Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VII 1579-1581
(1839)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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[1579]Ga naar margenoot+Il y eut, depuis juillet 1579 jusqu'à la mort du Prince d'Orange, un intervalle de cinq années; époque où tout se classe, se Juillet développe, se dessine; où le sort des Pays Bas vient se fixer. Sous plusieurs rapports, dès le commencement de ce période, les grandes lignes de leur existence future étoient tracées. La Généralité (assemblage d'éléments opposés, momentanément réunis par une impulsion commune) avoit dégénéré ou, plus exactement, s'étoit développée en un véritable chaos. Cet état de choses ne pouvoit durer. A l'union succède la lutte; elle marque les tendances diverses et fait entrevoir leurs prochains résultats. Du milieu de ce désordre va bientôt surgir la République. En effet, les Provinces Wallonnes réconciliées, le Brabant et la Flandre épuisées par la guerre et par les discordes civiles, c'est dans les Provinces-Unies que la résistance se concentre, que se fixe et s'organise la révolution.
Les conséquences pour elles n'étoient pas douteuses. Consolidation de l'Union d'Utrecht. - Elle semble remplacer la Généralité. Déjà en avril ‘werden veel saken opgehouden en om advys gesonden aan die van de geunieerde Provinciën’ (Bor, II, 51a et cidessus, T. VI. p. 615). En août le Prince déclare qu'il n'y a rien aà espérer des Etats-Gén. ‘In Braband en is niet één Stad die contribueren kan, behalve Antwerpen alleen; daerom behoort men geen | |
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Ga naar margenoot+facit meer te maken op de Generale Staten, deselven afsonderende van de nader geunieerde Provincien: maer men moet toesien of de nader geunieerde Provincien met Antwerpen de onkosten des krygs mogen vervallen, of niet:’ Bor, l.l. C'est avec les Provinces - Unies que désormais il discute de préférence les grands intérêts du pays. Triomphe complet de la Réforme. - A cause d'elle on avoit rejeté la paix. Donc son maintien étoit plus que jamais la base et la règle de la politique. La paix de religion alloit disparoìtre devant l'intolérance ou les craintes du vainqueur. Abjuration du Roi. - Mesure désormais inévitable; ayant le départ de l'Archiduc Matthias et l'avénement d'Anjou pour conséquences directes et qui devoit aboutir plus tard à l'indépendance et à la République.
Communément on affirme que l'idée de liberté complète n'avoit pas encore accès dans les esprits. Il est vrai de dire que l'opinion générale croyoit avoir besoin d'un Prince-souverain. M. Kluit observe avec vérité; ‘Noch de Staten-Gl, noch de byzondere Staten der Gewesten hebben eenig oogmerk gehad om... eene vrye zoogenoemde Republiek op te richten, of eenen 't zy Democratischen, 't zy Aristocratischen, 't zy Aristo-democratischen Regeringsvorm in te stellen, maar veeleer om... het Hertogelyk, Graaflyk, en Landsheerlyk Gebied en Regeringswezen te doen voortduren, doch met meer bepaalde Lands- en Grondwetten, met bybehouding en met bybedinging van eens iegelyks voorrechten, en vooral van die machttemperende byeenkomst eener Staaten-Vergadering, zonder welke de Landvorst vele zaken van Bewind in 't vervolg niet zoude kunnen doen; kortom te hebben eenen zoogenoemden Constitutionelen Hertog en Graaf.’ Holl. Staatsr. I. 199. Toutefois il y a deux choses à remarquer. D'abord, il existoit, en Hollande surtout, des tendances au républicanisme très-fortes et très-prononcées. En 1579 le Prince d'Orange, bien qu'il écrive aux Etats de Hollande: ‘het is geheel apparent dat de Landen sullen moeten een hoofd kiesen’ (Bor. II. 93b), admet la possibilité qu'on ne | |
