Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend1800. R. DescartesGa naar voetnoot4).J'ay esté bien aise de voir le tourneur, car j'ay jugé à ses discours qu'il sera tres-capable de faire que les lunettes reüssissent, et je suis encore plus aise d'apprendre par vostre derniere qu'il travaille avec affection. Il me dit qu'il feroit premierement un modelle de bois de toute la machine; je croy que c'est par là qu'il doit commencer, et si-tost qu'il l'aura fait, j'iray tresvolontiers à Amsterdam exprés pour la voir, et lors il luy sera aisé de comprendre, tant les choses qui doivent y estre observées, que celles auxquelles il n'est pas besoin de s'astraindre. Comme, pour la distance qu'il mettra entre les piliers A et B, elle est entierement indifferente, et l'espace qui doit estre entre les deux planches aussi. Mesme il n'est pas necessaire que le rouleau touche ces planches, comme j'ay décritGa naar voetnoot5); car estant bien joint aux deux pieces cubiques Y et Z, qui doivent estre à ses deux bouts, il suffit que ces deux pieces les touchent exactement de part et d'autre; et à cét effet les planches n'ont pas besoin d'estre toutes polies, ny toutes de cuivre, mais seulement je voudrois que leurs bouts fussent garnis de cuivre par dedans, afin que ces deux pieces Y et Z coulassent dessus. Et je croy que ces pieces devroient pour cét effet estre de fer, ou garnies de plaques de fer, au dessus et au dessous, car l'experience enseigne que le cuivre et le fer se joignent beaucoup mieux ensemble, que le fer avec le fer, ou le cuivre avec le cuivre. Je croy aussi qu'il suffira, pour le commencement, qu'il prenne la distance, depuis le haut de la machine A B jusques au rouleau Q R, de deux piez ou un peu plus; ce n'est pas qu'en la prenant de trois piez, les lunettes n'en doivent estre meilleures, pourveu qu'il puisse faire les verres d'autant plus grands, mais je crains qu'il n'en puisse pas si aisement venir à bout. Je me reserve à dire le reste, lorsque son modelle sera fait, et qu'il | |
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vous plaira m'ordonner de l'aller voir; car je ne voudrois pas qu'il travaillast tout de bon à la machine avant cela. Le Pere MersenneGa naar voetnoot1) m'a mandé qu'on vouloit convier Monsieur le Cardinal à faire travailler aux lunettes suivant la Dioptrique, mais je crains qu'ils ne reüssissent pas aisement sans moy, et si vostre tourneur en vient à bout le premier, je m'offre de faire mon mieux pour luy faire avoir octroy qu'il n'y aura que luy qui en puisse vendre en France. Les trois feüillets que je vous avois envoyezGa naar voetnoot2) ne valent pas la moindre des honnestes paroles qui sont en la lettre qu'il vous a plù de m'écrire. Je vous assure que j'ay eu plus de honte de vous avoir envoyé si peu de chose, que je n'ay pretendu de remerciment, car en effet la crainte que j'avois de m'engager dans un traitté qui fust beaucoup plus long que vous n'aviez demandé, a esté cause que j'ay obmis le plus beau de mon sujet, comme entr'autres choses la consideration de la vitesse, les difficultez de la balance, et plusieurs moyens qu'on peut avoir pour augmenter la force des mouvements, qui different de ceux que j'ay expliquez. Mais afin que vous ne pensiez pas que je fasse mention de ces choses, pour vous donner occasion de me convier à les y adjouster, je satisferay ici au dernier point de vostre lettre, en vous disant à quoy je m'occupe. Je n'ay jamais eu tant de soin de me conserver que maintenant, et au lieu que je pensois autresfois que la mort ne me pût oster que trente ou quarante ans tout au plus, elle ne sçauroit desormais me surprendre, qu'elle ne m'oste l'esperance de plus d'un siecle; car il me semble voir tres-evidemment, que si nous nous gardions seulement de certaines fautes, que nous avons coustume de commettre au regime de nostre vie, nous pourrions sans autres inventions parvenir à une vieillesse beaucoup plus longue et plus heureuse que nous ne faisons; mais pour ce que j'ay besoin de beaucoup de temps et d'experiences pour examiner tout ce qui sert à ce sujet, je travaille maintenant à composer un abregé de medecine, que je tire en partie des livres, et en partie de mes raisonnemens, duquel j'espere me pouvoir servir par provision à obtenir quelque delay de la nature, et ainsi poursuivre mieux cy-apres en mon dessein. Je ne répons point à ce que vostre courtoisie a voulu me demander touchant la communication des trois feüillets que vous avez; car outre que j'aurois mauvaise grace de vouloir disposer d'une chose qui est toute à vous, puisque je vous l'ay cy-devant envoyée sans m'y reserver aucun droit, l'inclination que vous témoignez avoir à ne le point communiquer, et l'affection dont vous m'obligez, m'assurent assez que vous ne ferez rien en cela qui tourne à mon prejudice, et quoy que vous fassiez, il n'y a rien qui m'empesche d'estre toute ma vie .....Ga naar voetnoot3). |
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