Couronne de lierre et de lauriers autour de la pierre angulaire de l'église de St.-Martin à Wyck-Maestricht. Looverkrans, gestrengeld om den grondsteen van St.-Martenskerk te Wijk-Maastricht
(1857)–Aug. J.Th.A. Clavareau, J. Duitz, André van Hasselt– Auteursrechtvrij
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[Sermon prononcé par le Rév Père Rykers]Non est hic aliud nisi domus Dei et porta Coeli. monseigneur,
mes frères,
Le patriarche Jacob, dans sa marche vers la Mésopotamie, s'arrêta, après le coucher du soleil, entre Bersabée et Haran. Fatigué d'un long voyage, il prit une pierre, la mit sous sa tête et s'endormit..... Alors il eut ce songe mystérieux que nulle âme chrétienne n'ignore.... Il vit les anges montant et descendant le long de l'échelle; il vit, au sommet, le Seigneur luimême, il entendit Sa voix..... C'était la voix des bénédictions les plus multiples, les plus magnifiques..... ‘Votre postérité sera nombreuse comme les grains de poussière; vous vous étendrez à l'Orient et à l'Occident, au Septentrion et au Midi; toutes les nations du monde seront bénies en vous, et dans Celui qui sortira de vous.’ Erit semen tuum quasi pulvis terroe: dilataberis. | |
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ad occidentem et orientem et septentrionem et meridiem: et benedicentur in te et in semine tuo cunctoe tribus terroe. Gen. c. 28, v. 14. A ces paroles le fils d'Isaac se réveilla de son sommeil; il dit: le Seigneur est vraiment en ce lieu, et je ne le savais pas. Je le croyais profane, et il est saint. Ensuite, tressaillant de frayeur sous les sublimes splendeurs du songe qui agitait son âme, il s'écria: que ce lieu est terrible! Quam terribilis est locus iste! C'est véritablement la maison de Dieu et la porte du Ciel! Nous recueillons, avec empressement, ces dernières pensées de l'illustre Patriarche. Elles renferment tout le secret de la grande solennité de ce jour. Pourquoi en effet sommes-nous convoqués ici? Pourquoi ce Pontife bien aimé, ce clergé accouru de toutes parts, ces magistrats, ces autorités civiles et militaires, ces hommes de toutes les classes, en un mot, cette pompe universelle? Certes un haut intérêt se rattache à cette auguste cérémonie: un intérêt divin et social à la fois. L'acte qui s'est accompli, est un de ceux dont la mémoire se grave en caractères indélébiles dans le coeur et les annales d'un peuple. La main sacrée qui a posé la première pierre d'un sanctuaire nouveau, a établi et fixé le point de contact de la terre avec le ciel; a désigné le lieu où désormais Dieu descendra vers l'homme par ses promesses et ses bienfaits, que dis-je! par sa présence réelle; où l'homme montera vers Dieu par ses adorations et son amour, par la participation à d'ineffables mystères. Ainsi, mes frères, vous méritez aujourd'hui les bénédictions de Dieu et celles de la société; car l'édifice dont vous allez jeter les fondements, appartient à Dieu et à la société: il sera pour Dieu sa maison; il sera pour la société la porte du ciel. Verè non est hìc aliud nisi domus Dei et porta coeli.
