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† Lettre CDLV.
Philippe de Lannoy, Seigneur de Beauvois, à Monsieur de Manny, commandant de Reimerswale.
Monsieur de Manny, avant ce soir il n'ast esté possible vous envoyer ny pouldre ny mesche, je ne vous en laisseray en dangier d'icy en avant; je suis adverty que il y a plus de 150 et d'avantaige de saegs de greyn sur les Bourgeois, parquoy faictes faire recherse par tout. Je suis aussy d'advis que fassiés sortir tous bourgeois inutiles, femmes, et enfans, lesquelz se pourront retirer de la part qu'ilz vouldront. Je vous feray aussy assister du costé de la Goes. Mandés moy particulièrement quelle quantité vous avez de munitions, vivres, et personnes, et quel vous semble estre le lieu pour le pouvoir ayder à fortifier. Je vous envoye ung ciffre pour cest effect; au pirs aller
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Ga naar margenoot+vous vous pourez retirer [avecques] tout le monde, moy ennant quelques longues eschelles et planches, pour passer d'une part vers le pays de la Goes en Brabant, le plus profond du canal qui ne sera au basse eaue de la ceinture. Le Bailly et aultres de Reymerswale vous sauront bien l'enseigner, mais n'en faictes semblant jusques au besoing, à cause que je ne vous puis secourrir pour le tems contraire, avant que vos vivres s'achèvent. Il ferat lors tams de désloger sans trompette. Mais si une gellée survient, l'ennemy ne pourat là demourer. Cependant ne pouvant plus faire, ce n'est peu toutesfois d'amuser icy leur forces sur une Remerswal, à cause que une telle armée ne peult là estre sans grand despence, et je scay que argent et vivres ne est trop abondament entre eulx, et que leur estrangers vueillent estre payés et partir, parquoy faictes tout extrême, et vous y aurez honneurs. Toutesfois s'il venoit jusques là que je ne vous pusse ayder avant partir, je serois d'advis que vous fisiez briser l'artillerie et jecter les pièches en mer, aussy toutes les musquets, et sy trouvez bon par advis de voz officiers percer les dycques et mettre le feu par toutte la ville, à fin que le meschant trou ne soit cause de plus grande ruyne à tout le pays, vous le pourrez faire; cependant de jour à aultre mandez moy nouvelles, soit par la Goes ou Woensdrecht, et je feray le mesme, vous donnant [fince] la bon Seigneur, avecque mes affectueuses recommandations à tous les bons compagnons. De la teste de Berges, le 26 jour de novembre 1573.
Vostre meilleur amis à vous servir,
Philippe de Lannoy.
Monsieur de Manny, Chef de gens de guerre à Reymerswaele.
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Ga naar margenoot+Vers cette époque eurent lieu deux événements d'un intérêt majeur pour les Pays-Bas; l'arrivée de Réquesens, et l'entrevue de Blamont. Le premier étoit l'indice d'un changement de système; le second donna aux négociations avec la France un plus haut point de maturité. Avant d'en venir aux particularités communiquées dans la Lettre suivante par le Comte Louis de Nassau, il est indispensable de reprendre, plus ou moins, en sous-oeuvre ce qui précéda et prépara ces choses, afin de fixer l'attention sur quelques uns des nombreux renseignements contenus dans les pièces que nous publions à la fin du Volume.
La rigueur extrême du Duc d'Albe poussée jusqu'à l'atrocité, avoit complètement manqué le but. Il paroît que Philippe II étoit mal satisfait de lai; c'est du moins ce qu'affirme l'Ambassadeur de France: ‘le Roy a très bien compris que ses tyranniques déportements ont esté cause de mettre les Pays-Bas en compromis; mesmes l'on se plaint qu'il a voullu mener toutes les affaires contre le réglement que l'on luy en donnoit; comme il apert bien n'avoir voullu publier le pardon envoié de longtemps.’ A.n.o 31. En effet, les conséquences de la marche suivie étoient tellement fàcheuses que le Roi devoit s'en apperçevoir par lui-même; d'ailleurs beaucoup de personnes s'empressoient de les lui faire remarquer.
Le parti qui, dès le commencement des troubles, avoit désiré qu'on procédât avec douceur et clémence, parti puissant, dont Ruy-Gomez, Prince d'Eboli, étoit le chef, devoit acquérir de nouvelles forces et élever la voix avec plus de liberté: ‘le Duc,’ écrit Charles IX, ‘est combattu de la part contraire auprès de son maistre, qui n'est foible’: p. 33*.
Le Cardinal de Granvelle, dont l'influence, après avoir baissé quelque temps, paroissoit se rétablir, très attaché au Papisme, n'étoit du reste, ni ennemi des Privilèges, ni ami de la violence des Espagnols. Il désapprouvoit fortement le système adopté depuis six années. Ses Lettres confidentielles au Prévòt Moril- | |
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Ga naar margenoot+lon ne laissent aucun doute à cet égard. ‘Vous sçavez,’ lui écrit-il, par ex., le 13 août 1572, ‘si mes opinions ont esté sanguinaires ou doulces, et combien j'ay procuré le repos et seurté du pays, et en si long temps avez peu cognoistre mes entrailles, et si je suys ny ambitieux ny vindicatif, ou tel que ces malheureux me veuillent peindre........ Par ce que j'ay escrit à Péro Lopez vous aurez peu voir comme je chemine franc et rond, et quelle a tousjours esté mon opinion, tendant à douceur et à ce que les affaires se traictent par ceux du pays, et si je y prétends rien pour moy, quoy que die l'escrit; vous jurant que qui me donneroit le gouvernement, je ne l'acepteroye pour rien, et il y a longtemps que vous l'avez ainsi entendu de moy....’ (†MS. B. Mor. 8). Et en mars 1573: ‘Vous voyés que l'on renforce par delà, je diray plus que, à mon advis, il ne conviendroit; car ce n'est pas le vray chemin:’ A.n.o 38. L'Empereur, et les Princes Allemands souhaitoient de voir enfin un terme à tant de cruautés. Quant au Roi de France, il croyoit avoir à se plaindre du Duc sous plusieurs rapports: p. 24*, sq.
Le Duc d'Albe lui-même, abreuvé de dégoûts, avoit demandé sa démission: Bor, p. 473b. En Espagne on sembloit suspecter la sincérité de ce désir; qui se rattachoit peut-être à l'espoir de remettre le Gouvernement à son fils (A n.o 68); au moins St. Goard écrit: ‘L'on vealt tirer le Duc de là. Mais l'on ne sçait commen, jusques à ce que l'on ne voie à quoy [procédera] le Prince d'Orange, d'autant que l'on craint, introduisant nouveau Gouverneur, que l'ambition de cestuy-cy, et peur que autre fist mieux et que cela vint à sa honte et confusion, il y inventast nouveau embarrasz’: p. 27*.
