Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome IV 1572-1574
(1837)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij51.
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Ga naar margenoot+fidélité. Il me semble en premier lieu, que de tous les discours dudit Frégoze et de ceulx qui sont contenus en la despesche du Seigneur de Chombert, l'on peult congnoistre ung passioné désir qu'ont ces Princes là d'allumer une forte guerre entre le Roy et le Roy d'Espaigne, et que leurs propoz, leurs offres et les partiz mis en avant ne tendent à aultre fin: dont je ne m'esmerveille pas, car les afections des hommes sont si despravées que les plus foibles ne pensent estre asseurés que par la guerre entre les plus grands, et ceulx qui sont en l'estat du Prince d'Orange et de ses frères ne sçauroint souhaicter mieulx pour advancer leurs affaires qu'une déclaration donnante hostilité entr ele Roy et celuy d'Espaigne, soit qu'ils poursuyvent leurs dessings par les armes, ou qu'ils veuillent entendre à partiz d'accord, s'ils leur sont offerts advantageux et honorables; car toutesfois et quantes qu'ils pourront monstrer, voyre seulement donner indice que le Roy prent leur querelle en main, ou les ayde secrettement de deniers, il ne fault doubter que le Roy d'Espaigne ne se rende plus placable et libéral en leur endroit, comme aussi fera-il pour pacifier les pays qui sont aujourd'huy troublez par les dits Princes et leurs adhérents. Il y a une aultre raison qui est commune à eulx et aux Princes d'Almaigne; c'est que, gaingnant ce point de vous faire déclarer ou bien de vous obliger à quelque contribution, ils penseroint avoir restabli les affaires de leur religion en ce Royaume au mesme estat qu'ils estoient par l'édict de l'an 1570, et que la police des Eglises (qu'ils appe loient), par laquelle leurs intelligences et practiques s'entretiennent avec les subjects du Roy, se remettroit en son entier. Car ilz estimeront que, si le | |
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Ga naar margenoot+Roy entre en quelque parti contre le Roy d'Espaigne, il ne reffusera pas à ses subjects les conditions qu'il leur avoit cy-devant accordées pour extindre le feu qui est en sa maison. Les Princes d'Almaigne ont tousjours tendu à ce but de fomenter leur religion en ce Royaume, et luy faire prendre tant de racines qu'il ne feust au povoir des hommes de l'en extirper; et croy, pour mon regard, que toutes les démonstrations d'amitié et de se vouloir unir avec V.M. qu'ils ont faictes, n'ont esté fondées principalement quc sur ceste intention. Aussi voit-on comme ils se rendent farouches et blasment toutes vos actions à cause de ce point là. Ne se fault doncques esbahir si, pour ce respect, ils désirent veoyr le Roy en guerre contre le Roy d'Espaigne, car ils seroint délivrés d'une continuelle défiance, en laquelle ils sont, que leurs M., se voyants persécuttées de leurs subjects et menassées d'aultres qui les favorisent, ne facent enfin quelque estroite ligue pour la conservation de leurs Estats, congnoissants bien iceulx Princes que, si ces deux grands Roys vivoint sans jalouzie l'ung de l'autre et se povoint ensemble maintenir avec sincère intelligence, ils mettront le frein aux aultres Potentats, qui les garderoit bien de mordre, ny entreprendre chose contre le repos de leurs Estats. Qui les meut encores à désirer ceste guerre est que, se délivrant des soupçons et défiances où ils sont, ils croytront de réputation et crédit envers l'ung et l'autre; ils seront recherchés, leurs gens de guerre seroint entretenuz, et leurs pays par ce moyen deschargés de vermine. En summe, ils estiment la guerre entre ces deux puissants Roys estre le repos, la grandeur et seureté d'eulx, et le moyen d'establir partout leur religion. | |
