce sur l'asseurance, que m'a donné nagueres M. Filippe, mon frere, de la favorable souvenance, qu'il vous plaist de garder de nous; ce qui me comble le singulier playsir, que j'ay, en me rememorant de l'honneur, qu'il a pleu à feu Mons.r vostre pere, tres-excellent personnage, de me tesmoigner de son intime et cordiale amitié, durant mon sejour pardela des l'an 1602 jusques l'an 1612. Voire, selon sa grande douceur, familiarisant jusques la, à me faire voir à mon arrivee, et communiquer de temps en temps le tres-bel ordre qu'il tenoit, avec une tendreur paternelle, a la diligente culture et soigneux eslevement des belles et tres-nobles plantes, de Mons.r vostre frere Maurice et de vous, en vos jeunes aages, addressant, avec facilité merveilleuse, vos relevés esprits, tant à la musique, qu'aux bonnes lettres, qu'aux langues, qu'aux autres exercices d'honneur, et enfin en toutes vertus. C'est à quoy, apres le travail qu'il employa tres dignement aux affaires publiques, il bandoit uniquement sa pensée et prennoit tout son playsir; aussi en a il veu, avec la benediction de Dieu, le fruit desiré d'une perfection accomplie de tout ce qu'on scauroit souhaiter en vos personnes, et particulierement en la vostre. Ce lui a esté une joye indicible. J'en ay esté tesmoin oculaire; mesmes apres mon depart il lui a pleu de sa grace m'honorer d'un rare tesmoignage de vos faveurs l'an 1613, a scavoir de vos excellens poemes, surtout le vostre sur le suject peu considerable de ma personne, voyage et mariage avec des loüanges hyperboliques et expressions de vos affections plus que je ne merite, mais avec les termes si poetiques et si relevés, qu'ils ne cedent en rien à la veine MaronienneGa naar voetnoot2). Je l'ay souvent remanié avec plaisir et le desire garder pretieusement, comme un digne gage de vostre bienveuillance. Neantmoins, pour ce que quelquefois nous repassons la veüe avec joye sur les enthusiasmes poetiques et mouvemens Castaliens de nostre jeunesse, j'en ay voulu munir mon filz, comme d'une pierre pretieuse, pour encor vous le faire voir, quand vostre bon loysir vous le permettra. - J'ay eu tres-grand desir et quelque espoir que dans vos premiers voyages vous eussiés au moins passé une fois pardeca, pour vous y reconfermer le tesmoignage de mes devoirs. Mais j'en ay quitté l'attente, aussitost que j'ay sceu, que vos pourmenades estoyent converties au service du public, avec les ambassades, et qu'à vostre voyage de Venise vous fistes, qoyque jeune, si excellemment paroistre dans cest auguste Senat - avec admiration et loüange nompareille - l'eschantillon des sublimes qualités, dont Dieu vous a si largement doüé pour le bien de la patrie. Et puisque sa divine bonté a comblé de plus en plus en vous ses dons | |
[pagina 493]
| |
et graces, et suivant vos merites, vous a eslevé à des hautes et relevées charges, je m'en resjouis avec vous de tout mon coeur, et le prie continuer, benir, et accroistre vostre grandeur et prosperité à vostre plein souhait et contentement. Excusés, Monsieur, que je m'ingere peut estre trop outre. L'obligation et affection, que je vous ay de tout temps, m'y transporte, voire me donne encores confiance de vous recommander ce porteur, et vous prier, qu'il vous plaise faire continuer l'amitié des peres sur les enfans, et qu'il puisse avoir part à vos bonnes graces, et a la faveur de vos tres-sages advis et conseils. Quoyqu'il ne soit à present capable, à mon regret, à vous rendre service, comme je le souhaiteroye, il le pourra peut estre devenir quelque jour pour vous, ou les vostres. Ainsi Dieu lui en face la grace. Il a eu quelque entree aux lettres, et [je] desire fort qu'il entretienne ce qu'il en scait. Je luy [y] avoye ci devant destiné, mais Dieu m'ayant osté il y a trois ans son frere aisné, il m'a falu changer de dessein. Je veux encor, avec vostre permission, dire ce mot et vous supplier, si la commodité de Mess.rs vos enfans permet cy apres à faire des voyages, qu'il vous plaise vous souvenir que vous avés ici un serviteur et une maison, qui leur est acquise pour leur service, et que ce me sera beaucoup d'honneur de les y pouvoir recevoir et servir, comme je le feray de tres-entiere affectionGa naar voetnoot1). De quoy en pouvés estre tres asseuré. Je vous bayse tres-humblement les mains, comme aussi je vous prie par vostre faveur que mon filz le puisse faire, s'il vous plaist, de ma part à Mons.r vostre frere, avec l'offre de mes services, et je demeure à tousjours ..... Geneve, le 16 Avril 1639.
Le malheur ayant talonné ce porteur, mon filz, d'avoir esté pris par les Dunkerkois et detenu prisonnier deux mois et plus, dont je l'espere à present liberé, lui a aussi fait perdre tous ses papiers et lettres, et la mienne pour vous, avec les vers escrits de vostre digne main; dont j'ay un tres-grand regret. J'envoye neantmois ce double de la mienne et aussi des vers, afin qu'il ne perde pour cela l'honneur de vous bayser les mains et vous offrir nos treshumbles services et les siens, et je demeure a tousjours ..... De Geneve, ce 11 Septembre 1639. |
|