L'envoi du Duc de Médina-Celi avoit été significatif. C'etoit un triomphe du parti conciliateur: ‘Rigomés fera tout ce qu'il pourra, premier que l'on retire le Duc de Médine, et que l'on y en laisse ung du party contraire, pour avoir esté luy seul cause qu'il y ait esté envoyé:’ p. 31*. Malheureusement le Duc de Médine étoit arrivé au moment même où tout dans les Pays-Bas étoit en feu; il ne s'agissoit pas de clémence; il falloit se défendre contre un soulévement à peu près général. Dans cette conjoncture le Duc
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Ga naar margenoot+d'Albe ne pouvoit, ou ne vouloit pas remettre le Gouvernement à son successeur; celui-ci, témoin de la position des affaires, critique et presque désespérée, recula peut-être devant une tàche qu'il ne croyoit plus pouvoir accomplir. Pent-être aussi qu'en Espagne, depuis que la Hollande et la Zélande étoient en armes, on sentoit le besoin d'un Chef plus en état, tout en proposant la paix, de pousser la guerre avec vigueur. Du moins d'après une lettre du Docteur Ehem, écrite le 15 nov., et où il rend compte d'une conversation qu'il a eue en Lorraine avec le Duc de Médine, il sembleroit que celui-ci, retournant en Espagne, auroit bien voulu rester, ou du moins rentrer dans les Pays-Bas. ‘... Der Hertzog von Medina Celi ist vor 14 tagen von Paris nach Hispanien verrückt; den ich sampt den von Schonbergk angesprochen, und wie er mich noch gekhant, liberrime mit im geredt, und hat sich offentlich, er und alles sein volck, vernemen lassen das sie dem Duca de Alba zuwider seindt, und alles böses von ihm auszgeben, wie sie sich dann vermercken lassen das erGa naar voetnoot(1) verhoff wider aus Hispanien in die Niderlände zu khommen. Er bringt ein articulirte clag über den Duca de Alba, so von den vornembsten Hispanischen kriegsvolck underzeichnet soll sein, allein Julian Romero nicht...’ (†MS. C.).
Le parti du Duc d'Albe, ne pouvant le soutenir, mit Don Juan d'Autriche et le Duc de Savoye en avant ‘pour y estre ung temps et y réduire toutes choses:’ A, n.o 35:mais le Roi crut trouver dans Don Louis de Zuniga y Réquesens, Grand Commandeur de Castille et Gouverneur de Milan, un personnage dont les talents militaires et l'humeur pacifique le rendoient éminemment propre à rétablir ce que les exécutions et les massacres avoient bouleversé. Il avoit beaucoup contribué au succès de la bataille de Lépante: en Lombardie il s'étoit distingué par une conduite prudente et ferme. Ses différends avec le Cardinal Borromée ne devoient pas lui nuire
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Ga naar margenoot+dans les Pays-Bas; bien qu'il soit difficile d'admettre ce que Languet semble insinuer: ‘Multi putant haec omnia astute simulari et Commendatorem ea ratione velle persuadere hominibus se esse minus addictum superstitioni Pontificiae, ut, si postea veniat in Inferiorem Germaniam, plus ei fidei habeant Gueusii, et ita possit eos facilius decipere.’ Epist. secr. I. 1. 205. Il avoit été question de l'envoyer pour être en aide à l'Archiduc Ernest, second fils de Maximilien II, p 35*; qu'on pensoit marier avec ‘l'ainée des Infantes et luy bailler les Pays-Bas,’ p. 39*: mais il est probable que ce plan convenoit beaucoup plus à l'Empereur qu'au Roi d'Espagne; peut-être même amusoit-on Maximilien par de belles paroles: A, p. 60, in f. Quoiqu'il en soit, Réquesens arriva seul.
Le nouveau Gouverneur trouvoit, il est vrai, beaucoup de choses, et surtout les finances, dans un déplorable état; Bor, 478b; mais par contre la position du Prince, malgré la victoire du 11 octobre, étoit très inquiétante: la Hollande, coupee en deux par l'occupation de Haerlem; Leide assiégé; les communications dans la Sud-Hollande interceptées, et les Espagnols songeant à enfermer le Prince dans la ville de Delft (l.l. et ci-dessus, p. 231 et 241, in f.). Il étoit fort à craindre que le bruit de la clémence dont devoit user Réquesens, n'ébranlât bien des résolutions sur lesquelles on pouvoit compter auparavant, et qu'en se fiant trop à de belles promesses, on n'oubliât le vrai moyen de les voir se réaliser.
Quelques semaines plus tard le Duc d'Albe partit.