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Ga naar margenoot+suive pas ce conseil: ‘ist dat de Landen raedsamer dunkt egenen Vorst tot Beschermheer te kiesen, gedraegt hem s. Exc. tot haerlieder goeddunken en advys’ (Bor, II. 133b). - En second lieu, tout en voulant la Monarchie, on ne vouloit plus, on annulloit le pouvoir royal. On en étoit venu là par la double influence de la théorie et de la pratique. Des doctrines de droit public, où l'histoire des peuples anciens faisoit oublier l'origine et la nature des Etats modernes, avoient préparé le régime populaire, ou plutôt la suprématie et la souveraineté des Etats (T. VI. p. 36). Ceux-ci, depuis 1572 en possession d'un pouvoir dont ils avoient su augmenter l'étendue et l'intensité, jugeoient utile un supérieur en titre, et ne pouvoient guère en souffrir un de fait. Les conditions imposées en 1578 à Matthias (T. VI. p. 258, sqq.), en 1580 au Duc d'Anjou, en 1583 au Prince d'Orange, en sont une preuve manifeste. Là où l'autorité de celui qu'on nomme Chef, Comte, ou Souverain, est circonscrite par des articles pareils, on peut dire que réellement déjà la République existe. Même la nature particulière de cet Etat républicain n'étoit plus problématique. Dans les Provinces-Unies l'autorité du Roi avoit pris fin; le Clergé, comme ordre, avoit disparu; l'influence de la Noblesse étoit presque réduite à néantGa naar voetnoot(1). Donc l'aristocratie communale, constante et hardie dans ses envahissements de pouvoir, autrefois contenue par le Souverain et contrebalancée par le Clergé et la Noblesse, ne devoit bientôt avoir ni contrepoids, ni frein; en un mot rien qui pût lui imposer la modération, si ce n'est l'ascendant que le Prince d'Orange avoit sur elle, et la nécessité de ménager les classes inférieures par intérêt et calcul.
Les Députés des Provinces-Unies étoient assemblés à Utrecht. On traitoit des affaires fréquemment, longuement, mais sans résultat. Ce ne fut que d'après les exhortations du Prince qu'on | |
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Ga naar margenoot+s'occupa des objets importants sur lesquels il étoit urgent de prendre une résolution. Falloit-il accepter la paix, continuer ou rompre les négociations? Comment se conduire à l'égard d'Anjou? Quelles modifications apporter au gouvernement, de manière à en régulariser l'action et à en activer la marche? Le Prince communiquant dans les premiers jours d'août ses idées sur des questions si vitales, fit exhorter par Aldegonde a prendre une décision sans délai. Avertissements inutiles! Il ne recut une réponse que six semaines après, et encore se bornoit-on presque à demander de nouveau son avis, ‘om also naderhand den Provincien en geunieerde Steden gecommuniceert en voorts op als eene goede en vaste resolutie genomen te worden:’ Bor, II. 131a.
La négociation avec le Duc d'Anjou étoit un point capital. La même opposition qui avoit retardé la convention du 13 août 1578 (T. VI. 436, sqq.), ne manqua pas d'en entraver l'exécution (T. VI. p. 472 sq.). Les Etats-Gén., changeant de ton, selon qu'ils étoient inquiets ou rassurés, tantôt prodiguoient à Anjou la flatterie et l'encens, tantôt sembloient, ou se défier, ou ne pas se soucier de lui. Un dépit mal dissimulé fut, du moins en partie, la cause de son départ (T. VI. p. 520 et 525). Depuis lors on ne devint guère plus soigneux à remplir les obligations contractées à son égard. Le 28 mars, ‘Monsr l'abbé de Maroilles a rapporté que Monsr d'Espruneaulx ne treuve aulcunement convenir d'envoyer vers sa Maté Impériale sans préadviser et avoir le consentement de Monseigneur le Duc d'Anjou; pensant bien qu'il ne feroit difficulté, sy l'importance luy fust remonstrée par quelque gentilhomme, que l'on deveroit envoyer expressément vers luy, en acquit de nostre debvoir et obligation qu'avons à son Alt. Toutesfois, sy la nécessité nous presse tellement qu'il fault nécessairement envoyer vers sa Maté, sans attendre la response de son Alt., il est content nous assister de | |