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Ga naar margenoot+Mais ainsi comme lesdits Princes, pour les susdits respects, vouldroient veoyr ces deux Roys embarqués, eulx, bien conseillés, s'en doyvent garder, comme de la chose du munde qui pourroit engendrer plus dangereux changement à leurs Estats. Je croy aussi que le Roy n'a point de voulunté d'y entrer, s'il n'y estoit contraint. Quant au Roy d'Espaigne, considérant son naturel et comme il s'est gouverné jusques à présent, je ne me sçaurois persulader qu'il commence; non que je l'attribue à bonne voulunté en nostre endroit, mais à sa providence du proffit ou dommage [qu'il n'yGa naar voetnoot1] en adviendroit. L'estat de ses affaires est tel, q'ores qu'il eust pacifié les troubles des Pays-Bas, et contenté le Prince d'Orange et ses frères, il n'a moings besoing de paix que le Roy pour asseurer et affermir ce qu'il auroit fait, ny ne doibt-on, sy ce semble, [fundant] sur ung propoz qu'on rapporte avoir esté tenu par le Duc d'Albe que le Roy avoit suscité à son maistre les troubles des Pays-Bas, dont il se ressentiroit bien tost, avec aultres menasses; car quant ainsi seroit que le Duc d'Albe l'auroit dit, voyre son maistre mesme, ce sont parolles, ou de collère, ou de braverie, qu'on ne ramène pas si facilement à effect comme on les pronunce; et si croy que, quand bien le Roy d'Espaigne auroit ceste opinion que le Roy eust favorisé ceulx qui ont esmeu les troubles des Pays-Bas, il aymeroit mieulx pour l'intérest de ses affaires dissimuler ce qu'il en penseroit, que d'entrer en guerre pour s'en ressentir. Pour ces causes je ne voy pas qu'on doyve craindre que le Roy d'Espaigne commence la guerre, ny que pour ce regard il se faille esmouvoir des discours qu'on fait en Al- | |
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Ga naar margenoot+maigne, qui sont le plus souvent artifices de ceulx qui veulent tousjours nourrir les défiances et inimitiées entre les plus grands Princes. Il y a ung point de plus grand dangier, c'est que, si les Princes d'Orange se voyent destitués de moyens de poursuyvre leur fortune par les armes, ilz accepteront les conditions qu'on leur a jà offertes pour composer leurs affaires, et ayant leurs forses prestes, ils les pourront jetter en ce Royaume. Pour obvier à cest inconvénient, l'on mect en avant que le Roy secourust soubz main les dits Princes de quelque somme de deniers par moys, pour entretenir la guerre à Pays-bas, que de leur part ils s'obligeassent de ne traitter de paix ny accord, sinon du vouloir et consentiment de S.M., et autlres pactions ue l'on adviseroit pour les tenir en bridde. Quant au danger sudit, ils est véritablement à craindre, pour le regard mesme du Conte Ludovic, homme prompt à tenter toute fortune, et qui a grande réputation entre ceulx de ce Royaume de la nouvelle opinion, estant pour ceste cause bien requis de pouvroir aux remeddes, ou pour obvier que cela n'adviene, ou pour y resister, s'il advenoit. Quant à contracter avec les dits Princes ou leur bailler argent soubz main, je doubte de beaucoup d'inconvénients, et qu'enfin l'on soit frustré du fruit que l'on en attendra, non sans perte de réputation. Premièrement je ne voy pas qu'on puisse rien faire si secrettement avec eulx, quant ores on ne mettroit par escrit les conditons, qu'il ne soit incontinent divulgué; le Roy d'Espaigne mesme le sçaura, et les dits Princes à l'adventure ne le voudroient pas aultrement, encores qu'ils vons dissent le | |
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Ga naar margenoot+contraire; car il fait pour eulxGa naar voetnoot1 que le Roy d'Espaigne congnoisse qu'ils sont appuycz et soustenuz du Roy; il fait pour leur crédit envers les subjects des villes et places qu'ils tienent en Hollande et aultres de leur intelligence, et leur donneront encore, soubz la fiance diung tel appuy, le semblable envers les reitres, qu'ils payent plus souvent de parolles que d'argent content. Si donc cela vient en évidence, le Roy d'Espaigne le prendra comme déclaration d'hostilité d'ayder ses subjects rebelles à luy faire la guerre, car il reppute les dits Princes comme subjects, et se pleindra que ce soit en une cause qui ne doibt estre moings odiense au Roy qu'à luy. Daventage quel fundement peult-on faire sur les promesses de gens qui n'ont jamais aymé le Roy ny son Estat? qui se sont joints à ses subjects, quant ilz luy ont fait la guerre, et encores aujourdhuy tiennent secrettes practiques avec eulx, de les venir secourir ou leur envoyer forses? Par le moyen desquelles intelligences la rebellion des dits subjects se nourrist et maintient comme l'on voit. Ainsi ne semble il qu'on se puisse fier des dits Princes, que les dits subjects n'eussent posé les armes et ne rendissent, avec les places qu'ilz ont occupées, l'obéissance qu'ilz doyvent au Roy. L'on mest en avant que ung grand Prince d'Almaigne respondra pour les dits Princes, et l'on respond que la garentie n'est pas suffisante pour faire entrer ung si sage Roy en si dangereux partis. Mais, présupposant que les dits Princes contractassent avec droitte intention d'observer ce qu'ils promettroint, on scet bien quelle fermeté l'on doibt estimer en semblables traictez, nous en avons assez d'exemples; les occa- | |