‘Non valde triumphans tandem deserit Belginm.’ Lang. ad Sydn. p. 18. Les Pays-Bas étoient pacifiés à sa venue; une guerre, qui déjà coutoit cher à l'Espagne, les ravageoit à son départ. ‘Reperit omnia pacata....; deducit res in eum statum ut Pontifex ac Hispani non sint extra periculum ne totà regione excedant.’ l.l p 84. Sa mémoire est en exécration; à juste titre, bien que peut-être on n'ait pas assez fait la part des circonstances où il s'est trouvé. Viglius, nullement accoutumé à encenser le ponvoir, écrivoit quelques mois après son arrivée. ‘Ejus mansuetudinem ac prudentiam omnes venerantur; sed imperium ac rigorem metuunt
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Ga naar margenoot+cujusdam Vergasi.’ Ep. ad Hopp. p. 451. Le pensionnaire v.d. Spiegel, doué l'une grande impartialité de jugement, remarque: ‘Onze Schryvers verheffen Requesens verre boven Alva....; men moet nogthans in 't oog houden de verschillende omstandigheden.... Alva kwam in een tyd toen men aan het Hof van Spanje waande dat de Nederlanders door zachtheid bedorven waren, dat een voorbeeldige strafoefening de beroerten ligtelyk stillen zoude.... Requesens daerentegen, toen het Spaansche Hof van die maatregelen reeds vry wat terug gekomen was.’ Hist. v.d. Satisfactie van Goes, p. 206. Et M. Bilderdyk ne craint pas d'affirmer: ‘Men doet Alva te kort, wanneer men hem een wreedaart van inborst noemt. Hy was krygsman en had eens krygsmans hardvochtigheid in alles, en handelde uit beginsel van plicht, en deze plicht lei tot grond het militair gebied dat geen tegenspraak gedoogt.’ Hist. des Vad. VI. 166. Il se pent qu'il y ait dans cette observation de la vérité; et Strada (I. 456) dit aussi: ‘non minor in aula miles quam in acie,’ mais on mérite de terribles reproches, en transportant au milieu des affaires civiles le régime des champs de bataille, et en voulant soumettre des peuples, qui ont des droits et des libertés, à la discipline et à l'obéissance passive des camps. Viglius, ayant appris à le mieux connoître, avoit beaucoup changé d'opinion à son égard. ‘Illustrissimum Albae Ducem jam vobiscum esse arbitramur, qui rerum infoelicem successum forte in alios derivabit; sed, si moderatiora consilia secutus fuisset, pro eâ
quam obtinuerat auctoritate, regimen suum quam maxime commendabile efficere potuisset.’ Ep. ad Hopp. p. 802. Toutefois nous n'admettrons pas volontiers que, retournant en Espagne, il se soit glorifié d'avoir fait mettre à mort 18600 personnes: Bor, p. 474b. Peut-être a-t-il voulu faire entendre que, si les affaires, avoient pris une aussi mauvaise tournure, ce n'étoit pas faute d'avoir suffisamment obtempéré aux instructions reçues: mais il n'est pas croyable qu'il ait voulu se vanter de ces atrocités, d'autant moins que cela auroit eu lieu chez le Comte Louis de Königstein, oncle du Prince d'Orange, et qui paroît avoir plus ou moins favorisé la cause des Pays-Bas. Il est vrai qu'il n'a point éprouvé de remords, du moins le Père Louis de Grenade, son directeur, écrivant de Lis- | |
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Ga naar margenoot+bonne, le 14 déc. 1582, à la Duchesse les circonstances de la mort de son époux, ajoute: il craignoit beaucoup de commettre un péché mortel, ‘y esto no por temor de las penas del inferno, que nada le movian, sino por los beneficios que bavia recevido de nostro Senor, y por su bondad; loqual nunca se le caya de la boca; y porque algunos le tenian por demasiamente entero en las executiones de la justicia, me certifico muy de veras, que no le remordia la consciencia de haver en toda su vida derramado una sola gota de sangre contra su consciencia, y que quantos degollo en Flandes, era por ser herejes y rebelles...’ (†MS. B. Mém. de Granv. 32, p. 291). Il se peut que, malgré son excessive sévérité et
souvent aussi sa dissimulation et son manque de foi (voyez, par ex. Tom. III, p. 42, sq. et l'emprisonnement des Comtes d'Egmond et de Hornes), il y ait eu de la sincérité dans son mdignation en apprenant la St. Barthélemy: ‘Il ne vouldroit point avoir faict ung si meschant acte; il n'estoit point marry de ce qui estoit advenu à feu M. l'admiral, parcequ'il estoit ennemy capital de son Roy, mais aymeroit mieulx avoir perdu les deulx mains que l'avoir faict:’ p. 86*. Il semble avoir traité le Comte Louis à Mons avec de la générosité (voyez cependant p. 85* in f.; il se plaint infiniment, en 1572, qu'on lui impute d'être ‘cause que le Prince d'Orange n'est rentré en ses terres, suivant l'intercession que l'Empereur en a faicte par cy-devant,’ A.n.o 22; et il est assez difficile, en tel ou tel cas particulier, de savoir s'il a outrepassé ses instructions, ou s'il est resté même en deçà des ordres donnés: ‘Eenige meenen dat hy hier noch beleefder en goedertierlyker handelde dan syne instructie hem in Spangien gegeven, was medebrengende:’ Bor, 477b. Par ex., on lui a béaucoup reproché sa manière d'agir relativement au 10e denier; mais voici ce que le Roi lui écrit en février 1572. ‘Je veux bien vous dire, quant à ce que m'escripvez du 10e denier, que je suis fort esbahy du peu de diligence que vous avez faict allendroict de l'exécution d'iceluy pour en tirer ce qui est nécessaire pour l'entretenement des estatz d'illecq, et pourtant sera bien qu'on se baste asteure pour recouvrer le
temps que jusques à oires s'est perdu, ce que j'espère et tiens pour certain que ferez, et mesmes qu'avant l'arrivée de ceste
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Ga naar margenoot+tout sera jà effectué et achevé....’ (†Ga naar voetnoot1 MS. B. Lettres de Hopperus, I. p. 108). Ses talents militaires étoient du premier ordre (‘vir priscis haud dubie Imperatoribus militari scientia conferendus,’ Strada, I. 457); et il est glorieux pour le Prince d'Orange de s'être mesuré, non sans succès, contre un tel antagoniste. ‘Le Ducd'Alve,’ écrit St. Goard à Charles IX, ‘avoit perdu les Pays-Bas, sans le secours et bon ayde en l'exécution de l'admiral et ses adhérans:’ A.n.o 28. Sans la St. Barthélemy le Prince ‘estoit maistre du Duc d'Albe et eust capitulé à son plaisir:’ Tom. III. p. 505.
Venons en aux négociations avec Charles IX. Elles s'étoient rattachées dès le principe à la position des Pays-Bas et avoient eu des mouvements alternatifs, dont il est aisé de préciser les phases: 1o. Progrès et bonne harmonie jusqu'à la St. Barthélemy; 2o. refroidissement et presque rupture jusqu'au printemps de 1573; 3.o rapprochement jusqu'à la paix de la Rochelle; 4o. depuis lors réconciliation complète couronnée par l'entrevue de Blamont.
1. En 1571 on étoit sûr des bonnes dispositions de plusieurs Princes Protestants: A. no. 1-4. Même Languet écrit déjà en octobre 1570 à l'Electeur de Saxe ‘Caspar Schonbergius ad quem V. Cels. misit mihi literas, dicitur rediisse in Germaniam:’ Ep. secr. I. 1. 165. Il est à présumer que la chose fut commencée peu après la paix de St. Germain, et que nous devons reconnoître ici l'influence plus ou moins directe du Comte Louis de Nassau (Tom. III, p. 382, sq.).
En 1572 les démarches de Schonberg avoient eu déjà beaucoup de succès. Les Princes Protestants etoient assez disposés à s'appuyer sur la France contre la Maison d'Autriche; seulement ils évitoient de se compromettre dans leurs relations avec l'Empire; ils ne vouloient pas entendre parler de ligue, mais de correspondance, et les secours devoient être, non en hommes de guerre, mais en argent: p. 7* in f. et sq. - Il étoit question de secourir le Prince
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Ga naar margenoot+d'Orange et ‘d'entreprendre quelque chose à l'encontre des Pays-Bas:’ A.n.o 5. Pent-être même la Note, A.n.o 45, doit-elle être reportée à cette époque.
