Briefwisseling. Deel 1: 1608-1634
(1911)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend960. C.B. de PetersdorffGa naar voetnoot4). (H.A.)Suivant le commendement de S.E. je me suis acheminé à Paris, aussitost que j'ay sçeu que Mess.rs les ambassadeurs y estoient arrivez pour conferer avec Mr. KneutGa naar voetnoot5) selon le teneur de celle dont S.E. m'a voulu honorer. Ledit S.r Kneut me fit tout d'abord entendre - apres avoir obtenu de luy en ses plus serieuses affaires de luy dire deux ou trois mots en passant seulement - qu'il n'avoit point d'autre ordre, que de s'informer seulement d'un certain proces | |
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de S.E., dont toutefois il n'estoit nullement informé, lequel estant vuidé et jugé, il en avoit mandé son sentiment à S.E., dont il attendoit responce; me faisant par ainsi attendre icy en vain dix jours, sans avoir peu conferer avec luy, quoyque je me soye rendu tous les jours precisement en sa maison à l'heure qu'il m'a chasque fois assigné. Laquelle paine toutefois ne viendroit en aucune compte, si S.E. en eust esté servi. Or encore que j'eusse bien voulu qu'il n'eust pas escrit devant que nous en eussions un peu conferé, si est ce que j'estime astheur pour beaucoup des raisons, deduites de bouche, que S.E. en doit sortir sans plus de bruit. Seulement serez vous d'accord avec moy, que si S.E. eust fait ce que j'en ay mandé à diverse fois, qu'elle eust esté r'envoyée sansGa naar voetnoot1) despens. Car jamais ne fut ouie plus grande mechanceté, qu'on en a exercé par vostre connivence. Ce diable de rapporteur dudit proces a dit tout haut à nostre sollicitateur apres le jugement donné: Vous avez gagné vostre proces, car si j'eusse esté creu, je vous eusse condemné à dixneuf ans d'arrerage. Et le president de mesme dit: La cause de ceste princesse a esté trop bonne; les SaivesGa naar voetnoot2) eussent deu proceder contre Mr. le Prince d'Orange, allors ils eussent emporté leur fait. Croyez, Monsieur, que nous n'y ayons rien oublié de nostre costé et de tout ce qui se pouvoit faire, mais si j'ose dire, vous avez trop abandonné un affaire si important et qui sans le nom de Madame pouvoit couster soixante, voire quatre vingt mille ℔ à S.E. Du pere de laquelle les Saives monstrent astheur une lettre, par laquelle S.E. de tres heureuse memoire leur a fait offre soubs main de 18 mille ℔ pour ceste pretension, se plaignant par ainsi encor les Saive dudit arrest. Vray est qu'on pourroit trouver assez de fondement pour gagner ceste cause, mais vous n'avez pas des gens qui y peuvent vaquer, et trop d'autres affaires sur les bras. Voila pourquoy [il faut] mettre ordre au payement, affin que les Saives par executions, saisies et autres diableries ne troublent ny incommodent l'innocente, comme laquelle vous a sauvée tout ce qui se pouvoit soubs son nom. L'arrest vous sera donné par ledit S.r Kneut, No. 1, lequel vous garderez en vostre chancellerie, pour faire tout voir à la posterité. - Pour l'autre creancier, sçavoir Mad.e d'ElboeufGa naar voetnoot3), qui donnera plus de mal, si vous n'y procedez d'un autre façon qu'avez fait au proces des Saive, j'ay dit tout au long mon sentiment à Mr. Kneut, et luy [ay] communiqué copie de ce memoire que je laissay à la Haye pour instruction, No. 2, comme aussi une copie d'une permission que j'ay obtenu de Mr. le Conte Jean de NassauGa naar voetnoot4), No. 3, de ce que vous sera necessaire, non seulement pour le proces de ladite dame d'Elboeuf, mais pour celuy de Charny. - Si vous songez à ladite piece appartenant à S.E., souvenez vous, Monsieur, d'une lettre d'AcosteGa naar voetnoot5) du 3 Juillet 1611, que je laissay en vos mains et adjouste aussi icy une copie, No. 4. En suite de laquelle vous verrez quel service j'ay rendu à S.E. en l'obtention desdits papiers. Je n'y espargneray encor rien, pourveu que je demeure tant au pays, et aussitost que je les auray, je vous en donneray advis, pour poursuivre vivement ladite dame, qui se cache astheur comme un loup dans des cavernes, mais vous mordera, quand elle verra sa saison propre et vous n'y penserez point. Car ceste tant vielle cause de ladite dame contre | |
