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Lettre DCCLXI.
La Princesse au Prince d'Orange. Arrivee du Comte Jean de Nassau.
*** Le Comte Jean, qui peut-être s'étoit arrêté dans quelques villes de la Hollande ou de la Gueldre, tandis que ses filles auront directement continué leur route, avec Brunynck, vers la Princesse d'Orange (p 131 et 144) venoit, à ce que dit Wagenaar, ‘om vergoeding te erlangen van zyn verschot, ten dienste van den Lande gedaan:’ VII. 170. Cet écrivain cite les Résolutions des Etats de Hollande; mais le passage prouve seulement que le sécretaire du Comte avoit, en avoût, insisté sur la restitution des deniers prêtés en 1574 par l'Electeur Palatin, ‘daarvoren Graef Jan, alle
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Ga naar margenoot+syne goederen in het particulier hadde verobligeert:’ Rés. de H., 21 août 1577. Le voyage du Comte avoit d'autres motifs.
Le Prince désiroit ses avis et eût aimé l'avoir en Holl. en Zél. pour Lieutenant. C'est pourquoi il insinue aux Députés de ces Provinces, qui se trouvoient avec lui en Braband ‘dat Graaf Jan wel goed verstand had en proper was om eenige goede dingen te wege te brengen, gelyk hy ook gedaan hadt by de verkiezing van den nieuwen Bisschop van Keulen, die onze zaak zeer toegedaen was:’ v.d. Spiegel. On. St. II. p. xviii.
Par-là le Comte avoit rendu un grand service, aussi bien aux Pays-Bas qu'à l'Allemagne: Languet écrit en 1578 au Landgrave Guillaume de Hesse: ‘Dasz der Freysinger nicht Erzbischof von Köln geworden, er der gewisz Spanien zur Herrschaft über Belgien geholfen und die Evangelischen im Erzstift heftig verfolgt hätte, ist eins der glücklichsten Ereignisse Deutschlands seit dem Kriege den der Landgraf 1552 gegen Carl V geführt.’ V. Rommel, N.G. Hessens, I. 525. ‘Repulsa Bavari multum incommodatGa naar voetnoot1 rebus Joannis Austriaci: nam ejusmodi amicitiam inter se contraxerant, ut videretur futurus addictissimus regi Hispaniae:’ Lang., Ep. s. I. 2. 332. - V. Reydt, racontant l'avènement de l'Evêque de Frisingen au siège de Cologne, en 1582, observe: ‘Was al van langher handt by den Keyser, Coninck, ende Paus ghearbeydt, om eenen van sulcke qualiteydt omtrent die Nederlanden te planten, ende tot grote macht te verhoghen, om met de Spaensche regieringhe overeen te stemmen, denselven bewysende ende den Nederlanden afsnydende alle voordeelen, diemen van gunstighe Nabueren plagh te ghenieten. Gelyck dan desen Ernestus inghedrongen was in die Stichten Ludick, Colen, Munster, Hildesheim, reyckende sync Landen van Brabant af tot in 't herte van Duytslandt, ende omcinghelende perfect die Vereenighde Provinciën, denwelcken ghenen pas en resteerde nae Duytslandt sonder deses Bisschops ghebiedt te beroeren:’ p. 38a.