2. On en étoit là quand la St. Barthélemy survint. Les Princes Protestants reculent d'horreur: p. 19* in f., A.n.o 23, 29. Ils ne doutent pas que les négociations de Schonberg n'aient été un moyen de plus pour aitirer les Huguenots dans le piège et donner le change aux Protestants sur la politique de la Cour de France et sur ses sinistres desseins. ‘Ils se persuadent asseurément qu'on a voulu en ceste façon donner moyen au Duc d'Albe d'avoir plus aisément la raison du Prince d'Orange:’ A.n.o 17.
Ainsi que Charles IX (V. Raumer, hist. Br. I, 300), Catherine de Médicis exhorte Schonberg à faire entendre aux Princes que rien n'a été fait ‘en bayne de la nouvelle religion, ni pour son extirpation, mais seullement pour la pugnition de la conspiration que l'Amiral et ses complices avoient faicte:’ A.n.o 13. C'est ainsi que, Néron ayant fait mourir sa mère, on parloit de la conspiration d'AgrippineGa naar voetnoot(1). Coligny n'a pas démenti par ses actes ce que, le 5 juin 1569, il écrivoit dans son Testament. ‘Pour ce que je sçay que l'on m'a voulu taxer d'avoir voulu attenter aux personnes du Roy, de la Reyne, et Messeigneurs frères du Roy, je proteste devant Dieu que je n'en eu jamais envye ni voulunté;.... et pour aussi que l'on m'a voulu taxer d'ambition en la prise des armes... je faicts la même protestation que le seul zèle de la Religion me les a faict prendre, avecques ce que je craignois [pour] ma vie. Et fault que véritablement je confesse mon infirmité que la plus grande faute que j'ay toujours faite en cela, c'est que je n'ay pas assés ressenti les injustices et meurtres que l'on faisoit de mes frères, et qu'il a fallu que les dangiers et aguetsGa naar voetnoot1 que l'on faisoit sur moy, m'ayent
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Ga naar margenoot+avancé de faire ce que j'ay faict. Mais je dicts aussy devant Dieu que j'ay essayé par tous les moyens que j'ay peu, de pacifier toutes choses le plus longuement que j'ay peu, ne craignant rien tant que les troubles et guerres civilles’ (†MS. P.D. 81. Voyez aussi Tom. III, p. 284.).
Du reste ces piéces viennent à l'appui de nos idées sur les causes et la naturè de cet exécrable massacre; Tom III. 496; IV. 70, 109. Il est probable que les Guise nourrissoient depuis longtemps de semblables projets: beaucoup de personnes, voyant ‘tous les oyseaux en la cage, désiroient les prendre tous ensemble,’ A.n.o 15. Plusieurs même s'étonnoient qu'on différât si longtemps. Dans un Mémoire de D. Grappin publié à Besançon en 1789 on lit (p. 73): ‘Le Cardinal de Lorraine écrivit à Granvelle le massacre de la St. Barthélemy, qui devoit, disoit-il, le tenir en admiration. Granvelle répond de Naples, le 20 sept. 1572, qu'il étoit déja instruit de cette expédition, mais qu'il avoit été surpris qu'on l'eut différé si longtemps. Ce retard, disoit-il au Cardinal de Lorraine, sera une note pour vous et pour les vôtres. Lettres conservées à Bruxelles.’ Que Granvelle ait donné à entendre qu'il connoissoit le projet, ou qu'il ait simplement voulu dire qu'avant la réception de la lettre du Cardinal, il étoit instruit de l'événement, toujours est-il que les intentions et les espérances des zélés partisans de Rome ne sauroient être douteuses. Mais, et ceci est une question différente, quelles étoient les intentions de la Cour? Nous ne croyons pas que Catherine de Medicis et le Duc d'Anjou, dirigé par elle, aient attiré les Huguenots à Paris pour les y exterminer Leur irrésolution et le développement
rapide de leurs projets, peu de jours avant la catastrophe, nous semblent décrits avec vérité dans les Mémoires du Maréchal de Tavannes: ‘Catherine comme femme, veut et ne veut pas, change d'avis et rechange en un instant.’ Mém. 27, p. 221. ‘L'influence de Coligny augmente; brûle la Reine dehors et dedans, et tient conseil de se défaire de l'Amiral:’ l.l. 260. ‘L'accident de la blessure au lieu de mort, les menaces, forcent le conseil a la résolution de tuer tous les chefs:’ l.l. p. 267. Quant à Charles IX, on ne sauroit presque
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Ga naar margenoot+en douter, l'ordre fatal lui fut arraché par de fausses alarmes, qui le jetèrent dans une épouvante et une colère subites: ‘d'amis, les voilà ennemis du Roi;’ l.l. 260; et ne purent ‘le Roi, ni les conseillers, retenir les armes qu'ils avoient débridées:’ l.l. 273 En un mot, le Papisme, qui n'étoit guères difficile sur le choix des moyens, a désiré, préparé, exécuté, comme il a hautement approuvé le massacre; mais de la part de la famille Royale, tout au moins de la part du Roi, la St. Barthélemy ne semble pas avoir été un acte prémédité.
Au premier moment on dut le considérer comme tel. Les uns indignés, comme les Princes Protestants et l'Empereur, A.n.o 15, 25, les autres, comme St. Goard (voyez aussi V. Baumer, Hist. Br. I. 191 sqq.), admirant ‘la si grande patiance pour exécuter entreprise de telle conséquens:’ A.n.o 28. Jaloux de cequ'il appelle l'honneur de son maitre et désirant le soutenir même par des rapports mensengers, il fait insinuer au Roi d'Espagne que leurs Majestés étoient déjà depuis deux ans ‘disposées en l'exécution du faict advenu:’ A.n.o 32.