Monseigneur,
Mon àme ressent la joie la plus vive en ce momont où, pour la première fois, ma parole s'élève devant vous. C'est vous en effet qui avez ouvert cette humble bouche dans l'Église de | |
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Dieu; c'est de vous, c'est de vos mains augustes que j'ai reçu l'onction du sacerdoce. Ce souvenir, qui me fut toujours cher et sacré, se réveille, à l'heure qu'il est, avec plus de puissance que jamais, avec un bonheur dont il ne m'est possible de comprimer l'élan. Monseigneur, Vous me soutiendrez aujourd'hui de votre bienveillance, et de ce doux regard qui vous est si naturel, de ce regard de père qui inspire le courage et assure le succès. Implorons cependant la Vierge Immaculée, l'auguste Patronne de ce diocèse, la Femme bénie entre les femmes, et pour que, parson intercession, la grâce et la vérité qu'autrefois elle donna au monde en lui donnant le Sauveur, nous soient encore communiquées, disons-lui de concert:
Ave Maria! Si loin qu'on remonte le cours des siècles, on trouve, chez toutes les nations civilisées, des temples bâtis à la divinité. Le paganisme, qui, avant l'apparition du Sauveur, couvrait le monde de ses idoles, élevait à ses faux-dieux des édifices dont la magnificence étonne l'imagination, et dont la gloire demeure jusqu'à ce jour. Rome, Athènes, Corinthe, Ephèse, Delphes et tant d'autres cités illustres possédaient des temples dont la renommée publiait dans le monde la richesse et la splendeur. Là on consultait l'oracle; - et la présence du dieu dont on implorait le secours, présence admise et passée en conviction profonde, portait la vénération dans les esprits et la crainte dans les coeurs. Sans doute on se trompait. Jamais ni Jupiter ni Apollon n'ont parlé; et, si parfois, comme nous le pensons, des oracles ont eté surnaturellement rendus, ils ne pouvaient être que l'inspiration et la voix de celui qui, singe de Dieu, comme le nomme Bossuet, tend à usurper l'empire de Dieu, Ses droits et Sa domination sur les créatures. Cependant il y avait au fond de toutes ces erreurs une incontestable vérité, un principe qui porte sa preuve et sa dé- | |
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monstration dans son universalité même: c'est que la divinité veut que l'homme lui bâtisse et lui consacre des édifices spéciaux, destinés à la pompe du culte qui lui est dû, et que là elle aime à demeurer, à se manifester, à répandre ses lumières, ses secours et ses bienfaits de toute sorte. Oui, à l'idée de temple se rattache, chez tous les peuples anciens, l'idée de la présence de Dieu. Certes, lorsque Dieu, dans les premiers temps du monde, communiquait familièrement avec sa créature, lorsqu'il parlait à Adam dans le paradis terrestre, lorsqu'il visitait Abraham sous les chênes de Mambré, l'homme, favorisé d'un commerce si intime avec son Créateur, ne pouvait songer à lui bâtir des temples. Alors le monde entier était le temple unique, le coeur de l'homme l'unique autel. Mais, plus tard ce commerce intime n'existant plus, et la société humaine s'étant accrue, les peuples comprirent qu'ils devaient en masse, en corps, un culte public, solennel à leur Père commun, à leur Bieufaiteur suprême. Ils lui consacrèrent en conséquence des lieux de réunion, des temples, d'où la prière et l'action de grâces unanimement répandues monteraient jusqu'à lui, pour solliciter ses regards et attirer sa présence. Nous ne voulons pas parler ici de cette présence générale par laquelle Dieu est partout, par laquelle sa puissance, sa sagesse et son amour sans bornes soutiennent toute chose, conservent et vivifient toute créature; non! nous parlons d'une présence spéciale, d'une présence aux signes mystérieux, aux manifestations touchantes, aux révélations sublimes. Ces pensées, recueillies dans les traditions des peuples de tous les âges, reçoivent une haute et magnifique sanction dans ce temple si célèbre, qu'on peut nommer, à juste titre, la merveille de l'univers, dans le temple de Jérusalem. Il fut bâti par Salomon, sur l'ordre formel de Dieu. Le Seigneur, après avoir longtemps habité sous des pavillons et sous des tentes, habitabam in tabernaculis et in tentorio, | |