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Ga naar margenoot+conseil et advis, en cas qu'il en soit requis:’ Rés. MSS. d. Et.-G. Le 5 mai, ‘pour donner response à M. d'Espruneaulx, est dit... que l'on dira que la proposition at esté faicte en l'assemblée générale, affin que le dernier traicté faict avecq M le Ducq d'Anjou soit réellement effectué; sur quoy n'estans les Députez auctorisez, ilz en ont informé les provinces, affin que le tout se faicheGa naar voetnoot1 par leur accord, consentement, et advis:’ l.l. Le 22 juin remontrance sevère aux Etats-Gén. -‘Monsr d'Espruneaulx, Ambassadeur du Duc d'Alençon, ayant exhibé la lettre du dit Duc, a remonstré quatre poinctz principaulx, dont le premier estoit la bonne affection que le dit Duc et luy portoit au bien et avanchement de noz affaires, estant prest d'employer toutz ses moyens; le second que rien ne gaste plus l'estat de noz affaires que les divisions quy sont entre les provinces, par faulte d'entendre l'un l'autre, cause de nostre enthière ruine, là où, estans uniz en bonne concorde, serions bastansGa naar voetnoot2 pour résister à toutz adversaires et en rapporter le repos désiré; le troisième, que le plaisir de Messrs fust mectre à fin les promesses données au dit Duc: le quatreiesme, le fruict qu'il nous viendroit de tenir noz promesses à luy faictz, dont le fondement de toutes choses, tant grandes que petites, en dépendent; enfin a demandé sy Messieurs sont d'advis qu'il demeure encores en ceste ville pour l'assistence et service de la généralité; surquoy luy est respondu que les Estatz adviseront de donner tout contentement à son Alt., sy tost qu'il sera possible:’ l.l.
Le Prince appuyoit ces efforts. En s'attirant l'inimitié d'Anjou, on se préparoit de nouveaux dangers. Ons'étoit mal conduit à son égard. - LePrince s'explique là dessus franchement. Si le Duc n'avoit pas rendu de très-grands services, il avoit fait du moins des sacrifices considérables: ‘by heeft van zynder zyde so grote ontallyke kosten gedaen om de Landen te secoureren:’ Bor, II 93a. On le poussoit véritablement à bout: ‘het is immers al notoir dat de Hertogh wesende een Prince van so | |
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Ga naar margenoot+groten macht...., en die so qualyken is onthaelt en getracteert geweest in dese landen, die hy tot zyne grote excessive kosten so liberalyken geassisteert heeft gehad, daerenboven noch niet voldaen wesende van 'tgene de Staten hem so menigmael hebben gelooft gehad, sal ten laesten resolutie willen nemen van hem te wreken:’ l.l. Il pouvoit se joindre, soit aux Mécontents (VI. p. 446, 514), soit aux Espagnols. On le force presque à une détermination pareille. ‘Willende met syn H. treden in onnodige altercatien, soude men hem oorsaek geven van hem jegens dese Landen te wreken mette wapenen en tot dien einde alliantie te maken metten Spangiaerts of met andere vyanden van dese Landen: p 92. Het is niet geraden, om een so onsekere vrede, te vallen in een seker dangier van syne H. genoeg te dwingen, of immers oorsake te geven van metten Vyand jegens dese Provincien alliancie te maken;’ p. 93. En outre, soit qu'on désirat la paix avec le Roi, soit qu'on y eût renoncé, on se privoit, en négligeant les rapports avec Anjou, d'avantages très-réels. Pour obtenir des conditions tolérables, négocier avec lui étoit le plus sûr moyen: T. VI. p. 233, in f. et p. 633. Le Prince écrit: ‘'t selve poinct alleen sou wel het principaelste syn, waerdoor dat dese Landen tot eene goede en sekere vrede soude mogen geraken. Want de Keiserlyke Maj. en die van wegen den Koning macht hebben, siende dat men eintelyk meint met den Hertog van Alençon te tracteren, sullen gedwongen wesen aen te nemen de redelyke conditiën die van wegen de Staten Voorgehouden worden:’ Bor, 94a, - L'idée de voir la France maitresse des Pays-Bas faisoit trembler le Roi, l'Empereur, l'Empire, et le plus souvent aussi Elizabeth. En cas de rupture définitive avec le Roi, Anjou, mieux que tout autre, pouvoit venir au secours des Pays-Bas.
