Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome V 1574-1577
(1838)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij
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† Lettre DLXVIII.
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Ga naar margenoot+Madamoiselle de Bourbon, laquelle, pour obvier à toutes oblocutionsGa naar voetnoot1 qui par cy-après pourroient se faire, désire grandement ce que dessus; en quoy aussi je ne puis sinon luy donner toute raison: j'ay receu vostre lettre du 19 du dit mois de may, et par icelle entendu, premirement vostre maladie, laquelle j'ay ressenti et ressentz jusques au coeur, comme celuy qui ne désire rien tant (comme aussy je me sens tenu à le désirer) que vostre bien, salut, et prospérité, à quoy vous pouvez estre asseuré que de tout mon povoir je tiendray la main, priant Dieu (en quoy j'espère qu'Il m'exaucera) de vous garder de tous inconvéniens et vous remettre en bonne santé. Aussy ay-je par la mesme lettre apperceu (dont ay esté très marry) qu'estez en merveilleuse peyne de ce mien mariage qui est en train, vous semblant [advisGa naar voetnoot2] que l'on n'y auroit pas procédé avec telle discrétion, et par tel moyens, comme il estoit requis, et mesmes en si grande haste, et par cela moy et les miens, voire et toute la cause généralle, en pourroient encourrir grans inconvéniens, mesmement en ceste journée Impérialle qui se doibt tenir le 29e de jullet à Francfort. Sur quoy je vous puis asseurer, Monsieur mon frère, que mon intention, depuis que Dieu m'a donné quelque peu d'entendement, a tendu tousjours à cela, de ne me soucier de paroles, ny de menasses, en chose que je peusse faire avecq bonne et entière conscience, et sans faire tort à mon prochain, mesme là où je fusse asseuré d'y avoir vocation légittime et commendement exprès de Dieu. Et de faict, si j'eusse voulu prendre esgard au dire des gens, ou menasses des Princes, ou aultres semblables | |
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Ga naar margenoot+difficultez qui se sont présentées, jammais je ne me fusse embarqué en affaires et actions si dangereuses et tant contraires à la volonté du Roi, mon maistre du passé, et mesmes au conseil de plusieurs miens parens et amys. Mais après que j'avois veu que ny humbles prières, ny exhortations ou complaintes, ny aultre chose, quelle qu'elle fust, y peut servir de riens, je me résoluz, avecq la grâce et aide du Seigneur, d'embrasser le faict de ceste guerre, dont encoires ne me repens, mais plustost rendz grâces à Dieu, qu'il Luy a pleu avoir esgard par Sa miséricorde à la rondeur et sincérité de ma conscience, lorsqu'il me donnoit au coeur de ne faire estat de toutes ces difficultés qui se présentoient, pour grandes qu'elles fussent. Je dis aussy tout le mesme à présent de ce mien mariage, que, puisque c'est chose que je puis faire en bonne conscience devant Dieu et sans juste reproche devant les hommes, mesmes que par le commandement de Dieu je me sentz tenu et obligé de le faire, et que, selon les hommes, il n'y a que redire, tant la chose est claire et liquide, veu singulièrement qu'après avoir attendu l'espace de 4 ou 5 ans et en avoir adverty tous les parens, tant par vous que par mon beau-frère, le Conte de Hohenloe, il n'y a eu personne qui m'ait presté la main, ou donné conseil pour y remédier, m'a semblé, puisque l'occasion s'est présentée, dGa naar voetnoot1'embrasser résolutement et avec toute accélération, afin de ne ouvrir la porte aux traverses que l'on y eust peu donner. Car oires qu'il s'offrit plusieurs difficultés grandes en apparence, lesquelles vous allégués certes bien à propos, et ont auparavant esté bien meurement et par le menu | |