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2 Reg., C. 7, voulut enfin qu'on lui édifiât une maison splendide. Il fit dire à David, qui, ayant vaincu ses ennemis et pacifié son royaume, en avait déjà conçu le projet: ‘Lorsque vos jours seront accomplis, lorsque vous dormirez du sommeil de vos pères, je placerai sur votre trône, après vous, le fils qui sortira de vous; et j'affirmerai sa domination. Ce sera lui qui bâtira une demeure à mon nom, et je rendrai le trône de son royaume inébranlable à jamais. ‘Cum completi fuerint dies tui, et dormieris cum patribus tuis, suscitabo semen tuum post te, quod egredietur de utere tuo, et firmabo regnum ejus. Ipse oedificabit domum nomini meo, et stabiliam thronum regni ejus usque in sempiternum. 2 Reg. C. 7, v. 12, 43. Salomon donc entreprit et exécuta ce chef-d'oeuvre, dont la parole est impuissante à peindre la magnificence. - Là toutes les richesses de l'Orient, toutes les merveilles de l'art antique furent prodiguées à la fois. Près de deux cent mille bras travaillèrent pendant l'espace de sept années. - Tyr envoya ses architectes les plus habiles et son or le plus pur; - Sidon tailla les pierres les plus précieuses; le Liban se dépouilla de ses cèdres immortels... La croupe du mont MoriaGa naar voetnoot(*) tressaillit sous ce poids auguste; et le Très-Haut lui-même, comme s'il eût trouvé une demeure digne de lui, dit à Salomon: ‘J'ai vu avec plaisir cette maison que vous bâtissez en mon honneur!’ J'habiterai au milieu des enfants d'Israël, et je n'abandonnerai point Israël, mon peuple.’ Et habitabo in medio filiorum Israël, et non derelinquam populum meum Israël. 3 Reg,. C. 6, v. 13. Aussi, lorsque les prêtres eurent porté dans le Saint de Saints et placé, sous les aîles étendues des chérubins, l'arche qui renfermait les tables de la loi, - une nuée remplit l'édifice, et la gloire du Seigneur éclata au milieu d'elle. - Salomon, à cet aspect, s'écria: le Seigneur a dit qu'il habiterait dans une nuée. Dominus dixit ut habitaret in nebula. 3 Reg., C. 8, v. 12. En même | |
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temps, la regardant comme un signe manifeste de sa divine présence, il répandit devant Lui son coeur et sa prière. Ainsi, revenons à notre principe: l'homme doit à Dieu des temples pour le déploiement du culte extérieur, culte que réclame sa nature sensible; - et à cette idée du temple se joint, chez tous les peuples, l'idée d'une présence spéciale de la divinité... Cette idée, ce principe que la nature a dicté à tous, trouve sa plus sublime expression dans le temple juif... Cependant c'est le catholicisme surtout qui a le droit de bâtir à Dieu une maison, le catholicisme qui, avec son dogme de la présence réelle, couronne admirablement toutes les traditions antérieures. Jésus-Christ, qui a vu s'accomplir dans sa personne tous les oracles prophétiques; qui, après avoir ressuscité les morts, est sorti lui-même vivant du sépulcre; à qui la grande voix des cieux a rendu témoignage sur le Thabor; à qui l'ébranlement de toute la nature a rendu témoignage sur le Calvaire; Jésus-Christ, le Fils de Dieu, a dit cette consolante parole à ses Apôtres: Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem soeculi. Matth, c. 28, v. 20. ‘Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles.’ Oui, il est avec nous! Il est avec son Eglise, non seulement par une présence d'appui, de soutien, qui lui conserve la pureté de la doctrine, et la rend victorieuse de toutes les persécutions, mais encore par une présence réelle, par la présence de sa personne adorable..... L'Eucharistie en effet, c'est Lui-même. - Nous ne voulons pas ici fournir la démonstration de cette vérité, qui a pour elle l'Evangile et l'enseignement unanime des Saints Pères..... Nous disons seulement: après le miracle de l'Incarnation, le miracle eucharistique doit-il tant nous effrayer?... Le Verbe s'étant fait chair, Dieu s'étant fait homme, est-il incroyable qu'il ait voulu rester parmi les hommes? Cet amour n'est-il pas digne de lui? N'est-il pas le complément naturel du grand oeuvre de la Rédemption? Le tabernacle ne doit-il pas suivre la crèche et la croix? | |