Monseigneur! J'ay resceu ce matin à mon réveil vos lettres en date du troièmeGa naar voetnoot2 de ce mois, et vous asseure
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Ga naar margenoot+que j'ay esté bien joieuse d'estre randue certaine de vostre bonne sencté, dont je loue et remercie Dieu, et Luy supplie de vous y voulloir bien mainctenir. Aujourd'huy est arrivé sur ungne heure après midy en cette ville Monsr le Conte vostre frère, quy a esté avec le grant contentement des bourguemestre et de tout le peuple. Nous avons esté, nos filles et moy, plus aise encore que tout le reste et, avons dîné ensenble et bien beu à vostre sencté, désirant fort, Monseigneur, que usiésGa naar voetnoot1 esté en présance pour nous faire raison. Je feray tout le mieulx que je pourray touchant ce que vous me mendés, mais ceulx de ceste ville ce sont déjà avisés de faire leur présantGa naar voetnoot(1) à part d'ugne coupe, dont le vase est de licorne, le reste d'argent quy vault quelque cent livre de gros. Sy toutes les aultres font le sanblable, seroit quelque tesmoignage de leur bonne voullonté, mais j'eusse mieulx aimé que tous les Estats eusse faict ung présant de chose quy parust et de quoy l'on se peust servir ensenble; toustesfois,
Monseigneur, je n'ay osé empescher, espérant que l'on poura bien encore remédier à ce que le général suploieGa naar voetnoot2 en ce que le particulier auroit deffailly; ce que je feray le plus discrectement que je pouray. Quant au mille florins, j'ay mendé Jen Back pour savoir sy les
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Ga naar margenoot+poura fournir; et, ou il n'auroit le moien pour le tout, j'en trouveray ungne partie; tellement que j'espaire, avec l'aide de Dieu, que je ne fauldré de satisfaire à vostre commendement; comme nous ferons, nos filles et moy, de prandre la meilleure pacience que nous pourons, conbien qu'elle nous sera bien difficile quant Monseignr vostre frère partira d'icy; car ce pendant qu'il y est, il ne nous senble point que vous soiés du tout absent. Je me reconforte, Monseigneur, sur ce que vous espérés que les affaires prandront ung meilleur chemin, et sy je suis bien estonnée de ce qu'y ne sont poinct encore résolus, car il est plus que temps; j'estime que ceste petite deffaicte les avencera. Dieu veille qu'y vous puisseGa naar voetnoot1 bien croire, aultrement j'aurois double regret de quoy vous este là. Quant à la plate je n'en ay faict nulle mention, ny ne feray encore, et attandray Mr DorptGa naar voetnoot2. Au reste, Monseigneur, j'ay faict vos recommandacions à nosfilles, quy vous présante les leur très-humblement à vostre bonne gràce. Nous aimons bien l'un l'austre et sommes bien privément ensenble, et el ont bien grant soing de leur petites; tous ce porte bien, et Monsr le Conte Maurice que l'on pence tous les soisGa naar voetnoot3 et tous les matins.... A Dordrecht, ce 7 oct.
Vostre très-humble et très-obéissante servante, tant que vivera,
C. de Bourbon.
A Monseigneur le Prince, en ses mains propres.
Depuis plusieurs mois les négociations avec le Duc d'Anjou (T.V. p. 440 et passim) avoient été interrompues. Après l'Edit Perpétuel elles devenoient, pour le moment, sans motif; et en outre les événe- | |
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Ga naar margenoot+ments de Francey eussent porté obstacle. La manière dont le Duc se déclara contre les Protestants, ses anciens alliés, le rendoit peu propre au systême conciliateur que ses partisans dans les Pays-Bas considéroient comme le seul remède à leurs maux.
Dès la paix de 1576 on s'étoit apperçu qu'on ne pouvoit compter sur lui: ‘De ses procédures commença-on à juger qu'il abandonneroit bientost la cause de la religion, encor qu'en apparence il leur fist bon visage et en retint quelques uns en sa maison: Vie de Mornay, p. 35. Mornai en particulier, ‘reconnoissant de plus en plus que Monsieur se départoit de ceux de la religion et s'en alloit en Court,... prit congé de son service:’ p. 36.