A ces suppositions, bien souvent reproduites, nous avons beauboup de témoignages à opposer. D'abord dans une correspondance très confidentielle, et où il n'y a pas lieu de croire qu'on ait voulu tromper ceux à qui l'on écrit, le Roi et sa mère, et spécialement aussi le Duc d'Anjou, A.n.o 30, non seulement font assurer en Allemagne, que ‘les choses sont advenues inopinément sans avoir esté enfaçon que ce soit préméditees;’ A.n.o 30; mais s'expriment de manière à donner à leurs agents la même idée. Aussi Vulcob espère-t-il, ‘que l'Empereur connoistra qu'il y a en ce faict plus de vérité que de vraisemblance:’ p. 13* in f.; Schonberg, qui ne péchoit point par une excessive crédulité, et d'ailleurs trop bien informé pour qu'on put lui cacher de tels secrets, considère les accusations de ruse et de tromperie comme de ‘meschantes calomnies’ et ‘les plus exécrables mensonges du monde:’ A.n.o 18; plus tard il s'étonne de la durée des préventions à ce sujet: A.n.o 57. Observons ensuite la manière dont l'événement fut
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Ga naar margenoot+jugé par ceux qui étoient en état de le considèrer avec calme. En Espagne plusieurs affirment que ‘ce avoit esté contre la volunté et sans le scen du Roy;’ A.n.o 12: le Duc d'Albe dit que c'est chose furieuse, légière et non pansée que ceste exécution;’ p. 24*: et Don Diégo, Ambassadeur en France, ‘a escript que l'exécution estoit advenue inopinément et par contrainete, ne pouvant moins:’ A. no 26. Enfin, et ceci paroît décisif, Charles IX écrit, en 1573, à St. Goard, à celui-là même qui avoit tant admiré sa prétendue dissimulation, qu'il avoit eu bien de la peine ‘à remédier aux artiffices des Ambassadeurs d'Espagne et du Pape en ces événements, ayant publié et voullu fère croire par le monde.... que ce que j'avoys faict, estoit avecques eulx rpémédité de longtemps. De faict leur persuasions ont esté receues pour sy fort vraysemblables, estant confortées d'allées et venues de ceulx [qu'ilz] ont envoyés vers moy, que sy la pure vérité n'eust de soy en assez de force pour surmonter son contraire, j'estime qu'ilz fussent parvenus au dessein de leurs intentions:’ p. 29*.
En outre, comment admettre que Charles IX ait longtemps médité un acte qui sembloit devoir renverser toutes ses espérances; l'élection en Pologne, le mariage d'Angleterre, l'abaissement de l'Espagne, et ce protectorat envers les Princes Protestants, sur lequel il avoit fondé de vastes desseins?
La famille Royale avoit fort à coeur l'affaire de Pologne. Henri lui-même n'étoit pas indifférent à une Couronne qu'il espéroit joindre un jour à celle de France; Cathérine vouloit voir ses fils Rois; Charles IX, d'accord en ceci avec le Duc d'Alençon, désiroit éloigner un frère très importun. ‘Mon fils’ écrit la Reine en annonçant au Duc d'Anjou son élection,... ‘je vous prie le bien reconoystre et toute la grandeur que Dieu vous [donne] que ayés dan le cueur de l'amployer pour son service et de vostre frère qui aystGa naar voetnoot1 si aseGa naar voetnoot2 de vostre bien que je ne l'ay jamés veu plus; yl ne [estreGa naar voetnoot3] plus si non que Dieu vous fase la grase de bien tost prendre la Rochelle et vous conserver comme le désire vostre bonne mère
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Ga naar margenoot+‘Caterine.’ La joie de Charles IX se peint tres naïvement. ‘Mon frère, Dien nous a fait la grasse que vous estes ellu Roy de Poulogne; j'en suis si ayse que je ne sçay que vous mender; je loue Dieu de bon coeur; pardonés moy, l'ayse me garde d'escrire, je ne sçay que dire, mon frère, je avons receu vostre lestre, je suis vostre bien bon frère et amy Charles.’ (MS. P.B. 8676). Mais pour succéder à Sigismond-Auguste (voyez p. 102, in f.) il falloit en 1572 ménager les Dissidents de Pologne et les Princes Protestants: A.n.o 7.
Les mêmes causes faisoient désirer ardemment le mariage du Duc d'Alençon. Singulier moyen de réussir que de massacrer les coreligionnaires de celle dont on brïgue la main, et de ceux qu'on juge avoir auprès d'elle le plus de crédit! Le Comte Louis tâchant eu 1573 de rendre Charles IX favorable aux Huguenots, écrivoit: ‘S.M. demeurant en sa résolution, le Comte ne voit pas qu'il y aye à propos que l'Electeur Palatin envoye vers la Royne d'Angleterre pour le parachévement du mariage du Duc et d'elle:’ p. 86*.
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Ga naar margenoot+connoit également les relations interessées de Henri II avec les Princes qui résistant à Charles-quint, avoient promis, en 1552, de s'employer à faire élire ce Monarque (l.l IV. p. 222). Les Rois de France envoyoient des secours aux Protestants; pour affoiblir l'Autriche, pour se procurer des alliés, mais sans doute aussi avec l'espoir de parvenir au plus haut rang de la Chrétienté. Charles IX cultivoit ces relations avec soin. Il avoit de nombreux pensionnaires: ‘les pensions que le Roy donne en Almaigne excèdent sans comparaison celles du temps du Roy Françoys; car, pour dix mille livres, il y en a maintenant cent mil:’ p. 69*. Il resserroit par tous moyens les noends de bonne intelligence et d'amitié, et il est prouvé maintenant que lui aussi, en s'insinuant auprès de la Confédération Germanique, avoit la même arrière-pensée; savoir d'en devenir un jour le Chef. - C'est-là la ‘certaine affaire’ que Schonberg ‘n'ose communiquer à la plumme:’ A.n.o 1. C'est la ‘l'espérance d'ung plus grand bien’ dont le Landgrave de Hesse fait mention ‘et que les ancestres de S.M. ont tant travaillé et souhaicté autres foix de vouloir et pouvoir gaigner:’ p. 6*. C'est là ce dont, selon Schonberg, ‘la seule noble couronne de France est digne en ce monde:’ p. 16*. - Peu avant la St. Barthélemy les espérances du Roi avoient été fortifiées par le Comte Louis: ‘Il dit au Roy qu'il espéroit ung jour luy voir la couronne
impérialle sur la teste. Cela ne venoit point de luy, mais de ceulx qui en ont l'authorité et la puissance:’ p. 84*. Mais quel étoit le motif pour lequel ils ‘faysoient leur compte de l'eslire Roy des Romains?’ Ils le voyoient ‘tellement résolu à la conservation de son Edict de pacification’ - Il faut donc s'écrier ici encore: eh, quoi! ayant de semblables espérances, Charles IX auroit pu, avec préméditation, les fouler aux pieds?
Tout semble donc prouver que, dans la politique de Charles IX, la St. Barthélemy fut une hors-d'oeuvre, une anomalie, un acte exceptionnel. C'est ce qui devient encore plus manifeste lorsqu'en fait attention à ses efforts pour en neutraliser les résultats, et au changement de conviction chez ceux-là mê- | |
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Ga naar margenoot+mes, qui d'abord n'avoient pas ajouté la moindre foi aux protestations du Roi et à celles de ses négociateurs.