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Chose remarquable! les grands génies et les grands coeurs, ceux qui pensaient et sentaient profondément, ont toujours fait leurs délices de l'Eucharistie, et même, chose plus remarquable encore! lorsque l'hérésie les poussait dans la voie de l'erreur, comme les Leibnitz, comme les Stolberg, cet ineffable mystère les a surtout ramenés au chemin de la vérité. Ecoutez l'illustre Chrysostôme: ‘Le divin, le nouveau Salomon a trouvé un secret que ne put trouver le Salomon de l'ancienne loi, malgré toute sa sublime sagesse. L'Eglise triomphante du Ciel et l'Eglise militante de la terre se dispulaient entre elles l'auguste privilége, l'insigne honneur de le posséder. Jésus-Christ satisfit les voeux ardents de l'une et de l'autre. Il se donna à Tune et à l'autre, sans se partager. A l'Eglise triomphante il se donna glorieux dans les splendeurs de son triomphe; à l'Eglise militante il se donna caché sous les espèces du Sacrement.’ L'Eglise militante est donc, en toute vérité, cette cité mystérieuse que vit Ezèchiel, et qui se nomrae: Dominus ibidem. Dieu est là. Ezéch. C. 48, v. 35. Oui, Dieu, Jésus-Christ est là! et sa gloire est cachée dans la nuée; c'est-à-dire: sa présence réelle, qui brille aux yeux de la foi, s'entoure des voiles de l'espèce, des ombres sacramentelles. Cela convient à cette terre d'épreuve et d'exil. Ainsi c'est nous, mes frères! nous, catholiques, qui avons surtout le droit de bâtir des temples. Nos églises sont la conséquence naturelle du mystère eucharistique, mystère, j'aime à le répéter, dans lequel se réalisent les traditions universelles, et qui manifestement est cette haute réalité qu'appelait la figure judaïque... Le tabernacle a remplacé l'arche de l'alliance; Dieu même a remplacé la loi de Dieu, gravée sur deux tables de pierre. L'agneau est sur l'autel, comme l'Aigle de Pathmos l'aperçut dans ses révélations, pleines d'étonnants mystères. Animés de cette foi ardente dans l'Eucharistie, on vit, dans les premiers siècles chrétiens, les rois et les empereurs répandre leurs trésors pour la construction d'un si grand nombre | |
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de sanctuaires; on les vit accorder aux églises le droit d'asile, ce droit qui arrêtait, pour tout coupable fuyant à l'ombre des autels, le glaive de là justice humaine; on vit enfin, aux siècles des croisades et de St-Bernard, des confréries èntières, des troupes composées de noblesse etde peuple, d'hômmes de tout rang, princes, ducs, comtes, barons, se dévouer à l'oeuvre de la construction des églises, parcourir l'Europe et élever ces majestueuses basiliques, ces maisons, ces palais du grand Roi, du Roi des cieux, qui existent toujours, qui nous ravissent d'admiration, et que notre siècle, avec plus de ressources, mais avec moins de foi, a bien de la peine à soutenir. ‘Qui a jamais vu s'écrie l'abbé de St-Pierre en Normandie, dans une lettre écrite en 1145, qui a jamais vu des princes, des seigneurs puissants, des hommes d'armes et des femmes délicates plier le cou sous le joug auxquels ils se laissent attacher pour charrier de lourds fardeaux? On les rencontre par milliers, traînant parfois une seule machiue, tellement elle est pesante, et transportant à de grandes distances du froment, du vin, de l'huile, de la chaux, des pierres et autres matériaux pour les ouvriers..... Rien ne les arrête, ni monts, ni vaux, ni rivières.....’ Eh bien! d'où leur pouvait venir, à ces chrétiens généreux, à ces hommes de tout rang, ce dévouement prodigieux qui les portait à sacrifier leur fortune, leur famille, que dis-je! leur vie même à une oeuvre, à une entreprise, à une vocation aussi extraordinaire, aussi servile en apparence? Ce dévouement n'eut pas d'autre cause que la foi dans la présence réelle, que la conviction intime, invincible, que l'église, c'est la maison de Dieu, dans toute la rigueur des termes, et que par conséquent, bâtir des églises, en couvrir le sol de la catholicité, c'était rendre à Dieu le culte à la fois le plus éclatant et le plus méritoire. Inspirez-vous, mes frères, de ces mêmes pensées, et vous ne succomberez à la tâche si belle et si sainte qui vous est dévolue. | |
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Vous imiterez la générosité de ces admirables phalanges chrétiennes; comme elles, vous ne vous laisserez pas rebuter par des sacrifices. Non, la maison que vous allez édifier, et dont, à l'heure qu'il est, vousavez posé la première pierre, ne sera pas la demeure d'un mortel, si grand, si puissant qu'on le suppose; elle sera la demeure du Roi immortel des siècles, elle sera la maison de Dieu. Verè non est hic aliud nisi domus Dei. Cette foi sublime doit vous enflammer à la poursuite de votre oeuvre; il faut que cette foi la commence, la continue et l'achève. Toutefois une autre conviction doit s'unir à celle-là, savoir que cette maison de Dieu qui va surgir, sera pour vous, pour la société, la porte du Ciel, porta Coeli.