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Ga naar margenoot+sions seurvienent de jour en jour, lesquelles font naistre des différents entre ceulx qui sont ainsi réciprocquement obligez les ungs envers les aultres, et se persuade chacun se pouvoir avec juste cause despartir d'ung traitté quant il en a envye. Si l'on entent secourir les dits Princes de petitte somme, ils se sentiront peu obligez, et ne pourront avec peu faire grand exploit. De dire qu'ilz ont aultres moyens, cela est doubteux; car du costé d'Almaigne ilz ont jà tant employé leur crédit envers leurs parens, amys, et tous aultres, qu'ils n'en trouvent plus. Chacun est las et se sent si chargé d'eulx, qu'il ne demande qu'à rejecter le faiz sur aultres. Les villes de Hollande ont, comme l'on peult juger, tant despendu pour se défendre, se tenir [prouveursGa naar voetnoot1] de gens et toutes munitions, et oultre pour soudoyer les gens de guerre que lesdits Princes ont euz en campaigne, que vraysemblablement elles en sont espuysées; ainsi n'est-il à croyre qu'il leur reste grand moyen ny crédit pour soudoyer grandes forses, si les moyens leur défaillent, et que le Roy ne leur veuille ou ne puisse fournir à ce qu'il leur défauldra. Je ne doubte point qu'ils n'accommodent leurs affaires, si on leur offre parti, et si fault croyre qu'on le leur offrira; car enfin il n'y en a point de si obstinez qui ne se lassent de la guerre. Les choses succèdent ainsi; combien que tout le tort feust de leur costé, si se plaindront-ilz du Roy, et susciteront nouvelles querelles pour troubler davantage ce Royaume. Il a tousjours esté estimé dangereux à ung Roy de se fier ny rien entreprendre sur les promesses d'hommes redduits à la condition des dits Princes, car ilz veulent plustost veoyr renverser le munde | |
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Ga naar margenoot+san dessus dessoubz, que demeurer paisibles en basse fortune. Par les raisons susdites je craindrois qu'entrant avec lesdits Princes d'Orange au parti mis en avant, le Roy, au lieu de destourner de soy l'orage dont il doubte, ne mist ses affaires en plus grand dangier, qu'il ne s'envellopast en une guerre contre le Roy d'Espaigne, et que les aultres ne l'habandonnassent après l'avoir embarqué. Reste doncques à regarder par quelle aultre voye l'on pourra divertir l'orage, si lesdits Princes composent leurs affaires, et quelle response on fera au Conte Ludovic par celluy qui doibt retourner vers luy. Je suys bien d'advis de continuer en toutes démonstrations de bonne voulunté, par espécial envers ledit Conte, qui a jà reçeu du Roy plus de faveur et de privaulté que les aultres, duquel aussi l'on a plus à doubter pour sa nature ambitieuse et inquiète, pareillement à cause qu'il a plus d'intelligence avec ceulx de ce Royaume qui le troublent aujourdhuy. Mais il ne me semble pas que l'on doyve plus offrir d'intervenir envers le Roy d'Espaigne, car ilz congnoissent assez que pourroit l'intervention du Roy, comme a dit le Conte, et si croy que luy et ses frères useroient de tout aultre moyen plus tost que d'employer cestuy-là, ny ne voudroint qu'il eust si syncère confience entre leurs M. que le Roy d'Epaigne déferast à la prière que luy feroit le Roy pour eulx, ny estiment à l'adventure, coy qu'on leur dye, que S.M. voulust les veoyr en la bonne grace de leur maistre, comme ilz ont esté aultres foys. Quant à leur offrir de s'employer envers l'Empereur, il y auroit plus de couleur; toutesfois je doubte s'ilz se sentiront plus tenuz à vous de cest offre que du précédent, et croiront à l'adventure qu'il ne proceddera pas tant de voulunté | |