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S.E. est une boule de [nei]geGa naar voetnoot1) qui en roulant croistra tousjour à vostre domage. Pour l'amour de laquelle dame, affin qu'elle n'aye aucun prejugé au proces de Saive contre S.E., je vous conseille de faire payer par vos gens de Paris vos deniers auxdits Saives au nom de Mad.e la Duchesse de LanzbergGa naar voetnoot2), comme laquelle y a presté son nom, affin que ce soit au regard de S.E. res inter alios acta. S.E. fera au reste parler de meilleure heure Mr. le Cardinal, ou quelqu'un autre, en l'affaire de ladite dame d'Elboeuf, mais non plustost que quand nous aurons es mains lesdits papiers du comté; c'est qui sera encor devant le St. Remy, s'il plaist à Dieu, et je demeure au pays. En attendant vous ferez soigneusement cercher par vos gens du Conseil toutes les pieces qui se trouvent parmi ceux qui sont en ordre, et ceux qui ne le sont pas encor, contre ladite dame d'Elboeuf et l'admiral ChabotGa naar voetnoot3), et les envoyerez à Paris, d'autant qu'elles meritent bien ceste paine et soin, comme avec laquelle S.E. sortira entierement des mains de touts ses creanciers et bourreaux en France, ce qui est un grand coup pour sa posterité. Brief, quiconque veut du bien à ce Prince là, il vous conseillera, quoyque ceste femme vous ne dise rien des a present, que vous ne debvez pourtant retarder de faire juger en ceste saison si favorable ledit proces. Croyez le, s'il vous plaist; si non, vous me confesserez un jour, que je vous ay prognostiqué le mesme qui vous est arrivé par negligence avec Saive, encor que la demande de celle cy soit cent fois plus paisante. Et partant faudra sçavoir le personnage à Paris, à qui s'addresser, si on y voudroit mander quelque chose pour ladite affaire. A cause de laquelle vous laisserez à un tel un pouvoir de S.E., affin d'en prevenir toutes surprinses que ceste femme chiccaneuse pourroit faire, quand elle verra son temps et S.E. empesché en campagne. Quand les Princes plaident, vous sçavez qu'ils sont subjects aux lois comme les plus petis, et souvent leurs causes se deteriorent par leur qualitez eminentes. Et affin que je n'oublie rien, mais vous sçachiez tout en mon absence, je vous donne cet advis que le S.r Brun, procureur au Grand conseil, aye esté procureur contre ladite dame d'Elboeuf, qui demeure en la Rue de la parchemenerie, et a toutes pieces de Mess.rs les Princes d'Orange dudit proces. - Quand aux pretensions des Mesdames de Nassau Bourbon, j'en ay responce de Mesdames l'Electrice et de BouillonGa naar voetnoot4), comme agentes pour les autres, qu'elles ne peuvent quitter d'avantage de ce qu'elles m'ont accordéez chascune d'eux, sçavoir douze mille Reichsdaler à chascune, m'accusant à bon esciant par leurs lettres que je soye trop partial et pour S.E., comme aussi cause unique que cet affaire aye esté suspendue si longtemps, et que sans moy elles eussent eu jugement il y a plus qu'un an, et me requerant ensuite de sçavoir de S.E. si elle n'y peut entendre, qu'en ces cas elles poursuivront et finiront l'arbitrage, d'autant que tout estoit en estat d'estre jugé. A quelle fin elles ont desja fait dresser par le S.r MaurizeGa naar voetnoot5) un escrit aux Mess.rs les arbitres, comme un recueil de toutes les pieces produites cy devant, et en demandent jugement. Laquelle piece j'ay retenu quelque temps et l'ay voulu monstrer - si ses occupations l'eussent permis - à Mr. Kneut, pour vous en donner premierement advis. Et vous prie, Monsieur, de representer bien à S.E. ce que je vous ay dit de bouche à la Haye, vous asseurant que | |