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Ga naar margenoot+espluchées et non pas estimées si légières, ny passées si supperficiellement, comme par vostre lettre il semble que vous estimez, si est-ce que de l'autre costé j'ay trouvé beaucoup plus et bien plus importantes raisons de haster et accélérer le dict faict, que ne sont celles que m'eussent peu induire à le différer; ainsi que quelque jour, ayant ce bien de nous entreveoir, j'espère de vous faire cognoistre par le menu et vous en donner entière contentement; mesmement, d'autant que j'espère que ce mariage tournera aultant et plus à nostre bien et de la cause généralle, que n'eust faict le retardement ou plus long délay, lequel eust peu bien aisément ruiner et renverser toute nostre intention. Aussi quand le tout sera bien considéré, je ne voy nul juste fondement sur lequel les Princes puissent asseoir leur indignation et offence si grande que vous me alléguez. Car de dire que par cela la faulte et la personne coulpable sera tant plus divulguée, hélas! la chose est venue si avant que, comme l'on dit en proverbe, les enfans en vont à la moustarde, tant en France, Italie, Espaigne, Angleterre, qu'en ce pays par deçà; chose que par mon advis l'on eût bien peu au commencement éviter, si les affaires n'eussent alors esté trop précipitéesGa naar voetnoot(1), mais en ce qui est passé il faut cercher remède et non contrerolGa naar voetnoot1. Et puis, s'ilz désirent encoire maintenant que le chose, selon la qualité et disposition du temps, soit tenue le plus couverte et cachée que faire se pourra, comme certes ils le doibvent bien désirer, je vous prie quel autre meilleur et plus prompt moien eussé-je peu tenir à cela pour | |
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Ga naar margenoot+satisfaire à leur désir, que de ne laisser traîner cest affaire en longueur? Car il est bien asseuré que plus loingtemps qu'elle traînera, et plus en aura l'on la bouche ouverte pour en dire chacun sa ratteléeGa naar voetnoot1, et pour donner occasion aux mesdisans de blasmer et exposer en opprobre et mocquerie ceulx à l'honneur et réputation desquels on doibt avoir esgard, ainsi qu'eux-mesmes et vous aussy désirez. Veu singulièrement que le dilay, quelque long qu'il soit, ne pourra jamais amoindrir le poids et importance de raisons sur lesquelles ils fondent l'occasion de leur courroux et ressentement, ains au contraire ne fera que l'augmenter et enaigrir d'avantaige, car d'autant plus que j'eusse attendu à me résouldre en ceste délibération, d'aultant plus eust-on eu occasion d'estimer, que non pas la nécessité, mais plustost quelque gayeté de coeur, ou une résolution bâtie de longue main, pour faire despit à ceulx ausquels je vouldroy et debvroi porter tout respect, m'y eust induict. Bien est vray que plusieurs encoires à présent ne laisseront d'en parler aussy bien comme ils pourroient faire d'icy à plus long intervalle de temps, car il n'y a chose si bien faicte au monde qui ne soit subject au blasmes et contradictions de ceux qui font estat de contreroller, mais c'est un grand contentement de ceulx qui ainsi se sentent blasmez, mesmes redonde à leur grand honneur, quand l'on trouve à la par fin, que toutes leur actions ont esté dressées et faictes avecq une bonne et saine conscience, et d'aultant plus s'ils ont ce tesmoignage en eux, d'avoir eu esgard à l'honneur et intérest de leur pro- | |
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Ga naar margenoot+chain, comme en ce faict icy je puis dire à la vérité que j'ay eu, qui a esté cause que j'y suis ainsi procédé superficiairement, sans aultres grandes solennités, desquelles j'eusse bien peu avec raison user, si les respects des personnes que vous m'allégués en vostre lettre, ne m'en eust détourné. De façon que, quand ils considéreront bien le tout, ils auront grande occasion de me sçavoir bon gré d'y estre procédé de ceste façon, et m'estre plustost assubjecty à je ne sçay quels soupçons sinistres d'aucuns qui ignorent la vérité, par ceste miene accélération et simple et secrète façon de procéder, que d'avoir voulu par long délais et par odieuses disputes, desbats, et déclarations sur les difficultés occurrentes, ou bien par aultres solennités ou cérémonies juridiques, publier ce faict par tout le monde, comme à son de trompe, et réduire le tout à plus grande aigreur et scandale, qui ne fust onques. Car quant aux aultres difficultés que vous allégués du dot et aultres charges qui nous tomberont sur le bras, et des enfans que par cy-après en pourroient naistre, je vous prie de considérer que le dilay, quand bien il eust esté prins, je ne diray pas jusques à la prochaine assemblée de l'Empire, mais jusques à une centaine d'années, par manière de dire, n'eust aucunement peu remédier à cela, veu qu'il n'y avoit aultre remede quelconque, que de traicter ce mariage de telle façon et avec telle rondeur et sincérité, par laquelle on eust peu couper broche à toutes difficultez que par cy-après pourroient sourdre, ainsi que j'espère avoir faict, aiant eu ce but et intention d'obvier à tout semblables inconvéniens, le plus que possible seroit, par une franche et libre déclaration des | |