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Ga naar margenoot+d'accommoder leurs affaires que d'art pour servir aux vostres, et de crainte qu'ils ne vienent avec forses en ce Royaume secourir les Rebelles, dont ilz se pourront tenir plus haultains en nostre endroit, afin de rendre V.M. plus faciles d'accorder aus dits rebelles les conditions qu'ils demandent; car, par les propos que le Conte Ludovic a tenuz a Frégoze, l'on peult juger qu'il veult qu'on croye qu'ilz n'habbandonneront vos dits rebelles. Néantmoings, s'il plaist à V.M. qu'on face la dite offre, sera bon que celuy qu'elles renvoyront, touche ce point dextrement avec les aultres gracieuses démonstrations de bienveillance, et selon qu'il s'appercevera du conte qu'ilz en feront, il y pourra plus ou moings insister, tendent tousjours à persuader au Conte Ludovic que le Roy désire de veoyr les affaires de luy et ses frères accommodées selon leur intention; qu'à ceste fin le trouveront toujours disposé d'employer ses moyens; mais principalement asseurer le dit Conte que, quelque parti qu'il prene en ses dites affaires, le Roy l'aymera tousjours, et le luy fera congenoistre en ce qu'il vouldra requérir de la bonne grâce de S.M. Je ne sçay, si au cas que leurs affaires s'accommodent avec le Roy d'Espaigne, le dit Conte, qui a grand cueur, peu de biens, et se tiendra en Almaigne, comme il est vraysemblable, prendroit vouluntiers quelque honeste pension du Roy; chose que l'on ne doibt peult-estre espargner, si par ce moyen on le gardoit d'attenter à nostre préjudice, ny pareillement autres moyens de libéralité et d'amys, si par iceulx le dit Conte se peult divertirGa naar voetnoot1 de mal faire. - Quant à la responce particulière que l'on doibt faire sur les articles apportés par Frégoze, si le Roy est résolu de s'embarquer, | |
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Ga naar margenoot+semble que l'on doibt faire dire au Conte ce qui a esté cydessus touché, quelque parti qu'il prene, ou de continuer la guerre, ou d'accorder, S.M. le favorisera et aydera tousjours de ses bons moyens, se confiant aussi que le dit Conte luy correspondra de mesme voulunté; mais que le Roy ne le veult amuser de parolles ny rien promettre qu'il ne soit de ceste heure bien asseuré de povoir accomplir à jour nommé; que chacun scet les extresmes despenses que S.M. a continuellement supportées depuis sept ans, et qu'il a encores à présent sur les bras les grandes sommes qu'il doibt en Almaigne aux colonels et reitres, desquelles S.M. désire s'acquitter; que par ces causes elle ne pourroit pas secourir le dit Conte de ce qui luy seroit nécessaire et à terme préfix, comme requiert la guerre; car elle n'a les deniers contents, ny les marchans qui les peussent fournir. Que de petitte somme le dit Conte ne se pourroit guères prévaloir en affaires de telle importance que ceulx de la guerre, laquelle on ne finist pas quant on veult. Que de toutes ces choses S.M. [n'a] voulu franchement et syncèrement rendre le dit Conte capable plus tost que luy donner espérance dont il ne se trouvast après entièrement satisfait. L'on pourra dire qu'il n'est expédient de monstrer que le Roy soit pauvre, comme Frégoze par son discours m'en a touché quelque mot avec bien apparente raison. Je confesse qu'on le doibt le plus que l'on peult évitter, mais il y a moings de mal faire cognoistre aux amys que le reffuz qu'on leur fait vient de faulte de moyens et commodité, que de bonne voulunté; oultre qu'il ne semble à propoz de dire au Conte chose qui luy face penser que le Roy soit meu de crainte ou de respect d'amitié du dit Roy d'Espaigne. - La résolution queprendra | |
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Ga naar margenoot+le dit Conte en ceste négociation de Frégoze despend de deux points, l'ung du succez de leurs affaires avec le Roy d'Espaigne, l'aultre de l'yssue des vostres avec voz subjects de leur religion. Quant au premier, il veult que vous croyez qu'il ne tient qu'à eulx que leurs dites affaires ne sont accommodées à leur advantage: si est-ce une besongne qui ne se peult desmeller sans beaucoup de disputes et d'assembleés d'hommes depputés à ceste fin; car il n'est pas question des affaires des dits Princes seulement, mais des pays et villes qui leur ont adhéré, que les dits Princes ne peuvent avec leur honeur habbandonner, et n'est aussi à présumer qu'ilz le facent; or devant que les articles des demandes de toutes les pars soint accordés, qu'on ayt regardé aux seuretés, et que les difficultés soint résolues, il y a du temps pour ce. Je n'estime pas que cest