Le 13 sept. la Reine-mère et le Duc d'Anjou écrivent à Schonberg: ‘Nous voulons estraindre la négociation plus que jamais;’ n.o 13 et 14. - De telles assurances trouvent promptement quelque crédit: ‘La dépêche de V.M. du 13 sept. nous a infiniment servi pour adoucir la volunté de l'Electeur de Saxe et les cueurs de ses Conseillers:’ n.o 22. ‘Le cueur des Princes sont bien changiés, mais j'espère que le temps et le sage advis de leurs M. raccommoderont touct:’ n.o 19.
Cependant, durant plusieurs mois, tout demeure interrompu.
3. En mars les pourparlers avec le Comte Louis recommencent. Ni lui, ni le Landgrave Guillaume, ne considèrement plus la St. Barthélemy comme un guet apens. ‘Le Landgrave juge bien plus sainement qu'il n'avoit faict par cy-devant; à quoi a beaucoup servi le tesmoignage du Conte Ludovicq, lequel (depuis que le Seigneur de Frégouse et moy l'avons bien combattu à Francofrt) diet estre asseuré par lettres et de bouche que ce n'a pas esté chose préméditee de V.M. ny party projectée avecques quelque autre Prince estrangiers.’ - Il s'agit de secourir le Prince d'Orange et de mettre la Hollande et la Zélande sous la subjection du Roi. Schonberg attache avec raison la plus haute importance à cette affaire: ‘le repos du royaulme, la seureté de l'Estat, la ruine du capital ennemi du Roy, la vengeance du tort qu'il faict à Monseigneur (le Duc d'Anjou), l'estroicte et fer me alliance des Princes d'Allemagne, la subversion de touts les desseins de la Maison d'Anstriche, et le comble de vos désirs est entre les mains de V.M.:’ A.n.o 43.
Schonberg et le Comte dressent les articles du Traité. Nous en avons trouvé à Paris la rédaction telle que le Comte l'envoya à son frère par sa lettre du 27 mars (p. 113). Quand on la compare, p. 44*, aux articles que le Prince mit en avant (p. 116 sqq.); on voit une grande différence. Dans ceux-ci il n'est plus parlé de subjection, mais de recevoir ‘le Roy pour protecteur et défenseur,
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Ga naar margenoot+etant gouvernez par Seigneurs et Gentilshommes du Pays-Bas.’ Il n'est plus question de contraindre le Prince à accomplir les conventions, et avant tout on exige que ‘le Roy face paix avec ses subjects et leur meite la religion libre.’
Les choses trainoient en longueur, surtout au gré du Comte, impatient de satisfaire aux appels réitérés du Prince d'Orange et de venir au secours de la malheureuse et héroique ville de Haerlem: ‘Il a commandé de me dire librement que les affaires du Pays-Bas sont en tel estat que, pour la longueur du Roy en sa négociation, on sera contrainct de prendre parti:’ n.o 60. Le 3 mai le Roi écrit qu'il a redépêché Frégose: A, n.o 54; mais la réponse ne fut pas satisfaisante. C'est après son retour qu'est écrite la remontrance du Comte Lonis, envoyée au Roi de France par le Sieur de Chastellier: n.o 62. Cette pièce, extrêmement remarquable, montre que le Comte, bien qu'il n'en eut pas fait mention expresse dans les articles susdits, avoit fait entendre que, si la paix n'étoit rétablie en France et l'Edit de Pacification remis en vigueur, il étoit inutile de négocier avec les Protestants étrangers. Le Roi se trouvoit offensé par cette conditio sine quâ non. ‘Par Frégose le Comte avoit entendu que S.M. voulloit le tout interpréter comme si on luy voulloit donner loy en son royaulme:’ p. 82*. Et en général il paroit que le Roi s'étoit abstenn de toute détermination positive, et que le Comte étoit fort mécontent de tant d'irrésolutions et de retards.
Toutefois ces hésitations s'expliquent assez aisément.
Certes l'offre du Comte n'étoit pas à dedaigner. Jaloux de l'Espagne, le Roi n'avoit rien épargné pour susciter et entretenir des troubles dans les Pays-Bas. Il ne redontoit rien autant que la paix entre Philippe II et ses sujets. St. Goard conseille au Roi d'Espagne ‘de n'entendre jamais à la paix aveques le Prince d'Orenge:’ A.n.o 21 ‘Le Roi d'Espagne,’ écrit Charles IX à Schonberg, cognoit clairement que, s'il pent une fois terminer les troubles, et me laisser seul en ceste dance, il aura loysir et moyen de si bien establir son auctorité, non seulement ès Pays-Bas, mais
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Ga naar margenoot+ailleurs qu'il se rendra plus grand et formidable qu'il n'a ‘poinct esté:’ p. 33*. - Il étoit d'autant plus préoccupé de cette idée qu'il lui venoit de plusieurs côtés des nouvelles sur la probabilité d'un accord. Le Roi d'Espagne y paroissoit disposé; p. 42* in f.; et on l'y engageoit de toutes parts: A.n.o 60. Le Comte Louis disoit ‘rondement que’ sans une prompte résolution, ‘il n'est en sa puissance d'empêcher le Prince son frère, ni les Estas de Hollande et Zélande qu'ils n'y entendent:’ p. 52*. D'ailleurs il étoit possible que Philippe II fit des concessions importantes à ses sujets, afin de persuader ‘les Princes à l'eslire Empereur’; on disoit qu'il avoit déjà fait connoìtre ses intentions à cet égard: A.n.o 34. - Partout Charles IX rencontroit le même rival: en Pologne Philippe II favorisoit l'Autriche; il vouloit ‘moyenner avec l'Empereur le mariage de la Reyne d'Angleterre et du Roy de Hongrie son fils;’ p. 39*, et accusoit le Roi de France auprès d'Elizabeth: A.n.o 60. Celui-ci s'appercevoit que les Espagnols ‘ne l'eussent seullement esloigné et distraict l'amytié de la Royne d'Angleterre, et des Princes et Cantons Protestans, mais ils se la fussent acquise et asseurée à son dommaige...’ p. 29*. On rapportoit des propos menaçants du Duc d'Albe; l'Espagne pouvoit attaquer la France du còté des Pays-Bas: p. 60*. - Puis on redoutoit le Comte Louis. Qui sait si, aussitôt que les
Pays-Bas seroient pacifiés, il n'iroit pas se joindre aux Huguenots? Ceci sembloit fort à craindre: p. 61*: c'est bien là ‘le dangereux orage qui pouvoit tomber sur les bras;’ p. 42*.