Nous admirons, mes frères, cette seconde pensée du patriarche Jacob. Certes le lieu sacré où Dieu descend vers l'homme par ses bienfaits, où même il fixe son séjour, devient, pour la société, la porte du Ciel. Le Ciel est notre commune destinée. Posséder Dieu et trouver, dans cette possession, la perfection et le bonheur suprêmes, tel est le but final de nos efforts, l'aspiration de l'homme et de la société entière. Je viens de prononcer deux mots significatifs, deux mots qui constituent le fonds, le ressort, le mobile de toutes les agitations humaines: perfection et bonheur. Toutefois, si haut que l'homme s'élève, si rapide, si étonnante que puisse être la marche d'une société, jamais ici-bas on n'atteindra l'idéal de cette perfection et de ce bonheur, idéal qui tourmente et fait vibrer les âmes. Non, jamais! c'est que l'homme, étant fait pour Dieu, ne sera pleinement heureux et parfait que lorsqu'il achèvera son union avec Dieu dans le monde à venir, dans le Ciel. Oui, le Ciel, c'est la perfection et le bonheur consommés. Cependant ce qui se consomme dans le Ciel, doit commencer sur la terre. Oui, nous pouvons et devons, en vertu de toutes | |
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les lois de notre nature, jouir, dans ce monde, d'une perfection et d'un bonheur commencés. De quelle manière? En commençant, dès ce monde, notre union avec Dieu. En acceptant de lui les éléments qui perfectionnent et qui donnent le bonheur. Où dispense-t-il ces éléments?... N'est-ce pas dans sa maison? n'est-ce pas dans son temple? Proclamons-le: l'église est la porte du Ciel, parce que la divine vérité y a son trône, parce que la divine grâce y a ses canaux et parce que, par ces deux éléments sanctificateurs, Dieu opère sa première union avec l'homme, en attendant la seconde. Le fils de Dieu, mes frères, n'eut d'autre mission ici-bas que celle de sauver les hommes, et par conséquent de les perfectionner, de les rendre heureux. - Or la chute, en brisant notre union avec Dieu, nous ravit la perfection et le bonheur, nous rendit coupables et malheureux... Jésus-Christ donc dut rétablir cette union, nous restituer les biens perdus, nous relever du malheur et du peché. - Mais par quels moyens? Voici l'oracle de St-Jean: ‘Ce Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire du fils unique du père, plein de grâce et de vérité’. Plenum gratioe et veritatis. Joan. C. 1, v. 14. Remarquez ces dernières paroles: plein de grâce et de vérité. Un peu plus loin le sublime Evangéliste dit encore: Gratia et veritas per Jesum Christum facta est, Ibid. v. 47. La grâce et la vérité nous ont été données par Jésus-Christ. Oui, voilà les deux éléments qui, en sanctifiant l'homme, lui rendent la perfection et le bonheur, perdus et comme anéantis par la chute; qui lui restituent l'amitié divine, et composent la chaîne d'or, le lien mystérieux qui doit l'unir à son Créateur. La vérité, c'est Dieu, communiquant à l'homme sa vie intellectuelle; la grâce, c'est Dieu, versant dans l'homme sa vie morale. - Ainsi, par elles, selon la fameuse expression du chef des Apôtres, élevés au-dessus de notre nature corrompue, nous devenons participants de la nature divine, Divinoe consortes naturoe. | |