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si lesdits arbitres sont gens de bien et de conscience - comme je croye - qu'ils condemneront asseurement S.E. à une beaucoup plus grande somme, consideré qu'avec ces douze mille Reichsdaler vous ne payez seulement le quard de ce que S.E. leur doit de jure. Pour moy je me suis persuadé d'avoir fait grande chose, lorsque j'ay disposé mesdites dames de se contenter chascune de douze mille Reichsdalers, entendu qu'il leur faut beaucoup plus, et S.E. verra enfin quel profit elle aura de cet arbitrage, sans toucher à ce que je vous dis de bouche, estant à la Haye, c'est que toutefois S.E. debvoit à mon advis plus considerer que l'argent mesme. Si je fusse venu en vostre quartier pour ledit subject, comme j'avois allors promis et offert pour l'amour de S.E., je l'en eusse fait sortir de dix mille Reichsdalers à chascune, car j'avois et j'ay encor un mot apart de la main propre de Mad.e l'Electrice, dont je me fusse servi au profit de S.E. Astheur vous me manderez le sentiment d'icelle en confience, affin que retenant trop longuement ladite piece dudit S.r Maurize je ne leur donne plus d'ombrage. Car voyant qu'on m'impute tout, et qu'il y va toutefois de la conscience de frustrer ces dames tout a fait de ce que jure divino et humano leur est deu, je ne m'en mesleray plus pour n'en deplaire à S.E., car je n'ay jamais eu, graces à Dieu, la langue double. Au payement dudit argent S.E. pourroit bien demander terme, et cela sans reproche entre frere et soeurs. C'est que je vous dis entre nous, sçachant au contraire, qu'elles font leur compte d'avoir argent content. Aussitost que j'en auray vostre responce et verray la volonte de S.E., je leur r'envoyeray leur fait, pour en disposer comme il leur plaira. Touchant la comté de Charny, Mr. le Prince de CondéGa naar voetnoot1) y a fait son entrée en grande pompe en la ville capitale d'icelle, il y a quatre sepmaines, comme acquereur de ladite ville avec un grand bourg appellé Poully. Le reste de ladite comté est encor à ceux qui la tenoient auparavant. Voila comment on mesnage de vostre bien, cependant que vous cerchez des papiers, ou estes occupez ailleurs. Mr. le marquis de MirebeauGa naar voetnoot2), possesseur d'icelle, cuidant que touts les biens de Bourgogne fussent à Mad.e la Duchesse de Lanzberg, luy offrit il y a six ans, peu devant sa mort, un accord et accommodement de ladite compte, ainsi avoit il peur; et leur voicy le coeur remis dans le ventre par vostre silence. - Je m'epanche d'autant plus volontierement des interests de ce Prince, que je les voye negliger d'un chaccun, qui pourtant y debvoit et pouvoit quelquefois songer. Et quoyque je tasche à n'en estre pas importun, si est ce que je doubte si pour cela je l'evite; non que pour mon particulier j'y aye aucun interest, si non celui qui procede de ma pure affection, dont j'ay espousé la partie de S.E. et de sa Maison, en tantGa naar voetnoot3) qu'elle est fondée en droit et equité. Voila ce que j'ay creu debvoir encor verser en vostre sein, pour ma derniere decharge, voyant que ledit S.r Kneut n'y peut pas tellement songer, comme la necessité de ladite affaire le requiert. Je m'en vai en ma maison, glorieux d'avoir voulu servir à S.E., s'il eust tenu à moy, vous suppliant de bien considerer ce que je vous mande, et me croire fort veritablement .... De Paris, ce 18 Juillet 1634. |
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