Mais par contre ce n'étoit pas chose de peu de conséquence de briser ouvertement avec l'Espagne. Ses forces étoient redoutables; son alliance point à dédaigner. Cette rupture sem loit surtout dangereuse, aussi longtemps que le parti Réformé seroit en armes; par elle on relevoit les espérances, on doubloit les forces des Huguenots. Schonberg écrit le 26 mai: ‘Je maudis du meilleur du cueur la très méchante et très malheureuse rebelle opiniastreté des Rochellois, tant elle me faict de maulx; et je pense bien que celle là est aussy cause qu'on ne se résould point de l'affaire du Conte Ludovicq:’ A n.o 61.
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Ga naar margenoot+4. La paix se conclat; tout change de face, et, comme en 1570, les menées contre l'Espagne reprennent leur cours. Immédiatement Charles IX se montre mieux disposé pour le Prince d'Orange, et dans un Mémoire au Comte Louis écrit à cette occasion, on engage celui-ci à remercier le Roi de la bonne ‘affection qu'il fait paroistre pour le bien des affaires des Pays-Bas:’ p. 164.
Depuis ce traité, bien que peu satisfaisant sous plusieurs rapports, les Princes Protestants d'Allemagne prétent de nouveau l'oreille aux propositions de Charles IX. Il y a des détails curieux à cet égard dans une lettre fort intéressante de Schonberg au Comte de Retz: n.o 71. ‘La paix nous sert infiniment’ p. 111*. ‘Je n'ay jamais esté veu de meilleur oeil’ à Heidelberg: p. 114*. Partout on se montre prêt à resserrer les liens que les derniers événements avoient presque brisés. L'Electeur Palatin et même le Landgrave, malgré sa répugnance, se disposent à recommander le Duc d'Alençon aux bonnes grâces d'Elizabeth: p. 116* in f., et sqq.
Le Comte Louis s'employe avec zéle aux intérêts de la France. C'est surtout aussi par son entremise qu'on remet l'élection d'un Roi des Romains sur le tapis. Dans sa lettre à S. Bing, confident du Landgrave, il est question, d'abord d'un Prince Protestant; ensuite de la Maison de Valois: mais la Cour de France se flattoit que la première alternative ne se réaliseroit point: on est tout asseurez, écrit Schonberg, ‘que les Princes s'accorderont aussi peu de prendre ung d'entre eulx, comme les Poulonnois se sont peu accordé à prendre ung Piaste:’ p. 110*. - Il n'est pas difficile de démêler les motifs du Comte: on devoit se défier de Charles IX, et certes il ne lui accordoit pas une confiance illimitée; mais Maximilien II avoit peu favorisé le Prince d'Orange; on craignoit, relativement an Papisme, les dispositions de la Maison de Habsbourg; il sembloit facile d'imposer à une Famille, étrangère en Allemagne, des conditions favorables à ceux par qui elle auroit obtenu le comble de ses désirs: on pouvoit même espérer l'abolition du reservatum Ecclesiasticum; et c'est apparemment ce qu'on doit entendre par le paroles du Comte écrivant que dans cette affaire il faut tâcher avant tout, non
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Ga naar margenoot+seculement de conserver, mais encore de propager la pure doctrine de la Parole Evangélique: p. 106*. Ces raisons, jointes au changement d'opinion sur la St. Barthélemy, expliquent comment un projet, qui avoit sans doute aussi des côtés dangereux pour l'Allemagne, a pu être si vivement goûté, précisément par des Princes qui mettoient en première ligne les intérêts de la religion: Le Conte Palatin et son fils désirent estre résolus, et ce le plus tost que faire ce pourra, des conditions que le sang de France veult que ses amys proposent: p. 110* in f.
De son côté la Cour de France semble ne plus hésiter. Schonberg remet cent mille écus au Comte, un pur don du Roi. Le Seigneur de Lumbres lui écrit: ‘Le Sieur Frégose me mande qu'il ne faict doubte que la promesse ne se garde et que, si elle est retardée, ce sera pour le peu de conte que les Princes Protestans et vous en faicte, comme sy elle ne fut aggréable:’ p. 198. Et Schonberg: si la chose ne réussit, ‘il ne tiendra doresnavant qu'à vous autres:’ p. 207. - St. Goard écrit au Roi: ‘Puisque le temps est que par négotiations ou praticques plus que par armes l'on achève de grandes entreprises, il fault que V.M., qui a l'une et l'autre en la main, par force et raisons se face Monarque du monde.’ p. 95*. Et en effet, Charles IX, réconcilié avec ses sujets, ne craint plus l'Espagne et croit pouvoir donner un libre cours à ses desseins.
Il semble vouloir rallier autour de soi tous les ennemis de l'Autriche et de l'Espagne. Ses négociateurs déployent la plus grande activité. Ils ne s'épargnent pas auprès des Princes Protestants. Réveiller, exciter les uns; encourager, soutenir les autres; former des relations nouvelles, se procurer partout des intelligences, méditer des surprises, faire des levées, tous les préparatifs d'une grande lutte sont à l'ordre du jonr.
On négocie secrètement avec l'Electeur de Cologne. La pension est déjà fixée qui devra payer le changement de sa politique: p. 150*, in f. et 279, in f.
Pour le moment l'affaire principale, l'affaire urgente est le secours que réclame le danger toujours croissant des Pays-Bas. On est disposé à aider le Prince d'Orange, de concert avec les Princes
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Ga naar margenoot+d'Allemagne, et à leur choix, soit ouvertement, soit en secret (p. 279); et c'est la Cour de France qui promet les sommes necessaires pour l'expédition que préparent le Comte Louis et le Duc Christophe, fils de l'Electeur Palatin: p. 96*.
Les choses en étoient là lors de l'entrevue de Blamont. Charles IX ne put y assister. Il étoit tombé malade ‘sur son chemin à Nancy’ Capefig. III, 308. Cette maladie devoit éveiller des soupçons: Mém. de l'Hist. de Fr. 48, p. 241, sqq. et ci après, p. 127*.
Non seulement le Roi, mais les divers partis qui divisoient sa Cour, si l'on except les Guise, favorisoient ou du moins sembloient tous favoriser le Comte Louis.
Il paroît que la Reine-mère eut des conférences avec lui: elle désiroit le détourner de la France en lui donnant de l'occupation ailleurs. D'après une déposition du Comte de Coconnas, ‘la Royne et le conseil secret craignans que le Comte Ludoviq et le Duc Christofle n'eussent quelque intelligence en France pour y amener leurs troupes, et par le moyen des Huguenots et politiques, faire quelque changement, ne trouvèrent meilleur expédient que de destourner ceste nuée loin de leurs têtes.’ Arch. Cur. 8, p. 135.