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Ep. 23. C. 1, v. 4. Ne faut-il pas affirmer en conséquence que le lien sacré où ces deux éléments nous sont communiqués, est véritablement pour nous, pour toute la société, l'entrée, la porte du Ciel, porta Coeli? Or ce lieu, c'est l'église. - Là la grâce a ses canaux, la vérité a son trône. Les canaux de la grâce sont les sacrements. Nous sommes tous enfants de colère par nature, a dit le grand Apôtre, naturâ filii iroe. Ad. Eph. C. 2, v. 3. Nous sommes souillés avant de voir le jour, et nous ne le voyons qu'à travers nos larmes. - Quelle puissance donc d'enfants de colère nous rendra enfants de Dieu, je veux dire, détruira en nous le péché, et nous rendra capables de perfection et de bonheur? La grâce... Mais comment, mais où entrons-nous d'ordinaire dans la possession de cette grâce. Par le baptême, au fond du sanctuaire... L'église est pour l'homme à peine né la porte du Ciel... Là Dieu, par son ministre, reçoit sa créature, la purifie dans l'eau sainte, et l'admet à son premier embrassement mystique. Cependant l'homme est si inconstant, sa volonté si versatile, si faible, que cette grâce du baptême lui échappe, et devient, en des jours néfastes, la proie des passions... Où donc, en quel lieu béni devra-t-il se rendre pour la retrouver, et pour récupérer avec elle la perfection et le bonheur évanouis? Qu'il franchisse le seuil de l'église; c'est là que Dieu l'attend, dans la personne de son ministre, au tribunal de la réconciliation, de la miséricorde et de l'amour. Que le coupable se prosterne, qu'il avoue ses fautes, et dussent-elles être nombreuses comme les grains de sable de tous les rivages, comme les étoiles que nous montre et que nous cache le firmament, une couronne de grâces, dit l'illustre Chrysostôme, deviendra la récompense de l'aveu... O Eglise! O maison de Dieu! O porte du Ciel! porta coeli. Montons. Voici le banquet des noces de l'Agneau, voici la table sainte! Un profond émoi, un doux tressaillement saisit l'âme. Dieu sort de son tabernacle... L'homme, transformé, | |
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divinisé en quelque sorte, doit s'écrier avec St. Paul: Je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est J.-C. qui est en moi, vivo autem, jam non ego, vivit vero in me Christus. Ad Gal. c. 2, v. 20. O Eglise! O maison de Dieu! O porte du ciel! Porta coeli. Toutes les merveilles de la religion, tous les mystères de l'amour ineffable, de l'amour éternel s'accomplissent dans son enceinte vénérée! Montons encore. Au pied de l'autel sont consacrées les deux grandes vocations dugenre humain: Là les époux s'agenouillen t et reçoivent la grâce qui doit cimenter et féconder leur union; là les lévites se prosternent et reçoivent la grâce d'un ministère dont la grandeur serait redoutable aux anges mêmes.... C'est de l'église, c'est du sanctuaire que sort, par les canaux des sacrements, le fleuve du progrès moral, la seule vraie civilisation des peuples... C'est de l'église, c'est du sanctuaire que jaillit la lumière qui doit éclairer tout homme venant en ce monde. Jamais la vérité n'est montée sur un trône plus magnifique que celui qu'elle s'est dressé dans la chaire chrétienne... Ici ce n'est point l'homme qui parle en homme, qui donne la doctrine de l'homme; c'est l'homme qui parle en sa qualité de ministre de Dieu, et qui donne la doctrine de Dieu. Témoin Celui qui disait: Euntes docete omnes gentes. Matth. C. 28, v. 19. Allez et enseignez toutes les nations.... Proedicate Evangelium omni creaturoe. Marc. C. 16, v. 15. Annoncez mon Evangile à toute créature... Qui vos audit, me audit; et qui vos spernit, me spernit. Luc. C. 10, v. 46. Qui vous écoute, m'écoute, et qui vous méprise, me méprise. - Ainsi la parole qui tombe du haut de la chaire chrétienne, c'est celle qui tomba d'abord des lèvres du Christ, qui passa par la bouche des Pierre et des Paul, qui retentit devant l'Aréopage, qui fit trembler les proconsuls, qui fit frémir les Césars, qui renversa les superstitions payennes, qui détruisit l'empire des idoles, qui civilisa l'Europe, qui foudroya les erreurs de tous les âges...... Divine parole! qui sert de flambeau aux peuples assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort; | |