A mesure que les espérances de paix s'évanouissent, la délibération sur Anjou prend un caractère sérieux. ‘Coeperunt itaque serio cum Alençonio agere, cum quo antea videbantur tantum ludere ut tempus ducerent:’ Languet, Ep. s. 1, 2, 808. | |
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Ga naar margenoot+De vives résistances se manifestèrent. Comment s'en étonner! Ecarter l'influence Francoise avoit été un des principaux motifs qui donnèrent naissance à l'Union d'Utrecht (VI. p. 487). L'art, 10 du Traité du 13 août portoit expressément que, si l'on changeoit de Souverain, la préférence seroit donnée au Duc. C'étoit un engagement clair et positif. Et cependant, sans se reconnoitre lié par cet article, on parloit encore ‘van te delibereren op 't aennemen van eenen anderen Heer, 't sy den Hertoge van Alencon oft andere den Lande meest oirboirlick:’ v.d. Spiegel, II. 166. L'opposition vint surtout de la part des Réformés et des Républicains. Elle causa au Prince de nombreux soucis. Il falloit, disoit-il, ou se suffire à soi-même, ou se soumettre au Roi d'Espagne, ou recourir à des secours étrangers. Pour le premier parti on déployoit trop peu d'activité; le second étoit impraticable; il ne restoit donc que le dernier. On ne pouveit se passer d'Alliés. Mais où les trouver? En Allemagne? Les Réformés ne pouvoient guère avoir confiance dans les dispositions de Rodolphe: Languet écrit d'Anvers, en janv. 1580: ‘his hominibus omnes Imperatoris actiones suspectae sunt, ob ea quae in Religione movit in Austrià:’ Ep. s. I. 2. 810. Ils devoient se défier de tous les Princes Catholiques. Et, ce qu'il y avoit de plus déplorable, les Princes Protestants, livrés à l'examen de questions abstruses, n'avoient à coeur que les disputes théologiques. Les Luthériens songeoient beaucoup plus à condamner les Réformés en Allemagne qu'à les secourir dans les Pays-Bas. Un savant celèbrede la Suisse, R. Gualtherus, à mème de connoître la situation des choses, écrit en 1576: ‘Nescio an magis Belgarum calamitas aut Germanorum plus quam belluina stupiditas deplorari debeat... Sed debemus hoc malum... insanis contentionibus de religione et doctrinâ, quae et ipsae ambitiosis quorundam consiliis eo usque deductae sunt ut caedes et sanguinem multi spirent contra fratres, qui interim Evangelio quod pacis nuntium est gloriantur: ’ Ep. sel. Belgg. p. 728. En 1577: ‘Eo jam processit Lutheranorum spiritus ut Papistas facilius quam nos ferant: p. 751. Et | |
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Ga naar margenoot+en 1578: ‘Cum Belgas absque commun is patriae periculo opprimi non posse videant, tamen non modo hos negligunt, sed inter tanta rerum discrimina Theologorum ambitioni locum dant, qui tempore omnium alienissimo, sub concordiae novae praetextu, Pandoram fabricârunt, quam ceu ᾤϱιδος μῆλον circumferunt... Hi certe egregiam operam Pontifici atque Hispano praestant:’ l.l. p. 773. On doit excepter le Landgrave de Hesse; mais il étoit loin d'approuver la marche des affaires; et d'ailleurs que pouvoit-il seul? Les secours d'Elizabeth étoient communément tardifs et incertains. Donc la France restoit. La France, rivale de l'Espagne et seule à même de contrebalancer son pouvoir. La France, où la Réforme avoit jeté de profondes racines. Les Réformés des Pays-Bas, en Allemagne presque des révoltés et des hérétiques, trouvoient en France identité de convictions religieuses et, sous plusieurs rapports, conformité de situation politique.