accord, ores que toutes les parties le voulussent, puisse estre asseuré ny passé de deux moys. Il seroit difficile que ce pendant le dit Conte Ludovic intermistGa naar voetnoot1 le dit affaire, ny qu'il s'esloigna de ces lieux-là pour vacquer à aultre chose; car de là despend, se peult dire, la fortune de luy et de ses frères, et n'ignore pas à qui ilz ont à faire. Si Frégoze, quant il retournera, povoit pénétrer ès particulières conditions qui sont proposées pour venir à cest accord, ce seroit pour mieux esclaircir V.M. à se conduire, car selon le vent on change les veles.Ga naar voetnoot2 - Quant au second point, de l'yssue que prendront les affaires dedans ce Royaume, je ne veulx doubter que le dit Conte, ses frères, et les Princes d'Almaigne ne favorisent, de ce qu'ils pourront, voz rebelles, ou pour obtenir ce qu'ilz demanderont par composition gratieuse, ou se | |
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Ga naar margenoot+maintenir avec les armes. Si les villes assiégées, spécialement la Rochelle, peult [se] recouvrer de dans ce moys, l'on trouvera le dit Conte plus gracieulx et traittable; ny luy ou aultre ne s'ingéreront pas facilement à conduyre des reitres pour venir en ce Royaume. Aussi vos dits subjects en ce cas n'assembleront deniers, ny ne trouveront crédit pour payer ou respondre de la solde; et, comme vos voysins verront vos affaires prospérer, ilz se contiendront. Mais si au contraire, le dit Conte se rendra plus dur, et, s'il ne peult mal faire, si vouldra-il tenir V.M. en crainte pour les contraindre d'accorder ce que requièront les dits rebelles; les aultres Princes feront de mesme pour donner cueur ausdits rebelles et remuer toutes les mauvaises humeurs qui pevent troubler cest Estat. Oultre il y a dangier qu'il soit lors facile à vos dits subjects d'assembler quelque somme et trouver crédit pour lever une numbre de reitres soubz la conduitte d'ung chef, qui n'aura que perdre et ne craindra d'offenser, lesquelz on jettera dans ce Royaume, si V.M. ne leur ferment le passage, selon que naguères leur proposoit Monseigneur le Maréchal de Tavanes. Madame, lisant ce qu'a mis par escrit Frégoze de tous les propoz qu'on luy a tenuz en son voyage, spécialement le Seigneur de Chombert, j'ay congneu que sur ceste mort du Duc Jehan-Guillaume V.M. seront importunées de plusieurs endroits de prendre nouveaulx serviteurs en Almaigne, et chacun, pour vous persuader selon ses afections, scet bien prendre et colorer la qualité des personnes qu'il veult introduyre, mais je vous suplie très-humblement croyre que le plus grand mal qu'on pourroit faire pour le service de V.M. est de multiplier le numbre; et | |
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Ga naar margenoot+pleust à Dieu qu'il feust beaucoup moindre qu'il n'est; car vos malcontentements, les jalouzies et envyes de ces gens-là nuysent à la réputation du Roy et des ses affaires plus qu'on ne sçauroit dire. Ils ne se meuvent la pluspart d'honneur, de raison, ny de vérité qu'on leur puisse montrer; ilz n'ont devant les yeulx que leur avarice. V.M. scet à quelle somme revienent les pensions que le Roy donne aujourd'huy en Almaigne, sans comparaison excédentes celles du temps du Roy Françoys vostre beaupère; car, pour dix mille livres, il y en a maintenant cent mil; et si ne les fault plus appeler pensions, mais tribut. Car depuys qu'elles sont une fois accordées, quelque faulte de finances qu'aye le Roy, il les fault payer et coyGa naar voetnoot1 qu'on leur face, ne les peult-on jamais contenter. V.M. considérera, s'il luy plaist, que depuis deux ans le Roy a retenu le Conte Wolrats de Mantsfeld à grosse pension, et est sur le poinct d'avoir le Duc Jehan-Cazimir, qui est de mesme qualité qu'estoit le Duc Jehan-Guillaume et ne se contentera de guères moindre entretenement; pourtant seroit-il beaucoup meilleur contenter ceulx qu'on a jà retenuz, que de croistre le numbre d'aultres nouveaulx, et charger vos finances plus qu'elles ne pourront porter; mais je m'ingère trop avant, je le congnoys bien, et suplie V.M. me le pardonner. Madame, je prie Dien donner à V.M. très heureuse et très longue vie. De Bloys, le 11 d'avril 1573. Vostre très-humble et très-obéissant subject et serviteur, De Morvilliers. |
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