De Thou prétend en outre que Cathérine ne pouvoit se séparer de son fils, qui lui-même (surtout vû l'état maladif du Roi de France) n'étoit nullement pressé de se rendre en Pologne, et que n'osant pas irriter Charles IX qui avoit juré que, ou lui, ou son frère devoit partir, on songeoit sérieusement à mettre Henri à la tête de l'expéditìon des Pays-Bas. La Reine auroit fait traiter à ce sujet avec le Prince d'Orange et avec le Comte: Hist. p. 968, 973. ‘Negotium eo produxit ut conditiones utrimque perscriptae sint:’ p. 968. D'Aubigné dit également que le Duc d'Alençon prit la place de son frère au traité des Pays-Bas; II, l. 2, p. 112.
Céci est peu vraisemblable. Le Duc d'Anjou n'eut pas désiré laisser la Pologne à l'abandon ni surtout se brouiller entièrement avec l'Espagne; mais en outre ni en Allemagne, ni dans les
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Ga naar margenoot+Pays-Bas, on le désiroit pour Chef; lui préférant de beaucoup le Duc d'Alençon: p. 112. Il avoit, du moins il avoit eu beaucoup de bonnes qualités, ‘Je te veux dépeindre,’ écrit le Duc de Bouillon à son fils, ‘ce que le Duc d'Alençon estoit de son naturel lors, et par la suite de ce discours tu verras comme il estoit changé...; d'une stature moyenne, noir, le teint vif, les traits du visage beaux et fort aggréables, un esprit doux, et fort haïssant le mal et les mauvais, aimant la cause de la religion, la compréhension de ce qui tomboit sous ses sens fort bonne, d'une conversation familiére, ne luy paroissant aucune cholère.’ C'étoit sur lui que les Protestants fondoient leur espoir Il paroit que le Comte ne put l'entretenir en particulier: voyez p. 281. De Thou raconte qu'il vouloit lui donner le commandement de la guerre des Pays-Bas: ‘Cum eo Blamontii in arcano egerat et eum Bello Belgico ducem magis idoneum ratus, clam Reginà, consilia in occulto agitaverat:’ l.l. p. 977. On lit dans l'interrogatoire d'un serviteur et confident du Duc d'Alençon: ‘Le Comte Ludovic avoit promis de se venir joindre avec les troupes de France et semblablement le Duc Christofle..... Le Comte offrit son service à Monsieur le Duc, et les choses se passèrent en telle sorte que ledit sieur pensoit se retirer avec ce Comte et faire quelque chose de bon plus commodément puis après pour la pacification de France:’ Arch. Cur. 8, p. 133, 135. Apparemment ceci se passoit par personne tierce, pour ne pas éveiller les
soupçons de Catherine. Le Duc de Bouillon écrit: ‘A Blamont.... le Comte Ludovic fit parler à MonsieurGa naar voetnoot(1) l'asseurant de son affection, et qu'il espéroit bientost avoir une armée sur pied pour le servir; cela fut accepté et prit-on intelligence avec luy qui se debvoit entretenir par l'entremise de Monsieur de Thoré, avec lequel il avoit en communication avant la St. Barthélemy, lorsqu'il alla à l'entreprise de Mons’ (Mém. relatifs
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Ga naar margenoot+à l'Hist. de Fr. 48, p. 32, in f. et sq.). On prévoyoit la mort de Charles IX, et il s'agissoit, d'aprè, les intentions de plusieurs, d'asseurer la Couronne au Duc d'Alençon. Coconnas dépose qu'ayant dit au Comte, qui lui louoit ‘grandement la vertu de Monsieur le Duc, Que pensez vous faire? Cuidez vous venir à bout de la France et de l'Espagne en un coup?.... Que voudriez vous faire à ceste heure que n'avez ni villes, ni chefs?’ le Comte lui répondit qu'on n'avoit ‘point faute de chefs des plus grands et des principales villes:’ Arch. Cur. 8, p. 133. Et c'est à cela que se rapporte également la question: ‘Si Monsieur de Mande a pas dit à Monsieur le Duc que, puisque le Roy de Pologne estoit couronné Roy, il ne reviendroit plus, et que luy ne pouvoit faillir de l'estre?’ Ibid. p. 132.
Malheurensement pour le Comte Louis qui, avant toutes choses, vouloit délivrer les Pays-Bas, on s'apprêtoit déjà à remuer méange en France: p. 280. Les Huguenots et les politiques, parmi lesquels se trouvoit la puissante Maison des Montmorency, faisant cause commune, vouloient profiter, et sans délai, du départ de Henri, pour écarter la Reine-mère des affaires, et soumettre le Roi à l'influence de celui qu'ils prenoient pour chef.
Le Duc d'Alençon croyoit déjà tenir le gouvernement comme avoit son frère (p. 281); ‘vult habere easdem dignitates et praerogativas quas frater ante discessum habuit, quae sane fuerunt maximae: nam fuit locum tenens generalis Regis et Regia auctoritate ubique in Gallià imperabat: ita ut re ipsà videretur esse Rex; alter nomine tantum:’ Lang. Ep. secr. I, p. 222. Cathérine traversa ce dessein: ‘Metus incesserat Reginam ne Alençonius se injuriose spretum hactenus, dum Henricus frater in Gallia esset, in occulto conquestus,.... ope Navarri, Condaei, Momorantiorum, et Arturi Cossaei.... novos motus in Gallia sereret, et ipsam penitus a publicâ rerum administratione removeret;.... quod eventurum metuebat, id quasi jam factum Regi insusurrat, nt eum a fratre alienaret, et efficeret ut amplissimum id munus Carolo Lotharingiae Duci genero, sub quo rerum se potituram sperabat, a Rege deferretur.’ Thuanus, Hist. p. 971, in f. |
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er. Il se peut néanmoins que par cet er il faille entendre le Duc d'Albe.
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c. d' Agr. ‘Perfecto demum scelere magnitudo ejus intellecta est... Caesarem adulatio ad spem firmavit prehensantium manum gratantiumque quod discrimen improvisum et matris facinus evasisset.’ Tac. Ann. l. 14, c. 10.
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fit p. à M. C'est ainsi que nous avons corrigé d'après le MS. (P.D. 82). Dans l'imprimé on lit: ‘le Duc Christophle accompagné du Comte Louis, vinrent trouver le Roi de Pologne, l'asseurer, etc.’
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