Aux calculs du Prince vinrent peut-être se mêler des souvenirs trompeurs et des prévisions qui ne se sont point réalisées. Il se rappeloit la France, du temps de Coligny, à une époque de foi vive, de dévouement complet, d'ébranlement général. En 1579 ‘il n'y avoit plus parmi les Huguenots que le peuple et les Consistoriaux qui eussent de l'ardeur pour leur Religion; à l'égard des Grands, ce n'étoit qu'une faction:’ Mezerai, V. 237. Et M. Ranke écrit: ‘so viel ist gewisz das man hereits um das Jahr 1580 die gröszte Veränderung wahrnahm. Ein Venezianer versichert die Zahl der Protestanten habe um 70 Procent abgenommen; das gemeine Volk war wiederum ganz katholisch. Frische Anregung, Neuheit, und Kraft des Impulses waren wieder auf Seiten des Katholicismus: ’ F.u.V. III. 147. Il se flattoit sans doute que bientôt, soit par les calculs intéressés de la Maison de Valois, soit par les convictions et la vaillance du Roi de Navarre, il y auroit en France liberté complète et durable pour la Religion Evangélique. Il ne supposoit pas que, de deux | |
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Ga naar margenoot+Rois, l'un deviendroit esclave de ses sujets pour conserver la Couronne, l'autre renégat et hypocrite pour la posséder. Mais, en admettant que le Prince ait jugé la France trop favorablement, il ne faut pas oublier qu'il s'agissoit moins des chances de l'avenir que des besoins impérieux du moment. Il n'y avoit pas à hésiter. -‘Connoissant l'humeur de M. le Duc et laperversité deceux qui le conduisoient, Mornai faisoit conscience de celer au Prince le mal qu'il en prévoyoit... Mais tousjours celui-ci luy remettoit en avant la nécessité, objection où il n'y avoit point de repartie, laquelle, soubs la parole d'un tel autheur, il ne vouloit pas révoquer en doute:’ Vie de Mornai, p. 54. Cette nécessité devint si manifeste que les Provinces les plus contraires au Duc fléchirent devant-elle, et qu'après la mort du Prince, ce fut à la France qu'on eut recours.
Plusieurs considéroient toute négociation avec Anjou comme illicite. Dieu, disoient-ils, défend de traiter avec les idolâtres. ‘Die Prins seyde: hoewel hy in die Theologie niet soo hoogh geleert en was, dat hy nochtans ontallyke exempelen van verbonden tusschen Gereformeerde en Catholycken t'onsen tyden by andere Natien sach, daer aen die Predicanten sich niet en argherden:’ v. Reid, p. 24b. Puis on faisoit valoir les droits et les intérêts de l'Empire. Mais, d'abord, le nouveau Souverain seroit tenu à remplir les obligations de ses prédécessenrs; en second lieu, il falloit ne pas confondre l'intérêt de la Maison d'Autriche avec celui de l'Empire en général. ‘Non distinguunt inter ea quae Imperio et quae domui Austriacae sunt utilia vel inutilia. Ego sane negareGa naar voetnoot1 possum, si contingat fieri ejusmodi mutationem, id fore damnosum domui Austriacae, ad quam jure haereditario hae provinciae pertinent: sed an id sit futurum damnosum Imperio, est alia quaestio... Dicam liberius quod sentio. Plus periculi meo judicio libertati Germanicae imminet a familiâ Austriacâ quam a Gallicâ, cum sit longe potentior, et habeat suas factiones et necessitudines plurimas in Germaniâ:’ Lang. Ep. s. I 2. 828. | |