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Ga naar margenoot+charges ausquelles mon bien estoit obligé au regard des premiers enfans: si que j'estime qu'en cas que par conseil et pourvoiance humaine l'on puisse remédier à semblables inconvéniens, j'y ay si avant remédié qu'il m'a esté possible, espérant que Dieu y donnera Sa bénédiction. Car en ce où il n'y a nul aultre remède que de demeurer perpétuellement en cest estat de vefvage, auquel, à mon grand regret, je me suis trouvé tant de temps, je me persuade fermement que vous mesmes ne me vouldriez avoir conseillé de rachapter telz inconvéniens à pris si cher. Car quand à ce que vous alléguez qu'en priant Dieu et m'efforçant j'eusse bien peu obtenir plus loingtemps la grâce et don de continence, sans prendre ce soubdain conseil de me marier, je ne le veulx pas desbattre; mais puis que le dilay n'eust peu remédier à aucuns inconvéniens par vous allégués, et aux aultres y eust peu beaucoup nuire, j'estyme que ce seroit esté peine perdue de pourchasser ceste requeste de Dieu, lequel ne m'a jamais promis de le donner, mais veult qu'on embrasse les remèdes que Lui mesme propose en Sa parolle, et pour tant je croy fermement que cecy a esté le chemin plus seur, non seulement pour moy, mais aussy pour la cause généralle, laquelle eust peu tomber en quelque grand chandale ou bransle en cas que les affaires fussent allées aultrement que bien. Quant aux nouvelles de par deçà, l'ennemy, après avoir perdu son temps au Watterland, là où il avoit desploié tous ses efforts, s'est tourné du costé de par-deçà, et trouvant l'isle du Clundert sans fort ou trenchée qui eust peu résister ou faire teste à une telle multitude, aiant esté adverti d'un gué où ils pouvoient passer à l'aise jus- | |
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Ga naar margenoot+ques à genoil en l'eaue, s'est saisy d'icelle, et semble qu'il y veueille bastir quelque fortz pour tenir la dicte isle, au moins jusques à tant qu'il en ait faict la cueillette des fruictz. Despuis il a aussy obtenu la ville, et puis le chasteau de Bueren par la rendition du Capitaine, lequel y a faict fort petit debvoir, n'aiant attendu assault, ny batterie. Les affaires de la paix sont tousjours en mesme train. Les commissaires du Roy et les nostres sont de rechief à Bréda, mais le tout va lentement, et y a encoires petit apparence. Ilz font maintenant semblant de vouloir faire une trefve pour trois ou quatre mois. Je vous advertiray de tout le succès. De France je n'ay aultre nouvelles, sinon qu'il semble que la paix y est du tout rompue, et le Roy a esté quelque temps fort maladeGa naar voetnoot(1). Je vous prie me mander ce qu'entendez de la journée Impérialle, et en quel temps et lieu elle se doibt tenir, avec les aultres occurrences que pourrez apprendre pardelà, et ce sera l'endroit ou finissant ceste, etc. Escript à Dordrecht, ce 7me jour de jullet 1575. Guillaume de Nassaw. A Monsieur, Monsieur le Conte Jean de Nassaw, mon bien bon frère.
Ga naar voetnoot1 Monsieur, mon frère. Depuis mes lettres serrées me sont venues quelques lettres interceptés sur noz ennemis, entre lesquelles il y en a deux escriptes par le Grand-Commandeur de Castille, Gouverneur du Pays-Bas. L'une | |
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Ga naar margenoot+addressant au Duc Erich de Bruynswych, et l'aultre à l'Evesque de Brémen, dont j'ay bien voulu vous envoyer icy les doubles, afin que voyez la correspondence que tiennent avecq noz ennemis ceulx qui de tout leur coeur debvroyent plustost embrasser nostre juste et équitable cause, et le faciez entendre par delà aux Seignrs et aultres que trouverez convenir. Vous serez de mesme adverty comme le Evesque de Frisingen est après pour estre Evesque de Munster, ainsy que verrez par une aultre lettreGa naar voetnoot(1). Parquoy seroit bon que regardissiez de parler à Kettler et autres pour l'empêcher, s'yl est possible. Datum ut in litteris. Guillaume de Nassau. |
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