La crainte de la Ligue acheva de le déterminer. Il paroit que les Ultra-Catholiques songeoient sérieusement à l'exclure de la succession à la Couronne et même à porter encore plus loin leur ressentiment: ‘L'assemblée des Estats remontrera au frère du Roy la plus grande faute qu'il a commise de se joindre aux hérétiques: et, comme il n'est pas en la puissance du Roy de remettre et pardonner tels crimes, luy sera donné des juges pour cognoistre dudit crime, à l'exemple très-saint et pieutissime du Roy catholicque en l'endroit de son propre fils... On se saisira du frère du Roy...; on fera de lui punition exemplaire:’ Capefigue, Hist. de la Réf. IV. 41 (en Latin chez de Thou, Hist. III. p. 177, in f.). Le Duc, dans une Proposition faite en son nom aux Etats-G. en 1578, convient de l'impression que firent sur lui de pareilles menaces: ‘non seulement les débats qui survindrent entre les siens et les deffiances qui en nasquirent, furent cause de son retour à la Court, ains il fust encores plus induict par la crainte de cette menée qui fut lors faicte sous le nom de ligue saincte, par laquelle il estoit expressément déclaré incapable de succéder à la Couronne:’Nyhoff, Bijdragen voor Vaderl. Gesch. en Oudheidk. II. 145.
Son inconstance et sa lâcheté lui attirèrent le mépris universel: ‘Scribunt Alençonium jam amisisse omnem auctoritatem et existimationem; nam Pontificii ei non fidunt, plerique autem ex Huguenotis et Malecontentis discesserunt ab co.... 3 Febr.’ Lang, Ep. secr. I. 2. 278.
Il n'en resta pas là. Il accepta le commandement des troupes.
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Ga naar margenoot+Il semble même qu'il vouloit rentrer en grâce auprès des Catholiques par un zèle ardent et cruel: ‘Oppidum Issoire tandem est expugnatum post adventum Alençonii in castra. Saevitum est crudeliter in cives, qui fere omnes a pluribus annis puriori religioni fuerunt addicti... 4 Julij:’ l.l. p. 299.
Mornai lui fit une remontrance avec sa franchise accoutumée: il lui écrivit ‘une hardie lettre par laquelle il luy démonstroit le tort qu'il se faisoit de se départir de ceux de la religion, perdant par là l'espérance, et du mariage d'Angleterre, et de la Seigneurie des Pays-Bas:’ Vie de Mornay, p. 38. Que fit le Duc? Il montra la lettre ‘à la Roine sa mère, dont M. du Plessis n'eust pas esté en petit danger, s'il eust esté arresté:’ l.l.
Néanmoins, jetant de nouveau les yeux sur les Pays-Bas, il sentit qu'il falloit modifier sa conduite. La Reine de Navarre sa soeur, dans un voyage en Belgique (p. 113), lui avoit préparé les voies: on lit ses intrigues avec la Noblesse, surtout avec celle du Hainaut, en détail dans ses Mémoires (Collect. Univers. d. Mém. T. 52, p. 246-297), en résumé chez Strada II, p. 2, sqq. La rupture avec D. Juan, vers la même époque, venoit à point. Il ne falloit que la paix en France pour remettre les négociations dans le même état qu'en oct. et nov. 1576. - Cette considération hâta sans doute le Traité de Bergerac; et quand le Duc revendique ‘la louange de la paix, à laquelle il s'obstina tellement et avec tant d'artifice qu'elle a esté conclue, lorsque l'on l'espéroit le moins,’ (Nyhoff, l.l.), on croit aisément ce qu'il ajoute: ‘à quoy servit aussy beaucoup l'affection que son Alt. avoit de tourner les armes et soldats de la France au secours et délivrance de ce pays de par deçà: l.l.
Déjà au commencement de septembre il s'adressa aux Etats-Gén. avec de fort belles promesses. Ceux-ci écrivent en 1580 au Srd'Inchy: ‘'t sal ook der belofte van syn Hoogheid van den 9en sept. 1577 gelykmatig syn dat het secours niet alleen sy tegen die u willen beschadigen, maar generalyk tegen de Spangiaerden, hunnen aenhangers en bondgenooten, en allen anderen die u sullen willen beschadigen, en syn, en sullen werden onse vyanden:’ Bor, II. 159b.