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Ga naar margenoot+On craignoit aussi que le Duc n'aspiràt à une trop grande autorité. Danger nullement chimérique, mais contre lequel on pouvoit se précautionner. Le Prince, en voulant pour le Duc un pouvoir qui ne fut pas entièrement illusoire (‘beschermer van dese Landen, te weten absolutelyk en generalyk, so wel in saken van Oorlog als van de Justitie:’ Bor, 94b), veut aussi de trèsfortes limites; ‘al sulke redelyke conditien als de Staten selven tot nut, profyte, en versekerdheid van den Lande sullen bevinden te behoren:’ l.l. Mais, laissant le champ libre à cet égard, il fait de nouveau sentir que l'acceptation d'Anjou est une chose d'absolue nécessité. Il faut, outre un puissant secours étranger, une autorité monarchique, et pour la résistance au dehors, et pour l'ordre au dedans. Les villes et Provinces ne peuvent s'en passer: car ‘een iegelyk wilt onder 't deksel van privilegien, usancien, of ook commoditeit van plaetse en situatie, over den andere heerschen, oft immers syne nabueren verongelyken:’ p. 93b. D'ailleurs, en temps de guerre, même les gouvernements populaires nomment un Chef; ‘een hoofd en superintendent.’ Par conséquent, dit-il, si l'on se défie d'Anjou et que néanmoins on ne sauroit renoncer à son appui, ‘so moet daeruit volgen dat daerin anders egeen raad is dan daer tegen te versien by goede conditien en wetten:’ l.l.
Malgré tant et de si graves motifs, exposés par le Prince nettement et avec force; motifs auxquels on peut ajouter la perspective du mariage avec Elizabeth (T. VI. p. 644) et le désir d'avoir pour Chef un Prince, autour duquel, non pas uniquement les Réformés, mais aussi les Catholiques vinssent se rallier; M. de Beaufort, traitant la question avec sa partialité accoutumée (Leven v. Willem I. III. p. 329-340), ne sauroit expliquer une recommandation pareille que par le dessein de partager les Pays-Bas; le Prince devenant Souverain de trois Provinces, tandis qu'Anjou seroit maitre du reste. Cette supposition a son origine dans un acte secret, par lequel le Duc consentit à laisser au Prince l'autorité en Hollande, Zélande, et. Utrecht. L'écrivain cité en tire la conséquence générale. ‘dat de Prins geene de minste gedagten had om de Souverainiteit van H.Z. en het Stift Utr. aan den Hertog op te draegen:’ p. 339. | |
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Ga naar margenoot+Rappelons nous que déjà en 1575 le Prince vouloit placer la Hollande sous la Souveraineté d'Anjou: ‘het stond maer aan hem de seer grote en hoge gepresenteerde conditien aen te nemen:’ Bor, II. 92b. Observons ensuite qu'au printemps de 1579 il exhorte avec force les Etats de la Hollande, contraires alors à. Anjou, à ne pas persister dans cette opposition. Remarquons surtout que la disposition exceptionnelle accordée par Anjou, fut prise d'après les instances des Etats, nonobstant les conseils du Prince, et contre son gré. Même, après qu'on l'eut obtenue, il eût désiré ne pas s'en prévaloir. Bor, ayant dit qu'en mars 1581 les Etats de la H. offrirent au Prince la Souveraineté, ajoute: ‘dan also hy de aanbiedinge also absolutelyk voor die tyd niet begeerde te accepteren, so hebben sy ernstelyk versocht en aengehouden dat hy deselve ten minsten voor eenigen tyd en gedurende de Oorloge souden willen aenveerden, verhopende also provisionelicke ontslagen te blyven om de Souverainiteit aan Alençon over te dragen, daertoe sy luiden geensins gesint waren, hoewel de Prince daarop selfs aenhielt en daertoe was vorderende:’ II. 183a. La supposition de M. de B. croule avec sa base. Voyons néanmoins les raisonnements indirects par lesquels il veut corroborer sa thèse. Il y en a deux; fondés, l'un sur la situation des affaires, l'autre sur le caractère d'Anjou. L'Auteur conteste au Prince que le recours à Anjou fut nécessaire. Il dit: ‘het stond met de saeken van den Prins soo slegt niet:’ l.l. p. 337. Oublie-t-il la perte des Provinces Wallonnes, les troubles de Gand, les progrès du Prince de Parme, les contestations sur les articles de paix, les ravages des soldats, le mécontentement du peuple, le besoin d'argent, le manque de vigueur et d'accord? Mais sans énumérer les motifs de crainte ou plutôt les preuves de détresse, nous opposons l'Auteur à l'Auteur, lorsque, parlant de la même époque, il écrit: ‘de Prins was niet sonder reden bekommert dat de Vyand in 't aenstaende jaer alles geheel en al zoude t'onderbrengen:’ p. 353. | |