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divine parole! que le plus beau génie des temps antiques, Platon, implorait, lorsque, ne pouvant résoudre les problèmes ardus de l'existence humaine, il disait: Personne ne peut enseigner la sagesse, s'il n'a Dieu même pour inspirateur et pour maître!.... Divine parole! qui nous révèle les secrets de Dieu, du monde et de l'homme; qui trace nos devoirs, qui fixe nos droits, qui lève nos incertitudes...... C'est Dieu luimême, répandant sur l'humanité sa vie intellectuelle, sa pensée, son Verbe, ce Verbe, source de toute science. Fons sapientioe Verbum Dei. Eccl. C. 1, v. 5. Ah! que deviendrait le monde sans la chaire catholique?... Le théâtre du désespoir, le champ d'une lutte éternelle, où les sectes seraient sans cesse aux prises avec les sectes, les systèmes avec les systèmes; - où les principes les plus élémentaires, les plus évidents, comme l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, seraient combattus avec un triomphant acharnement; où l'intelligence, réduite aux abois, ne trouvant plus nulle part d'assurance ni de soutien, finirait par s'éteindre dans le scepticisme, après avoir souri de pitié à tous les vains efforts de la pensée humaine.... Sachez-le donc: La chaire chrétienne répand les lumières qui seules peuvent éclairer un siècle, et le conduire dans les voies du progrès intellectuel, loin des mirages du sophisme et des principes de l'erreur. La vérité, en élevant la chaire chrétienne, non seulement s'est préparé un trône, mais encore un asile, un abri.... Edifiez donc, bâtissez votre église, mes frères; vous ne sauriez, pour vous-mêmes, pour la société, entreprendre une oeuvre d'un intérêt plus haut, plus marquant... Edifiez, bâtissez la maison de Dieu et la porte du Ciel. Verè non est hic aliud nisi domus Dei et porta Coeli. Imitez, chers paroissiens de Wyck, le zèle et le désintéressement de votre Pasteur bien-aimé, qui n'a épargné ni soins ni fatigues pour préparer le jour heureux qui nous réunit. Joignez-vous à lui; et que, son esprit s'emparant du vôtre, il | |
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sorte de leur mutuelle harmonie un édifice sacré qui, jusque dans la postérité la plus reculée, soit le monument de votre union avec lui, comme, dans son coeur et sa pensée, il sera le monument de son amour pour Jésus-Christ. Et vous, magistrats de cette vieille cité, autorités civiles et militaires, députations de toute sorte, corps choisis et distingués, qui prêtez votre appui au pasteur et au troupeau, toutes nos félicitations et tous nos hommages vous sont acquis. La religion vous bénit de votre concours généreux, de l'ardeur sainte qui vous enflamme pour la gloire de Dieu et le salut du peuple. Et vous, ô illustre Pontife! ô chef suprême! ô père de ce diocèse! centre des pouvoirs spirituels, foyer des bénédictions divines, appelez sur ces travaux les faveurs célestes. - Ce temple, bâti sous vos auspices, va jeter un nouvel éclat sur votre règne. Elevé sur la pierre que vous avez posée, il portera votre nom, ce nom chéri et vénéré, aux générations futures. Il racontera vos largesses, vos bienfaits..... Bénissez-le donc dès maintenant! bénissez-nous! et que nos âmes, ces temples vivants de l'Esprit-Saint, ces églises mystiques, ne cessent de croître en vertus, sous cette bénédiction puissante, jusqu'à ce que Dieu les élève et les place dans le sanctuaire de son éternelle gloire. Ainsi soit-il!
RYKERS,
Prétre de la Congrégation du St-Rédempteur. |
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