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Ga naar margenoot+Dire ce que Henri III vouloit est assez difficile; d'autant plus que lui-même souvent ne l'aura pas su. Habituellement indécis, il n'avoit ni fermeté, ni énergie; si ce n'est, par fois et à de rares intervalles, cette énergie momentanée, qui traverse rapidement la crise, pour retomber mollement dans le repos. L'Ambassadeur d'Espagne écrit, en annonçant que le Roi a signé la Ligue: ‘Je me méfie beaucoup du caractère de ce Roy; il est pusillanime, et les huguenots, qui le cognoissent, le tourneront de telle manière qu'ils pourroient bien l'amener à leurs pernicieuses doctrines:’ Capef, IV. p. 67. De même Mornai marque le trait saillant de son caractère, en disant ‘qu'addonné à ses plaisirs il rachéteroit son repos aux dépens de qui que ce fust, ains de son authorité propre:’ Vie de Mornai, p. 85.
Les événements dont il fut témoin, semblent avoir incliné son esprit vers la tolérance. Les Lettres de l'Electeur Palatin, du Duc Jean-Casimir, surtout aussi les sages conseils du Landgrave Guillaume (v. Rommel, N.G. Hessens, I. 562) ne furent pas toujours inutiles. Il fut contraint à la paix de 1576 (T.V. p. 349), mais celle de 1577 étoit conforme à ses désirs. ‘Le Roy qui n'avoit es'é porté à la guerre que par l'impétuosité d'autruy, la vouloit abbréger,’ Vie de Mornay, p. 43. Mornai écrit en 1585: ‘Ce qui plus me fasche c'est que le Roi avoit tousjours dit que Dieu lui avoit appris que la Religion ne se plantoit ni extirpoit par armes; qu'il avoit fait ceste paix volontairement et la vouloit garder de mesme... Que les autres n'avoient été faites de ceste façon, mais que celle-ci étoit proprement la sienne:’ Mém. de Mornay, I. 528 Malheureusement le Roi savoit à peine prendre des résolutions et moins encore les garder.
Quant aux Pays-Bas il étoit également ballotté par des considérations diverses. Il aimoit à éloigner un frère qui en France lui étoit à charge. Il ne se soucioit pas ‘d'oster une espine au pied du Roy d'Espagne’ (ci-dessus p. 58). Même il eût volontiers joint les Pays-Bas à la Couronne de France, s'il eût pu le faire avec sécurité. D'autre part il craignoit de rendre le Duc d'Anjou trop puissant, il redoutoit l'indignation de l'Espagne et la jalousie d'Elizabeth. - Plus d'une fois il donna des secours indirects et d'autres marques de
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Ga naar margenoot+faveur; maintenant encore: ‘Graef Carel van Mansfelt soude aan D. Jan.. noch wel vele meer Françoisen medegebracht hebben, byaldien het door 't gebod van den Conink, ten versoeke van de Staten-Gl, niet belet en verboden en ware geweest:’ Bor, 932a. Mais jamais il ne put se résoudre à des mesures décisives. Il n'approuva point l'expédition de 1578: bien au contraire, au moment où le Duc alloit conclure un Traité et pousser la guerre avec vigueur, il exhortoit à la paix: Bor, 978b. De même en 1581 il se montre fort mécontent de l'entreprise contre Cambrai: Capefigue, IV. p. 148. Les Espagnols et le Cardinal de Granvelle ne voyoient en cela que dissimulation et perfidie. Peut-être à tort. Mornai écrit en 1582: ‘le Roi s'esmeut pen jusques ici, et pour le secours de Monseigneur son frère, et pour la conqueste de pays si bien séans à sa Couronne; veu qu'il ne lui baille argent qu'à leschedoigt et en rechignant, et de peur seulement qu'il n'en revienne:’ Mém. de Mornay, I. 119.
En ceci, comme dans les affaires de la France, le Roi n'avoit guère, ni intentions précises, ni but constant. |
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présant. Peut-être pour donner la bienvenue au Comte Jean. - A l'occasion des couches de la Princesse les Etats avoient déjà fait preuve de libéralité: le 17 août ‘hebben die van Zeeland gepresenteert en geconsenteert in de Pillegave van Juffrouwe Elizabeth van Orange, dochter van den heere Prince; tot twee duizend ponden geaccordeert, jaarlijks te sullen dragen en betalen vijf honderd ponden:’ Rés. de Holl. 1577. p 460.
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