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Ga naar margenoot+M. de B. dit que si l'on n'admet un calcul intéressé, il est inexplicable que le Prince ait recommandé un personnage généralement reconnu pour méprisable et vicieux. Nous avons déjà vu que le Prince avoit des motifs suffisants en dehors du but égoïste que son biographe lui assigne; toutefois il est bon de faire voir que l'assertion sur Anjou est très-hazardée. M. de B. trace de lui un portrait nullement flatteur, mais certes aussi nullement flatté, C'est une simple juxta-position des traits défavorables épars chez les historiens. Plusieurs de ces passages sont écrits, après que le Duc eut justifié beaucoup de soupcons par ses actes: ils ne prouvent donc rien quant à sa réputation précédente. D'autres émanent de ses ennemis personnels; comme par ex. l'opinion de Henri IV, trop remarquable d'ailleurs pour l'omettre. ‘Il me trompera bien’, disoit-il à Sully, ‘s'il ne trompe tous ceux qui se fieront en luy, et surtout s'il aime jamais ceux de la Religion, ny leur fait aucuns advantages; car je scay, pour luy avoir ouy dire plus d'une fois, qu'il les hait comme le diable dans son coeur, et puis il a le coeur double et si malin, a le courage si lasche, le corps si mal basty, et est tant inhabile à toutes sortes de vertueux exercices, que je ne me sçaurois persuader qu'il fasse jamais rien de généreux:’ Mém. de Sully, (Paris 1663) 1. p. 102. De même ‘lui et le Duc de Guise, ’dit-il au fils de celui-ci, ‘l'estimoient Prince de malin esprit, volage, cauteleux, et désloyal; se reconnoissant l'un à l'autre avoir mesme une certaine naturelle antipathie avec luy:’ p. 598. - Sans vouloir justifier le Duc de ces imputations sous tous les rapports, nous observons qu'il est aisé de condamner, quand on admet, quand on accueille tous les témoins à charge, et qu'on n'examine pas même leur degré de véracité. An moins falloit-il mettre en regard les opinions opposées. Anjou fut longtemps l'espoir des Réformés (T. IV. p. 111). Malgré sa défection en 1576 (T. VI. p. 184), La Noue en 1578 étoit disposé à bien augurer de lui. S'il avoit été en 1579 aussi décrié qu'on le prétend, le Prince n'auroit pas écrit aux Etats de Hollande: ‘by is en word van een yegelyk gehouden voor een seer goed Prince, verstandig, en liefhebber van de Justitie:’ Bor, II. 94b. Encore en 1580, Marnix, dans une Lettre confidentielle, fait de lui un éloge pompeux. ‘Haheo pro | |
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Ga naar margenoot+exploratissimo te, si hunc Principem videris, haud aliter atque ipse ego sensurum. Est enim ingenio mansueto et suavi, judicio acri, eloquentiâ non vulgari, fide, nisi me plane omnia fallunt τεκμήϱια, integrâ ac syncerà. Religionem profitetur Pontificiam et, ut apparet, religiose; sed veram Evangelicam non aversatur. Eos certe qui illam profitentur, et amat et colit, peraeque alque alios. τάχα καί τούτῳ τῷ κακῷ ἰαϑήσεται ὁ πολλῶν παϱαίτιος χϱὀνος. ἐγὼ δὲ τοῖς παϱοῦσι πανταπασίγε χϱηστέον οἶμυι.’ Epist, selectae, p. 821. |
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